COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Rétention Administrative
CHAMBRE 1-11 RA
ORDONNANCE
DU 13 JUIN 2023
N° 2023/0845
Rôle N° RG 23/00845 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLNZQ
Copie conforme
délivrée le 13 Juin 2023 par courriel à :
-l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 10 Juin 2023 à 14h40.
APPELANT
Monsieur [B] [T]
né le 13 Décembre 1986 à [Localité 1]
de nationalité Tunisienne
non comparant, représenté par Me Vianney FOULON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE commis d’office
INTIME
Monsieur le préfet des ALPES MARITIMES
Représenté par Monsieur [M] [F]
MINISTÈRE PUBLIC :
Avisé et non représenté
DEBATS
L’affaire a été débattue en audience publique le 13 Juin 2023 devant Madame Laurence DEPARIS, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Michèle LELONG, Greffière
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2023 à 17h00
Signée par Madame Laurence DEPARIS, Conseillère et Mme Michèle LELONG, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 14 mai 2023 par le préfet des ALPES MARITIMES , notifié le même jour à 16h31 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 07 juin 2023 par le préfet des ALPES MARITIMES notifiée le même jour à 20h31;
Vu l’ordonnance du 10 Juin 2023 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [B] [T] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
Vu l’appel interjeté le 12 juin 2023 par Monsieur [B] [T] ;
Monsieur [B] [T] est non comparant.
Son avocat a été régulièrement entendu ; il conclut à l’irrecevabilité de la saisine du préfet en l’absence de mentions de la requête en contestation, de la mesure d’éloignement et de l’identité de l’auteur de la saisine sur le registre du centre de rétention. Il ajoute que le contrôle d’identité formé sur le fondement de l’article est nul, que la preuve de l’habilitation de l’agent ayant consulté le fichier SNBA n’est pas établie et que la durée du transfert entre son lieu de détention et le centre de rétention a été excessive.
Le représentant de la préfecture sollicite confirmation de la décision frappée d’appel. Il fait valoir que le contrôle a en fait été effectué sur le fondement de l’article 78-2 alinéa 8 du CPP, ajoute que la consultation du fichier est régulière et que le délai de transfert n’a pas été excessif.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.
Sur la recevabilité de la requête préfectorale :
Aux termes de l’article R. 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.
Cet article dispose qu’il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L’autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d’information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
En application de l’article 2 de l’annexe à l’arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l’article L. 553-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA), le registre et le traitement mentionnés à l’article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
– à l’étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l’accompagnant ;
– à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
– aux procédures juridictionnelles mises en ‘uvre au cours de la rétention ;
– à la fin de la rétention et à l’éloignement
Il est constant que toute requête en prolongation de la rétention administrative d’un étranger doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée d’une copie de ce registre. L’absence de production avec la requête du préfet d’une copie actualisée du registre permettant un contrôle de l’effectivité de l’exercice des droits reconnus à l’étranger au cours de la mesure de rétention est sanctionnée par l’irrecevabilité de la requête, cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l’invoque n’ait à justifier d’un grief.
En l’espèce, il résulte de la procédure que la copie du registre du CRA produite au soutien de la demande en prolongation de la mesure de rétention fait état de la mesure d’éloignement fondant la mesure de rétention sous la forme ‘OQT +IR notifiée le 14 mai 2023″ et que cette mention est parfaitement lisible contrairement à ce qui est soutenu ; par ailleurs, il est mentionné l’audience devant le JLD le 10 juin 2023 ; enfin, aucune disposition n’impose que soit mentionné le nom de l’auteur de la requête à laquelle est d’ailleurs jointe les pièces utiles et notamment le registre du centre de rétention.
Dès lors, au vu des éléments rappelés ci-dessus, la requête en prolongation de la mesure doit être déclarée recevable.
Sur la nullité du contrôle d’identité
Il résulte du procès-verbal en date du 7 juin 2023 à 10h10 établi par le major de police [W] à [Localité 2], que le contrôle d’identité était fondé sur l’article 78-2 alinéas 1 et 2 du code de procédure pénale. À l’issue de ce contrôle et au vu des déclarations de l’intéressé se déclarant être [T] [B], de nationalité tunisienne et dépourvu de documents d’identité, il a été placé en retenue aux fins de vérification de son droit au séjour.
Cet article dispose, en ses alinéa 1 et 2, que les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :
-qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
-ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
-ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ;
-ou qu’elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, d’une peine ou d’une mesure suivie par le juge de l’application des peines ;
-ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
Aucune réquisition n’existe en l’espèce et le second alinéa de cet article doit être écarté en l’espèce.
S’agissant du premier alinéa de l’article 78-2 précité, il est constant que le juge doit exercer un contrôle concret au regard de la situation de fait ayant justifié le contrôle d’identité. Une seule raison plausible permet de justifier le contrôle d’identité et il convient de caractériser l’indice apparent susceptible de permettre de soupçonner l’existence d’une infraction.
En l’espèce, les policiers indiquent avoir été requis par une personne désirant garder l’anonymat et affirmant avoir eu un différend avec une personne qui se serait exprimée de façon très agressive envers elle après que celui-ci a indiqué ne plus avoir de cigarettes.
Cette dénonciation anonyme, qui n’est corroborée par aucun autre élément ni confortée par aucune vérification auprès de l’individu ou sur les lieux, ne constitue pas une raison plausible de soupçonner qu’elle a commis ou a tenté de commettre une infraction permettant le contrôle d’identité sur le fondement de l’article 78-2 alinéas 1 et 2. Il convient de relever qu’aucune infraction n’est visée par les policiers ni reprochée à M. [T] qui est d’ailleurs placé immédiatement en retenue pour vérification de son droit au séjour ou à la circulation.
Enfin, aucun élément ne permet de modifier le fondement légal de ce contrôle d’identité et de lui substituer l’article 78-2 alinéa 8 du code de procédure pénale comme l’indique le représentant du préfet, alors que cette disposition n’est pas visée par les policiers et que le risque de trouble à l’ordre public n’est pas non plus caractérisé.
Au vu de ces éléments, il convient de constater que la régularité du contrôle n’est pas établie, que l’interpellation est nulle ainsi que la procédure qui s’ensuit et de lever la mesure de rétention qui a suivi la mesure de retenue.
Il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance entreprise sans statuer plus avant sur les autres moyens de droit soulevés.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Infirmons l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 10 Juin 2023.
Constatons la nullité de la procédure.
Disons n’y avoir lieu à prolongation de la mesure de rétention de Monsieur [B] [T] et mettons fin à cette mesure.
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
La greffière, La présidente,
Reçu copie et pris connaissance le
– Monsieur
– Interprète
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