COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 14 AVRIL 2023
N°2023/ 117
Rôle N° RG 19/11598 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BET2C
(+ RG 20/10476 joint)
[U] [N]
C/
SA GROUPE PIZZORNO ENVIRONNEMENT
Copie exécutoire délivrée
le :14/04/2023
à :
Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE
Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 25 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00003.
APPELANT
Monsieur [U] [N], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
SA GROUPE PIZZORNO ENVIRONNEMENT, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué pour plaidoirie par Me Virginie SAUVAT-BOURLAND, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle de REVEL, Conseiller.
M. Philippe SILVAN, Président de chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle DE REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon contrat à durée indéterminée du 17 juillet 2013, la SA Groupe Pizzorno Environnement, qui exerce une activité de collecte, traitement et valorisation des déchets, ainsi que de nettoiement et d’assainissement, a recruté M. [N] en qualité de responsable d’application
Le 5 octobre 2015, M. [N] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.
Par ordonnance sur requête du 14 mars 2016, le président du tribunal de grande instance de Draguignan a désigné un huissier de justice en vue d’effectuer toutes constatations utiles relatives aux méthodes utilisées par la SA Groupe Pizzorno Environnement pour le décompte des heures effectuées par les salariés. Il a été procédé à ces opérations au siège de la société le 19 avril 2016.
Le’2 janvier 2017, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Draguignan d’une contestation de son licenciement et d’une demande en rappel sur heures supplémentaires.
Par jugement mixte du 25 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Draguignan a’:
– débouté M. [N] de sa contestation de son licenciement,
– ordonné à M. [N] et à la SA Groupe Pizzorno Environnement de produire diverses pièces portant sur la demande de M. [N] en paiement de ses heures supplémentaires.
M. [N] a fait appel de ce jugement le 17 juillet 2019.
Par un second jugement du 29 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Draguignan a débouté M. [N] de sa demande en rappel sur heures supplémentaires.
M. [N] a fait appel de ce second jugement le 29 octobre 2020.
Selon conclusions du 7 janvier 2021, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. [N] a demandé de’:
infirmer le jugement rendu le 29 septembre 2020 par le Conseil de prud’hommes de Draguignan en ce qu’il l’a débouté de ses demandes et l’a condamné à payer à la SA Groupe Pizzorno Environnement une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Puis statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés’:
»Condamner la SA Groupe Pizzorno Environnement’:
– Au paiement des heures supplémentaires pour la période du 17 juillet 2013 au 5 janvier 2016′: 22.034,90’€ bruts et 2.203,49’€ bruts au titre des congés payés y afférents,
– Au paiement de la contrepartie obligatoire en repos’: 8.678,22’€ bruts et 878,82 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– A l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (6 mois)’: 19.992,54’€ nets,
– A la somme de 5.000’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la procédure d’appel,
– Aux entiers dépens en ce compris les frais engagés au titre de l’établissement du procès-verbal de constat fondé sur l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Draguignan sur pied de requête, à savoir’:
– 250,00’€ au titre des frais de postulation devant le TGI de Draguignan’;
– 1’255,72’€ au titre des honoraires de l’huissier de justice’;
– 240,00’€ au titre des honoraires du sapiteur’;
– A la rectification des bulletins de paie et documents sociaux.
»Débouter la SA Groupe Pizzorno Environnement de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La jonction des procédures a été ordonnée le 12 février 2021.
Selon ses conclusions du 11 octobre 2021, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. [N] demande de’:
»infirmer le jugement rendu le 25 juin 2019 par le conseil de prud’hommes de Draguignan en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse puis statuant sur ce seul point’:
»constater, au besoin dire et juger, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse’;
par conséquent’:
»Condamner la SA Groupe Pizzorno Environnement’:
– à des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse (8 mois)’:’26.656,72’€ nets,
– à la somme de 3.500’€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Selon ses conclusions du 26 janvier 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SA Groupe Pizzorno Environnement demande de’:
– confirmer le jugement entrepris’;
par conséquent’:
– débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes’;
– le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
y ajouter’;
– condamner le salarié à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 27 janvier 2023. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.
A l’audience de plaidoiries du 14 février 2023, la cour a indiqué aux parties que la condamnation à paiement qui pourrait être prononcée au profit de M. [N] au titre de la contrepartie obligatoire en repos en raison du dépassement du contingent annuel serait de nature indemnitaire et non salariale, ce qui excluerait en conséquence de l’assortir d’une condamnation au titre des congés payés.
SUR CE’:
sur les heures supplémentaires’:
moyens des parties’:
A l’appui de sa demande en rappel sur heures supplémentaires impayées, M. [N] se prévaut d’un décompte, semaine civile par semaine civile, des horaires qu’il a effectués au sein de la société depuis le 9 août 2013 jusqu’au 14 septembre 2015 et du relevé de ses heures d’entrée et de sortie entre juillet 2013 et septembre 2015 établi par l’huissier de justice désigné par l’ordonnance sur requête du 14 mars 2016
Il expose qu’il a réalisé, sur cette période, 787,92’heures supplémentaires impayées selon le détail suivant 157,50 heures en 2013, 421,99 heures en 2014 et 208,43 heures en 2015 dont il s’estime fondé à réclamer le paiement.
Il précise que la SA Groupe Pizzorno Environnement ne peut prétendre que les relevés d’heures exploités par l’huissier de justice ont été établis sous format Excel et sont donc modifiables puisque le constat d’huissier a été réalisé postérieurement à son départ effectif et qu’il était dans l’impossibilité matérielle de modifier le fichier avant la venue de l’huissier, que la SA Groupe Pizzorno Environnement ne démontre pas que son badge était utilisé par plusieurs personnes et que la SA Groupe Pizzorno Environnement, qui soutient avoir subi une cyberattaque affectant ses fichiers, n’a jamais produit le moindre élément quant au décompte de son temps de travail.
Il indique qu’en retenant que le temps de présence d’un salarié ne saurait en aucun cas être assimilé à du temps de travail effectif, le conseil de prud’hommes n’a pas été au bout de sa logique en n’exigeant pas que la SA Groupe Pizzorno Environnement rapporte la preuve qu’il passait du temps dans les locaux de l’entreprise à ne rien faire, qu’il n’a jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire sur ce fondement, que les incohérences des calculs durant les journées de formation relevées par le conseil de prud’hommes s’expliquent par la durée des formations ne duraient pas strictement 7 heures par journée et la nécessité, en fin de formation ou pendant la pause, traiter des problématiques urgentes de la journée.
Il sollicite en outre la condamnation de la SA Groupe Pizzorno Environnement à lui payer les sommes dues au titre de la contrepartie obligatoire en repos en raison du dépassement du contingent annuel, outre les congés payés afférents.
Il affirme enfin qu’un tel écart entre le temps de travail réellement effectué et le décompte du temps de travail payé ne pouvait être ignoré de la SA Groupe Pizzorno Environnement justifiant sa condamnation à paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
La SA Groupe Pizzorno Environnement s’oppose à la demande en rappel sur heures supplémentaires formées par M. [N] aux motifs que le fichier exploité par l’huissier de justice est au format excel, qu’il s’avère donc modifiable, que les données de ce fichier étaient renseignées manuellement, par trois personnes, entraînant un risque réel d’erreur, que les données issues du logiciel gérant les accès du personnel sur site ne sont pas pertinentes puisque les badges peuvent être utilisés par plusieurs personnes, que M. [N] pouvait sortir du bâtiment par les portes n’étant pas équipées d’un système de badge, qu’il ne démontre pas qu’il lui aurait été demandé d’effectuer des heures supplémentaires, qu’il ne s’est jamais plaint de sa charge de travail et n’a jamais informé son employeur de la nécessité pour lui d’effectuer des heures supplémentaires pour exercer sa mission contractuelle de manière régulière, que l’entreprise a subi une cyberattaque dans la nuit du 18 au 19 mars 2019 qui a altéré les différents systèmes informatiques d’exploitation de l’entreprise dont ceux relatifs à l’administration du personnel, la comptabilité, le stockage des données, etc. et l’a donc mis dans l’impossibilité de produire le moindre élément relatif au temps de travail de M. [N] et qu’il ne peut lui être reproché de ne pas produire le relevé des horaires d’arrivée et de départ de M. [N] dans la mesure où ce dernier était employé selon un horaire collectif et non un horaire individualisé nécessitant l’établissement d’un document faisant état du relevé des horaires d’arrivée et départ du salarié.
Elle conclut enfin au rejet de la demande de M. [N] au titre de l’indemnité pour travail dissimulé aux motifs que M. [N] a toujours été réglé de son salaire contractuel et n’a d’ailleurs jamais contesté la réalité de ce paiement et que tout caractère intentionnel dans l’attitude de l’employeur est nécessairement exclu.
Réponse de la cour:
L’article D. 3171-1 du code du travail prévoit que lorsque tous les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe travaillent selon le même horaire collectif, un horaire établi selon l’heure légale indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail et qu’aucun salarié ne peut être employé en dehors de cet horaire, sous réserve des dispositions des articles L. 3121-30, L. 3121-33, L. 3121-38 et L. 3121-39 relatives au contingent annuel d’heures supplémentaires, et des heures de dérogation permanente prévues par un décret pris en application de l’article L. 3121-67.
Il en résulte que, dès lors que les salariés d’un service travaillent selon le même horaire collectif, l’employeur n’est pas tenu d’établir, pour chaque salarié, les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
La SA Groupe Pizzorno Environnement verse aux débats une note interne du 22 décembre 2016, précisant que l’horaire collectif de travail de l’entreprise était fixé à 7 heures par jour et 35 heures par semaine. Il en ressort cependant que les salariés doivent prendre leur poste le matin entre 8 heures et 9 heures et cesser le travail entre 12 h et 12 h 30, qu’ils devaient prendre une pause déjeuner obligatoire de 1 h 30 et reprendre ensuite le service à partir de 13 h 30 et finir leur journée de travail à partir de 17 heures. Cette note précise enfin que chaque responsable de service fixera les horaires de travail de ses collaborateurs, dans le respect de ces plages horaires, après validation par sa hiérarchie.
Il en ressort en conséquence que les horaires de travail des salariés de la SA Groupe Pizzorno Environnement étaient fixés, service par service, dans le respect des plages horaires définies par la note du 22 décembre 2016. Il n’est pas justifié par la SA Groupe Pizzorno Environnement de la mise en place d’horaires collectifs de travail au sein du service informatique dans lequel M. [N] était employé. Dès lors, la SA Groupe Pizzorno Environnement ne peut prétendre qu’il était soumis à un horaire collectif de travail.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre’d’heures’de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des’heures’de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre’d’heures’de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux’heures’non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des’heures’de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence’d’heures’supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Dans le cadre de ses conclusions, M. [N] fournit à la cour un tableau détaillant, semaine par semaine, les heures supplémentaires dont il réclame le paiement et détaillant, de surcroît, le taux de majoration applicable.
Ce faisant, M. [N] présente des éléments suffisamment précis quant aux’heures’non rémunérées dont le paiement est réclamé permettant à son ex-employeur, chargé d’assurer le contrôle des’heures’de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
M. [N] produit en outre un procès-verbal de constat d’huissier du 19 avril 2016, dressé par Maître [F] [B], huissier de justice associé, relatant les opérations de saisie qu’il a effectuées au sein de la SA Groupe Pizzorno Environnement en exécution de l’ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Draguignan et comprenant le résultat de l’extraction des données de badgeage de M. [N] pour la période courant du 23 juillet 2013 au 30 septembre 2015.
La SA Groupe Pizzorno Environnement, qui soutient que ce tableau, sous format Excel, est modifiable ou peut être affecté d’erreurs dès lors qu’il est renseigné manuellement, ne fournit aucun élément de preuve au soutien d’une telle affirmation. De même, elle ne rapporte pas la preuve que M. [N] a prêté son badge d’accès au site à d’autres salariés. Enfin, l’attaque informatique dont la SA Groupe Pizzorno Environnement a été la victime a eu lieu en mars 2019, soit presque trois ans après les opérations de constat précitées et ne peut donc être invoquée par la SA Groupe Pizzorno Environnement pour contester la sincérité des données mentionnées dans ce tableau.
Les quelques courriels échangés avec M. [N], produits aux débats par M. [N], n’apparaissent pas suffisamment pertinents pour remettre en cause les données précitées dont il ressort, après leur retraitement pour en éliminer des incohérences tenant dans certaines saisies incomplètes, que, sur la période concernée par sa demande en rappel de salaires, M. [N] a réalisé pour le compte de la SA Groupe Pizzorno Environnement des heures supplémentaires impayées pour un montant de 16’297,37’euros.
Il est de principe que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
En l’espèce, il ressort de la fiche de fonctions de M. [N] et des courriels, qu’il avait notamment pour mission de garantir la performance des fonctionnalités des applications métiers relatives à la rémunération des salariés et qui, à ce titre, pouvait être amené, en urgence, à intervenir pour remédier à diverses défaillances de ces applications. Dès lors, les heures supplémentaires précitées ont été rendues nécessaires par les tâches confiées. M. [N] est en conséquence fondé à en solliciter le paiement.
L’article L.’3121-11 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, en vigueur jusqu’au 10 août 2016, prévoit que’:
Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu’une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.
A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.
La convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000 applicable à la relation de travail ne détermine pas le nombre d’heures supplémentaires ouvrant droit à une contrepartie obligatoire en repos.
L’article D.’3121-14-1 du code du travail, dans sa version issue du décret n°2008-1132 du 4 novembre 2008, prévoit que ce le contingent annuel d’heures supplémentaires prévu à l’article L. 3121-11 est fixé à deux cent vingt heures par salarié.
Il ressort des éléments précités que, pour l’année 2014, M. [N] a réalisé pour le compte de la SA Groupe Pizzorno Environnement 387 heures supplémentaires, soit 167’euros excédant le contingent annuel de 220 heures précité.
Il est principe que l’accomplissement d’heures supplémentaires au delà du contingent, ouvre droit au profit du salarié au paiement d’une indemnité au titre de la la perte des contreparties obligatoires en repos auxquelles ouvraient droit les heures supplémentaires accomplies. La nature indemnitaire d’une telle somme est exclusive de tous congés payés. Le préjudice subi par M. [N] sera indemnisé en lui allouant la somme de 3’600’euros de ce chef.
L’article L’8221-5 du code du travail énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur’:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche’;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie’;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L’8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L’8223-1, de la volonté chez l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.
Il a été retenu que la SA Groupe Pizzorno Environnement restait redevable envers M. [N] d’un solde sur heures supplémentaires. Cependant, il ressort du procès-verbal de constat du 19 avril 2016 que la SA Groupe Pizzorno Environnement avait mis en place un système d’enregistrement manuel des temps de badgeage de ses salariés. Dès lors, la preuve de la volonté chez l’employeur de se soustraire à ses obligations n’est pas rapportée. M. [N] ne peut donc prétendre au paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
sur le licenciement’:
moyens des parties’:
M. [N] conteste le bien fondé de son licenciement motivé par des défaillances répétées et successives dans l’exercice de ses fonctions et dans sa gestion managériale, des nuisances prononcées au travail de ses collègues et des manquements à ses obligations professionnelles aux motifs que la plupart des reproches formulés à son égard portent sur les programmes de paie (CCMX) et de GTA (gestion du temps et des absences’: HQ ou HoroQuartz) alors que ni le contrat de travail d’embauche ni ses objectifs annuels d’avril 2015 ne mentionnaient la gestion de ces programmes comme requérant une attention particulière, que son licenciement se fonde sur des faits prescrits puisqu’il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement le 15 septembre 2015 et que la SA Groupe Pizzorno Environnement s’appuie sur des faits remontant jusqu’au 19 juin 2015 et que sa charge de travail, dans le cadre de ses fonctions de responsable d’applications, sous l’autorité du directeur informatique, était trop importante pour lui permettre d’accomplir dans les meilleures conditions possibles l’ensemble de ses tâches.
La SA Groupe Pizzorno Environnement soutient qu’elle était fondée à procéder au licenciement de M. [N] en raison de ses défaillances répétées et successives dans l’exercice de ses fonctions et sa gestion managériale, de sa nuisance prononcée au travail de ses collègues de travail et de son manquement à ses obligations professionnelles.
Elle fait valoir que M. [N] avait pour mission de garantir la performance des fonctionnalités des applications mises en place afin d’assurer de bonnes conditions matérielles et techniques nécessaires à l’exercice du métier des utilisateurs et qu’il devait notamment étudier l’ensemble des incidents survenus afin de comprendre leur gravité et leur origine, d’identifier et d’apporter la solution technique appropriée pour résoudre les incidents liés aux différentes applications et logiciels et qu’il s’est avéré incapable d’accomplir cette mission correctement.
Elle invoque notamment des anomalies concernant les heures de délégation des représentants du personnel conduisant à ce que ces derniers perdent en rémunération, à cause d’un mauvais paramétrage d’un logiciel, des problèmes de paiement des primes panier, un retard dans la formalisation informatique d’un transfert de personnel et dans l’intégration au logiciel paie des augmentations de salaire votées par le gouvernement marocain pour les salariés travaillant au Maroc et des erreurs de paramétrage du travail de nuit et des jours fériés, mais aussi des primes de qualité.
Elle fait valoir que si M. [N] avait correctement exécuté sa mission, ces erreurs n’auraient pas dû survenir, qu’il n’intervenait pas rapidement à compter de leur signalement et qu’il réglait rarement les problèmes alors qu’il avait bénéficié de nombreuses formations sur le sujet, qu’il bénéficiait d’une expérience notable sur le sujet et notamment en matière de logiciels applicables à la matière de la gestion des ressources humaines et qu’il avait déjà été alerté sur ses carences par le prononcé d’une mise à pied.
Elle expose que le licenciement de M. [N] a été prononcé pour insuffisance professionnelle et que les motifs invoqués ne sont pas soumis à la prescription de deux mois, que M. [N], pendant la relation de travail, ne s’était jamais plaint d’une surcharge de travail et qu’il savait pertinement qu’il devait effectuer correctement ses fonctions pour l’ensemble des logiciels utilisés par la Société, ceux relatifs aux ressources humaines (RH) comme les autres, sans qu’il eut été nécessaire de lui mentionner de faire plus attention à certains logiciels que d’autres, étant rappelé que le demandeur bénéficiait d’une expérience notable en matière de logiciels RH.
Réponse de la cour’:
Aux termes des dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il ressort clairement des termes de la lettre de licenciement de M. [N] que la rupture du contrat de travail de ce dernier est motivée par son insuffisance professionnelle et non par un comportement fautif. M. [N] ne peut en conséquence prétendre que des faits retenus à l’appui de son licenciement sont prescrits, puisqu’antérieurs de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement à son égard.
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi.
En l’espèce, le 17 juillet 2013, M. [N] a été recruté par la SA Groupe Pizzorno Environnement en qualité de responsable d’application, statut cadre, rémunéré au coefficient 170 de la convention collective applicable. Il percevait lors de son embauche une salaire de base de 3230,77’euros, outre une prime de treizième mois et une prime sur objectifs.
Il était placé sous l’autorité du directeur informatique, au sein d’une équipe comprenant seize salariés et dirigeait trois techniciens applicatifs et base de données.
Selon sa fiche de fonction, il était chargé de garantir la performance des fonctionnalités des applications mises en place afin d’assurer de bonnes conditions matérielles et techniques nécessaires à l’exercice du métier des utilisateurs.
Il a bénéficié de diverses formations au sein de la SA Groupe Pizzorno Environnement selon le détail suivant’:
– logiciel Horoquartz en octobre 2013,
– administration et maintenance d’une base de donnée en décembre 2013,
– configuration et administration de Microsoft Sharepoint en janvier 2014,
– logiciel RHP Paie en mai 2014
– logiciel Yourcegid en septembre 2014.
Le 20 mars 2015, il a été sanctionné d’une mise à pied disciplinaire de trois jours, la SA Groupe Pizzorno Environnement lui reprochant des défaillances répétées et successives dans l’exercice de ses fonctions et dans sa gestion managériale et un manquement à ses obligations professionnelles. Elle lui a fait grief de son manque d’implication et de professionnalisme générant un fort mécontentement chez les collaborateurs en raison de l’absence de réalisation de différents paramétrages malgré les demandes ou de réalisations incorrectement réalisées obligeant le service informatique à les reprendre alors qu’il avait été sensibilisé sur le fait que le paramétrage de logiciel constituait une phase extrêmement importante présentant des enjeux organisationnels, sociaux, commerciaux, financiers, etc. qui ne devaient en aucun cas être pris à la légère au vu des conséquences qui pourraient en découler.
Cette sanction disciplinaire lui reproche ainsi la modification, sans respecter la procédure et sans motif valable, de la documentation afférente aux congés, un mauvais paramétrage des effectifs d’une société proval environnement, l’absence de résolution du paramétrage des effectifs nécessaires au calcul de la «’réduction Fillon’» pour l’année 2015, son intervention pour alimenter des données sans prévenir la contrôleuse de gestion social en charge de ce dossier, son retard dans le paramétrage d’un logiciel afin d’établir la déclaration sociale nominative, l’absence de paramétrage de la paye lors de certaines évolutions en paye.
Selon courrier en réponse du 8 avril 2015, M. [N] s’est engagé envers la SA Groupe Pizzorno Environnement à améliorer ses relations avec son équipe de travail, a préconisé la mise en place d’un schéma directeur informatique au sein de la société et a apporté divers éléments de réponse concernant les griefs retenus à son encontre par l’employeur.
Selon la lettre de licenciement qui a été adressée par la SA Groupe Pizzorno Environnement à M. [N] le 5 octobre 2015, l’employeur reproche à ce dernier des défaillances répétées et successives dans l’exercice de ses fonctions et dans sa gestion managériale, une nuisance prononcée au travail de ses collègues de travail et un manquement à ses obligations professionnelles.
Il en ressort que la SA Groupe Pizzorno Environnement a fait grief à M. [N], malgré de nombreux rappels à l’ordre et la mise à pied disciplinaire du 20 mars 2015, de graves dysfonctionnements qu’elle continue de déplorer ainsi qu’un manque de professionnalisme mettant en péril le bon fonctionnement du service administration du personnel et relève, de manière non exhaustive, les difficultés suivantes à compter du mois de juin 2015′:
– un défaut d’intervention suffisante concernant la prise en charge d’heures de délégation des salariés d’une société Zephire ainsi que le paiement de primes,
– un manque de réactivité et d’implication concernant le fonctionnement du logiciel Horoquartz,
– des erreurs commises concernant l’augmentation de salaire du personnel de la société travaillant au Maroc,
– des erreurs concernant le paramétrage du travail de nuit et les jours fériés ou le paiement de la prime qualité d’une salariée travaillant à temps partiel,
– un retard dans la mise en ‘uvre de la nouvelle version du logiciel Satellia,
– la complexification des tâches des personnels de la paye suite à ces interventions,
– la mauvaise gestion de son outil de suivi d’avancement de ses tâches.
Le seul courriel de M. [N] du 1er septembre 2015 n’apparait pas suffisant pour rapporter la preuve chez ce dernier d’un retard dans la mise en ‘uvre de la nouvelle version du logiciel Satellia,
En revanche, la SA Groupe Pizzorno Environnement verse aux débats divers courriels, les témoignages de Mme [Z] et de M. [S] ainsi qu’un procès-verbal de constat d’huissier du 15 septembre 2015 dont il ressort’:
– que malgré une demande d’intervention formulée auprès de M. [N] le 19 juin 2015, des difficultés rencontrées par le service du personnel dans l’utilisation du logiciel Zephire, de nature à entraîner des pertes sur rémunération au profit des salariés, n’étaient toujours pas résolues au 21 septembre 2015 (enregistrement des heures de délégation, paiement des primes panier ou des primes de nuit,’),
– que l’augmentation du SMIG adoptée par le gouvernement marocain, dont M. [N] avait été avisé le 2 juillet 2015, n’avait pas été traitée avec diligence par ce dernier afin de pouvoir l’intégrer en temps utile dans le salaires des employés des établissements du groupe situé au Maroc,
– qu’une difficulté affectant la nature des primes paniers pour la société Proval (de nuit ou de jour), signalée à M. [N] le 22 mai 2015, n’était pas résolue le 24 septembre 2015,
– que le logiciel Horoquartz, sur la base duquel étaient calculés les salaires de la SA Groupe Pizzorno Environnement ne fonctionnait pas normalement en ce qui concerne l’enregistrement des temps de douche ou d’habillage, le paiement de primes qualité ou encore la durée et le montant d’heures de délégation de salariés d’une société Zephire.
Il ressort de la fiche de poste de M. [N] qu’il entrait dans ses attributions d’identifier et d’apporter la solution technique appropriée pour résoudre les incidents liés aux différentes applications et logiciels et qu’il devait développer et mettre en ‘uvre la migration et l’évolution des applications métiers, dont le logiciel Horoquartz.
Il résulte de ce qui précède que M. [N] n’a pas été en mesure, à plusieurs reprises, d’apporter la solution appropriée aux incidents affectant les applications métiers de la SA Groupe Pizzorno Environnement destinées à calculer la rémunération de cette société et que ces manquements ont porté atteinte au bon fonctionnement des services en charge de la gestion des paies.
M. [N], tant dans le cadre de son entretien annuel d’évaluation du 1er avril 2015 que de sa réponse du 8 avril 2015 à la mise à pied disciplinaire dont il avait fait l’objet n’a pas invoqué l’existence d’une charge de travail ne lui permettant pas d’accomplir la totalité de ses fonctions dans de bonnes conditions. Par ailleurs, il ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à établir l’existence d’une telle surcharge de travail.
M. [N] n’a pas été en mesure d’exécuter de façon satisfaisante ses fonctions, justifiant ainsi son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Le jugement du 25 juin 2019, qui a débouté M. [N] de sa contestation de son licenciement, sera en conséquence confirmé.
sur le surplus des demandes’:
Il a été partiellement fait droit aux demandes de M. [N]. La SA Groupe Pizzorno Environnement, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et qui sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra lui payer la somme de 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les honoraires de constat de Maître [B] et du sapiteur qu’il s’est adjoint, qui n’ont pas la nature de dépens, dont la liste est limitativement énumérée par l’article 695 du code de procédure civile, ne peuvent en conséquence être inclus dans les dépens et ont été pris en compte pour apprécier la somme allouées à M. [N] au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS’;
LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement’;
DECLARE M. [N] recevable en son appel’;
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes De Draguignan du 25 juin 2019′;
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Draguignan du 29 septembre 2020 en ce qu’il a débouté M. [N] de sa demande en rappel sur heures supplémentaires, débouté M. [N] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos et l’a condamné à payer à la SA Groupe Pizzorno Environnement la somme de 2’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
LE CONFIRME pour le surplus’;
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation et y ajoutant’;
CONDAMNE la SA Groupe Pizzorno Environnement à payer à M. [N] les sommes suivantes’:
– 16’297,37’euros à titre de rappel sur heures supplémentaires’;
– 1,629,73’euros au titre des congés payés afférents’;
– 3’600’euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos’;
– 5’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes’;
CONDAMNE la SA Groupe Pizzorno Environnement aux dépens de première instance et d’appel et de la procédure d’ordonnance sur requête devant le président du tribunal de grande instance de Draguignan, à l’exception des honoraires de constat d’huissier et de ceux du sapiteur qu’il s’est adjoint.
Le Greffier Le Président
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