Droit du logiciel : 10 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/08865

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Droit du logiciel : 10 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/08865

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023

N° 2023/ 068

Rôle N° RG 19/08865 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BELQC

[Y] [F]

C/

SAS SQUARE HABITAT PROVENCE COTE D’AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :10/03/2023

à :

Me Philip FITZGERALD, avocat au barreau de TOULON

Me Cédric PORTERON, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 17 Avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00256.

APPELANT

Monsieur [Y] [F], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Philip FITZGERALD, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS SQUARE HABITAT PROVENCE COTE D’AZUR, [Adresse 2], Filiale de la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE COTE D’AZUR dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Cédric PORTERON, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon contrat à durée indéterminée du 17 août 2015, la société Square Habitat PACA, filiale du Crédit agricole, a recruté M. [F] en qualité de négociateur immobilier VRP Transaction non cadre.

Courant juin 2016, la société Square Habitat PACA a été destinataitre d’une fiche de recommandation du Crédit agricole en vue de l’estimation d’un bien immobilier appartenant à M. [I], client de la banque.

Courant mai 2017, M.[F] et trois autres co-acheteurs, ont signé avec M. [I] une promesse synallagmatique de vente portant sur ce bien immobilier.

Le 11 juillet 2017, M. [F] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Il a été licencié pour faute grave le 24 juillet 2017.

Le 9 avril 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une contestation de son licenciement.

Par jugement du 17 avril 2019, le conseil de prud’hommes l’a débouté de ses demandes et l’a condamné à payer à la société Square Habitat PACA la somme de 500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens.

Le 31 mai 2019, M. [F] a fait appel de ce jugement.

A l’issue de ses conclusions du 19 novembre 2021, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. [F] demande de’:

 »le recevoir dans son appel et le dire comme particulièrement bien-fondé’;

 »constater, dire et juger que son licenciement pour faute grave n’est pas justifié’;

en conséquence’;

 »réformer le jugement rendu le 17 avril 2019 par le conseil de prud’hommes de Toulon en ce qu’il’:

– a dit et jugé que son licenciement pour faute grave est justifié’;

– l’a débouté de sa demande d’indemnité de licenciement’;

– l’a débouté de sa demande d’indemnité de préavis et de congé payés afférents’;

– l’a débouté de sa demande de paiement de commissions’;

– l’a débouté de sa demande d’article 700 du code de procédure civile’;

– l’a débouté des fins, moyens et conclusions, du reste, de toutes ses autres demandes’;

– l’a condamné à verser à la société Square Habitat PACA le montant de 500’€ au titre de l’article 700 de code de procédure civile’;

– l’a condamné aux entiers dépens’;

par conséquent’:

constater l’absence de faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat de travail liant les parties’;

déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

condamner la société Square Habitat PACA au paiement des sommes suivantes’:

– indemnité de préavis’: négocation immobilier VRP non-cadre plus de 2 ans d’ancienneté soit 3 mois, soit 3900’€ bruts’;

‘ indemnité de licenciement’: 1/5e de mois par année du 15 août 17 au 24 octobre 2017 (26,35 mois), soit 6851’€ bruts’;

‘ indemnité de congés payés’: 390’€ bruts’;

‘ versement des commissions dues au titre du droit de suite en application des dispositions de l’article 19 du contrat de travail’: 1500’€ nets’;

‘ dommages et intérêts’: 4550’€ bruts’;

‘ article 700 du code de procédure civile’: 3500 euros.

M. [F] conteste le bien fondé de son licenciement pour faute grave par la société Square Habitat PACA, motivé par le défaut de proposition à M. [I], qui leur avait été adressé par le Crédit agricole en vue de l’estimation d’un bien immobilier, de la signature d’un mandat en vue de vendre ce bien, le fait de s’être porté directement acquéreur du bien, le détournement d’un client de l’entreprise ainsi que l’absence d’alerte du service conformité en vue de l’informer de son projet.

Il soutient en effet qu’après avoir estimé le bien immobilier de M. [I], il lui a proposé un mandat de vente que ce dernier a refusé et que, presqu’un an après, il s’est porté acquéreur de cet immeuble avec trois autres acquéreurs et a signé une promesse de vente.

Il affirme que la violation des obligations contractuelles visées par la société Square Habitat PACA concernent l’hypothèse où le prospect de la société Square Habitat serait devenu un client de cette dernière alors que M. [I], client du Crédit agricole, n’était pas devenu client de la société Square Habitat PACA.

Il expose en effet que la fiche de recommandation par laquelle le Crédit agricole, société mère de la société Square Habitat PACA, oriente un de ses clients vers sa filiale en vue de la réalisation gratuite d’une simple estimation de son bien ne peut constituer un engagement de la part du client de la société mère envers une filiale. Il indique qu’une fois l’estimation obtenue, le propriétaire n’est pas tenu de confier un mandat de vente en faveur de la société ayant fournie l’estimation, que la société Square Habitat PACA ne peut donc qualifier de cliente une personne avec laquelle elle n’a pas signé de mandat car elle n’est pas en droit de lui demander une rémunération et que M. [I] n’avait que la qualité de prospect de la société Square Habitat PACA.

Il fait grief à la société Square Habitat PACA de ne pas rapporter la preuve de l’absence de proposition à M. [I] d’un mandat de vente.

Il précise que M. [I] avait déjà fait expertiser son bien par une autre agence et, qu’après avoir consulté son notaire, il avait estimé opportun de gérer sa vente en direct afin de ne pas cumuler la plus-value immobilière et la commission d’agence.

Il indique que si les obligations professionnelles du négociateur immobilier VRP lui interdisent la réalisation d’opération commerciale pour son propre compte, il ne lui est pas exclu d’acquérir un bien immobilier pour son compte personnel.

Il soutient qu’il n’était pas tenu d’aviser le service conformité et sécurité financière de la société Square Habitat PACA dès lors que M. [I] n’était pas un client de la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur.

Il expose qu’il est purement hypothétique de considérer que la tentative d’acquisition du bien de M. [I] doit être considérée comme en rapport direct avec ses fonctions, en ce que sans l’intervention du Crédit agricole, il n’aurait jamais été mis en relation avec M. [I].

Il soutient en effet que rien ne permet de dire qu’il n’aurait jamais été mis en relation avec M. [I] et précise que, compte tenu de son réseau de relations très actif à [Localité 3], il aurait pu rencontrer M. [I] par un autre biais, que le contrat de travail et le règlement intérieur de la société Square Habitat PACA ne mentionnent ni ne proscrivent la mise en relation ou le rapport direct avec les fonctions occupées

Il fait valoir qu’il a agi en toute loyauté avec la société Square Habitat PACA puisqu’il s’est écoulé une année entre l’estimation qu’il avait réalisé au profit de M. [I] et la tentative d’achat de son bien immobilier, que le dossier de financement de cet achat a été déposé auprès du Crédit Agricole, société mère de la société Square Habitat PACA, excluant ainsi toute volonté de dissimuler ce projet et que, rémunéré à la commission, il avait tout intérêt à signer un mandat de vente afin de percevoir une commission.

Il indique par ailleurs que rien ne permet d’affirmer qu’il n’aurait pas informé le service conformité puisque le projet d’acquisition en était à ses prémisses et n’a jamais abouti en raison du refus de la demande de prêt par la banque.

Il estime que le motif réel de son licenciement réside dans la volonté de la société Square Habitat PACA de fermer l’agence au sein de laquelle il était employé. Il précise que les conditions de travail étaient chaotiques, qu’il restait le seul négociateur immobilier lors de son licenciement, que la société Square Habitat PACA, de manière obscure, a résilié vingt-quatre

de ses mandats de vente en cours, que son poste est resté vacant plusieurs mois et que l’un de ses co-acheteurs dans le cadre du dossier de M. [I], salarié du Crédit agricole, n’a pas été sanctionné mais s’est simplement vu indiqué qu’il aurait dû prévenir sa hiérarchie.

Pour caractériser son préjudice, M. [F] expose qu’en raison de la résiliation des mandats précités, il a été privé d’un gain de plus de 50’000’euros de commissions, qu’il a retrouvé du travail dans des conditions plus défavorables, notamment en ce qui concerne les taux de commission et le remboursement de ses frais professionnels.

Il affirme enfin que conformément aux dispositions de l’article 19 de son contrat de travail, il bénéficie d’une commission au titre d’un droit de suite sur un dossier [R] sur lequel il a effectué seul toutes les démarches (de l’obtention d’un mandat à la signature d’un compromis de vente) et dont la conclusion définitive est intervenue dans les 6 mois qui ont suivis la rupture de son contrat de travail, le 26 janvier 2018 et que, notamment, pour apprécier la date de réalisation de cette vente, il convient de prendre en compte la date de signature de l’acte de vente ayant eu lieu le 26 janvier 2018 et non celle de l’encaissement, soit le le 30 janvier 2018.

Selon ses conclusions du 13 décembre 2021, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la société Square Habitat PACA demande de’:

 »confirmer en toutes se dispositions le jugement rendu en ce qu’il a’:

– dit et jugé que le licenciement de M. [F] pour faute grave est justifié’;

– débouté M. [F] de sa demande d’indemnité de licenciement’;

– débouté M. [F] de sa demande d’indemnité de préavis et de congés payés afférents’;

– débouté M. [F] de sa demande de paiement de commissions’;

– débouté M. [F] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile’;

– débouté M. [F] des fins moyens et conclusions du reste de toutes ses autres demandes’;

– condamné M. [F] à lui verser la somme de de 500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamné M. [F] aux entiers dépens,

 »en conséquence,

 »juger que le licenciement pour faute grave est justifié,

 »juger que sans la recommandation faite par un salarié du Crédit agricole et en l’absence de publicité du bien, M. [F] n’aurait certainement pas été mis en relation avec le vendeur’;

 »juger que malgré le refus initial du vendeur il a continué d’échanger avec lui ce qui lui a permis de tenter d’acquérir ledit bien’;

 »juger qu’il a agi en contradiction totale avec les obligations contenues tant dans le contrat de travail que dans le règlement intérieur en vigueur en tentant d’acquérir un bien dont il avait eu connaissance grâce à ses fonctions et sans en avertir le service conformité’;

 »juger que le salarié a manqué de loyauté’;

 »quoiqu’il en soit’;

 »débouter M. [F] de l’intégralité de ses demandes à savoir’:

– constater l’absence de faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat de travail liant les parties’;

– déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

– la condamner au paiement des sommes suivantes’:

– indemnité de préavis’: 3.900’€ bruts’;

– indemnité de congés payés 390’€ bruts’;

– indemnité de licenciement’: 6.851’€ bruts’;

– versement des commissions dues au titre du’;

– droit de suite 500’€ nets’;

– dommages et intérêts’: 4.550’€ bruts’;

– article 700 du code de procédure civile’;

 »si par extraordinaire, concernant la demande dommages et intérêts, il était considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, il y aura lieu de réduire la demande formulée en tenant compte de l’absence de démonstration d’un préjudice’;

 »si par extraordinaire il était fait droit à la demande de versement des commissions cette condamnation devra porter sur une somme brute qui devra venir en déduction des avances déjà perçues, la réduire à de plus justes proportions en tenant compte de l’absence de précision du calcul opéré’;

 »condamner M. [F] au paiement de la somme de 2.000’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance, et de première instance.

La société Square Habitat PACA soutient qu’elle était bien fondée à procéder au licenciement pour faute grave de M. [F] au motif que ce dernier a tenté de faire l’acquisition d’un bien en évinçant son employeur de la transaction alors que la mise en relation avec le vendeur avait été faite en sa qualité de salarié de la société.

Elle affirme qu’eu égard aux conditions dans lesquelles M. [F] a rencontré M. [I], il aurait dû lui proposer de signer un mandat avec son employeur conformément à ses obligations contractuelles, que les pièces produites aux débats par M. [F], en l’absence de tout courriel, SMS ou autre support, ne rapporte pas la preuve d’une telle proposition, que M. [I] reconnaît ne pas avoir été invité à régulariser un mandat de vente avec Square Habitat et que M. [F], qui est entré en relation avec M. [I] dans le cadre de ses fonctions de VRP, aurait dû l’avertir de son projet d’acheter le bien immobilier de M. [I] en saisissant le service conformité et sécurité financière

Elle expose en outre que M. [F] ne peut alléguer que son projet d’acquisition en était à ses prémisses et que rien ne permettait à son employeur d’affirmer qu’il n’aurait pas informé le service conformité. Elle soutient en effet qu’un compromis avait été signé et qu’une demande de financement de crédit avait été formée auprès d’une banque et que, si M. [F] l’avait informée de ses projets, il l’aurait mis devant le fait accompli en ce que l’étape suivante était la signature de la vente et qu’un salarié de bonne foi, aurait informé le service conformité de ses projets avant la signature du compromis.

Elle estime en outre que M. [I], pour le compte duquel elle a réalisé une estimation immobilière, constituait un client de la société. Elle précise qu’à l’issue du rapport d’estimation, le négociateur doit remettre au client un rapport d’estimation écrit, rentrer les données dans la base de données sur le logiciel métier et assurer un suivi par le biais de relances régulières et que, dès lors que M. [I] avait consenti au principe de l’estimation de son bien, il avait perdu la qualité de prospect au profit de celle de client.

Elle soutient que M. [F] ne peut s’étonner de l’absence de sanction à l’égard de l’un de ses co-acheteurs, salarié du Crédit agricole, aux motifs qu’elle n’a pas la qualité d’employeur de ce salarié, que faute de production du contrat de travail de ce salarié, il n’est pas établi qu’il était soumis aux mêmes obligations contractuelles que M. [F] et que, si la vente avait eu lieu, le Crédit agricole n’aurait subi aucun préjudice alors qu’en ce qui la concerne, elle aurait perdu le bénéfice d’une commission.

Elle conteste enfin avoir tiré argument de manière fallacieuse du projet de vente entre M. [F] et M. [I] dans le but de le licencier aux motifs qu’elle a fait le nécessaire pour que M. [F] puisse travailler au mieux, que, durant la relation contractuelle, M. [F] ne s’est pas plaint de ses conditions de travail, qu’il a bénéficié de l’assistance de ses supérieurs ainsi que d’un téléphone portable, ordinateur et un véhicule pour exercer ses fonctions, que les autres négociateurs ont volontairement quitté l’agence, qu’elle a entrepris des démarches en vue de remplacer M. [F] et que, si elle a résilié les mandats en cours lors du licenciement de M. [F], cette décision était motivée par le fait que les demandes des clients acquéreurs ne pouvaient aucunement être traitées de façon satisfaisante et que l’employeur ne pouvait faire face à l’obligation de moyens présente dans les mandats de vente alors qu’une mesure entraînait une perte financière non seulement pour M. [F] mais aussi pour son employeur.

Elle fait valoir que le licenciement pour faute grave de M. [F] s’oppose au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité légale de licenciement et fait grief à M. [F] de ne pas justifier du mode de calcul de la somme qu’il réclame au titre de cette dernière indemnité.

Elle conclut au rejet ou, à tout le moins, à la réduction des dommages-intérêts réclamés par M. [F], faute pour lui de justifier de son préjudice.

Enfin, concernant le commissionnement réclamé par M. [F] dans le cadre du dossier [R], elle indique que le droit de suite de M. [F] prenait fin au 28 janvier 2018, que l’encaissement des fonds sur cette vente est intervenu le 30 janvier 2018 et que M. [F] ne peut donc prétendre à aucun paiement de ce chef.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 décembre 2021. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE’:

sur la faute grave’:

Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l’employeur, le salarié n’ayant rien à prouver.

La lettre de licenciement adressé le 24 juillet 2017 par la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur à M.[F] rédigé dans les termes suivants’:

«’Vous avez été recrutés le 17 août 2015 en qualité de négociateur immobilier VRP transactions non cadre.

Le 9 juin 2016, Madame [L] [W], conseillère du Crédit Agricole, a adressé à Square habitat une recommandation, qui vous est parvenue, en vue de l’estimation d’un immeuble appartenant à Monsieur [I], clients du Crédit Agricole. Il s’agissait d’un immeuble de rapport situé à [Adresse 4], comprenant quatre niveaux, un sous-sol et des parkings.

Vous nous avez indiqué avoir procédé à son estimation et attribuer une valeur de 360KF à 390KF à ces biens.

Vous avez ultérieurement relancé à plusieurs reprises Monsieur [I] afin de savoir s’il entendait vendre ou non cet immeuble. Lorsque celui-ci vous indiquait souhaiter vendre son bien, et en votre qualité de négociateur immobilier de Square habitat vous auriez dû lui proposer la signature d’un mandat au profit de l’entreprise à l’effet de vendre son bien.

Contrairement à cela, vous vous êtes directement portés acquéreur de son immeuble en dépit de vos obligations professionnelles et signé une promesse de vente portant sur ses biens, le 15 mai 2017 avec trois autres acquéreurs dont Monsieur [N] [H] salarié du Crédit Agricole. Vous avez ensuite constitué une SCI avec ces trois mêmes personnes en vue de la substituer dans les droits de la promesse de vente.

Je ne saurais que trop vous rappeler qu’aux termes de votre contrat de travail vous vous êtes engagés à assister la société en matière de vente immobilière, à recueillir des mandats, mais aussi de ne pas réaliser d’opérations commerciales pour votre propre compte.

De même dans le règlement intérieur de Square habitat il est rappelé l’obligation pour les collaborateurs d’alerter les services conformité et sécurité financière en cas de réalisation d’opérations patrimoniales pour son propre compte avec un client.

Fort de vos obligations et des engagements pris lors de la signature de votre contrat, vous avez, d’une part, délibérément détourné un client de l’entreprise en faisant prévaloir votre propre intérêt et vous n’avez, d’autre part, procédé à aucune alerte du service conformité en vue de l’informer de votre projet.

Cette attitude, tout à fait inacceptable déplacée, est en totale opposition avec l’intérêt de l’entreprise et vient anéantir la confiance que nous vous avions donnée.

Or, en agissant comme vous l’avez fait, vous ne laissez aucune alternative à la rupture de votre contrat de travail.

Vos explications recueillies lors de notre entretien du 19 juillet 2017 ne sont pas de nature à modifier notre décision.

Compte tenu de la gravité des faits, qui vous sont reprochés, votre maintien d’entreprise s’avère impossible. Votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement’».

En l’espèce, selon son contrat de travail du 17 août 2015, M.[F] a été recruté par la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur en qualité de négociateur immobilier VRP transaction, VRP non cadre. Il lui incombait d’assister la société en matière de vente d’immeubles bâtis ou non bâtis et de leurs annexes dans son secteur, de prospecter des clients du secteur géographique en vue de recueillir des mandats est de constituer un stock de biens au juste prix, de prospecter, démarcher et recevoir les prospects acquéreurs au sein de l’agence et d’analyser leurs besoins, de faire visiter les biens proposés à la clientèle, de formaliser la conclusion des opérations de vente en établissant les promesses de vente et de surveiller le bon déroulement des opérations jusqu’à la signature de l’acte authentique.

Son contrat de travail prévoyait une clause d’exclusivité et de confidentialité aux termes de laquelle il s’engageait à consacrer toute sa force de travail à la prospection de son secteur et au développement de son chiffre d’affaires, à consacrer à son employeur l’exclusivité de son activité professionnelle et ne pas occuper d’autres emplois que celui pour lequel il était engagé et s’interdisait, pour toute la durée du contrat, de travailler à quelque titre que ce soit, par lui-même ou par personne physique ou morale interposée, pour une autre entreprise, concurrente ou non, et s’interdisait enfin de représenter toute autre société et de réaliser la moindre opération commerciale pour son propre compte.

Le règlement intérieur applicable au sein de la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur prévoit en son chapitre IV diverses dispositions portant sur la politique de gestion des conflits d’intérêts et notamment’: l’obligation pour le salarié de se placer dans une situation où il pourrait être amené à choisir entre ses intérêts personnels, de nature pécuniaire ou autre, et l’intérêt de la société, l’interdiction pour les collaborateurs d’utiliser pour son compte des informations concernant un client dont il aurait connaissance dans le cadre de son activité professionnelle et l’obligation de déclarer préalablement au service conformité et sécurité financière de toute opération patrimoniale (achats, ventes, viager, héritage,’) avec un client ou un fournisseur qui ne serait ni parent, ni alliés, ni conjoint, ni concubin, ni pacsé.

Il ressort des fiches de recommandation et de suivi versées aux débats par la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur que, le 9 juin 2016, elle a enregistré une demande d’estimation d’un bien immobilier pour le compte de M.[I], que, le 10 juin 2016, ce dossier a été confié à M.[F], que le 14 juin 2016, M.[F] a pris attache avec M.[I] et que, le 4 octobre 2016, M.[F] a déposé son estimation.

Par ailleurs, il est constant qu’à l’issue de l’estimation de son bien immobilier, M.[I] n’a pas donné de mandat de vente à la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur.

Enfin, au terme d’un compromis de vente du 3 mai 2017, M.[I] s’est engagé à vendre ce bien immobilier à M.[F] ainsi qu’à trois autres co-acquéreurs pour un prix de 360’000’euros.

Il est constant que M.[F] a procédé à l’acquisition d’un bien immobilier appartenant à un client de l’entreprise pour le compte duquel il avait procédé à une estimation de ce bien alors que, en vertu de son contrat de travail, il avait vocation à proposer à ce client la conclusion d’un mandat de vente avec la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur.

Cependant, la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur ne démontre pas que M.[F] aurait détourné ce client en le dissuadant de conclure un tel mandat dans le but d’acquérir directement le bien immobilier en question auprès de celui-ci. Au contraire, M.[F] verse aux débats le témoignage de M.[I] indiquant, qu’après s’être rapproché de son notaire, il lui était apparu que le plus rentable pour lui était de vendre en direct son appartement afin de ne pas cumuler l’imposition au titre de la plus-value et les commissions d’agence.

La SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur, qui soutient que ce courrier ne reprend pas les mentions obligatoires, ne fournit aucune précision quant à son défaut de conformité par rapport à l’article 202 du code de procédure civile relatif à la forme des attestations.

En tout état de cause, il est de principe que la violation des dispositions de l’article 202 du code de procédure civile n’est pas prescrite à peine de nullité et qu’il appartient au juge d’apprécier souverainement si une attestation non-conforme à ces dispositions présente ou non des garanties suffisantes pour emporter sa conviction et ne pas l’écarter des débats.

En l’espèce, ce courrier, daté et signé de la main de son auteur, et qui certifie exact de la main de son auteur la véracité de ses termes et la connaissance de sa production en justice, apparaît suffisamment probant.

Dès lors, la preuve des faits de détournement par M.[F] d’un client de l’entreprise dans son propre intérêt n’est pas rapportée.

En revanche, conformément au règlement intérieur applicable dans l’entreprise, M.[F] été tenu de déclarer préalablement au service conformité et sécurité financière de l’entreprise toute opération patrimoniale (achats, ventes, viager, héritage,’) avec un client ou un fournisseur qui ne serait ni parent, ni alliés, ni conjoint, ni concubin, ni pacsé.

M.[F], n’a pas informé ce service préalablement à la signature du compromis de vente du 3 mai 2017 alors que, dès lors que M.[I] avait la qualité de client de l’entreprise puisqu’il avait réalisé pour son compte une estimation de son bien immobilier, Il était tenu à une telle formalité.

Le second grief invoqué par la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur, tiré de la violation de la procédure destinée à prévenir les conflits d’intérêts est ainsi constitué.

Ce seul fait, par sa nature isolée, n’apparaît pas d’une gravité suffisante pour rendre impossible le maintient de M.[F] dans l’entreprise et justifier ainsi son licenciement pour faute grave. Par ailleurs, à raison de son unicité et en l’absence d’antécédents, il ne peut constituer un motif de licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l’ancienneté et de la rémunération perçue par M.[F], le préjudice qu’il a subi au titre de la perte de son emploi sera indemnisé en lui allouant la somme de 4’000’euros à titre de dommages- intérêts.

sur le rappel de commission au titre du droit de suite’:

Le contrat de travail de M.[F] prévoyait le paiement de commissions dont l’assiette était constituée par les honoraires hors-taxes (nets de commissions d’apporteur d’affaires) perçus par l’entreprise sur les produits vendus et les mandats rentrés. Il précisait qu’était considéré comme vendu le bien immobilier dont la vente avait été réitérée par acte authentique régulièrement signé entre l’acheteur et le vendeur devant notaire et pour laquelle l’entreprise avait intégralement perçu sa commission et qui était considéré comme rentré le mandat porté par un VRP grâce à ses efforts personnels et confié de façon définitive à l’entreprise aux termes d’un mandat régulièrement signé avec le propriétaire.

L’article 19 du même contrat de travail prévoit un droit de suite en vertu duquel, en cas de cessation du contrat de travail quelle qu’en soit la cause, le salarié bénéficiera d’un droit de suite pendant une durée de six mois concernant les commissions qu’il aurait perçues si le contrat de travail n’avait pas été rompu sous les deux conditions cumulatives suivantes’:

1/Ce droit de suite concernant toutes les affaires qui sont définitivement conclues dans les six mois suivant la rupture des relations contractuelles et pour lesquelles l’entreprise a effectivement perçu les honoraires correspondants, à savoir’:

Pour les ventes d’immeubles’: les compromis doivent avoir été définitivement signés par son intermédiaire avant l’interruption de son contrat, La signature de l’acte authentique n’étant intervenue qu’après la rupture des relations contractuelles, dans les suis mois suivant la rupture de son contrat,

Pour les mandats rentrés’: les démarches et la prospection doivent avoir été personnellement et exclusivement effectués par le salarié qui devra en justifier, la signature de l’acte authentique n’étant intervenue qu’après la rupture des relations contractuelles, dans les six mois suivant la rupture de son contrat.

2/Ce droit de suite n’est acquis que lorsque ces affaires sont la conséquence et la suite du travail effectué par le salarié pendant l’exécution de son contrat.

La relation de travail entre M.[F] et la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur a pris fin le 24 juillet 2017.

Il ressort clairement de ces stipulations que, pour les ventes d’immeubles, le fait générateur du droit de suite réside dans la signature d’un compromis dans les six mois suivant la rupture du contrat de travail, peu important que l’encaissement des fonds soit survenu postérieurement à cette date. Il n’est pas contesté par la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur que la vente [R] a fait l’objet d’un compromis de vente signé avant l’expiration du délai de six mois précité. M.[F] est en conséquence fondé à solliciter le paiement de la commission afférente à cette transaction.

sur les mesures accessoires’:

Enfin la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur, partie perdante qui sera condamnée aux dépens, sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles. Et devra payer à M.[F] la somme de 2’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS’;

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement’;

DECLARE M.[F] recevable en son appel’;

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 17 avril 2019:

LE CONFIRME pour le surplus’;

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation et y ajoutant’;

DIT que le licenciement pour faute grave de M.[F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

CONDAMNE la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur à payer à M.[F] les sommes suivantes’:

– 3’900’euros bruts à titre d’indemnité de préavis’;

– 390’euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 6851’euros bruts à titre d’indemnité de licenciement’;

– 4’000’euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

– 1500’€ nets’ à titre de rappel sur commissions’;

– 2’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes’;

CONDAMNE la SAS Square Habitat Provence Côte d’Azur aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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