Droit du logiciel : 13 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00878

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Droit du logiciel : 13 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00878

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°141/2023

N° RG 20/00878 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QOUF

M. [R] [B]

C/

SAS SOCIETE EXFO SOLUTIONS LIA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 AVRIL2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Janvier 2023 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [M], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Avril 2023 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 16 Mars 2023 puis au 30 Mars 2023

****

APPELANT :

Monsieur [R] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Lara BAKHOS de la SELEURL PAGES – BAKHOS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Anne LE ROY, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SAS SOCIETE EXFO SOLUTIONS agissant en la personne des ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Christophe GOURET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Astellia, devenue la SAS Exfo solutions, dont le siège social est situé à [Localité 4], est spécialisée dans la programmation informatique et emploie un effectif de plus de 10 salariés ( plus de 300).

M. [R] [B] a été embauché le 8 décembre 2010 par la société Astellia dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité d’Ingénieur Chargé de Support opérations, position 2.2 indice 130 de convention collective nationaledes bureaux d’études techiques dite Syntec. Il assurait alors de l’aide technique à distance aux installateurs se trouvant sur site.

A la suite d’une nouvelle organisation en septembre 2014, M. [B] a été affecté au service Support clients, chargé plus spécialement de les assister à résoudre des problématiques techniques en conditions opérationnelles.

Le dimanche 19 février 2017, le salarié a été hospitalisé pour des troubles anxieux réactionnels à la suite de l’entretien annuel d’évaluation du 17 février au cours duquel son supérieur hiérarchique a exprimé un avis défavorable sur son niveau de performance. Il s’est vu prescrire un arrêt de travail pour maladie entre le 20 février et le 26 février 2017.

Le salarié a repris son poste de travail le lundi 27 février 2017.

Deux jours plus tard, le 1er mars 2017, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 15 mars suivant.

Le 6 mars 2017, le salarié a bénéficié d’un arrêt de travail jusqu’au 15 mars 2017, prolongé jusqu’au 2 avril 2017.

Le 20 mars 2017, M. [B] s’est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle aux motifs que la qualité de son travail se serait détériorée et que la société aurait reçu plusieurs plaintes des clients.

Le 11 mai 2017, M. [B], par l’intermédiaire de son conseil, a contesté le motif de son licenciement, en réalité lié selon lui aux difficultés économiques de la société. Il a également remis en cause sa classification conventionnelle et la validité de son forfait jours.

M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 20 septembre 2017 afin de voir :

– Dire qu’il relevait d’une classification conventionnelle supérieure position 3.1 et obtenir les rappels de salaires et indemnités depuis le mois de mars 2014,

– Dire la convention de forfait jours inopposable, et obtenir le rappel des heures supplémentaires correspondant au titre des années 2014 à 2017,

– Condamner l’employeur au paiement d’heures de déplacement, de la contrepartie obligatoire en repos,

– Dire que l’employeur a manqué à son obligation de veiller à sa santé et lui verser des dommages et intérêts

– Dire son licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse et abusif et lui allouer une indemnité en réparation de son préjudice matériel et moral causé par la perte de l’emploi.

La SAS Exfo Solutions , venant aux droits de la société Astellia en septembre 2018,a conclu au rejet des demandes du salarié

Par jugement en date du 6 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Rennes a débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes, et l’a condamné aux dépens.

M. [B] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 4 février 2020.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 10 juin 2020, M. [B] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement.

Statuant à nouveau,

– Dire qu’étant soumis à un forfait jours, il relevait de la classification position 3.1 de la convention collective;

– Condamner la société Exfo solutions anciennement dénommée Astellia à lui payer:

– Rappels de salaire de mars 2014 jusqu’au 20 mars 2017 : 32 316,52 Euros

– Solde d’indemnité compensatrice de congés payés : 1 654,60 Euros

– Solde sur indemnité compensatrice de préavis : 2 644,56 Euros

– Solde d’indemnité de licenciement : 1 979,95 Euros

– Dire sa convention de forfait jours inopposable ;

– Condamner la société Exfo solutions anciennement dénommée Astellia à lui payer:

– Au titre de l’année 2014, au titre des heures supplémentaires à 25 % : 4 998,29 Euros et les congés payés afférents : 499,83 Euros

– Heures supplémentaires à 50 % : 1 584,18 Euros et les congés payés afférents 158,42 Euros

– Au titre de l’année 2015, heures supplémentaires à 25 % : 2 536,04 Euros et les congés payés afférents 253,60 Euros

– Au titre de l’année 2016, heures supplémentaires a 25 % : 4 623,23 Euros et les congés payés afférents 462,32 Euros

– Heures supplémentaires à 50 % : 91,40 Euros et les congés payés afférents 9,14 Euros

– Au titre de l’année 20l7, heures supplémentaires à 25 % : 580,87 Euros et les congés payés afférents 58,08 Euros

– Heures supplémentaires à 50 % : 57,68 Euros et et les congés payés afférents 5,77 Euros

Subsidiairement:

– Au titre de l’année 2014, au titre des heures supplémentaires à 25 % : 3 924,80 Euros et et les congés payés afférents 392,48 Euros

– Heures supplémentaires à 50 % : 1 243,71 Euros et les congés payés afférents 124,37 Euros

– Au titre de l’année 2015, au titre des heures supplémentaires à 25 % : 1 991,37 Euros et les congés payés afférents 199,13 Euros

– Au titre de l’année 2016, au titre des heures supplémentaires à 25 % : 3 630,30 Euros et les congés payés afférents 363,03 Euros

– Heures supplémentaires à 50 % : 71,75 Euros et les congés payés afférents 7,18 Euros

– Au titre de l’année 2017, au titre des heures supplémentaires à 25 % : 456,11 Euros et les congés payés afférents 45,61 Euros

– Heures supplémentaires à 50 % : 45,28 Euros et les congés payés afférents 4,53 Euros

– Condamner la société Exfo solutions anciennement dénommée Astellia à lui payer:

– 487,44 Euros au titre des heures de déplacement, outre 48,74 euros de congés payés afférents ou subsidiairement, 382,68 Euros, outre 38,287 euros de congés payés afférents ;

– 902,30 Euros ou subsidiairement la somme de 708,38 Euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos de l’année 2014 :

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de veiller à la santé ;

– Dire le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse et abusif

– Condamner la société Exfo solutions anciennement dénommée Astellia à lui payer la somme de 41 000 euros pour réparer le préjudice matériel et moral causé par la perte de l’emploi ;

– Ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard des bulletins de salaires, du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

– Se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte ;

– Condamner la société Exfo solutions anciennement dénommée Astellia au paiement de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d’exécution.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 31 août 2020, la SAS Exfo solutions anciennement dénommée société Astellia, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes,

À titre subsidiaire :

– Débouter M. [B] de sa demande d’indemnisation au titre des heures supplémentaires.

– Réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts sollicités à la somme de 18 000 euros (6 derniers mois de salaire brut),

– Rejeter la demande de M. [B] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [B] au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

En tout état de cause, statuer ce que de droit quant aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 13 décembre 2022 avec fixation de l’affaire à l’audience du 10 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaires au titre de la reclassification conventionnelle

M. [B] réclame un rappel de salaires de 32 316,52 euros sur la base d’une reclassification conventionnelle en position 3.1 coefficient 170, demande dont il a été débouté, pour la période non prescrite de mars 2014 à mars 2017. Bénéficiant de la classification conventionnelle au niveau 2.2 avec l’indice 130 de la convention collective nationale des Bureaux d’Etudes techniques, le salarié revendique un positionnement au niveau 3.1 coefficient 170, au motif qu’il occupait un emploi de cadre de haute technicité et disposait d’une réelle autonomie dans l’organisation de son travail, tel que défini dans l’accord RTT du 22 avril 2010 relatif aux cadres soumis au forfait annuel.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle supérieure dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure dans le cadre de ses fonctions, des tâches et des responsabilités relevant de la classification revendiquée.

La classification des cadres et ingénieurs de la convention collective nationale dite Syntec dispose que relèvent :

– de la position 2.1, les ingénieurs ou cadres ayant au moins 2 ans de pratique de la profession,

dont les qualités intellectuelles et humaines leur permettent de se mettre rapidement au courant des

travaux d’études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents

de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux dans les

corps d’état étudiés par le bureau d’études. Les coefficients 105 et 115 sont fixés en fonction de leur âge ,

de moins de 26 ans ou de 26 ans au moins.

– de la position 2.2, les ingénieurs ou cadres remplissant les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d’instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des

responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions ; étudient des projets

courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d’études ou de recherches,

mais sans fonction de commandement. Le coefficient 130 leur est accordé.

– de la position 2.3. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en

pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils

doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les

employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche. Ils bénéficient d’un coefficient de 150.

– de la position 3.1, les ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service

et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en ‘uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef. Le coefficient 170 leur est octroyé.

M.[B] se borne à soutenir que, soumis à un forfait annuel en jours, il disposait d’un degré d’autonomie reconnu lui permettant de revendiquer une classification au niveau supérieur (3.1). Si des anciens collègues, comme M. [Y] ayant occupé des fonctions de chef de projets ( 2010-2017) et M. [D], ancien ingénieur système niveau 3 ( 2016-2018) témoignent de l’implication et de la montée en compétence de M.[B] lors du déploiement d’un nouveau produit NRO particulièrement durant l’année 2016, les pièces produites par le salarié ne permettent pas d’établir qu’occupant un poste d’Ingénieur Support Client de niveau 2, il remplissait des missions confiées à un ingénieur ‘disposant de connaissances pratiques étendues ‘et relevant de la position 3.1 figurant dans la grille des classifications conventionnelles. Les entretiens annuels, antérieurs à la période en litige ( 2016-2017), révèlent que le salarié , malgré une expérience professionnelle antérieure comme Ingénieur Telecom, bénéficiait d’une évaluation moyenne ( 3) dans la tenue de son poste sur une échelle comprise entre insuffisant (1) et exceptionnel ( 5) . Ces éléments ne permettent pas de conforter la version du salarié selon lequel il aurait mis en oeuvre dans ses fonctions des connaissances pratiques étendues au sens de la définition conventionnelle.

M.[B] n’établissant pas, au regard de ses compétences, avoir exercé effectivement des fonctions d’Ingénieur relevant de la classification 3.1 au sens des textes conventionnels, il n’est pas fondé à revendiquer le bénéfice de la rémunération prévue à l’article 4.4 de la convention collective au profit des salariés de classification 3. Il sera donc débouté, par voie de confirmation du jugement entrepris, de sa demande de rappels de salaires afférente à cette reclassification ainsi que de ses demandes accessoires de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés, d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis.

Sur la convention de forfait

M.[B] fait valoir l’inopposabilité de la convention de forfait en jours, auquel il était soumis depuis son recrutement, au motif que l’employeur n’a pas respecté les dispositions conventionnelles en son avenant du 1er avril 2014 et les dispositions de l’accord d’entreprise d’aménagement de la réduction du temps de travail du 22 avril 2010, en matière de suivi de la charge de travail et de l’amplitude des journées de travail.

L’employeur conclut à l’inverse qu’il a satisfait aux règles fixées par l’accord d’entreprise, qui prime sur l’accord de branche, en matière de suivi de la charge de travail des cadres autonomes, en contrôlant le nombre de jours travaillés, veillant au respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires et en organisant au moins une fois par an un entretien avec le salarié sur ce point ; que les relevés d’heures non contradictoires produits par le salarié confirment qu’il travaillait toujours ou presque moins de 40 heures par semaine avec des journées de 7 à 9 heures de travail.

Aux termes de l’article L 3121-39 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, la conclusion d’une convention individuelle de forfait en heures ou en jours sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou à défaut par la convention ou un accord de branche . L’article L 3121-43 du même code dispose que les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année dans la limite de la durée annuelle de travail fixé par l’accord collectif prévu à l’article L 3121-39.

L’article L3121-46 prévoit qu’un entretien annuel individuel doit être organisé par l’employeur avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année, qu’il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

L’accord d’entreprise du 22 avril 2010 sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du personnel de la société Astellia, prévoit, pour les cadres soumis à un forfait annuel en jours que :

– le cadre est soumis à un forfait annuel de 205 jours travaillés,

– ‘chaque salarié doit déclarer régulièrement son activité dans le logiciel de suivi du temps de travail mis en place au sein de la société afin de permettre à la Direction de suivre en temps réel le temps de travail et la prise de divers repos pour s’assurer du non dépassement des durées annuelles de travail,’

– ‘lors de l’entretien annuel individuel organisé par l’employeur, le salarié aura l’opportunité de discuter avec son responsable du suivi de sa charge de travail, de l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur sa rémunération de travail hebdomadaire’.

Contrairement aux allégations de l’employeur, les entretiens annuels d’évaluation de M.[B] ne comportent aucune référence prévue par la loi quant à l’évaluation de la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale du salarié et la rémunération. Le fait pour l’employeur de remplir une rubrique intitulée ‘ organisation du travail’ , par exemple dans le compte -rendu de l’entretien annuel réalisé le 18 janvier 2016 alors que ceux des 28 janvier 2015 et 17 février 2017 ne comporte aucune rubrique similaire, ne permet pas d’établir qu’il a satisfait à l’organisation d’un entretien annuel ‘portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié’ conformément aux prescriptions légales de l’article L 3121-46 du code du travail. En effet, cette rubrique lorsqu’elle figure dans certains comptes -rendus, est renseignée de manière succincte et dans des termes généraux ne permettant pas de s’assurer du contrôle effectif par l’employeur de la charge de travail et du respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire. Le fait que le salarié ne se plaigne pas d’une surcharge de travail ou qu’il fasse état ‘d’une charge de travail acceptable’ (le 26 juin 2015) n’autorise pas la société à s’affranchir des règles impératives en la matière.

L’employeur, chargé par la loi de procéder au suivi de la charge de travail voire en temps réel selon les termes de l’accord d’entreprise, se garde de produire le moindre relevé permettant à la cour de constater que la société a effectué un suivi régulier et effectif des temps de travail déclarés par le salarié au moyen du logiciel, visé dans l’accord d’entreprise de 2010, et de remédier le cas échéant en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. Les éléments produits par l’employeur ne démontrent en aucune manière un suivi et un contrôle sérieux de la charge de travail, de l’organisation de son temps de travail, et l’articulation activité professionnelle/vie personnelle du salarié qui fait état dans ses conclusions de sa difficulté au regard de sa charge de travail d’utiliser toutes ses heures de délégation en tant que délégué du personnel titulaire à cette période ( 2015-2016).

L’inobservation par l’employeur des règles légales dont le respect est de nature à assurer la protection et la sécurité et de la santé du salarié soumis à un forfait en jours, prive ainsi d’effet la convention individuelle de forfait qui doit être déclarée inopposable, par voie d’infirmation du jugement.

Sur les heures supplémentaires

M.[B] réclame un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées, dans la limite de la prescription triennale, entre le 1er mars 2014 et le mois de février 2017, à titre principal sur la base d’un salaire de base de niveau 3.1 de 4 106,52 euros par mois et subsidiairement, sur la base de son salaire de 3 225 euros brut par mois.

La preuve des horaires de travail effectués n’incombe spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La convention de forfait étant déclarée nulle et/ou inopposable, M.[B] était soumis au régime général des 35 heures de travail par semaine et produit :

– ses bulletins de salaire mentionnant un salaire de 3 225 euros brut pour un forfait de 205 jours travaillés,

– des tableaux des heures travaillées au titre de l’année 2014 ( 147,66 heures à 25 % de majoration et 39 heures à 50 % de majoration) , de l’année 2015 ( 74,92 heures à 25 % de majoration) , de l’année 2016 ( 136,58 heures à 25 % de majoration et 2,25 heures à 50 % de majoration) et de l’année 2017 ( 17,16 heures à 25 % de majoration et 1,42 heures à 50 % de majoration.

Le salarié présente des éléments suffisamment précis auxquels l’employeur peut utilement répondre grâce notamment à la mise en place d’un logiciel de suivi du temps de travail.

L’employeur rétorque que le salarié ne justifie pas de ses seules allégations à propos des heures supplémentaires prétendument effectuées alors que ce dernier était autonome pour déterminer son temps de travail et ses temps de pause. Il ajoute que la présence du salarié au sein de la société pour des occupations personnelles étrangères à ses fonctions ne constituait pas du temps de travail effectif. Il conteste notamment la prise en compte d’un temps de déplacement professionnel en Egypte (18 heures), inclus à tort dans le décompte alors que le salarié a bénéficié d’une demi-journée de repos compensateur.

Concernant le déplacement professionnel en Egypte effectué courant novembre décembre 2014, il convient de déduire du décompte des heures supplémentaires établi par le salarié, les 18 heures correspondant, non pas du temps de travail effectif, mais à du temps de trajet au sens de l’article L 3121-4 du code du travail et faisant l’objet d’une demande distincte.

A l’exception de ce temps de trajet, l’employeur, détenteur des relevés de temps de travail déclarés par le salarié dans le logiciel de suivi, se garde de produire le moindre élément contredisant les tableaux établis par le salarié . Ses allégations à propos de temps de pause non déduits et à des prétendues occupations personnelles du salarié sur le lieu de travail ne sont pas explicitées, étant observé que l’appelant dans ses écritures (pages 32 et 33), a précisé qu’il avait bien déduit ses temps de repas et qu’il était délégué du personnel titulaire à cette période -en 2015 et en 2016-.

Dans ces conditions, la cour a la conviction que M.[B] a réalisé des heures supplémentaires au cours des périodes en cause et les pièces produites permettent de considérer qu’il lui est dû , par voie d’infirmation du jugement:

– au titre de l’année 2014, 4 594,89 euros brut, outre 459,48 euros pour les congés payés y afférents,

– au titre de l’année 2015,1 991,37 euros brut, outre 199,13 euros pour les congés payés y afférents – au titre de l’année 2016, 3 702,02 euros brut, outre 370,20 euros pour les congés payés y afférents,

– au titre de l’année 2017, 501,39 euros brut, outre 50,13 euros pour les congés payés y afférents.

Sur la contrepartie obligatoire en repos compensateur

Le salarié maintient sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos compensateurs dont il a été débouté, en ce qu’il a effectué 253,32 heures supplémentaires durant l’année 2014, soit 33,32 heures au-delà du contingent annuel de 220 heures, qu’il chiffre à la somme principale de 902,30 euros sur la base du salaire lié à la reclassification et à la somme subsidiaire de 708,38 euros.

Toutefois, il n’est pas dû de contrepartie obligatoire de repos compensateur pour l’année 2014 qui n’enregistre pas de dépassement du contingent annuel de 220 heures supplémentaires. La demande du salarié sera donc rejetée, par voie de confirmation du jugement.

Sur le temps de déplacement professionnel

M.[B] maintient sa demande en paiement , dont il a été débouté, de la somme de 487,44 euros, ou subsidiairement de 382,68 euros outre les congés payés au titre des heures de déplacement professionnel durant son voyage en Egypte durant la semaine 48 de l’année 2014.

L’employeur s’oppose à cette demande au motif que le salarié a été rempli de ses droits en bénéficiant d’une demi-journée de récupération pour la partie de voyage prise sur le week-end, le surplus du voyage ayant été fait pendant la durée normale de travail payée.

L’article L 3121-4 du code du travail dispose que, si le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif , il fait l’objet lorsqu’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel d’exécution du contrat de travail, d’une contrepartie soit sous forme de repos soit sous forme financière.

En l’absence d’accord collectif ou d’engagement unilatéral de l’employeur , il incombe au juge de fixer le montant de la contrepartie due au salarié invoquant l’insuffisance de la contrepartie accordée par l’employeur. La contrepartie accordée de manière unilatérale par l’employeur sous la forme d’une demi-journée de repos, représentant 74,45 euros figurant sur le bulletin de salaire de décembre 2014, doit être considérée comme manifestement dérisoire au regard de l’importance du déplacement professionnel (18 heures ) empiétant sur le week-end de repos du salarié et excédant de façon notoire le temps normal de trajet entre le domicile de l’intéressé et les locaux de l’entreprise, situés dans la même commune près de [Localité 3]. Dans ces conditions, il convient d’évaluer une indemnité nette de 250 euros au titre de la contrepartie complémentaire du temps de déplacement professionnel.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié et qu’elle se rapporte à l’exécution de tâches relevant de sa qualification.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 20 mars 2017 qui fixe les limites du litige relatif à la rupture du contrat de travail de M.[B] énonce le motif d’une insuffisance professionnelle :

‘En effet, vous avez été embauché en qualité de chargé de support opérations le 1er décembre 2010 sur un poste consistant à préparer à distance les installations vendues aux clients pour faciliter le travail des installateurs se déplaçant sur site. Au début de l’année 2014, suite à une évolution de l’organisation, vous avez été repositionné en interne sur un poste de Support client avec 4 comptes à gérer ( Umniah Jordan, Côte d’Ivoire, Orange Mali, Orascom Algérie). Cette année 2014 fut difficile pour vous lorsque 3 des 4 clients firent une forte escalade justifiée par un mécontentement manifeste. Vous avez avoué à votre Responsable que , n’étant pas coutumier du fait et ne voulant pas montrer de signe ‘ d’incompétences ou de performances’, vous n’avez pas su l’alerter plus tôt, bien qu’ayant demandé à vos collègues comment de leur côté, ils agissaient dans de tels cas. Votre responsable M.[C] vous a néanmoins encouragé à poursuivre vos efforts pour continuer à vous former et monter en compétences.

Lors de votre entretien individuel de mi-année 2015, votre Responsable M.[N] vous indique que devez progresser afin de :

– gagner en efficacité sur vos activités de technicien/travailler en étroite collaboration avec le support niveau 1,

– prendre du recul sur l’activité et lancer des plans d’action pour amélioration du taux de disponibilité de la solution,

– donner de la visibilité au sein de l’équipe Orange France à vos collègues sur le suivi de vos actions.

Ces points d’amélioration ont été qualifiés d’importants pour pouvoir améliorer la tenue de votre poste.

Plusieurs alertes vous ont été faites graduellement, lors de vos entretiens annuels de fin d’année 2015 et 2016 et encore jusqu’aujourd’hui :

– lors de l’entretien du 18 janvier 2016, en présence de M.[N], votre Responsable, il a été noté que, bien que confirmé dans votre poste, vous n’avez que partiellement réalisé des actions plus difficiles, ou ces actions ont nécessité un temps de traitement plus long que ce qui était attendu; il a été discuté ensemble d’un plan d’action pour améliorer la communication vers le client et rendre visible les points d’action suite aux incidents clients.

– il a également été précisé que vous rencontrez des difficultés d’intégration dans l’équipe Orange France et que, suite à des conflits au sein de cette équipe, vous souhaitiez que les choses s’améliorent dans le but d’atteindre vos objectifs pour l’année 2016. Votre Responsable a acté qu’un suivi individuel particulier serait effectué pour améliorer les points faibles observés en 2015 et il a mis en place des réunions de cadrages régulières.

– Plus récemment, lors de l’entretien du 17 février 2017, votre Responsable M.[J] constate une absence d’efforts et une insuffisance dans l’atteinte de vos objectifs et ceci malgré un repositionnementen juillet 2016 en dehors l’équipe Orange France dans laquelle avaient été observées des tensions relationnelles avec vos collègues.

Lors de l’entretien précité, il a été constaté que vous ne parveniez pas à traiter vos tickets et que ceux-ci restaient en souffrance alors que le Support Client a des engagements à traiter les tickets dans des délais impartis ( SLA) sous peine de pénalités à régler aux clients. De même, il est inconcevable que le client n’ait pas de retour systématique sur l’avancement de la résolution de ses tickets.

Votre Responsable a mis en place en 2016 des réunions hebdomadaires de cadrage pour passer en revue vos tickets et vous aider à les solutionner. Malgré ce suivi régulier, les instructions données en réunion et les tickets clients sont restés en grande majorité non suivis et traités dans la durée.

Votre Responsable a conclu que le bilan était négatif et que les changements mis en place en milieu d’année 2016 n’ont pas permis d’améliorer la situation. Il vous a été demandé de vous ressaisir et de suivre les axes d’amélioration et méthodes de travail évoqués entre vous.

– Enfin, le 27 février 2017, votre Responsable vous a de nouveau sollicité pour faire le point sur la résolution de vos tickets en attente. En effet, le 17 février 2017, lors d’un point avec lui, vous avez dit oralement que toutes les actions définies le 15 février avec une date butoir au 17 février avaient été traitées. Le 27 février 2017, M.[J] a constaté par lui-même que ce n’était pas le cas et il vous a immédiatement demandé de travailler à la finalisation de ces tickets en fixant une nouvelle date butoir au 1er mars . Il vous a également demandé de finaliser la reconfiguration des fichiers sources de données de la solution NRO du client Swisscom pour le 1er mars au plus tard. C’était un point sur lequel vous deviez travailler depuis plusieurs semaines et que vous n’arriviez pas à faire progresser.

Malgré les alertes faites lors de vos entretiens du 17 février 2017 puis du 27 février 2017, et l’accompagnement de votre Responsable, il n’y a eu aucune réelle amélioration et celui-ci considère que vous n’avez pas la capacité à redresser la situation. Votre Responsable a clairement établi que ces insuffisances ne pouvaient plus perdurer et que vos engagements auprès de lui n’étaient pas respectés, même avec un suivi et un accompagnement régulier de sa part.

Ce constat a été étayé par un autre Responsable d’équipe le 28 février 2017 concernant votre difficulté à monter en compétences, la conséquence étant l’obligation de distribuer vos tickets non traités à d’autres collaborateurs de l’équipe qui ont eux-mêmes leur charge de travail propre.

Force est ainsi de constater depuis ces alertes récurrentes vous n’avez malheureusement pas su prendre l’exacte mesure des attentes liées au poste de chargé de support client dans un environnement international concurrentiel et face à des clients exigeants qui attendent des réponses à leurs problèmes. Nous vous avons donné le temps et les moyens de monter en compétences ( formations, transfert de compétence avec vos collègues notamment sur les solutions NRO, coaching rapproche de vos différents Responsables) avec un fort soutien de votre Responsable M.[J] et de vos collègues mais vous n’avez pas réussi à démonter votre aptitude à exécuter les missions confiées.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de mettre un terme à votre contrat de travail dès lors que votre insuffisance professionnelle nuit aux intérêts de notre société. En effet, le non-traitement des incidents clients implique des mécontentements et plaintes susceptibles d’entraîner des pénalités, une perte de confiance du client impactant les projets en cours et obérant les ventes futures et engendre des conséquences sur l’activité de vos collègues et toute la chaîne du support client ( du niveau 2 /niveau 3/Développement produits).’

Il convient de rappeler que M. [B] recruté le 1er décembre 2010 occupait les fonctions d’ingénieur Support Opérations et en dernier lieu de Chargé de Support Clients de niveau 2 . En cette qualité, il percevait au dernier état de la relation contractuelle de travail un salaire de 3 225 euros brut de base.

Aucune fiche de poste n’est produite par l’emmployeur.

Il a travaillé sous la responsabilité de M. [N] en 2015-2016 puis de M.[J] en 2017.

A l’appui du licenciement, la société EXFO Solutions se fonde sur :

– les comptes-rendus des entretiens annuels du salarié entre l’année 2011 et le premier semestre 2015 révélant des avis globalement positifs, tant du point de vue des appréciations littérales que des ‘ objectifs atteints’ jugés conformes et correspondant à une note moyenne ( 3 ) sur une échelle comprise entre insuffisant (1) et exceptionnel (5) .

– le 18 janvier 2016, la tenue de poste du salarié a été évaluée par M.[N] à un niveau ‘partiellement insuffisant’- lettre P- au motif que le salarié’ n’avait que partiellement réalisé des actions plus difficiles ou que ces actions avaient nécessité un temps plus important que ce que l’on aurait pu attendre’. Le salarié fournissait des explications d’une part en raison de son intégration pour ce nouveau compte client, du temps de formation d’une nouvelle recrue et d’autre part en raison des tensions avec l’équipe déjà en place qui n’avait pas contribué à sa montée en compétence. Le Responsable hiérarchique, tout en préconisant ‘un suivi particulier en 2016 pour améliorer des points faibles observés en 2015″, considérait que les objectifs du salarié étaient atteints et qu’ils étaient conformes – niveau C à ses attentes.

– le 17 février 2017 , le nouveau responsable M.[J] a jugé le niveau du salarié’ Insuffisant’ en dressant ‘un bilan plutôt négatif, les changements mis en place en milieu d’année n’ayant pas permis d’améliorer la situation’ à charge ‘pour [R] de se ressaisir et de suivre les axes d’amélioration et les méthodes de travail évoquées.’ Des objectifs (3) lui étaient fixés à savoir: ‘dans l’immédiat, le respect de l’indicateur de suivi des SLA; avant le 15 mars 2017, la définition de la trame de rapport BI Cckpit pour Superviser NRO et avant le 30 avril 2017, la réalisation des CSM qui étaient planifiés sur H2-2016 ( Beeline, EIT, Swisscom, Ucom)’.

Son Responsable lui demandait alors ‘de démontrer sa capacité à travailler dans un environnement plus challenging et de traiter les incidents dans le respect des conditions contractuelles ( SLA)’ estimant que ‘ malgré la mise en place de réunions de suivi hebdomadaires, il nécessitait toujours de directives précises pour mener à bien ses missions de support client ( organisation du travail, traitement des incidents, escalades vers le niveau supérieur, respect des règles et procédures, mise en place de plan d’action, alerting vers les pre-sal/manager, etc.)’ et attendant de lui plus d’autonomie, d’organisation et de prise en main.’

Le salarié, se disant prêt à suivre les axes d’amélioration proposés au travers de formations complémentaires, expliquait ses difficultés par le réaménagement mis en place en milieu d’année 2016 ( sortie du compte Orange et affectation d’un nouveau portefeuille de 5 clients de taille moyenne et du support de la solution NRO du client Swisscom. Alors que le salarié observait que la documentation technique n’était pas suffisamment présente, ce qui ne facilitait pas les investigations et les premières analyses avant escalade vers le L3, son Responsable hiérarchique confirmait les difficultés en la matière (‘ des efforts sont en cours depuis fin 2016 pour améliorer les guides et la documentation , qu’il reste encore des choses à documenter mais que c’est en bonne voie.’ ) mais préconisait pour débloquer des situations, d’escalader ou de contacter le L3 par téléphone (‘ je préfère avoir un ticket escaladé avec des informations manquantes plutôt que de tarder à escalader et d’atteindre le SLA.’)

– un échange de courriels du 28 février 2017 entre ses supérieurs hiérarchiques (M.[N] , M.[J] et M.[X] pièce 16 à 18) faisant apparaître des plaintes de M.[J] sur la qualité du traitement des actions confiées à M.[B] ‘ j’avais identifié lors d’un point le 15/02 une liste d’actions pour lesquelles nous avions fixé’ une deadline au 17/02. Contrairement à ce que (le salarié) m’a dit oralement le 17/02 en courant d’après-midi , les points n’ont pas été tous traités comme convenu et je lui ai redonné hier une nouvelle deadline pour fermer ces sujets d’ici demain 01/03. Je lui ai également demandé de travailler ce jour et le 01/03 sur des activités d’administration de la solution NRO de Swisscom, sur lequel il doit travailler depuis plusieurs semaines et que nous n’arrivons pas à faire progresser. J’ai profité du point d’hier pour fermer certains tickets et sa charge est plus que raisonnable ( backlog de 22 tickets). Afin de le décharger, j’ai réaffecté deux tickets à [H] et [E]. Malgré les explications founrnies et le statut fait lors de son entretien individuel le 17/02 au matin, je ne vois pas de réelle amélioration et j’émets des doutes quant à sa capacité à changer sur le court terme. M.[N] m’a par ailleurs remonté que l’équipe L3 basée en Espagne avait également évoqué des difficultés à travailler avec [R] sur le compte client Swisscom et sa montée en compétence du salarié.’

En guise de conclusion, le Responsable N+2 (M.[X]) a estimé que cette situation ‘confirmait sa perception d’un manque de performance répétée et incorrigible’ de M.[B] ,donnant pour instruction de se rapprocher du service R.H. pour ‘les prochaines étapes’.

Il résulte de ces pièces que si les appréciations littérales de la hiérarchie figurant dans les comptes-rendus d’entretien annuel sont particulièrement défavorables sur les performances et la réactivité du salarié et notamment ‘sa tendance à traiter les dernières demandes et ne pas toujours tenir compte des SLA contractuelles’, force est de constater que les critiques ne sont accompagnées d’aucun exemple concret et précis, dûment étayé par des documents. L’employeur se garde de produire les engagements contractuels à traiter les tickets dans des délais impartis ( SLA) sous peine de pénalités à régler aux clients, évoqués dans la lettre de licenciement, et les éventuelles plaintes des clients de sorte que la cour n’est pas en mesure de déterminer quels délais de traitement étaient fixés au salarié, si ces délais étaient raisonnables et dans quelle mesure le salarié ne les aurait pas respectés. Les doléances de l’équipe L3 basée en Espagne n’étant ni précises ni rapportées de manière directe à propos des prestations de M.[B], ne peuvent pas être prises en considération.

S’agissant des objectifs fixés au salarié au titre de l’année 2016 par M.[N] (entretien du 18 janvier 2016) à savoir :’ Respect de l’indicateur qualité I32-1; rédiger des plans d’action clairs permettant une visibilité claire sur les actions à mener dans le cadre de problématiques plus complexes; Remontées sur la documentation BU Product ( guide d’admin et de Troubles hoot) autant sur le fond que sur la forme; remonter le temps passé à faire du support sur des cas cause client ou demande d’administration ( bien tagger les tockets sur les causes’), ils reposent sur des critères subjectifs et non précisément définis. Pour preuve, l’appréciation de ces objectifs , faite lors de l’entretien du 17 février 2017 par le nouveau Responsable M.[J], est formulée dans des termes généraux ( ‘ manque de clarté dans la rédaction des plans d’action et dans les explications technique apportées’) et de manière partielle (‘ les règles d’escalade des tickets mises en place au 1er trimestre ne sont toujours pas respectées malgré les réunions du 3ème trimestre 2016″), sans références précises et chiffrées sur les comptes clients concernés dont le salarié s’était vu confier la prise en charge en cours d’année. L’employeur n’a pas répondu de manière précise aux explications techniques et argumentées du salarié tant lors de son entretien du 17 février 2017 qu’à l’occasion de l’entretien préalable du 15 mars 2017 ( Procès-verbal pièce 52) à propos des problèmes techniques majeurs rencontrés dans la prise en charge des nouveaux comptes attribués ( comptes restés longtemps sans suivi, obsolescence des versions , nouveaux produits commercialisés de manière prématurée et suivis par le service RetD ).

Concernant les objectifs fixés dans son entretien annuel du 17 février 2017, force est de constater que l’employeur n’a pas attendu, avant d’engager la procédure de licenciement et alors que le salarié a été placé en arrêt maladie avec hospitalisation entre le 19 et le 26 février 2017, le calendrier des échéances prévues à court terme les15 mars et 30 avril 2017 pour évaluer la réactivité et la qualité des prestations du salarié.

Sur le plan de l’accompagnement et de la formation de M.[B], l’employeur se fonde sur des ‘revues de ticket hebdomadaire’ et des réunions de suivi hebdomadaires pour en déduire qu’il a satisfait à une aide et à l’accompagnement individualisé du salarié. Toutefois, la société ne justifie pas de la teneur des réunions et du dispositif d’aide mis en place au profit de M.[B] , qui doivent être distincts du simple suivi et contrôle du travail incombant au supérieur hiérarchique. L’insuffisance de la documentation mise à sa disposition pour résoudre les incidents techniques posés par les nouveaux produits , évoquée par M.[B] lors de son entretien du 17 février 2017 qui sollicitait des sessions de travail pratique ( workshop) et une réactualisation de la documentation technique , jugée insuffisante, était admise par son supérieur hiérarchique (‘des efforts sont en cours depuis fin 2016, des nouvelles version des guides sont livrées début janvier 2017 ; il reste encore des choses à documenter mais c’est en bonne voie’ ), étant observé que le salarié n’a pas disposé du temps nécessaire pour bénéficier de cette documentation avant la procédure de licenciement.

Enfin, l’employeur évoque dans la lettre de licenciement des tickets restés en grande majorité non suivis et traités dans la durée, sans que ce grief ne soit établi matériellement.

Concernant sur les difficultés relationnelles rencontrées par le salarié avec ses collègues à l’origine de son départ en juillet 2016 de l’équipe Orange France, l’employeur ne fournit aucune attestation à l’appui du grief visé dans la lettre de licenciement.

M.[B], contestant l’insuffisance professionnelle fondée sur les entretiens annuels depuis 3 ans, rappelle que dispensé de la période de préavis, il s’est trouvé dans l’impossibilité de récupérer des documents justifiant de la qualité de ses prestations et de ses diligences, en dépit des difficultés récurrentes liées notamment à des départs de collaborateurs et à une surcharge de travail persistante. Il soutient avoir toujours respecté le processus qualité ITIL concernant la résolution des tickets des clients, prévoyant que le technicien de niveau 1 réceptionne les demandes de tickets ouverts et fait un premier travail d’analyse ; que s’il ne résout pas le problème, il ‘ escalade’ vers l’ingénieur de niveau 2 lequel, en cas d’échec, escalade vers le N3 (ingénieur Système, Telecom ou Logiciel). Il ajoute que les griefs ne sont pas fondés, qu’il n’est pas sérieux de lui reprocher de ne pas prendre de recul sur l’activité, ce qui ne correspond pas à un objectif mesurable et quantifiable, et de ne pas lancer des plans d’action pour améliorer le taux de disponibilité de la solution, alors qu’il a créé des documents spécifiques notamment à l’occasion de pannes en série sur un équipement du compte Orange.

Il évoque par ailleurs la mise en oeuvre par la société d’une nouvelle politique de notation et de management consistant à sous-évaluer les salariés, qu’elle voulait voir partir.

A l’appui, le salarié verse aux débats :

– le procès-verbal de son entretien préalable du 15 mars 2017 reprenant les explications détaillées du salarié à propos des problèmes techniques rencontrés du fait de l’obsolescence des versions, des retards dans le traitement des tickets qui ne lui étaient pas imputables, de son investissement dans la nouvelle technologie Nova Ran, de la multiplication des tickets Swisscom du fait de l’arrivée d’une nouvelle version, de sa volonté de résoudre les difficultés signalées par les clients avant de saisir ses collègues Support de niveau 3 , déjà surchargés.

– le témoignage de M.[Y], ancien chef de projet déploiement ( 2010-2017) , confirmant l’implication et la conscience professionnelle de M.[B] , ingénieur de support client de niveau 2 lorsqu’il le sollicitait dans la résolution de problèmes techniques difficiles, notamment dans le cadre du projet NRO en 2016 du fait de l’immaturité du produit (en particulier, l’équipe espagnole de Ret D sur ce produit était sollicitée à diverses reprises).

– le témoignage de M.[D], ingénieur système support de niveau 3 ( 2016-2018), expliquant que ‘l’équipe Support de niveau 3 , ayant connu une réorganisation et un cruel manque d’effectif , était particulièrement surchargée de travail; que malgré cela, elle recevait de plus en plus de tickets escaladés provenant des équipes de support niveau 2 dont les premiers niveaux d’analyse n’étaient pas faits ou trop succincts ce qui engendraient des tensions’. Concernant M.[B] avec lequel il avait de nombreux échanges techniques concernant notamment le sujet NRO, il a apprécié son entière implication et sa montée en compétence sur le domaine. ‘L’équipe N3 n’a donc pas compris son licenciement si brutal alors qu’il était l’un des rares SN2 investi et ayant des connaissances techniques pour le support NRO.’

– le témoignage de M.[V] ancien chef de projet ( 2010-2017) sur les circonstances de son départ ( rupture conventionnelle) à la suite d’une placardisation depuis fin 2015.

– des pièces se rapportant à ses diligences concernant le nouveau produit NRO , comportant son courriel transmis le 1er mars 2017 à M.[J] et à M.[N], responsable du service support N3, et la rédaction d’une procédure de résolution des problèmes techniques.

Le salarié rapporte ainsi la preuve que ses qualités professionnelles étaient reconnues et que les difficultés rencontrées dans l’exécution de ses missions n’étaient pas liées à la qualité de ses prestations mais avaient notamment pour origine une surcharge de travail et à des problèmes techniques récurrents du fait de l’obsolescence de certains comptes, transférés au salarié avec des tickets déjà en souffrance de longue date (Eit) , à des nouveaux comptes (Smart Philippines, Swisscom) réputés difficiles. Il explique par les difficultés économiques de la société se refusant à mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi, l’instauration progressive d’un management par la pression dans le but de provoquer le départ de ses collaborateurs et verse à l’appui le compte rendu de réunion du CE du 25 septembre 2017 , faisant état d’une dégradation de la situation économique et des risques sur les projets en cours ainsi qu’un article de presse comportant une interview du dirigeant de la société reconnaissant la mise en place en 2015 d’une réorganisation de l’entreprise, confrontée à des pertes financières importantes, et faisant état du redressement de l’activité après une réduction, sans plan social , des effectifs à [Localité 3] ( pièce 45). L’employeur , qui avait fixé au salarié des échéances au cours de l’année 2017 pour mener à bien diverses tâches lors de l’entretien du 17 février 2017, ne fournit aucune explication cohérente à la mise en oeuvre précipitée de la procédure de licenciement dès le 1er mars 2017, sans avoir laissé le temps nécessaire au salarié , de retour d’un arrêt maladie, de fournir les prestations demandées et de suivre les formations complémentaires préconisées par l’employeur lui-même.

Faute pour la société Exfo Solutions de fournir des éléments précis, objectifs et imputables au salarié à l’appui des griefs et au vu des pièces produites par le salarié remettant en cause les appréciations de l’employeur, il en résulte que l’insuffisance professionnelle de M.[B] dans la tenue de son poste n’est pas établie et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, par voie d’infirmation du jugement.

Sur les conséquences du licenciement

Aux termes de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est alloué au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux 6 derniers mois de salaire.

A la date du licenciement, M.[B] percevait une rémunération de base de 3 225 euros brut par mois, en dehors des heures supplémentaires, avait 45 ans et justifiait d’une ancienneté de 6 ans et 6 mois au sein de l’entreprise. Il est justifié que l’appelant n’a pas retrouvé d’emploi dans l’immédiat et qu’il a obtenu à l’issue d’une formation plusieurs certifications professionnelles et un diplôme délivré par le CNAM. Il a indiqué avoir retrouvé un emploi stable fin mars 2019.

Compte tenu des circonstances de la rupture, de l’âge, de l’ancienneté du salarié et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard de sa formation et de son expérience professionnelle, il convient d’évaluer les dommages-intérêts à la somme de 25 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie d’infirmation du jugement.

Sur les dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité

M.[B] maintient la demande , dont il a été débouté, de dommages-intérêts de 10 000 euros au titre du manquement de son employeur à l’obligation de sécurité à son égard . Il se fonde sur les comptes rendus de réunions du CHSCT et de l’avis du médecin du travail, signalant la souffrance morale exprimé par de nombreux salariés, en lien avec une surcharge de travail, une pression constante de la hiérarchie et des demandes en inadéquation avec les délais et les moyens mis à disposition, aggravées par des départs non remplacés. Il indique que du fait de sa souffrance au travail, il est sous traitement anxiolytique depuis 2015 et sous antidépresseurs depuis mars 2017.

En application de l’article L4121-1 du code du travail, le chef d’entreprise est tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l’assurer.

Il doit le faire notamment par des actions de prévention des risques professionnels, par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

A l’appui de sa demande, M.[B] se fonde notamment sur :

– le décompte de ses heures supplémentaires de 2014 à 2017 faisant apparaître des horaires de travail , excédant régulièrement 40 heures par semaine,

-des attestations d’anciens collègues ( M.[D] , M.[Y]) confirmant la surcharge de travail des équipes dans un contexte de tensions liées au sous effectif depuis la réorganisation,

– l’attestation de Mme [U] secrétaire du CHSCT ( 2014-2017) selon laquelle des explications ont été demandés par l’inspectrice du travail à la Direction sur les récents licenciements de M.[B] et de M.[Y]; qu’en l’absence de détails, l’inspectrice lui a conseillé d’envisager un plan de départ volontaire en cas de difficultés économiques; que les représentants du personnel ont suggéré le recours à un cabinet externe pour la mise en place d’un plan d’action afin d’arrêter les nombreux départs de salariés.

– une synthèse du rapport du cabinet Syndex, mandaté en mars 2017, faisant apparaître durant la période entre janvier 2016 et mars 2017, des transformations significatives de la société depuis le début 2016 , ayant débouché sur une organisation bouleversée perçue négativement par les salariés et ayant pu être fortement déstabilisante, au regard ‘ des nouvelles pratiques managériales de la nouvelle équipe de Direction’ ayant pu être un facteur d’insécurisation pour une partie des salariés , une accélération des départs des salariés en parallèle de ces transformations mal vécues ou incomprises, un durcissement des contraintes économiques, une augmentation des exigences au travail et une diminution de la rémunération globale ‘, que’ les effectifs trop peu nombreux et des plannings trop tendus e développement et de déploiement des produits ont conduit à une surcharge chronique , ayant favorisé un sentiment d’usure au travail et un stress ressenti, la surcharge étant à la fois une surcharge horaire et surcharge mentale ‘. Le cabinet en conclut à ‘ un diagnostic d’une situation critique en termes de manque d’effectifs et de compétences critiques; qu’il en va de la soutenabilité du travail en terme de préservation de la santé mais aussi de la faisabilité du travail ( capacité à délivrer les projet, satisfaire le client’. Il est fait mention des alertes préalables du médecin du travail, depuis le 31 mai 2016 puis du 8 décembre 2016 sur les doléances des salariés confrontés à une surcharge de travail et sur les risques psychosociaux observés suite aux réorganisations , aux nombreux départs et aux derniers licenciements. La Direction interpellée par l’inspection du travail qui lui conseillait un plan de départ volontaire, a répondu qu’elle n’en avait pas les moyens ( niveau de commandes bas) et que certaines mesures avaient été prises.

– le compte-rendu de la réunion du CE du 25 septembre 2017 – soit quelques mois après le licenciement- constatant un retard généralisé dans le traitement des tickets clients compte tenu d’un effectif insuffisant pour faire face à la multitude des tickets, ayant nécessité la création en urgence d’une équipe ‘ war room’ destinée à résorber le retard.

-le décompte de ses congés et RTT sur ses bulletins de salaire de 2014 à 2017 laissant apparaître qu’il lui restait chaque année de nombreux congés non pris,

-les attestations de son médecin traitant confirmant que le salarié a été hospitalisé le 19 février 2017 aux urgences au CHU Pontchaillou pour des troubles anxieux réactionnels, qu’il a bénéficié d’un premier arrêt de travail du 20 au 26 février 2017 pour ces troubles anxieux, puis après l’entretien préalable de licenciement, d’un arrêt du 15 mars au 2 avril 2017.

– l’attestation du médecin du travail ayant orienté à l’issue d’une consultation le 22 février 2017 le salarié vers le psychologue du travail.

– l’attestation du psychologue du travail ayant rencontré à deux reprises le salarié en février 2017 le salarié évoquant ‘ses difficultés à rendre compte de son travail face à un mode d’évaluation individualisée de ses performances, basé sur des indicateurs chiffrés ne prenant pas en compte les contraintes réelles. Il s’est dit fortement déstabilisé par un entretien d’évaluation professionnelle où il a été évalué insuffisant.’

Par ces éléments concordants, contrairement à ce que soutient la société intimée, l’appelant établit des éléments de fait caractérisant des conditions de travail dégradées susceptibles d’engager l’obligation de sécurité de l’employeur, tenu notamment au contrôle régulier du temps de travail et de la charge de travail de ses salariés.

En l’espèce, la société Exfo Solutions ne rapporte pas la preuve qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires, y compris préventives, pour assurer la préservation de la santé mentale et physique de son salarié. En effet, elle se garde de produire les horaires de travail dont elle détient les relevés déclarés dans le logiciel de suivi du temps de travail, n’explique pas les reliquats chaque année de congés et de RTT

non pris par le salarié , par exemple au 31 mai 2016: 25,96 jours de l’année N, 4,5 jours de l’année N-1, 4,47 jours de RTT. Elle ne conteste pas la surcharge de travail liée à l’attribution de deux nouveaux comptes réputés difficiles en cours d’année 2016 par M.[B]. Si ce dernier n’a jamais émis de commentaires négatifs sur ses conditions de travail lors de ses entretiens d’évaluation, il est observé que dans ses commentaires il attirait systématiquement l’attention sur sa charge mentale, ce qui constituait autant de signaux d’alerte, par exemple le 18 janvier 2016 ‘ je souhaite que pour l’année 2016, je puisse à nouveau retrouver mon dynamisme, de la satisfaction personnelle quant à la réalisation de mon travail et assurer l’atteinte des objectifs qui me sont assignés » et le 17 février 2017 ‘ les départs non expliqués récents de chef de projet créent une tension et un stress, notamment vis-à-vis du projet Swisscom’. Par ailleurs, la société ne justifie pas de la prise en considération la période d’absence du salarié à la suite d’une hospitalisation et d’un arrêt de travail suivant immédiatement l’évaluation annuelle du 17 février 2017, avant de lui fixer des objectifs avec des ‘deadline ‘pour le 1er mars 2017, deux jours après son

retour dans l’entreprise.

Il résulte de ces éléments que l’employeur ne justifie pas avoir analysé et contrôlé la charge de travail de M.[B], qu’elle ne pouvait ignorer, et dont le salarié démontre qu’elle était excessive et génératrice de stress et de tensions du fait des exigences et des pressions exercées par sa hiérarchie sans prise en compte des contraintes réelles de son poste.

Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est ainsi établi et le préjudice que M.[B] justifie avoir subi du fait de cette carence, se traduisant par une dégradation son état de santé en lien direct avec ses conditions de travail (hospitalisation , arrêt de travail ,traitement médical), doit être réparé par la condamnation de la société à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes et les dépens

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage payées au salarié et ce à concurrence de six mois.

Il convient d’ordonner à l’employeur de délivrer à M.[B] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de sa notification sans qu’il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter du 21 septembre 2017 , date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère de salaire et pour le surplus à compter présent arrêt.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M.[B] les frais non compris dans les dépens . L’employeur sera condamné à lui payer à la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

– Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la reclassification conventionnelle et à la contrepartie obligatoire en repos.

– Infirme pour le surplus le jugement entrepris.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

– Déclare inopposable la convention de forfait annuel en jours conclu par M.[B] avec la SAS Astellia aux droits de laquelle se trouve la SAS Exfo solutions,

– Condamne la SAS Exfo Solution à payer à M.[B] les sommes suivantes :

– 4 594,89 euros brut, outre 459,48 euros pour les congés payés y afférents au titre des heures supplémentaires de l’année 2014,

– 1 991,37 euros brut, outre 199,13 euros pour les congés payés y afférents au titre des heures supplémentaires de l’année 2015,

– 3 702,02 euros brut, outre 370,20 euros pour les congés payés y afférents au titre des heures supplémentaires de l’année 2016,

– 501,39 euros brut, outre 50,13 euros pour les congés payés y afférents au titre de l’année 2017.

– 250 euros net au titre de la contrepartie pour les heures de déplacement professionnel,

– 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

– Dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 21 septembre 2017 pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

– Ordonne à la société Exfo Solutions de délivrer à M.[B] le bulletin de salaire, le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt.

-Dit n’y avoir lieu à ordonner une astreinte,

– Ordonne le remboursement par la SAS Exfo Solutions aux organismes intéressés comme Pôle Emploi , organisme les ayant servies , les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage .

– Déboute la société Exfo Solutions de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile .

– Condamne la société Exfo Solution aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Conseiller

Pour le Président empéché

 


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