10/03/2023
ARRÊT N° 2023/108
N° RG 21/04375 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OOFJ
MD/CD
Décision déférée du 21 Septembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse ( F20/00829)
C.FARRE
Section commerce chambre 1
[B] [L]
C/
S.E.L.A.S. EGIDE
Association CGEA DE TOULOUSE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 10/3/23
à Me DEQUAIRE, Me LAFFONT
ccc à Pôle Emploi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [B] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Lily DEQUAIRE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME »S
S.E.L.A.S. EGIDE ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL EPA MARKET BRETAGNE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Sans avocat constitué
Association CGEA DE TOULOUSE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-françois LAFFONT, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM », présidente
M. DARIES, conseillère
N.BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
Mme [L] a été embauchée le 12 janvier 2017 par la société EPA Market Bretagne, supérette à l’enseigne ‘Utile’ en qualité d’employée de caisse, échelon 1, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de détail des fruits, légumes et produits laitiers.
Par jugement du 21 septembre 2017, le tribunal de commerce de Toulouse a placé la société EPA Market Bretagne en redressement judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 18 octobre 2018, un plan de redressement a été arrêté et la SCP [T]-[I] a été désignée commissaire à l’exécution du plan.
Liquidation judiciaire sur résolution du plan a été prononcée par jugement du 18 juin 2020 et la Selas Egide (Maître [C]) a été désignée mandataire liquidateur.
La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 26 juin 2020 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et a sollicité le versement de diverses sommes.
Par courrier du 2 juillet 2020, Mme [L] a été licenciée pour motif économique par le mandataire liquidateur avec impossibilité de reclassement.
La salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle et a quitté les effectifs le 24 juillet 2020.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Commerce chambre 1, par jugement du 21 septembre 2021, a :
– débouté Mme [L] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné Mme [L] aux dépens.
Par déclaration du 26 octobre 2021, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 30 septembre 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
Par acte d’huissier de justice du 07 janvier 2022, Mme [L] a fait signifier à l’association AGS-CGEA et à la Selas Egide, en sa qualité de mandataire liquidateur de la sarl EPA Market Bretagne ( avec remise à personne habilitée) la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant.
PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 7 janvier 2022, Mme [B] [L] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes,
– juger que la société EPA Market Bretagne a commis des manquements graves dans l’exécution du contrat de travail,
– prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur,
– fixer au passif de la société EPA Market Bretagne les sommes de :
1.681,83 euros au titre de 22 jours de repos compensateurs liés aux jours fériés travaillés,
612 euros de frais de trajets de juin 2017 à janvier 2019 inclus
1 437,79 euros de rappel de salaires brut de base
143,77 euros de congés payés sur rappels de salaires
1 300 euros de rappel de prime,
130,00 euros de congés payés sur rappel de prime
1 927,73 euros de rappel de prime indûment précomptés
1 029,61 euros bruts au titre du rappel de maintien maladie
3 000,00 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité
6 700 euros de dommages et intérêts pour résiliation judiciaire,
3 312,78 euros d’indemnité compensatrice de préavis
331,27 euros de congés payés,
– ordonner la production du bulletin de salaire de mars 2020,
– déclarer la décision opposable à l’AGS,
– déclarer qu’à défaut de fonds disponibles dans la liquidation judiciaire de la société EPA Market Bretagne, l’ensemble de ces condamnations seront garanties par les AGS.
La Selas Egide, mandataire liquidateur de la sarl EPA Market Bretagne, régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 6 avril 2022, l’association CGEA Unedic Toulouse demande à la cour de :
– prendre acte que l’AGS demande à la Cour de noter son intervention,
– prendre acte que s’agissant de l’intervention forcée de l’AGS, l’action ne peut avoir d’autre objet que l’inscription des créances salariales et que cette action ne peut que rendre le jugement commun à l’AGS sans condamnation directe à son encontre.
– prendre acte que l’arrêt à intervenir ne sera opposable à l’AGS que dans les limites des conditions légales d’intervention de celle-ci en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail.
Et statuant sur l’appel interjeté :
– confirmer le jugement
– débouter Mme [L] de toutes ses demandes.
Subsidiairement réduire d’éventuels dommages et intérêts
En tout état de cause :
– mettre l’AGS hors de cause en ce qui concerne la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 30 décembre 2022.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION:
Sur la résiliation judiciaire:
L’article 1224 du code civil permet à l’une ou l’autre des parties à un contrat synallagmatique d’en demander la résolution judiciaire en cas d’inexécution des obligations découlant de ce contrat.
Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante.
Lorsque, comme en l’espèce, un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l’employeur d’une gravité suffisante.
Mme [L] expose qu’après une première augmentation de rémunération en mai 2017, elle n’a pas bénéficié d’un changement d’échelon à compter de janvier 2017 et que la relation de travail s’est dégradée: les salaires n’étaient pas versés régulièrement, la société refusait de lui attribuer le coefficient (échelon 2) et la rémunération brute afférente et lui accorder des pauses, des jours de repos de remplacement après avoir travaillé un jour férié, de lui rembourser pour moitié ses frais de transport en commun domicile-lieu de travail.
En novembre 2018, elle a réclamé la régularisation de sa situation et le versement de la prime mensuelle de 100 euros lui a été supprimé.
Après avoir informé l’employeur de ce qu’elle serait placée en arrêt de travail à compter du 5 décembre 2019 (pour une opération au pied), la Direction a décidé que la prime ayant été versée par erreur pendant 18 mois, elle devait être remboursée à compter de novembre 2019, par prélèvement chaque mois de près de 130 euros sur sa rémunération.
Etant dans une situation précaire, Mme [L] a dénoncé par l’intermédiaire de son Conseil par courrier du 26 février 2020 ces manquements à la société.
Elle a mis en demeure la société, la SCP Caviglioni commissaire à l’exécution du plan et le mandataire judiciaire la Selas Egide désigné lors du redressement, de régulariser sa situation.
Les trois destinataires ont été relancés sans effet les 5 et 12 mai 2020. Aucun bulletin de salaire n’était délivré à compter de mars 2020.
L’appelante fait valoir que son état de santé s’est dégradé et lors de la visite médicale de pré-reprise du 18 mai 2020, elle a été déclarée inapte temporaire à reprendre son poste par le médecin du travail.
Au terme de l’arrêt de travail, elle a adressé le 10 juin 2020 un courrier resté sans effet (la société étant fermée depuis fin février 2020)), aux représentants de la société pour qu’ils régularisent sa situation financière et la convoquent à une visite de reprise.
L’intéressée soutient que ces manquements l’ont contrainte à saisir le conseil de prud’hommes de Toulouse d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.
L’AGS conclut au débouté, au motif de défaut de pièces suffisamment probantes et de ce que les faits allégués sont anciens et n’ont pas empêché la salariée de poursuivre son contrat de travail.
1/ Sur les créances salariales:
– Sur les salaires:
L’appelante soutient qu’elle n’a pas perçu la rémunération minimale due et que la société ne l’a promue à l’échelon 2 qu’à compter de janvier 2020, soit 3 ans après son embauche du 12 janvier 2017 à l’échelon 1, alors que l’annexe à la convention collective portant sur la classification des emplois du 15 avril 1988 (étendue par arrêté du 20 juin 1988) prévoyait que le niveau I des employés de vente (services commerciaux) était réservé aux salariés qui justifiaient de moins de 6 mois d’ancienneté dans la profession.
L’article 3.2 ( version en vigueur au 01 janvier 2019) du chapitre IV de l’accord du 14 décembre 2016 annexé à la convention collective des commerces de détails de fruits et légumes et étendu par avenant du 19 décembre 2018, a imposé un passage à l’échelon 2 dès 6 mois d’ancienneté.
Elle réclame un rappel de salaire brut de base de 1437,79 euros calculé sur le taux horaire minimum conventionnel du coefficient auquel sa classification lui donnait droit et les congés payés afférents, selon détail établi dans les conclusions, pour la période de janvier 2017 à décembre 2019.
Sur ce:
Selon la convention collective, pour les services commerciaux, le niveau 1 correspond à un employé de vente sans qualification ou ayant moins de 6 mois d’ancienneté dans la profession.
L’échelon 2 est attribué à l’employé affecté à la vente ayant le CAP ou une expérience professionnelle équivalente, capable d’encaisser le montant des ventes.
L’appelante a été engagée en qualité d’hôte de caisse polyvalente, dont une des tâches était l’encaissement des clients.
Aussi, au regard des tâches confiées, de l’ancienneté de plus de 6 mois et du décompte établi, il y a lieu d’allouer à la salariée, déduction faite de la régularisation de salaire de 168,31 euros portée sur le bulletin de salaire de janvier 2020 pour la période de janvier 2017 à décembre 2019, un rappel de salaire de 1269,48 euros, outre les congés payés afférents.
– Sur la prime:
Mme [L] soutient que l’employeur lui a appliqué des sanctions pécuniaires:
. en supprimant sans dénonciation dans le cas d’un usage et sans son accord, en novembre 2018, la prime mensuelle octroyée librement par la société et versée depuis mai 2017 (de 50 euros portée à 100 euros à compter d’août 2017),
. à partir de novembre 2019, en précomptant indument son salaire de la somme de 122,88 euros en remboursement de la prime versée et ce sans son accord.
Ainsi au lieu de percevoir en novembre 2018, un salaire de 1621,22 € (1.621,22 € de salaire de base + 100 € de prime), la rémunération était de 1.521,22 € euros bruts.
En novembre 2019, elle passait à 1.392,34 euros (1.521,22 € de salaire de base – 128,88 € de prime prétendument indue).
En 2020, dans le dernier état de sa relation contractuelle elle était de 1.427,51 euros (1.556,39 € de salaire de base – 128,88 € de prime prétendument indue).
L’appelante réclame l’allocation de:
– la somme de 1300 euros bruts de rappel de prime pour la période de novembre 2018 au 5 décembre 2019 date de son arrêt de travail (13 mois x 100 €).
– de la somme de 1927,73 euros correspondant à:
. 257,76 euros précomptés en novembre et décembre 2019,
. 851,57 euros précomptés sur son solde de tout compte au titre des reports négatifs cumulés des bulletins de janvier à juillet 2020,
. 818,40 euros précomptés sur son solde de tout compte au titre du reliquat de trop perçu suivant échéancier, selon les pièces produites.
Sur ce:
Mme [L] n’établit pas que l’employeur a voulu la ‘sanctionner’ face à des demandes pécuniaires ou du fait de son arrêt-maladie qui n’est intervenu qu’à compter de décembre 2019.
Pour constituer un usage, le versement de la prime doit présenter un caractère constant, fixe et général (c’est-à-dire s’appliquer de façon collective dans l’entreprise).
En l’espèce, le contrat de travail ne stipule aucun versement de prime et aucune qualification de celle-ci ne figure sur le bulletin de salaire.
Si le montant de la prime versée mensuellement est d’un montant fixe de 50 euros en mai 2017 puis de 100 euros à partir d’août 2017 jusqu’à octobre 2018, l’appelante ne démontre pas que celle-ci avait un caractère général comme étant attribuée à d’autres salariés de l’entreprise, dont l’effectif était de 3 salariés en contrat de travail à durée indéterminée tel qu’il est indiqué dans la lettre de licenciement.
En ce cas, l’avantage est une simple libéralité, relevant du pouvoir discrétionnaire de l’employeur, libre de le verser ou non comme d’en fixer le montant.
Donc à tout le moins, la société pouvait arrêter le paiement de la prime à compter de novembre 2018 comme elle l’a fait.
La société ne reconnaît aucun usage ni engagement personnel tel qu’il s’évince de son courrier du 10 décembre 2019 en réponse à une demande de régularisation de la salariée concernant les bulletins de salaire ( dont la lettre n’est pas communiquée).
Elle écrit qu’après vérification des bulletins de salaires, elle a constaté un nombre d’erreurs commises par l’expert-comptable gestionnaire de la paie jusqu’au 31 décembre 2018 et qu’ainsi Mme [L] a perçu de 2017 jusqu’à fin 2018 une prime mensuelle, alors que la société ne pratique pas le versement de prime, une erreur s’étant probablement glissée dans le calque du logiciel.
La société évalue l’indû, déduction faite des prélèvements sociaux à 1333,92 €, pouvant être réclamé sur une période de 3 ans avec un montant de remboursement mensuel ne pouvant excéder 10 % du salaire net, raison pour laquelle elle explique qu’elle prélèvera 122 €,88 tous les mois jusqu’à expiration du trop versé.
Il y a lieu de constater une concomitance entre l’arrêt du versement de la prime fin 2018 et le changement de comptable tendant à corroborer un versement erroné, pour lequel la salariée ne produit pas de courrier de contestation à la date de sa suppression.
L’erreur n’étant pas créatrice de droit, l’appelante sera déboutée de ses prétentions au titre de la prime.
– Sur les repos compensateurs:
L’article 4.4 de la convention collective des commerces de détail de fruits et légumes indique que « le 1er janvier, lundi de Pâques, 8 mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 14 juillet, 15 août, 1er novembre, 11 novembre, 25 décembre sont des jours chômés » et « Si l’organisation du travail oblige un salarié à travailler un jour férié non chômé, ou une partie de la journée, celui-ci doit bénéficier d’un repos compensateur d’une durée équivalente, si possible accolé à un jour de repos hebdomadaire ».
La salariée expose qu’elle a travaillé les jours fériés et payés suivants: 17/04/17, 08/05/17, 25/05/17, 05/06/17, 14/07/17, 01/11/17, 25/12/17, 01/01/18, 02/04/18, 08/05/18, 21/05/18, 14/07/18, 15/08/18, 01/11/18, 01/01/19, 22/04/19, 08/05/19, 30/05/19, 10/06/19, 15/08/19, 01/11 /19 et 11/11/19.
Elle réclame une somme de 1681,83 euros bruts au titre de 22 jours de repos compensateurs.
Sur ce:
A la lecture des bulletins de salaires pour la période de janvier 2017 à 2019 et des relevés de pointage produits par elle de janvier à décembre 2018 et de novembre et décembre 2019, il ressort que Mme [L] a travaillé les jours fériés:
. pour 2017: en avril, mai, novembre et décembre mais pas juin et juillet ,
. pour 2018: en avril, août et novembre mais pas en janvier ni juillet,
. pour 2019: en mai, juin et novembre mais pas en janvier, avril ni août.
Les relevés ne mentionnent pas de jour de repos compensateur.
L’employeur est donc redevable de 13 jours de repos compensateurs pour un montant de 933,81 euros sur la base d’un salaire de base sans prime.
– Sur les frais de trajets:
Les articles L. 3261-2 et R. 3261-1 du code du travail disposent que l’employeur prend en charge 50 % du prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics.
L’appelante expose que la société a refusé de rembourser les frais de transports en commun engagés à ce titre de février 2017 à janvier 2019 inclus et les a réglés à compter de février 2019 en lui remboursant entre 25,5 et 26 euros par mois à ce titre.
Elle prétend au remboursement de la somme de 612 euros au titre de la prise en charge de 50% ses frais de trajets de février 2017 à janvier 2019 inclus (25,5 € x 24 mois).
Sur ce:
Les bulletins de salaires de février à décembre 2019 portent la mention: versement transport, [Localité 6] 25,50 ou 26 € ( sur la base de 50 ou 51 €).
Le remboursement de frais s’effectue habituellement sur justificatif.
Mme [L] verse des extraits de comptes bancaires pour les mois de août, octobre, décembre 2017, février 2018 à juillet 2018 et novembre et décembre 2018 portant des achats Tisseo-Régie de 15 € et 15€30 et quelques tickets ponctuels.
Elle ne justifie pas de demande de remboursement précisant le montant des frais versés ni de refus de la part de l’employeur.
Il lui sera donc remboursé la somme de 100,00 euros au titre des frais de trajets en transport en commun.
– Sur le maintien de salaire en période de maladie:
Selon les articles L1226-1 et D.1226-1 du code du travail l’employeur doit verser aux salariés justifiant de plus d’un an d’ancienneté un maintien de salaire en période de maladie qui représente :
. pendant les 30 premiers jours, 90 % de sa rémunération brute sous déduction des IJSS,
.pendant les 30 jours suivants, 2/3 de cette rémunération toujours sous déduction des IJSS.
Mme [L] a été placée en arrêt maladie à la suite d’une opération du pied pendant plus de 4 mois du 5 décembre 2019 au 14 avril 2020.
Elle affirme que l’employeur n’a pas satisfait au maintien maladie pendant la période de 60 jours tel qu’il ressort des bulletins de décembre 2019 à juillet 2020.
Se basant sur un salaire mensuel brut revalorisé de 1656,39 euros (avec prime), elle réclame 1029,62 euros de rappel de salaire pour la période du 13 décembre 2019 au 12 février 2020, selon détail établi aux conclusions.
Sur ce:
Les bulletins de salaires communiqués de décembre 2019, janvier et février 2020 ne portent pas de mention d’indemnités journalières ni de versement au titre d’un maintien de salaire.
Les relevés d’indemnités journalières de sécurité sociale (JJSS) montrent une perception de 1565,40 euros bruts (26,09 € x 60 jours) pour la période du 08-12-2019 ( après les jours de carence) au 05-02-2020.
Sur la base d’un salaire mensuel de 1556,39 euros ( sans la prime), la salariée aurait dû percevoir 2438,34 euros (1400,75 + 1037,59) – 1565,40 euros d’IJJSS soit un solde dû de 872,94 euros.
– Sur le manquement à l’obligation de sécurité:
Mme [L] allègue que l’employeur ne respectait pas le temps de pause ni le suivi médical et elle prétend à 3000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
* Aux termes de l’article L3121-16 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives.
L’appelante, caissière, dénonce qu’elle travaillait seule en magasin depuis son embauche et ne pouvait prendre de pause sur ses 7h quotidiennes de travail effectif, réalisées de 8h à 15h, pour déjeuner ou se rendre aux toilettes.
Si Mme [L] n’établit pas qu’elle était seule au magasin alors même que le nombre de salariés était de trois, la cour constate que les relevés de pointage portent des amplitudes horaires pour la majorité de 08h à 15h, sans précision de pauses. Or il appartient à l’employeur de justifier que la salariée a été en mesure de prendre sa pause, ce qui ne l’est pas en l’absence de pièces communiquées à cet effet.
* Mme [L] fait valoir que malgré ses demandes, elle n’a pas été convoquée à une visite de reprise à la suite de son arrêt maladie de plus de 30 jours (du 5 décembre 2019 au 14 avril 2020), alors qu’elle avait été déclarée inapte temporaire au poste lors de la visite de pré-reprise du 18 mai 2020.
Il convient de rappeler d’une part que la salariée était en arrêt-maladie simple ( donc sans lien avec les conditions de travail) et qu’à la date de fin d’arrêt de travail qui serait le 14 avril 2020, était en cours une période de confinement qui a été levée à compter du 11 mai 2020.
L’attestation de suivi du médecin du travail du 18 mai 2020 produite aux débats mentionne seulement une inaptitude temporaire, sans autre précision médicale, ni un délai pour une visite de reprise.
En tout état de cause, en ne faisant pas reprendre le travail à la salariée sans que la visite n’ait été effectuée, il n’y a pas eu d’atteinte à une obligation de sécurité. Peu de temps après, la société a été mise en liquidation judiciaire et le liquidateur a prononcé le licenciement économique à la suite de la cessation totale d’activité.
Au regard du seul défaut de respect du temps de pause, il sera alloué une somme de 1000,00 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité.
Le cumul des manquements sur la durée (tardiveté de la revalorisation salariale et non paiement de rappel de salaire – défaut de repos compensateur et de pause – défaut de remboursement de frais de déplacement) présente un caractère suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 02 juillet 2020.
Sur l’indemnisation de la rupture du contrat de travail:
– L’indemnité de préavis est due, l’impossibilité de l’exécuter résultant du fait de l’employeur.
Selon l’article 3.7 de la convention collective du commerce de détail des fruits, légumes et produits laitiers, les salariés de niveau 2 disposant d’une ancienneté de plus de 2 ans bénéficient d’un préavis de deux mois.
Il sera alloué une somme de 3112,78 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 311,27 euros de congés payés correspondants.
– En application de l’article L 1235-3 du code du travail (modifié par ordonnance du 27 septembre 2017), en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, à savoir en l’espèce compte tenu de l’ancienneté de 3,5 ans dans une entreprise de moins de 11 salariés, entre un et 4 mois de salaires brut.
L’appelante sollicite 6700,00 euros de dommages et intérêts, faisant valoir qu’elle a mis un an pour retrouver un emploi.
L’AGS oppose que l’appelante ne justifie pas de son préjudice.
Le contrat de sécurisation professionnelle a ouvert droit à Mme [L] à un accompagnement et à des allocations dont elle ne justifie pas et elle a retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée le 25 juillet 2021 en tant qu’intervenante auprès de personnes âgées pour un salaire légèrement supérieur à celui qu’elle percevait.
Au regard des éléments de la situation de la salariée, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à 3000,00 euros.
La décision est opposable à l’association AGS qui devra sa garantie dans les limites légales et règlementaires.
Sur les demandes annexes:
Partie succombante, la Selas Egide en sa qualité de liquidateur de la sarl EPA Market Bretagne sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé en sa condamnation aux dépens de Mme [L].
Dit que la Selas Egide devra remettre le bulletin de salaire du mois de mars 2020.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [L] sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [L] de ses demandes au titre de la prime et de l’article 700 du code de procédure civile,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant:
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [B] [L], produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 02 juillet 2020,
Fixe les créances à inscrire au passif de la sarl EPA Market Bretagne représentée par la Selas Egide en sa qualité de liquidateur, aux sommes de :
-1269,48 euros de rappel de salaire au titre de la classification conventionnelle au niveau 2, outre 126,94 euros de congés payés afférents
– 1681,83 euros bruts au titre de jours de repos compensateurs,
– 872,94 euros de maintien de salaire,
– 1000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 3112,78 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 311,27 euros de congés payés correspondants.
– 3000,00 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que la Selas Egide devra remettre le bulletin de salaire du mois de mars 2020,
Dit que la garantie de l’AGS CGEA de Toulouse doit être mise en oeuvre pour les créances sus-visées et ce dans les limites légales et réglementaires,
Rappelle que la garantie du CGEA s’applique dans les conditions, limites et plafonds légaux et réglementaires de la garantie prévue aux articles L 3253-6, L 3253-8, L 1253-17 et D 3253-5 du Code du Travail,
Rappelle qu’en application des dispositions des articles L 3253-6, L 3253-1 et L 3253-5 du Code du Travail, l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui ci de l’absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253 19 du même code,
Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L 622 28 du code de commerce,
Condamne la Selas Egide en sa qualité de mandataire liquidateur de la sarl EPA Marker Bretagne aux dépens de première instance et d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [L] de sa demande à ce titre.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présisente et C. DELVER, greffière.
LA GREFFIERE LA PR »SIDENTE
C. DELVER S. BLUM »
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