Droit du logiciel : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08407

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Droit du logiciel : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08407

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 13 AVRIL 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08407 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZSK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/06758

APPELANTE

Madame [G] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sabine DU PUY DE CLINCHAMPS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2129

INTIMEE

Société [C] SYNDIC DE COPROPRIETE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Rodolphe LOCTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0283

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES

La société Annie Bunel Gestion avait pour objet l’administration d’immeubles et autres biens immobiliers.

Suivant contrat de travail verbal, la société A.B.G. a engagé, à compter du 1er février 2011, Mme [U] en qualité de gestionnaire, coefficient C1’position VII ‘ niveau 380 de la convention collective nationale de l’immobilier.

A la suite du décès de la gérante de la société A.B.G. le 8 mai 2017, Mme [V] a été nommée en qualité de gérante puis le 4 août 2017, Mme [X] et M. [C] ont régularisé, en qualité de cessionnaires, une promesse de cession des parts de la société A.B.G et en sont devenus les nouveaux associés. Le 21 septembre 2018, la société A.B.G. a changé de dénomination pour devenir la société [C] Syndic de Copropriété (ci-après société [C])

Mme [U] a été placée en arrêt de travail du 10 avril au 30 mai 2018 inclus puis, ayant dû subir une importante opération, du 8 octobre 2018 au 4 mars 2019.

Un premier différend a opposé les parties quant au montant du salaire de Mme [U] et suivant ordonnance de référé rendu le 12 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a condamné la société [C] à lui payer la somme de 6 180 euros à titre de rappel de salaire.

Mme [U] a saisi le 22 juillet 2019 au fond le conseil de prud’hommes de Paris aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, notamment pour harcèlement moral.

Depuis le 1er octobre 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail régulièrement prolongé.

Par jugement rendu le 16 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

-dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

-débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée au paiement des entiers dépens ;

-débouté la société [C] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 8 décembre 2020, Mme [U] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de deux visites des 19 mai et 18 juin 2021, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude mentionnant que «l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi».

Le 29 juin 2021, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable puis le 13 juillet 2021, un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié.

Par conclusions du 30 juillet 2021, Mme [U] demande à la cour d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a déboutée de toutes ses demandes et statuant à nouveau, de :

-fixer son salaire de référence à la somme de 4.800 euros ;

-constater que la société [C] a manqué à ses obligations contractuelles et a procédé à une déqualification professionnelle ;

-juger qu’elle a été victime de harcèlement moral ;

-lui donner acte qu’elle se désiste de la demande visant à ordonner la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société ;

-juger que le licenciement pour inaptitude notifié le 13 juillet 2021 trouve sa cause dans le harcèlement moral qu’elle a subi ;

En conséquence :

-juger que son licenciement pour inaptitude est nul ;

-condamner la société [C] à lui verser les sommes suivantes :

Indemnité compensatrice de préavis : 9 600 euros et congés payés afférents : 960,00 euros

Indemnité pour licenciement nul 50 000 euros

Dommages et intérêts pour harcèlement moral 15 000 euros

Dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité résultat 15 000 euros

Article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros.

Par conclusions du 9 février 2022, la société [C] syndic de copropriété demande à la Cour de :

-confirmer la décision du conseil de Prud’hommes de Paris en ce qu’il a dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée au paiement des entiers dépens ;

-juger du désistement de Mme [U] au titre de sa demande relative à la résiliation judiciaire,

En conséquence et statuant à nouveau,

-juger le licenciement pour inaptitude non professionnelle justifié ;

-rejeter l’ensemble des demandes de Mme [U] ;

En tout état de cause :

-condamner Mme [U] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamner Mme [U] aux entiers frais et dépens tant en première instance qu’en cause d’appel.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 21 septembre 2022.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

Mme [U] considère que son licenciement pour inaptitude est la résultante directe du harcèlement moral dont elle a été victime et qui a rendu impossible sa reprise de travail et son retour au sein de la société [C] Syndic de Copropriété.

La société conteste tout acte de harcèlement moral et soutient que c’est la salariée qui n’a cessé de remettre en cause les décisions de son nouvel employeur.

L’article L. 1152-1 du code du travail dispose que « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

S’agissant de la preuve du harcèlement moral, l’article L. 1154-1 du code du travail précise que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La salariée soutient que depuis le litige sur le montant de son salaire et la saisine du conseil de prud’hommes en référé, elle a subi des représailles de son employeur qui a :

– modifié ses horaires de travail conduisant à ce qu’elle se voit imposer une pause déjeuner de 2 heures et ne puisse plus bénéficier de son vendredi après-midi ;

– modifié le process de travail et l’a ainsi placée, alors qu’elle exerce le métier de gestionnaire de copropriété depuis plus de 20 ans, dans la même situation de responsabilités et de travail que M. [P] salarié embauché en alternance et la stagiaire du cabinet ;

– imposé de nouvelles procédures de travail qui l’ont conduit à ne plus s’occuper pleinement de copropriété ou d’assister aux assemblées générales de copropriété, et donc de l’éloigner de tous les «clients» dont elle s’occupait depuis des années ;

– refusé de lui accorder les congés payés souhaités en lui imposant d’autres dates ;

– tardé à effectuer les démarches idoines permettant sa parfaite indemnisation pendant son arrêt maladie.

Elle ajoute que ces faits ont eu de graves répercussions sur son état de santé et qu’elle a été placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif à compter du 1er octobre 2019.

Elle produit à l’appui de ses affirmations plusieurs échanges de courriels avec son employeur, ainsi que des lettres recommandées qu’elle lui a adressées et la société, au demeurant, ne conteste pas la matérialité des faits ainsi évoqués et établis par Mme [U].

La salariée justifie également de ses arrêts de travail mentionnant pour certains un syndrome anxio-dépressif et des avis d’inaptitude du médecin du travail.

Elle présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe donc à la société [C] de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur la modification des horaires de travail, la société explique les raisons des changements opérés dans l’organisation du Cabinet et notamment quant à l’accueil téléphonique des usagers et la mise en ‘uvre d’horaires d’ouverture permettant aux collaborateurs de travailler sur des dossiers qui demandent une concentration plus approfondie sans qu’ils soient dérangés en permanence par le téléphone.

Comme elle l’affirme, il ne ressort d’aucune pièce produite que les horaires de travail de Mme [U] avaient fait l’objet d’une contractualisation et usant de son pouvoir de direction, la société pouvait modifier l’horaire collectif appliqué dans l’entreprise, cette nouvelle répartition n’ayant impacté ni la durée du travail, ni la rémunération de la salariée. De même, il ne ressort d’aucune pièce que la salariée a été soumise à un régime particulier à cet égard, la société lui indiquant sans être contredite par courrier du 30 octobre 2019 que les horaires collectifs affichés dans les bureaux étaient applicables à l’ensemble des gestionnaires. Ainsi aucune modification du contrat de travail n’est avérée et le simple changement des horaires de travail du personnel relève du pouvoir de direction de l’employeur, sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord du salarié.

En outre, comme le fait remarquer la société, si auparavant, Mme [U] bénéficiait de la possibilité de ne pas travailler le vendredi après midi, cette dernière qui évoque « un abus de pouvoir ayant pour but de la priver de son vendredi après-midi libre » ne démontre pas en quoi ce simple changement d’horaire constituerait un abus de droit, aucune obligation personnelle impérieuse empêchant d’appliquer cette nouvelle répartition n’étant démontrée.

Sur la modification du process de travail et l’instauration de nouvelles procédures de travail, la société expose qu’elle a décidé une mutualisation de la gestion globale des immeubles (contre une répartition par immeuble), afin d’éviter toute perte d’information en cas d’absence des gestionnaires (congés, maladies) et que cette mutualisation se réalise via un logiciel dédié, garantissant le maintien de la répartition des informations par dossier mais accessibles à chaque gestionnaire.

L’employeur considère que Mme [U] a toujours exercé ses fonctions de gestionnaire de copropriété avec notamment la réalisation des tâches suivantes : suivi technique, administratif, juridique et financier des immeubles qu’elle a sous sa responsabilité ; gestion des réclamations courantes des copropriétaires ; visites régulières des immeubles ; information régulière du conseil syndical et les copropriétaires sur toutes les démarches entreprises pour le compte de l’immeuble ; convocation et conduite des assemblées générales et rédaction des comptes rendus et en justifie en produisant une copie de l’agenda électronique de celle-ci entre juillet 2019 et octobre 2019 mentionnant notamment des visites sur site, des réceptions de travaux et l’organisation d’assemblées générales.

La société produit également une attestation de M. [P], apprenti puis gestionnaire de copropriété qui indique que sa collègue était libre dans sa gestion du portefeuille des immeubles et que M. [C] n’intervient pas dans la gestion de son agenda ou de ses actions auprès des immeubles et des copropriétaires. De même, alors que la société fait valoir que le portefeuille d’immeuble de Mme [U] est demeuré identique, seul le partage d’information ayant évolué, la salariée ne justifie pas du retrait de la gestion d’un immeuble du fait de cette réorganisation.

Sur la présence de la salariée aux assemblées générales, la société soutient qu’elle n’a jamais interdit, ni même empêché cette dernière d’assister aux assemblées générales et en justifie par les témoignages de M. [P], précité qui indique que c’est Mme [U] qui a refusé de participer aux assemblées générales et de Mme [K], comptable, laquelle ajoute que M. [C] a toujours invité Mme [U] à participer aux assemblées générales et que c’était elle qui refusait de venir si M. [C] était là et ce « malgré les multiples propositions de MM [P] et [C] pour assister aux assemblées générales».

D’ailleurs dans un mail 16 août 2019 Mme [U] indiquait elle même au directeur qu’il lui attribuait « pour tâche : de préparer l’assemblée générale des copropriétaires du 19 gobelins et faire ladite assemblée (‘) ».

La société justifie également avoir répondu aux interrogations de la salariée laquelle par courrier du 1er mai 2019 remerciait M. [C] pour ses réponses, pour avoir levé toute ambiguïté quant au respect de son statut de gestionnaire professionnelle de copropriété et pour avoir bien défini ce qu’était la mutualisation de l’organisation au sein du cabinet.

Enfin, le fait que Mme [U] ait une grande ancienneté ou des diplômes supérieurs aux autres salariés ne saurait justifier que les horaires de travail collectifs ou les nouvelles procédures décidées par son employeur ne lui soient pas appliquées, l’organisation du Cabinet relevant de son pouvoir de direction.

Ainsi, la société justifie de l’absence de déqualification professionnelle et produit en revanche des mails dont il ressort que la salariée n’a pas accepté la réorganisation mise en ‘uvre par la direction après le changement d’associés. Ainsi, par courriel du 2 juin 2019, Mme [U] évoquait le «curieux process d’organisation» du Cabinet ou encore «l’image assumée d’une infantilisation programmée de votre process d’activité», considérant qu’il était dégradant de lui rappeler qu’elle avait pour tâche «de préparer l’assemblée générale des copropriétaires du 19 gobelins et faire ladite assemblée (‘)».

Sur le refus d’accorder les congés payés souhaités, outre le fait qu’il relève du pouvoir de direction de l’employeur d’organiser la prise des congés payés, il ressort des échanges de mails sur ce point que le 23 mars 2019, Mme [U] a sollicité de son employeur son accord pour une prise de congés payés du 15 avril au 24 avril 2019 et du 20 mai au 29 mai 2019 et qu’il lui a été alors demandé de modifier la seconde période, M. [P] étant alors en formation dans le cadre de son contrat de professionnalisation, ce qu’elle acceptait d’ailleurs «pour le bon fonctionnement du service copropriété».

Enfin, sur le retard dans la réalisation des démarches afférentes aux arrêts maladie, la société justifie au contraire de son intervention auprès de la prévoyance à cette fin et également de l’existence d’un trop-perçu par la salariée.

Il en découle que l’employeur rapporte la preuve que les faits présentés par la salariée étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande à ce titre.

Par ailleurs, comme le fait remarquer l’employeur, Mme [U], qui sollicite en sus une indemnité pour violation de l’obligation de sécurité, se contente de formuler cette demande, sans développer d’argumentaire et alors que la cour n’a pas retenu l’existence d’un harcèlement moral.

Cette demande sera également rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

La cour n’ayant pas retenu l’existence d’un harcèlement moral, la demande de nullité du licenciement sera rejetée.

Par ailleurs, le licenciement ayant été notifié pour inaptitude non professionnelle, Mme [U] qui se trouvait alors en arrêt de travail ne saurait bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis.

Sur les demandes accessoires

Mme [U] qui succombe supportera les dépens et devra participer aux frais irrépétibles engagés par la société à hauteur de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

CONDAMNE Mme [U] à verser à la société [C] Syndic de Copropriété la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [U] aux dépens.

La Greffière, La Présidente.

 


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