Droit du logiciel : 1 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07121

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Droit du logiciel : 1 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07121

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 01 MARS 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07121 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRPN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/02262

APPELANT

Monsieur [D] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091

INTIMÉE

S.A.S. VIAREPORT

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Thomas GODEY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [U] a intégré la société Viareport en août 2011 en alternance. Le 1er janvier 2016, M. [U] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée par la société Viareport en qualité d’ingénieur d’affaires.

La société Viareport emploie plus de dix salariés.

La convention collective des bureaux d’études est applicable.

Par courrier de son conseil en date du 2 décembre 2019, M. [U] a dénoncé ses conditions de travail.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2020, M. [U] a démissionné, faisant état de manquements de l’employeur.

M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 18 mars 2020.

Par jugement du 06 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a :

Dit que la rupture du contrat s’analyse en une démission,

Pris acte que la société Viareport s’engage à verser à M. [U] les sommes suivantes :

482,21 euros au titre de la prime de vacances 2018

556,02 euros au titre de la prime de vacances 2019

Condamné la société Viareport à verser à M. [U] les sommes suivantes :

48,22 euros au titre des congés payés afférents à la prime 2018

55,60 euros au titre des congés payés afférents à la prime 2019,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Viareport de la convocation devant le bureau de conciliation,

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté M. [U] du surplus de ses demandes,

Débouté la société Viareport de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.

M. [U] a formé appel par acte du 20 octobre 2020.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 20 janvier 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [U] demande à la cour de :

Juger que M. [U] a été victime de harcèlement moral,

Juger que la prise d’acte de rupture de M. [U] doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

En conséquence,

Confirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 6 octobre 2020 en ce qu’il a condamné la partie défenderesse au paiement de 482,21 euros au titre de la prime vacances 2018 et 48,22 euros au titre des congés payés y afférents ainsi que 556,02 euros bruts au titre de la prime vacances 2019 et 55,60 euros au titre des congés payés y afférents,

Infirmer pour le surplus le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 6 octobre 2020,

Condamner la partie intimée aux sommes suivantes :

Rappel de salaire sur la part variable : 30 000 euros bruts

Congés payés y afférents : 3 000 euros bruts

Rappel de la prime de vacances : 465 euros bruts

Congés payés y afférents : 46,5 euros bruts

Rappel de salaire de janvier 2020 et février 2020 : 6 602,16 euros bruts

Congés payés y afférents : 660,21 euros bruts

Rappel de salaire sur les RTT non consommés : 1 507,03 euros bruts

Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50 000 euros nets

Requalification de la démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul

Indemnité compensatrice de préavis : 39 731,01 euros bruts

Congés payés y afférents : 3 973,10 euros bruts

Indemnité légale de licenciement : 2 590,98 euros nets

Indemnité pour licenciement nul : 80 000 euros nets

Article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros

Ordonner la remise d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard,

Laisser les dépens à la charge de la partie défenderesse.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 16 avril 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Viareport demande à la cour de :

A titre principal :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 6 octobre 2020 en ce qu’il a :

Dit que la rupture s’analyse en une démission;

Pris acte que la société Viareport s’engage à verser à M. [U] les sommes de :

482,21 euros bruts au titre de la prime de vacances 2018;

556,02 euros au titre de la prime de vacances 2019;

Condamné la société Viareport à verser à M. [U] les sommes suivantes:

48,22 euros au titre des congés payés afférents a la prime 2018;

55,60 euros au titre des congés payés afférents a la prime 2019.

Débouté M. [U] du surplus de ses demandes.

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 6 octobre 2020 en ce qu’il a :

Condamné la société Viareport à verser à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, statuant à nouveau :

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Constater que la société Viareport a rempli de ses droits M. [U] au titre de sa rémunération variable ;

Constater que la société Viareport a rempli de ses droits M. [U] au titre de sa rémunération des mois de janvier et février 2020 ;

Constater que la société Viareport a rempli de ses droits M. [U] au titre de la prime de vacances pour l’année 2017 ;

Constater que la société Viareport a rempli de ses droits M. [U] au titre de ses RTT ;

Constater que M. [U] n’a jamais fait l’objet d’un quelconque harcélement moral de la part de la société Viareport ;

En conséquence,

Débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire sur la part variable et les congés payés afférents ;

Débouter de sa demande de rappel de prime de vacances et les congés payés afférents pour l’année 2017;

Débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire pour les mois de janvier et février 2020 et les congés payés afférents ;

Débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire sur les RTT non consommés ;

Débouter M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Constater que la société Viareport n’a commis aucun manquement grave à l’égard de M. [U] ;

Dire et juger que la démission de M. [U] est claire et non équivoque ;

En conséquence,

Débouter M. [U] de sa demande de requalification de la démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul;

Débouter M. [U] de sa demande de dommages et intérets pour licenciement nul ;

Débouter M. [U] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

Débouter M. [U] de sa demande d’indemnité légale de licenciement ;

A titre infiniment subsidiaire :

Dire et juger que la prise d’acte de M. [U] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Constater que M. [U] ne démontre pas le préjudice subi ;

En conséquence,

Condamner la société Viareport à verser à M. [U] la somme de 31 849,11 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société Viareport à verser à M. [U] la somme de 23 729,10 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 2 372,91 euros de congés payés afférents ;

Condamner la société Viareport à verser à M. [U] la somme de 15 039,86 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

A titre très infiniment subsidiaire :

Dire et juger que la prise d’acte de M. [U] produit les effets d’un licenciement nul ;

Constater que M. [U] ne démontre pas le préjudice subi ;

En conséquence,

Condamner la société Viareport à verser à M. [U] la somme de 54 681,61 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Condamner la société Viareport à verser à M. [U] la somme de 23 729,10 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 2 372,91 euros de congés payés afférents;

Condamner la société Viareport à verser à M. [U] la somme de 15 039,86 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

Y ajoutant à titre reconventionnel :

Condamner M. [U] à verser à la société Viareport la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [U] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 novembre 2022.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

L’article 1152-1 du code du travail dispose que :

‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, alors applicable, il incombe au salarié qui l’invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [U] présente les faits suivants.

Il expose avoir fait l’objet de violence, pressions, brimades et insultes, d’isolement, de détournements des commissions qui lui étaient dues, de propos mensongers, de rappels à l’ordre de façon récurrente et injustifiée de son employeur, avoir subi une charge de travail importante.

Il produit des lettres de plusieurs personnes qui ont travaillé dans la société, qui sont signées et auxquelles sont jointes les copies des cartes d’identité et présentent ainsi des garanties suffisantes quant à leur auteur.

Un délégué du personnel indique que M. [U] l’a rencontré pour des faits de harcèlement par son supérieur en lien avec sa rémunération, ou concernant des brimades des managers. Il ajoute qu’il a signalé la situation à la direction et que sans évolution une enquête a été ouverte par le CSE.

L’ancien manager de M. [U], M. [Y], également délégué du personnel, signale avoir observé une agressivité et une malhonnêteté du management et de la direction à son égard, avoir suivi l’enquête pour les faits de violence en 2016, qui n’avait pas été considérée réellement par la direction et à l’issue de laquelle M. [U] avait dû changer de service. Il indique avoir quitté la société en avril 2019 et ajoute que la rémunération variable était opaque.

Une collègue de M. [U], Mme [X], écrit que des tensions ont été rencontrées en 2019, le responsable de M. [U] lui hurlant dessus dans l’open space, avec des propos dégradants, divulgant les arrangements financiers de son avenant au contrat de travail. Elle précise avoir été témoin d’un acte de violence physique du précédant manager de M. [U] et ne pas avoir témoigné en raison de menaces, la direction ne souhaitant pas agir.

Une ancienne salariée décrit le comportement habituellement menaçant des managers, avec une pression importante sur les membres des équipes, notamment concernant M. [U].

M. [U] indique avoir été absent au dernier séminaire de l’entreprise, sans produire d’élément à l’appui de ce propos, fait qui n’est pas établi.

Plusieurs échanges de mails établissent que M. [U] a signalé ne pas avoir perçu la totalité des commissions en lien avec les opérations sur lesquelles il a participé en 2019.

M. [U] n’a plus eu accès aux bases de données de la société Viareport après le début de son arrêt de travail et des accès restreints lui ont été accordés au cours du mois de janvier 2020.

M. [U] indique avoir connu une surcharge de travail après le départ d’autres salariés au début de l’année 2019, à l’origine d’un malaise pour surmenage au mois de mars, sans indiquer la date de celui-ci et sans verser aux débats d’élément établissant son propos ; l’arrêt de travail correspondant n’est pas produit, ni aucune pièce relatif à ce fait. Le compte rendu de l’entretien qu’il a eu avec une infirmière du service de la médecine du travail le 12 juin 2019 reprend ses déclarations, sans constat de cette professionnelle, pour l’orienter ensuite vers le médecin du travail. La surcharge de travail n’est pas établie par les éléments produits.

M. [U] indique que le dirigeant de la société lui a conseillé un abandon de poste, ce qui ne résulte pas du mail qu’il produit à cet effet. Ce fait n’est pas établi.

Dans un mail du 3 juillet 2019 adressé par M. [U] au directeur commercial à l’occasion d’un échange sur une opération, il s’est plaint de son comportement et de brimades ; son supérieur lui a demandé d’être plus explicite sur celles-ci. Le 17 octobre 2019, pour terminer une discussion de plusieurs mails successifs, le directeur commercial a demandé à M. [U] d’arrêter de répondre sans arrêt pour avoir le dernier mot.

Par mail du 17 octobre 2019 le directeur commercial a demandé à M. [U] de respecter les horaires de travail de son service.

M. [U] a été en arrêt de travail à compter du 23 novembre 2019, son médecin traitant indiquant une souffrance au travail sur les avis d’arrêt de travail.

Pris dans leur ensemble, ces éléments laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

La société Viareport produit le compte rendu de l’enquête qui a été effectuée après l’altercation entre M. [U] et son précédent manager, qui a été adressé aux représentants du personnel. Elle a été confiée conjointement à un membre de la délégation unique du personnel et à un membre de la direction, qui ont procédé à plusieurs auditions des personnes qui étaient présentes.

Mme [X] a été convoquée mais n’a pas souhaité rapporter sa version. Elle ne figure pas parmi les personnes qui étaient présentes lors des faits en cause, ce qui relativise la portée de son courrier. Le nom de M. [Y] ne figure pas plus dans l’enquête et l’altercation a eu lieu en octobre 2017, et non en 2016, ce qui remet en cause la réalité de son propos.

Selon le compte rendu de l’enquête, aucune des personnes présentes n’a été témoin d’un acte de violence du supérieur de M. [U] à son encontre. Le compte rendu d’entretien de l’un des salariés présents, versé aux débats, indique que la discussion animée avec le manager avait pour origine un autre salarié, que le manager criait par rapport à lui, et non envers M. [U], sans avoir eu aucun geste envers lui.

Ce compte rendu a été restitué aux représentants du personnel, qui n’ont formulé aucune observation.

La société Viareport produit plusieurs échanges de mail entre M. [U] et le manager avec lequel il aurait eu une altercation, dans lesquels son supérieur l’a félicité à plusieurs reprises, usant par ailleurs de termes courtois.

La société Viareport produit un mail que M. [U] a adressé au directeur commercial le 24 janvier 2018 dans lequel l’appelant indique les différentes modalités conditionnant son passage dans un autre service de l’entreprise, notamment une augmentation de sa rémunération, ce qui contredit le fait qu’on lui aurait imposé un changement de service.

La société Viareport justifie que Mme [X] et M. [U] ont été embauchés en même temps par une entreprise concurrente. Par ailleurs, plusieurs anciens salariés qui ont établi un courrier au profit de l’appelant avaient quitté l’entreprise, en 2018 ou au début de l’année 2019, ce qui ne leur permettait pas de constater d’éventuels agissements qui seraient intervenus sur la fin de la relation contractuelle, comme cela est invoqué par l’appelant.

La société Viareport produit plusieurs photographies de M. [U] participant à des activités organisées par l’employeur, ainsi que des propositions qui lui ont été adressées en ce sens pour le séminaire du 14 juin 2019 à Barcelone et une activité ‘Kick Off’ le 17 janvier 2019, ce qui démontre qu’il n’a pas été mis à l’écart.

Plusieurs salariés de la société Viareport attestent que M. [U] a progressivement adopté un comportement d’opposition aux responsables de la société, et qu’il remettait en cause leurs décisions, sans fondement, contredisant l’existence d’un comportement agressif de ses supérieurs à son égard. L’un d’eux précise que M. [U] avait des ‘disputes verbalement violentes avec certains collaborateurs’.

Les mails adressés par le directeur commercial sont des réponses aux messages que M. [U] avait formulés sur un ton polémique. Les propos du supérieur sont en termes mesurés, sans être injurieux ou irrespectueux. Le 17 octobre 2019, le salarié a reconnu

avoir quitté les locaux de l’entreprise plus tôt deux jours de suite, expliquant que son travail était fait.

De nombreux échanges ont eu lieu entre le directeur administratif et financier et M. [U] concernant le paiement des commissions, dans lequel toutes les précisions étaient données sur les modalités de calcul. D’autres échanges sont intervenus avec la direction, ou d’autres salariés, concernant les situations dans lesquelles l’opération relevait de services différents et nécessitait un arbitrage.

M. [U] a encore eu accès à la base de l’entreprise au mois de décembre 2019, ce qui résulte des captures d’écran qu’il a réalisées. Il résulte de l’attestation d’une autre salariée de l’entreprise qu’en cas d’absence prolongée l’accès était coupé, ce que l’appelant savait et avait anticipé en procédant à des copies de son ordinateur. Son accès a été rétabli au cours du mois de janvier 2020 pour lui permettre d’accéder à ses données administratives et il lui a été proposé de lui adresser les éléments qu’il souhaitait pour la partie relative à ses commissions.

Si un différent existait quant à la rémunération variable de M. [U], il s’expliquait par la nature des opérations effectuées.

La société Viareport justifie que quelques jours après l’entretien avec l’infirmière M. [U] a rencontré le médecin du travail le 22 juillet 2019, qui a établi une attestation de suivi sans formuler aucune observation.

La responsable des ressources humaines a adressé deux convocations à M. [U] pour le rencontrer sur un harcèlement subi, le 12 novembre 2019 puis le 2 janvier 2020, auxquelles le salarié ne s’est pas présenté.

La société Viareport justifie ainsi que ses agissements n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement et étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral de M. [U] n’est pas caractérisé.

M. [U] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel de rémunération variable

M. [U] demande un rappel de rémunération variable, faisant valoir que l’employeur a diminué sa rémunération en supprimant les commissions qui avaient été validées ou en les attribuant à d’autres personnes et qu’il ne justifie pas des éléments permettant de la vérifier.

L’avenant au contrat de travail en date du 12 avril 2019 prévoit une rémunération variable pouvant atteindre 39 613 euros en fonction de commissions sur les ventes, sur la base de facturation du mois précédent. Il est indiqué que le montant pourra être majoré en cas de dépassement des objectifs annuels. L’avenant renvoie à une annexe sur le commissionnement qui détermine les objectifs, précise les conséquences du dépassement du taux et indique qu’en cas d’apport d’affaire par un collaborateur la commission sera versée à hauteur de 1/5eme à l’apporteur d’affaires et 4/5eme au commercial en charge de l’affaire.

M. [U] ne précise pas les affaires en cause et produit des mails relatifs à plusieurs opérations conclues, pour lesquelles il a indiqué ne pas avoir perçu la commission due.

La société Viareport produit une extraction du logiciel des opérations, détaille leur analyse et compare les sommes dues et les sommes versées sur les bulletins de paie de M. [U], dont il résulte que la rémunération variable a été versée.

M. [U] conteste les documents produits, en indiquant qu’ils ont été falsifiés, sans produire aucun élément en ce sens.

Les captures d’écran versées aux débats par M. [U] indiquent une variation du montant de son chiffre d’affaires retenu au mois de décembre 2019.

La société Viareport justifie que deux affaires relevaient d’un autre service et que pour une autre M. [U] a été considéré chargé d’affaires avec le concours d’une autre salariée comme apporteur d’affaires, ce qui est de nature à justifier la rectification de la situation.

Concernant les mois de janvier et février 2020, M. [U] étant en arrêt de travail depuis la fin du mois de novembre et les commissions étant versées pour les opérations du mois précédent, aucune opération n’a été prise en compte et aucune rémunération variable ne lui était due.

M. [U] doit être débouté de ses demandes de rappels de rémunération variable.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel de la prime vacances

M. [U] demande le rappel d’une prime vacances pour l’année 2017, à hauteur de 465 euros.

L’article 31 de la convention collective qui dispose que : ‘L’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.

Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.’

La société Viareport fait valoir que la somme de 400 euros a été versée à M. [U] au mois de juillet 2017, qui peut correspondre à la prime vacances.

Si en application de la convention collective ce versement peut correspondre à la prime due, étant versée au cours de la période concernée, M. [U] fait justement valoir que le montant n’est pas justifié.

La société Viareport sera condamnée au paiement du solde du montant demandé, soit 65 euros outre 6,5 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la démission

La démission est la rupture du contrat de travail par le salarié, manifestée par une volonté claire et non équivoque. Lorsque la démission est motivée par des manquements de l’employeur, la rupture s’analyse en une prise d’acte.

Le courrier de démission adressé par M. [U] n’est pas produit par les parties, mais il n’est pas discuté que M. [U] a indiqué démissionner en raison de manquements imputés à l’employeur. Quelques temps auparavant, le 2 décembre 2019, son conseil avait dénoncé ses conditions de travail.

Compte tenu de ces éléments, la démission de M. [U] est équivoque et doit être qualifiée de prise d’acte.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est l’acte par lequel le salarié met un terme à son contrat de travail en raison de manquements qu’il impute à son employeur. Si les manquements sont établis et justifiaient la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut elle produit les effets d’une démission.

La charge de la preuve des manquements incombe au salarié.

M. [U] invoque plusieurs manquements : le harcèlement moral, un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et le fait que l’employeur ne lui a pas donné les moyens de vérifier le calcul de sa rémunération.

Le harcèlement moral n’est pas retenu.

M. [U] a eu accès à la base permettant le calcul de sa rémunération jusqu’au mois de décembre et, pendant son absence, des accès informatiques lui ont été ouverts. Il a été proposé à M. [U] de lui adresser les éléments complémentaires qu’il souhaitait, sans suite de sa part.

L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adéquation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’

La société Viareport a organisé une enquête après le signalement par M. [U] d’une altercation avec son manager, dont les résultats ont été restitués aux représentants du personnel.

M. [U] a bénéficié d’une visite devant le médecin du travail le 22 juillet 2019, à l’issue de laquelle aucune mesure n’a été préconisée.

La responsable des ressources humaines a convoqué M. [U] à un entretien par courrier du 12 novembre 2019, indiquant que les délégués du personnel l’auraient informée de faits de harcèlement moral qu’il subirait, afin de mettre en place une enquête interne, auquel il ne s’est pas présenté. Une nouvelle convocation lui a été adressée par mail du 2 janvier 2020, auquel M. [U] ne s’est pas présenté. Il lui était indiqué qu’un membre des délégués du personnel serait présent.

L’employeur établit qu’il n’a pas manqué à son obligation de sécurité.

Le non-paiement d’une partie très relative de la prime de vacances 2017, qui avait fait l’objet d’un versement pour la majeure partie et n’avait pas été demandée par le salarié avant sa démission ne constitue pas un manquement qui justifiait la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Les manquements invoqués par le salarié n’étant pas établis par le salarié, la prise d’acte produit les effets d’une démission.

M. [U] doit être débouté de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur le rappel de salaire au titre des RTT

M. [U] demande un rappel de salaire au titre des RTT dont il disposait à la fin de l’année 2019, qui ne lui ont pas été réglés.

La société Viareport expose que les RTT acquis pour l’année 2019 et qui n’avaient pas été utilisés avant le 31 décembre ont été perdus.

Le bulletin de paie de décembre 2019 indique que M. [U] disposait d’un solde de RTT de 5,56 jours à la fin de l’année.

Si l’employeur produit plusieurs mails rappelant à des salariés de poser leurs derniers jours de RTT avant la fin de l’année, M. [U] fait justement valoir qu’aucun accord collectif ni document n’instaure la perte des jours de RTT non pris à la fin de l’année et l’impossibilité de tout report.

La société Viareport doit être condamnée au paiement de la somme de 1 507,03 euros à ce titre, montant non contesté.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

La remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme et d’une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée sera ordonnée dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision. Il n’y a pas lieu à ordonner d’astreinte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [U] et la société Viareport succombent tous deux partiellement. Le sort réservé aux demandes justifie que chaque partie supporte la charge des dépens qu’elle a exposés et qu’aucune somme ne soit allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement qui a condamné l’employeur à verser une somme à ce titre sera infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de rappel de prime de vacances 2017, de rappel de salaire des jours de RTT et de remise de documents conformes et le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Viareport à payer à M. [U] les sommes suivantes :

– 65 euros au titre du solde de la prime vacances 2017 et 6,5 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 507,03 euros à titre de rappel de salaire sur les RTT non pris,

CONDAMNE la société Viareport à remettre à M. [U] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt dans le délai d’un mois et dit n’y avoir lieu à astreinte,

LAISSE à chacune des parties la charge des dépens qu’elle a exposés,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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