Droit du logiciel : 13 juin 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/02864

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Droit du logiciel : 13 juin 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/02864

PhD/ND

Numéro 23/2023

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 13/06/2023

Dossier : N° RG 22/02864 – N° Portalis DBVV-V-B7G-ILE6

Nature affaire :

Autres demandes relatives aux dirigeants du groupement

Affaire :

[C] [W]

S.A.R.L. SEE [N] [W]

C/

[L] [W]

[A] [W]

S.C.I. LES ECUREUILS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 13 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 04 Avril 2023, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [C] [W]

pris tant en son nom personnel qu’es qualité de co-gérant de la SCI les Ecureuils et de la SCI Domaine du Pouy

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 29] (64)

de nationalité française

[Adresse 31]

[Localité 13]

S.A.R.L. SEE [N] [W]

immatriculée au RCS de Dax sous le n° 349 533 398, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 33]

[Localité 32]

Représentés par Me Vincent LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU

Assistées de Me Hervé COLMET, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Madame [L] [W]

née le [Date naissance 7] 1962 à [Localité 23] (64)

de nationalité française

[Adresse 10]’

[Localité 12]

Représentée par Me François PIAULT, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Odile OBOEUF (SELAS FIDAL), avocat au barreau de DAX

Monsieur [A] [W]

né le [Date naissance 8] 1972 à [Localité 29] (64)

de nationalité française

[Adresse 14]

[Localité 23]

Représenté par Me Vincent TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de BAYONNE

S.C.I. LES ECUREUILS

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 35]

[Localité 11]

assignée

sur appel de la décision

en date du 04 OCTOBRE 2022

rendue par le PRESIDENT DU TJ DE DAX

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Depuis le décès de leur père, en date du 15 octobre 2017, le capital social de la SCI Les Ecureuils, dont le siège social est à Tarnos, est réparti entre :

– [C], [L] et [A] [W], chacun étant propriétaire de la nue-propriété de 66 parts sociales (soit 198 parts)

– l’indivision [W] (la fratrie), nue-propriétaire de 2 parts sociales

– la SARL Société d’exploitation établissements [N] [W], dirigée par M. [C] [W], (ci-après la SEE [W]), usufruitière temporaire pour une durée de 15 ans des 200 parts sociales.

Les frères et soeur sont co-gérants depuis le 30 octobre 2018.

Les trois enfants ont été associés de la SEE [W], gérée par leur père, puis par M. [C] [W], dont le siège social est à [Localité 32], et qui exploite notamment des carrières de sable.

La SCI Les Ecureuils a mis à la disposition de la SEE [W] des parcelles en nature de carrières minérales.

Courant 2020, Mme [L] [W], directrice administrative salariée de la SEE [W], a fait l’objet d’une reconnaissance de maladie professionnelle et a rompu son contrat de travail par le biais d’une rupture conventionnelle en date du 31 juillet 2020.  

Dans le cadre d’un protocole d’accord transactionnel du 8 décembre 2020, Mme [L] [W] a cédé ses parts sociales dans la SEE [W], le capital social restant détenu par ses deux frères.

Par ailleurs, Mme [L] [W] et M. [C] [W] sont associés, à parts égales, et co-gérants de la SCI Domaine du Pouy, dont le siège social est à Ondres.

Courant 2021, Mme [L] [W] s’est plainte d’être mise à l’écart de la vie sociale des deux SCI, ne disposant plus d’un accès numérique aux documents sociaux, n’obtenant pas de réponse aux questions posées le 21 septembre 2021 aux co-gérants, au titre de l’article 1855 du code civil, et ceux-ci s’étant opposés à la réalisation d’un état topographique des parcelles de la SCI Les Ecureuils exploitées par la SEE [W].

Suivant exploits du 13 juin 2022, Mme [L] [W] a fait assigner, par devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dax, au visa des articles 835 et 145 du code de procédure civile, la SCI Les Ecureuils, la SARL SEE [N] [W], M. [C] [W] et M. [A] [W], respectivement en leur qualité de co-gérants des sociétés mises en cause, et, le premier, de co-gérant de la SCI Domaine du Pouy, aux fins de communication forcée de [certains documents sociaux] et d’expertise topographique de [certaines parcelles] de SCI Les Ecureuils exploitées par la SEE [W].

Par ordonnance contradictoire du 4 octobre 2022, le juge des référés a :

– condamné in solidum [C] et [A] [W], en qualité de co-gérants de la SCI Les Ecureuils, à remettre sur support papier ou par voie dématérialisée les documents suivants sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir :

– le planning prévisionnel et les décomptes du temps du travail des salariés sur l’année 2021 et 2022,

– la comptabilité ainsi que l’ensemble des factures sur les 2 derniers exercices et de l’exercice en cours,

– l’ensemble des baux conclus par la SCI Les Ecureuils ainsi que les avenants tant en qualité de bailleur que de preneur et notamment :

– Société A2 PREVENTION

– ESPRIT MOTO, locaux sis [Adresse 9]

– [Localité 36] ENROBE : [Adresse 37]

– CEMEX GRANULATS SUD OUEST : [Adresse 30]

– Bail de terrain nu entre les consorts [M] et la SCI LES ECUREUILS

– Bail de sous-location entre CEMEX et la SCI LES ECUREUILS

– Bail ou mandat de gestion pour l’appartement lot [Adresse 19]

– Bail portant sur l’immeuble [Adresse 25]

– Bail consenti a la société d’exploitation [N] [W] pour les locaux [Adresse 33]

– les autorisations de mise à disposition des parcelles situées à [Localité 32] (carrière [K] ou [Z]) au profit de la société d’exploitation [N] [W]

– les codes d’accès au logiciel de comptabilité ainsi qu’à un serveur protégé où seront stockés tous les actes, courriers factures émis et reçus par la société SCI Les Ecureuils

– condamné M. [C] [W], en qualité de gérant de la SCI Domaine du Pouy, à remettre à Mme [L] [W] sur support papier ou par voie dématérialisée les documents suivants et ce sous astreinte de 50 euros par jours de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir :

– la comptabilité ainsi que l’ensemble des factures sur les 2 derniers exercices et de l’exercice en cours,

– l’ensemble des baux conclus par la SCI Domaine du Pouy

– les codes d’accès au logiciel de comptabilité ainsi qu’à un serveur protégé où seront stockés tous les actes, courriers, factures émis et reçus par la société SCI Domaine du Pouy

– condamné messieurs [A] et [C] [W] à répondre aux questions contenues dans le courrier du 21 septembre 2021 précisées ci-dessous et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir :

1 – Les écritures comptables ne font pas apparaître la vente de bois pour une valeur d’environ 5000 euros du terrain de [Localité 32] au bord de la RN810 à [Localité 32]. Pourquoi le prix de cession n’est pas comptabilisé ‘

2 – Quels sont les suivis des clients douteux et litige (zoo de [Localité 32], métiers du c’ur, et [U] [V] qui devait suivre son plan de surendettement établi par l’administration sociale sous peine d’annulation dudit plan)

3 – Sur le compte 708300, attente d’explication quant à l’OD du 31 décembre 2020 pour minorer le compte [Localité 36] ENROBE de 8400 euros.

4 – Comment sont comptabilisés les locations des biens ‘la PINEDE’ appartenant à la SCI LES ECUREUILS sur [Localité 32] ‘ (aucune trace dans les comptes)

5 – Paiement par la SCI LES ECUREUILS de facture de la SEE [N] [W] pour plus de 148.0006 : demande de justificatifs .

6- entretien empierrement 87000 euros : sur quels biens ‘

7- refacturation personnel administratif – copie bulletin de salaire originel nombre heure prix etc

8- A quoi correspond l’enregistrement comptable et fiscal du virement de plus de 323000 euros fait de la SCI LES ECUREUILS à la SARL [N] [W]

9- A quoi correspond le remboursement du prêt du 09/11/2020 sur la bnp pour un montant de 4215.75 euros ‘

10 -A quoi correspond le règlement de cemex de décembre 2020 d’un montant de 23900.54 euros ‘

11- Pourquoi les factures d’indexation contractuelle sur les baux dont Madame [W] a connaissance n’ont pas été établies ‘

– contrat augmente en décembre 2019 puis a réglé les anciens montants ‘ Où est la facture de l’intégralité la taxe foncière de 2020 ‘

– [H] : refacturation de l’intégralité de la taxe foncière de 2020 non réglée ‘

– kids planete le loyer de 4800 euros n’a pas été indexé en août 2020 tel que prévu sur le bail ‘

-Télé secours : aucun loyer n’a été indexé suivant différente date tel que prévu sur les baux ‘

– ordonné une mesure d’expertise, et commis pour y procéder : [D] [G], expert près la cour d’appel de Pau, avec pour mission de :

– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, ainsi que le cas échéant les rapports des examens techniques et des expertises déjà effectuées,

– se rendre sur sur les parcelles appartenant à la SCI LES ECUREUILS situées à [Adresse 33] et exploitées pour partie par la SE ETABLISSEMENTS [N] [W], à savoir [B] [K] et [B] [Z] ,

[B] [K] :

‘ De la parcelle B[Cadastre 6] au [Adresse 34] a [Localité 32]

‘ Section B n°[Cadastre 16] CANTON d’une contenance de 1874 m2

‘ Section B n°[Cadastre 17] CANTON d’une contenance de 8210 m2

‘ Section B n°[Cadastre 18]p BARRAT d’une contenance de 15240 m2

‘ Section B n°[Cadastre 24] CANTON d’une contenance de 1770 m2

‘ Section B n°[Cadastre 28]p LAMIAN d’une contenance de 9550 m2

‘ Section B n°[Cadastre 2] [K] d’une contenance de 337 m2

‘ Section B n°[Cadastre 3] [K] d’une contenance de 525 m2

‘ Section B n°[Cadastre 15] CANTON d’une contenance de 25a 90ca

Section B n°[Cadastre 4] [Adresse 33] d’une contenance de lha 03a 37ca Section B n°661

L AMI AN d’une contenance de 47 a 66ca

[B] [Z] :

‘ Section B [Cadastre 26]

‘ Section B [Cadastre 27]

‘ Section B [Cadastre 5]

‘ Section B [Cadastre 20]

‘ Section B [Cadastre 21]

‘ Section B [Cadastre 22]

– effectuer un relevé topographique des parcelles précitées appartenant à la SCI DES

ECUREUILS, autorisation donnée à l’expert-géomètre d’avoir recours à un drone pour survoler lesdites parcelles le cas échéant, et d’effectuer tout constat utile sur l’état des parcelles, et ce aux frais avancés de la SCI LES ECUREUILS,

– rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties,

– mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexées au rapport,

[…]

– fixé à 2000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que Mme [L] [W] devra consigner à la régie de ce tribunal dans le délai de 40 jours à compter de la date de la présente ordonnance,

[…].

– condamné in solidum messieurs [C] et [A] [W] à payer à Mme [L] [W] une indemnité de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.

*

Par déclaration faite au greffe de la cour le 20 octobre 2022, M. [C] [W] et la SARL SEE [N] [W] ont relevé appel de cette ordonnance.

Par ordonnance de référé du 12 janvier 2023, le premier président a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance entreprise.

La déclaration d’appel a été signifiée à la SCI Les Ecureuils à personne, laquelle n’a pas constitué avocat.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2023.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2023 par M. [C] [W] et la SEE [W] qui ont demandé à la cour de réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– débouter Mme [L] [W] de l’ensemble de ses demandes comme se heurtant à des contestations sérieuses rendant la cour statuant en référé incompétente pour en connaître

– débouter en tout état de cause Mme [L] [W] de son appel incident

– condamner Mme [L] [W] à leur payer, à chacun, une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 décembre 2022 par M. [A] [W] qui a demandé à la cour de réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– débouter Mme [L] [W] de l’ensemble de ses demandes comme se heurtant à des contestations sérieuses rendant la cour statuant en référé incompétente pour en connaître

– condamner Mme [L] [W] à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 décembre 2022 par Mme [L] [W] qui a demandé à la cour de :

– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions à l’exception de celle concernant la consignation de la provision due à l’expert judiciaire, et statuant à nouveau de ce seul chef, d’ordonner la consignation de la provision à la charge de la SCI Les Ecureuils

– débouter messieurs [C] et [A] [W] de leurs demandes

– condamner messieurs [C] et [A] [W] et la SEE [N] [W] à lui payer chacun, une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 – sur la communication des documents sociaux des deux SCI

M. [C] [W] fait grief à l’ordonnance entreprise d’avoir fait droit à la demande de Mme [L] [W] alors que cette demande se heurte à des contestations sérieuses :

– le droit de communication de l’article 1855 du code civil, invoqué par la requérante, concerne exclusivement l’associé non gérant, le gérant ne pouvant s’en prévaloir

– la SCI Domaine du Pouy n’a pas été mise en cause alors que la demande fondée sur l’article 1855 du code civil, doit être faite en présence de la société

– Mme [L] [W] a été invitée à se rendre au siège social de la SEE [W] où elle a entreposé les documents sociaux des SCI, les prétextes tirés d’une impossibilité de se déplacer étant inopérants alors qu’elle a pu se rendre à l’audience du juge des référés.

M. [A] [W], au titre de la SEE [W], s’associe aux moyens de l’appelant, ajoutant que :

– Mme [L] [W] ne peut se plaindre d’une situation qui est de son propre fait

– il n’existe pas d’impossibilité manifeste de prendre communication des documents sociaux au siège de la SEE [W], le certificat médical produit ne justifiant d’un tel empêchement

– nombre de pièces sollicitées sont antérieures à la co-gérance mise en place le 30 octobre 2018 alors que jusqu’à cette date sa soeur était seule gérante

– elle a refusé de restituer un ordinateur portable de la SEE [W], équipé du logiciel de comptabilité, qui lui servait pour les enregistrements des SCI familiales et la conservation des documents et archives, au moyen d’un logiciel de comptabilité

– la SCI Les Ecureuils ne dispose d’aucun outil informatique.

Mme [L] [W] fait valoir que :

– la mise en cause de la SCI Domaine du Pouy n’est pas nécessaire, la demande de communication des documents sociaux concernant exclusivement le co-gérant

– l’article 1855 n’opère aucune distinction, nonobstant l’article 48 du décret du 3 juillet 2018, de sorte que l’associé-gérant, empêché par ses co-gérants, est fondé à exercer le droit de communication prévu par ce texte

– elle est dans l’impossibilité d’exercer son droit de communication au siège social des SCI, l’un étant situé dans un local loué par un tiers, le second au domicile personnel de M. [C] [W]

– l’offre de consulter les documents au siège social de la SEE [W] n’est pas satisfaisante car sa pathologie, reconnue maladie professionnelle, lui interdit de revenir dans les locaux de cette société

– l’accès aux documents sociaux lui est nécessaire pour exercer ses fonctions de gérante et se défendre à l’action en révocation judiciaire engagée à son encontre par ses co-associés.

L’article 845 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Selon le second alinéa, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’urgence n’est pas une condition d’application des dispositions de l’article 845 du code de procédure civile.

Par ailleurs, la violation d’obligations contractuelles ou légales constitue également un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser.

En l’espèce, le premier juge a retenu que constituait un trouble manifestement illicite l’impossibilité pour la requérante d’obtenir la communication des documents sociaux en application de l’article 1855 du code civil.

1 – 1 – sur l’absence de mise en cause de la SCI Domaine du Pouy

L’appelant fait grief à l’ordonnance d’avoir jugé que la mise en cause de la société n’était pas nécessaire alors que ce moyen constitue une contestation sérieuse de la demande fondée sur l’article 1855 du code civil.

Mais, d’une part, en application de l’article 122 du code de procédure civile, le juge des référés doit trancher la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’une partie nécessaire au litige en référé, que cette contestation soit ou non sérieuse.

Et, d’autre part, la cour doit constater qu’elle n’est pas saisie, dans le dispositif des conclusions de l’appelant, d’une demande tendant à voir déclarer Mme [W] irrecevable en ses demandes.

Le moyen est donc sans objet.

1 – 2 – sur le trouble manifestement illicite

Il résulte des débats que les documents sociaux des SCI sont conservés et entreposés, non pas à leur siège social, mais dans les locaux occupés par la SEE [W], en vertu d’une ancienne décision collective prise par les associés des trois sociétés dans le souci de centraliser sur un seul site leur gestion administrative dont avait la charge Mme [W] jusqu’à son départ définitif de la SEE [W].

Il s’agissait donc d’une organisation ad hoc justifiée par les liens capitalistiques et opérationnels établis entre les trois associés.

Le départ de Mme [W] n’a pas pour effet de rendre illicite la présence de la documentation sociale des SCI dans les locaux de la SEE [W], Mme [W] démontre que cette organisation constitue une entrave à l’exercice de ses fonctions de co-gérantes dès lors qu’elle présente un état de santé, en lien avec la maladie professionnelle contractée sur son ancien lieu de travail, ne lui permettant pas, sauf à lui être préjudiciable, de revenir sur place, attesté par le certificat médical versé aux débats.

Si la comptabilité numérisée de l’exercice 2019 a pu lui être transmise par le canal de l’expert-comptable des SCI, elle se heurte à toute communication des documents sociaux par voie électronique ou courrier pour les exercices postérieurs.

Parallèlement, elle est convoquée à des assemblées générales d’approbation des comptes sociaux et fait l’objet d’une action en révocation judiciaire de son mandat social au sein de la SCI Les Ecureuils.

L’article 1848 du code civil précise que, dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société, et que, s’il y a plusieurs gérants, ils exercent séparément ces pouvoirs, sauf le droit qui appartient à chacun de s’opposer à une opération avant qu’elle ne soit conclue.

Les statuts des deux SCI reprennent ces dispositions légales.

Par conséquent, les co-gérants sont tenus, sous peine d’engager leur responsabilité, de contrôler la gestion des autres, et, le cas échéant, d’exercer leur droit d’opposition.

Dans tous les cas, la plénitude d’exercice du mandat social exige que le co-gérant dispose d’un accès permanent aux documents sociaux dont il doit pouvoir prendre librement connaissance.

Par ailleurs, l’article 1855 du code civil dispose que les associés ont le droit d’obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale, auxquelles il devra être répondu dans le délai d’un mois.

Ce texte fait incontestablement peser sur le gérant une obligation de mise à disposition des documents sociaux aux associés qui lui en font la demande.

Par nature ces dispositions ont vocation à bénéficier aux associés non-gérants, puisque les gérants ont un accès permanent aux documents sociaux.

Cependant, par leur portée générale, que ne peut limiter un décret, il n’est pas sérieusement contestable que l’associé-gérant qui est empêché d’accéder aux documents sociaux détenus par ces co-gérants, est également fondé à invoquer ces dispositions contre le co-gérant.

Et, l’article 48 du décret du 3 juillet 1978, pris en application de ce texte, a pour seul objet de préciser les modalités de consultation des documents sociaux par les associés non-gérants au siège social de la société.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que compte tenu de l’impossibilité actuelle pour Mme [W] de se rendre dans les locaux de la SEE [W] où sont conservés les documents sociaux des SCI en vertu d’une organisation dont la justification initiale a disparu après le départ de Mme [W], le refus de lui communiquer par tout moyen numérique, alors que la documentation est numérisée, ou support papier, les documents indispensables à l’exercice de ses fonctions de co-gérantes et de ses droits d’associés, constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée sur la communication des documents sociaux des deux SCI, à l’exception de la mesure concernant la fourniture des codes d’accès à un logiciel de comptabilité ainsi qu’à un serveur protégé de la SCI Les Ecureuils, l’existence contestée de ces codes n’étant pas établie, ainsi que du point de départ de l’astreinte qui sera fixée à compter du 15 ème jour suivant la signification du présent arrêt et dans la limite de 200 jours.

2 – sur le droit de poser des questions par écrit

Pour les mêmes motifs, Mme [W], entravée dans l’exercice de son mandat social et de ses droits d’associée, est incontestablement fondée à exercer le droit reconnu à tout associé de poser des questions au gérant prévu à l’article 1855 du code civil.

Constitue donc un trouble manifestement illicite le refus des cogérants de répondre aux questions posées dans la lettre en date du 20 septembre 2021.

L’ordonnance entreprise sera encore confirmée, sauf en ce qui concerne le point de départ de l’astreinte qui sera fixé à compter du 30 ème jour suivant la signification du présent arrêt et pendant 200 jours.

3 – sur la mesure d’expertise topographique

M. [C] [W] fait grief à l’ordonnance entreprise d’avoir fait droit à la demande d’expertise sollicitée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, alors que cette demande se heurte à :

– une contestation sérieuse tirée du protocole transactionnel du 8 décembre 2020 par lequel Mme [W] a renoncé à exercer tout recours, et que ne pouvait interpréter le juge des référés sans excéder ses pouvoirs

– une absence de motif légitime, la requérante ne justifiant de l’action dont elle disposerait au sein de la SCI Les Ecureuils une fois la réalisation de la mesure sur les parcelles exploitées par la SEE [W] alors que celle-ci détient l’intégralité de l’usufruit des parts sociales de la SCI, ce qui lui donne vocation à percevoir l’intégralité des dividendes distribués par l’assemblée générale.

M. [A] [W] s’associe aux moyens de son frère et ajoute que la SCI Les Ecureuils facture chaque mois une redevance pour l’exploitation du sable par la SEE [N] [W].

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Ni l’urgence, ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte, qui ne prévoit par ailleurs, aucun délai d’action.

En outre, ce texte n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé ; seule une action au fond qui serait manifestement vouée à l’échec serait de nature à priver tout intérêt légitime à une mesure d’instruction avant tout procès.

Enfin, il n’impose pas que le fondement et les limites d’une action future soient d’ores et déjà fixés mais que l’existence d’une situation litigieuse soit établie par des faits pertinents.

Concernant la contestation tirée de la chose transigée, le protocole transactionnel du 8 décembre 2020 stipule qu’il a pour objet de régler le différend résultant, d’une part, du rachat des participations de Mme [W] au sein des sociétés SEE [W] et [W] (sarl), et, d’autre part, des abandons de créances consentis par la SEE [W], la sarl [W] et la SCI Les Ecureuils aux sociétés Clos Landes et Piscines labennaises.

Et, que :

– Mme [W] déclare renoncer à tous recours contre les sociétés SEE [W], SCI Les Ecureuils […] relatifs, directement ou indirectement aux abandons de créances consentis par ces sociétés […] aux sociétés Clot Landes et Piscines labennaises

– chacune des parties déclare renoncer irrévocablement à tout recours ou action, pour quelque cause que ce soit, à l’encontre de l’autre partie relatif à l’objet de la transaction

– de réitération concomitante des engagements indiqués au sein des présentes, les soussignés renonceront expressément à exercer entre elles toutes réclamations ou actions de quelque nature que ce soit et notamment relatives aux faits et actes visés dans le protocole transactionnel.

– au regard de ce qui précède, chaque partie renonce à élever toute réclamation, à engager toute action, à faire valoir tout droit à quelque titre que ce soit en relation avec les différends mentionnés dans la présente transaction à l’encontre de chaque partie.

Il ressort de ces clauses claires, dénuées toute ambiguïté, que les clauses de non recours successivement réitérées, à effet redondant pour l’essentiel, sont limitées à l’objet de la transaction, conformément à l’article 2048 du code civil expressément rappelé in fine dans le protocole, et n’ont pas pour effet d’interdire aux parties d’exercer toute autre action présente ou future portant sur des faits non compris dans le protocole transactionnel.

En l’espèce, la demande d’expertise topographique est fondée sur constatation d’une demande d’enregistrement faite en mai 2021 par la SEE [W], au titre d’une installation classée sur le site de Jouanot à [Localité 32], visant à étendre la surface de la plate-forme de valorisation, à augmenter la puissance de broyage et à déplacer l’activité vers une autre parcelle.

Les photographies de Geoportail montrent également que sont exploitées des parcelles qui ne sont pas mentionnées sur une autorisation d’exploiter.

Par ailleurs, il ressort de la convention de fortage que, en contrepartie des droits d’extraction qui lui sont concédés, la SEE [W] s’est obligée à payer à la SCI Les Ecureuils une redevance fixe annuelle de 24.000 euros et une redevance proportionnelle aux matières extraites qui feront l’objet d’un avenant au contrat.

Les factures produites par les co-gérants ne concernent que la redevance fixe annuelle.

Il ressort des constatations qui précèdent que la demande de relevé topographique, au contradictoire de la SEE [W], exploitante des parcelles litigieuses, repose sur un motif légitime en vue d’établir et de conserver les preuves concernant l’identification et l’état d’exploitation des parcelles de la SCI Les Ecureuils, les conditions de leur mise à disposition et de leur exploitation, ainsi que l’exécution des contreparties financières qui en découlent, ces faits intéressant la gestion et la préservation du patrimoine social, et donc, toute éventuelle mise en jeu de la responsabilité des co-gérants de la SCI Les Ecureuils.

Et, la détention de l’usufruit, au demeurant temporaire, des parts sociales par l’exploitant des parcelles n’a aucune incidence sur la légimité et l’intérêt de la mesure qui intéresse le patrimoine social, tandis que la SEE [W] ne peut revendiquer un droit acquis à la distribution annuelle des dividendes.

Par conséquent, l’ordonnance entreprise sera également confirmée sur la mesure d’expertise judiciaire, y compris sur la consignation mise à la charge de la requérante.

L’ordonnance sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [C] [W] et M. [A] [W] seront condamnés in solidum à payer à Mme [L] [W] une indemnité complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [L] [W] sera déboutée de cette demande à l’égard de la SEE [W].

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise à l’exception de la remise des codes d’accès à un logiciel de comptabilité ainsi qu’à un serveur protégé de la SCI Les Ecureuils et du point de départ et de la durée des astreintes provisoires,

INFIRME l’ordonnance de ces seuls chefs,

et statuant à nouveau,

DEBOUTE Mme [L] [W] de sa demande de remise des codes d’accès à un logiciel de comptabilité ainsi qu’à un serveur protégé de la SCI Les Ecureuils,

DIT que les deux astreintes provisoires de 50 euros par jour de retard assortissant les injonctions de communication des documents sociaux courront à compter du 15 ème jour suivant la signification du présent arrêt et pendant 200 jours,

DIT que l’astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard assortissant l’injonction de répondre aux questions posées par Mme [L] [W] courra à compter du 30 ème jour suivant la signification du présent arrêt et pendant 200 jours,

CONDAMNE in solidum M. [C] [W] et M. [A] [W] aux dépens d’appel,

CONDAMNE in solidum M. [C] [W] et M. [A] [W] à payer à Mme [L] [W] une indemnité complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Mme [L] [W] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile à l’égard de la SEE [W].

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller, suite à l’empêchement de Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente

 


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