Droit du logiciel : 1 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02902

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Droit du logiciel : 1 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02902

VC/LD

ARRET N° 303

N° RG 21/02902

N° Portalis DBV5-V-B7F-GMC7

[L]

C/

Association ADAPEI 79

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 septembre 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT

APPELANT :

Monsieur [R] [L]

né le 16 Février 1969 à [Localité 5] (49)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Philippe HEURTON, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMÉE :

Association ADAPEI 79

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Ayant pour avocat plaidant Me François-Xavier CHEDANEAU de TEN FRANCE SCP D’AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, devant :

Madame Valérie COLLET, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS

GREFFIER, lors de la mise à disposition : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

L’Adapei 79 gère dans le département des Deux-Sèvres plusieurs établissements d’accueil de jeunes et adultes en situation de handicap, emploie plus de 11 salariés et relève de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

M. [R] [L], né en 1969, a été engagé par l’Adapei 79 en qualité de responsable de service aux termes d’un contrat à durée indéterminée du 4 octobre 2004. Il a évolué dans ses fonctions et a occupé notamment le poste de directeur adjoint du pôle habitat et vie sociale du site de [Localité 7] par interim du 16 juin au 20 novembre 2016 avant d’être nommé directeur adjoint du pôle habitat et vie sociale du site de [Localité 6], statut cadre classe 2 niveau 2 coefficient 793.10 par contrat à durée indéterminée du 11 août 2017 à effet au 5 septembre 2017. A cette occasion il a été convenu, M. [L] étant cadre autonome, d’une convention de forfait de 192 jours et d’une rémunération brute de 35 784,67 euros brut par an soit 2 982,05 euros brut par mois, outre le versement d’une indemnité de sujétion de 15 points et d’une indemnité moyenne mensuelle, forfaitaire et globale d’astreinte de 541,62 euros brut, l’ensemble de ces éléments de rémunération portant le salaire annuel à la somme de 42 960,84 euros brut soit 3 580,07 euros brut mensuels.

Par courrier du 9 juillet 2019 l’Adapei 79 a convoqué M. [L] à un entretien préalable fixé le 18 juillet 2019 tout en lui notifiant sa mise à pied conservatoire. M. [L] a comparu à l’entretien.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juillet 2019 l’Adapei 79 a licencié M. [L] pour faute grave.

Le 6 décembre 2019 M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Niort aux fins notamment de contester son licenciement avec toutes conséquences de droit dont l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et du licenciement brutal et vexatoire et de faire juger inopposable la convention de forfait jours, de solliciter le paiement des heures supplémentaires accomplies ainsi que de l’indemnité de travail dissimulé outre le paiement de l’indemnité pour congés payés de fractionnement.

Par jugement du 14 septembre 2021 le conseil de prud’hommes de Niort a :

* jugé le licenciement pour faute grave de M. [L] bien fondé,

* jugé la convention de forfait jours inopposable à M. [L],

* débouté M. [L] de sa demande de paiement des heures supplémentaires et de l’ensemble de ses demandes,

* débouté l’Adapei 79 de ses demandes reconventionnelles,

* laissé les dépens pour moitié à la charge de chacune des parties.

Vu l’appel régulièrement interjeté par M. [L] ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 3 mars 2023 aux termes desquelles M. [L] demande notamment à la cour d’infirmer la décision déférée sauf en ce qu’elle a dit la convention de forfait jours inopposable et statuant à nouveau de :

* juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamner l’Adapei 79 à lui payer, outre intérêts de droit à compter de la demande, les sommes de :

– 2 159,91 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents 215, 99 euros,

– 10 800 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 080 euros au titre des congés payés sur préavis,

– 15 000 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 54 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mesure vexatoire,

– 62 752,05 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés y afférents 6 275,20 euros,

– 21 600 euros net de csg crds à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 925,86 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de fractionnement,

– 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* débouter l’Adapei 79 de l’ensemble de ses demandes ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 27 février 2023 aux termes desquelles l’Adapei 79 demande notamment à la cour de :

* infirmer la décision déférée en ce qu’elle a jugé la convention de forfait jours inopposable à M. [L] ou subsidiairement infirmer la décision déférée en ce qu’elle a débouté l’Adapei 79 de sa demande reconventionnelle et condamner M. [L] à verser à l’Adapei 79 la somme de 5 967,76 euros brut au titre de remboursement des Rtt effectivement pris dans le cadre d’une convention de forfait jours jugée inopposable,

* confirmer pour le surplus la décision déférée,

* débouter M. [L] du surplus de ses demandes et le condamner à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 7 mars 2023 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

Sur le licenciement :

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié, rendant impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis, et l’employeur, débiteur de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement, doit démontrer la faute grave reprochée.

En application de l’article L 1235-1 du code du travail le doute profite au salarié.

Il est constant que la lettre de licenciement signée par une personne non habilitée pour le faire rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce la procédure de licenciement a été engagée et menée par M. [D], directeur général de l’Adapei 79, puisqu’il a signé la lettre de convocation à l’entretien préalable incluant notification de la mise à pied conservatoire, reçu M. [L] à l’entretien préalable puis signé la lettre de licenciement.

Ainsi par lettre recommandée avec accusé réception du 26 juillet 2019 l’Adapei 79 a licencié M. [L] pour faute grave, en rappelant tout d’abord qu’à la fin du mois de juin 2019 plusieurs salariés avaient alerté l’employeur sur le comportement du directeur adjoint et les risques en résultant pour leur état de santé, que le médecin du travail et la psychologue ergonome du travail avaient de même alerté le Chsct lors de la réunion tenue le 8 juillet 2019 sur les facteurs de risques psycho-sociaux, que ces signalements avaient déterminé l’organisation d’une réunion extraordinaire du Chsct, tenue le 11 juillet 2019 et ayant conclu à la mise en oeuvre d’une enquête conjointe employeur/membres du Chsct dont les résultats s’avéraient accablants pour M. [L].

L’Adapei 79 a reproché à M. [L] :

– des actes de maltraitance à l’égard des résidents, dont un coup de pied aux fesses à une personne vulnérable ou des consignes pour laisser une personne souillée dans ses selles,

– des attitudes contraires aux bonnes pratiques, dont l’absence d’intervention au cours de situations critiques ou des réponses inappropriées au contexte et aux personnes,

– un comportement humiliant, dégradant et intimidant induisant une souffrance au travail des salariés, le personnel attestant de préférences professionnelles et de différences de traitement et aussi d’acharnement envers certains collaborateurs,

– une violation des procédures internes et une tromperie, par exemple dans la tenue des carnets de bord de suivi des kilomètres des véhicules de service et dans les demandes de remboursement des frais.

L’Adapei 79 a considéré que le comportement de M. [L] était inacceptable et portait gravement atteinte à la sécurité des salariés et au bon fonctionnement de l’association ce qui justifiait une rupture immédiate du contrat de travail et un licenciement pour faute grave.

Les premiers juges ont retenu que M. [D], directeur général, disposait des habilitations nécessaires pour signer la lettre de licenciement et procéder au licenciement de M. [L], que les pièces versées aux débats par l’Adapei 79 démontraient que M. [L] avait eu des attitudes et tenus des propos pouvant être qualifiés a minima de déplacés au regard des fonctions occupées, qu’il avait manqué à ses obligations professionnelles lorsqu’il était d’astreinte et appelé en cas de violences commises par des résidents sur des salariés, qu’il n’avait pas pris de mesure visant à assurer la santé et la sécurité des salariés, démontré peu d’empathie envers eux et avait même parfois donné des directives contraires aux bonnes pratiques alors qu’en sa qualité de directeur adjoint il en avait le devoir et l’obligation, et qu’en revanche M. [L] ne produisait aucun élément permettant d’établir sa bonne foi ou de l’exonérer.

Les premiers juges en ont conclu que le licenciement de M. [L] reposait sur un ensemble de fautes caractérisant isolément ou prises dans leur ensemble une faute grave.

M. [L] critique cette appréciation.

M. [L] objecte tout d’abord que la lettre de licenciement qui doit être signée de l’employeur a été signée par M. [D], directeur général, alors qu’en application de l’article 20 des statuts, le président de l’association Adapei 79, est chargé de l’embauche et de la rupture du contrat de travail des salariés et est donc seul habilité pour signer une lettre de licenciement. M. [L] affirme que les délégations de pouvoir accordées à M. [D] n’incluaient pas la signature d’une lettre de licenciement d’autant plus que le directeur général n’avait pas délégation pour embaucher les directeurs d’établissement et les directeurs fonctionnels.

L’Adapei 79 rétorque que M. [L] procède à une lecture erronée des textes internes et des règles applicables, que le président avait signé une délégation de pouvoirs au profit de M. [D], directeur général, aux termes de laquelle il lui déléguait le pouvoir de licencier.

M. [L] fait ensuite valoir qu’aucun incident n’a été déploré en 15 ans de carrière, qu’il a au contraire bénéficié de promotions et d’augmentations de salaire, qu’il occupait depuis le 5 septembre 2017 le poste de directeur adjoint sans avoir reçu de fiche de poste et qu’il était placé sous l’autorité d’un directeur. M. [L] conteste chacun des griefs articulés contre lui alors que l’Adapei 79 demande à la cour de confirmer la décision déférée et de juger le licenciement pour faute grave bien fondé.

Les statuts de l’Adapei 79 sont versés ont débats. Aux termes de l’article 20, le président de l’association assure l’exécution des décisions du conseil d’administration et du bureau ainsi que le fonctionnement régulier de l’Adapei 79, représente l’association en justice et dans tous les actes de la vie civile, est notamment chargé de l’embauche des salariés et de toute rupture de leur contrat de travail, et, avec l’autorisation du conseil d’administration peut déléguer à un autre membre du bureau ou au directeur général de l’Adapei 79 certains de ses pouvoirs, cette délégation étant formalisée dans un document signé des deux parties. Aux termes de l’article 18, le conseil d’administration est investi de tous les pouvoirs pour assurer tous les actes et opérations nécessaires au bon fonctionnement de l’association sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées générales, ordinaires ou extraordinaires.

L’Adapei 79 produit en pièce 21 une subdélégation de pouvoirs et de responsabilités du président de l’association, M. [Y], au directeur général de l’association, M. [D], en date du 18 novembre 2013, signée de M. [Y] et de M. [D] et spécifiant que la délégation est conclue pour une durée indéterminée.

 

S’agissant des pouvoirs délégués, les premiers juges ont exactement rappelé l’énoncé de ce document, la cour se référant à la décision déférée sur ce point.

M. [L] relève exactement que cette délégation ne vise pas une autorisation préalablement donnée par le conseil d’administration au président pour déléguer certains de ses pouvoirs.

L’Adapei 79 objecte que M. [L], tiers à l’association ne peut en invoquer les statuts pour critiquer la régularité de la désignation de celui qui détient le pouvoir de licencier. Elle ajoute communiquer, en pièce 21 bis, une attestation de M. [Y] en date du 22 novembre 2013 exposant que le conseil d’administration a reconduit lors de séance de travail du 13 novembre 2013 la subdélégation de pouvoirs et de responsabilité consentie à M. [D].

La cour estime l’argumentation de l’Adapei 79 et ses pièces 21 et 21 bis, d’une part, suffisamment pertinente et, d’autre part, suffisamment probantes pour écarter les critiques de M. [L] sur la procédure de délégation de pouvoirs suivie.

M. [L] soutient ensuite que la délégation accordée à M. [D] ne lui conférait pas le pouvoir de licencier, ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’Adapei 79 résiste à ce moyen.

La délégation signée le 18 novembre 2013 énonce que le président délègue à M. [D] tout pouvoir pour mettre en oeuvre la politique générale de l’association et exécuter les décisions des instances statutaires de l’association et pour administrer et gérer l’exploitation des établissements et services de l’association à l’exception de pouvoirs et responsabilités ensuite énumérés.

Parmi ces exceptions figure la décision d’embauche des directeurs d’établissement et des directeurs fonctionnels, celle-ci restant prise par le président sur la base des propositions faites par le directeur général.

La décision de licencier n’est mentionnée ni dans les pouvoirs expressément délégués de manière générale ni dans les exceptions au pouvoir d’administrer et gérer l’exploitation des établissements et services de l’association.

Toutefois la délégation de pouvoirs ne pouvant, compte tenu de sa rédaction, être qualifiée de générale, il convenait de déléguer expressément et de manière particulière, le pouvoir de licencier, ce qui n’a pas été fait.

Ainsi, la cour juge que la délégation de pouvoir bénéficiant à M. [D] n’incluait pas le pouvoir de licencier, ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence de ces motifs, la cour réforme la décision déférée.

En l’état d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse M. [L] est bien fondé à solliciter le paiement de la mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents, de l’indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire outre les congés payés y afférents, de l’indemnité légale de licenciement. La cour satisfait ses demandes en ce sens, exactement chiffrées et non contestées par l’Adapei 79 mais fixe les créances salariales en valeur brute.

M. [L] expose avoir été licencié alors qu’il était âgé de 50 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 15 ans. Il estime à 54 000 euros l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse subi.

En application de l’article L 1235-3 du code du travail et au vu des pièces versées aux débats la cour s’estime suffisamment informée pour limiter à 12 000 euros l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le licenciement vexatoire :

Sur le fondement de l’article 1240 du code civil (ancien article 1382) ou des articles 1217 et 1231-1 (ancien article 1147) le salarié peut solliciter l’indemnisation du préjudice subi et consécutif à un licenciement brutal et vexatoire, distinct du préjudice résultant de la perte d’emploi sous réserve de prouver le comportement fautif de l’employeur, la réalité du préjudice allégué et le lien de causalité.

En l’espèce M. [L] sollicite la condamnation de l’Adapei 79 à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mesure vexatoire. Il expose n’avoir jamais subi de mise en garde ni de sanction disciplinaire depuis son embauche en 2004 et avoir été brutalement évincé après 15 ans de ‘bons et loyaux services’, ce qui l’a profondément meurtri.

Toutefois, l’activité de l’Adapei 79, les alertes exprimées par les salariés sur le comportement du directeur d’établissement ainsi que les alertes sur les risques psycho-sociaux exposées lors de la réunion du Chsct imposaient à l’employeur une réaction rapide, pour protéger la santé du personnel et des résidents, l’engagement d’une procédure de licenciement avec notification d’une mise à pied conservatoire n’apparaissant ni brutal ni vexatoire et ne caractérisant pas un comportement fautif de l’employeur.

En outre M. [L] est défaillant à démontrer la réalité d’un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre de la perte d’emploi et susceptible de caractériser un préjudice moral causé par les circonstances du licenciement.

En conséquence la cour déboute M. [L] de sa demande indemnitaire pour mesure vexatoire et ajoute à la décision déférée en ce sens, les premiers juges n’ayant pas discuté de cette prétention pourtant soutenue par le salarié et ayant omis de l’en débouter.

Sur la convention de forfait jours :

La convention individuelle de forfait établie sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle doit nécessairement être passée par écrit avec accord du salarié.

En outre, la conclusion d’une convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut par une convention ou un accord de branche déterminant les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Il est constant que les salariés concernés sont ceux pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu’ils exercent et du degré d’autonomie dont ils bénéficient dans l’organisation de leur emploi du temps.

Il est également constant que l’employeur doit contrôler leur charge de travail et l’amplitude de leur temps de travail ainsi que la compatibilité de leur activité professionnelle avec leur vie personnelle et familiale et la rémunération versée, en mettant effectivement en oeuvre les garanties de contrôle précitées et en organisant un entretien individuel annuel sur ces points.

Le non-respect de ces obligations par l’employeur rend nulle la convention de forfait, et même si le salarié n’en sollicite pas la nullité, la convention de forfait est privée d’effet. En conséquence, sous réserve de se conformer au régime probatoire applicable aux heures supplémentaires, le salarié est alors en droit de solliciter l’entière rémunération des heures de travail accomplies.

En revanche il est également constant que l’application d’une convention de forfait nulle ou privée d’effet ne suffit pas à caractériser un travail dissimulé, l’intention frauduleuse de l’employeur devant être établie.

En application de l’article L 3171-4 du code du travail, le juge forme sa conviction sur la demande de paiement des heures de travail accomplies au vu des éléments fournis par les parties et après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient au salarié qui sollicite le paiement des heures supplémentaires de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, tenu de contrôler les heures de travail effectuées par chaque salarié d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Il est constant que le salarié peut apporter des éléments factuels comportant un minimum de précision, éléments pouvant être établis unilatéralement par ses soins et que le décompte qu’il présente de son temps de travail doit être pris en compte, sous réserve qu’il soit suffisamment détaillé, peu important qu’il n’ait pas été établi durant la relation de travail mais a posteriori.

Les heures supplémentaires ou complémentaires doivent avoir été accomplies à la demande de l’employeur ou du moins, avec son accord implicite.

Les premiers juges ont exactement rappelé les textes applicables et autorisant une convention de forfait jours, et plus particulièrement les énoncés des articles L 3121-63 et L 3121-64 du code du travail, et considéré que M. [L] était un cadre autonome, sans être d’ailleurs critiqués sur ce point par les parties en cause d’appel.

Pour juger la convention de forfait jours inopposable à M. [L] les premiers juges ont retenu, d’une part que les dispositions de la convention collective applicable comme celles de la convention individuelle de forfait jours n’étaient pas suffisamment précises sur les modalités de suivi de la charge de travail et, d’autre part, que l’Adapei 79 ne s’était pas conformée à l’article L 3121-65 du code du travail puisqu’elle n’avait pas réalisé d’entretien de suivi de la charge de travail.

M. [L] demande à la cour de confirmer cette appréciation en rappelant que le forfait jours de 192 jours a été prévu par l’article 4.1 du contrat à durée indéterminée du 11 août 2017, que l’article 4-2 du contrat de travail précisait qu’au début de chaque année un récapitulatif annuel de jours travaillés au cours de l’année passée lui serait fourni et qu’en cas de dépassement du nombre de jours devant être travaillés il pourrait récupérer un nombre de jours équivalent à ce dépassement dans les trois premiers mois de l’année suivante, la durée forfaitaire annuelle calculée sur la base de l’article 4.1 en étant réduite d’autant, qu’il n’a pourtant reçu aucun décompte hebdomadaire ou mensuel, qu’il n’a bénéficié d’aucun entretien trimestriel ou annuel, qu’ainsi l’employeur n’a pas respecté les mesures destinées à protéger la santé et la sécurité du salarié travaillant sous le régime du forfait jours ce qui prive d’effet la convention de forfait jours discutée.

L’Adapei 79 demande à la cour de juger la convention de forfait jours opposable à M. [L]. L’employeur rappelle que la convention collective applicable prévoit la mise en oeuvre d’une convention de forfait jours, que M. [L] cadre autonome a expressément accepté une convention de forfait jours individuelle, que M. [L] était parfaitement informé du suivi de son activité, compte tenu de ses fonctions du logiciel Focat permettant à chaque salarié de renseigner la réalité de son activité, que M. [L] n’a jamais signalé de difficulté et a au contraire bénéficié des jours de Rtt adossés à l’application

de la convention de forfait jours.

Or c’est à l’employeur qu’incombe l’obligation de suivre l’activité du salarié soumis à une convention de forfait jours et de mettre en oeuvre les mesures garantissant le respect de sa vie personnelle, de sa santé et sécurité, sans que cette obligation puisse être reportée sur le salarié. L’Adapei 79 n’établit pas s’être conformée à ses obligations légales et contractuelles.

En conséquence la cour confirme la décision déférée en ce qu’elle a jugé la convention de forfait jours inopposable à M. [L].

Les premiers juges ont débouté M. [L] de sa demande au titre des heures supplémentaires en retenant que le salarié se limitait à produire l’attestation d’une collègue et que cette pièce n’était pas suffisamment précise pour lui permettre de satisfaire sa part probatoire.

M. [L] rappelle avoir sollicité en vain la communication par l’Adapei 79 de son agenda électronique Outlook sur lequel il notait ses rendez vous et le nombre d’heures de travail quotidien, et souligne ne pas maintenir cette demande puisque l’Adapei 79 affirme ne plus être en possession de cette pièce.

M. [L] soutient que les premiers juges n’ont pas respecté le régime probatoire applicable aux heures supplémentaires et que l’attestation de Mme [C] est suffisamment précise pour présenter un travail quotidien de 10 jours, d’autant plus qu’il verse aux débats un décompte de ses heures supplémentaires.

Mme [C] atteste, conformément à l’article 202 du code de procédure civile, qu’elle était la N-1 de M. [L], qu’ils ont co-voituré ‘à plusieurs reprises’, qu’ils embauchaient ‘certains matins’ à 7h, qu’ils déjeunaient ‘vers 12h30/13h’, que le temps de repas durait ‘de 30 minutes à une heure selon les journées’, que les journées se terminaient ‘vers 17h30″ et qu’elle utilisait le logiciel Outlook pour la messagerie interne et comme agenda accessible à plusieurs professionnels.

Les premiers juges ont donc exactement considéré que ce témoignage n’était pas suffisamment précis pour satisfaire à lui seul la part probatoire du salarié. En effet, Mme [C] ne relate pas, comme soutenu par M. [L], une embauche systématique, tous les jours, à 7h et une fin de service tout aussi systématique et quotidienne à 17h30 avec une pause méridienne de 30 minutes. Le témoin vise au contraire des horaires approximatifs à savoir ‘vers…’, ‘certains jours’ et ‘selon les journées’, sans en préciser les dates et les expressions telles ‘à plusieurs reprises’ et ‘certains matins’ employées permettent de conclure à un co-voiturage plus occasionnel que régulier.

M. [L] présente en pièce 11 un récapitulatif de ses horaires et y retient systématiquement, pour chaque semaine des années 2017, 2018 et 2019 hors périodes de congés payés, une embauche à 7h, très exceptionnellement à 8h, une pause méridienne entre 12h30 et 13h et une fin de service à 18h sauf le vendredi à 17h.

Rapproché des termes de l’attestation déjà discutée de Mme [C], ce document ne permet pas de retenir que M. [L] a effectivement accompli toutes les heures supplémentaires y figurant.

L’Adapei 79 produit en pièce 20 les récapitulatifs annuels des jours travaillés par M. [L] de 2017 à 2019 et en pièce 48 le planning annuel individuel de M. [L] pour l’année 2018 mentionnant les horaires de travail du salarié. Ainsi l’employeur satisfait partiellement sa part probatoire. M. [L] analyse cette pièce 48 en omettant de prendre en compte : le fait qu’il a nécessairement pris une pause méridienne, le fait que sur des semaines de 5 jours il débauchait souvent le 5ème jour à 12 heures, le fait qu’il a bénéficié des jours de congés ou de Rtt. Ainsi la pièce 48 précitée n’aboutit pas à un temps hebdomadaire de 40 heures mais de 36 heures soit une heure supplémentaire à payer et sur un maximum de 30 semaines pour l’année considérée.

Après examen de l’ensemble de ces pièces, la cour s’estime suffisamment informée pour retenir qu’entre le 4 juin 2017 et le 26 juillet 2019 seulement 60 heures supplémentaires sont dues à M. [L] lequel fixe exactement son taux horaire majoré à 29,67 euros brut soit un total dû de 1 780,20 euros brut outre les congés payés y afférents 178,02 euros brut.

La cour réforme la décision déférée en ce sens.

Sur le travail dissimulé :

Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait par l’employeur de se soustraire intentionnellement soit à l’accomplissement de la formalité prévue

à l’article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2 du code du travail, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail, soit à l’accomplissement auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales des déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises dessus.

L’article L 8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l’article L 8221-5 du code du travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

M. [L] revendique le paiement de l’indemnité pour travail dissimulé.

Toutefois la cour a déjà rappelé que l’intention dissimulatrice doit être établie, ce qui n’est pas le cas dans l’espèce, l’inopposabilité de la convention de forfait jours étant insuffisante pour caractériser cette intention alors même que l’employeur a tenu un relevé des jours de travail, des horaires de travail en 2018 et a accordé au salarié des jours de Rtt.

En conséquence de ces motifs la cour confirme la décision déférée en ce qu’elle a débouté M. [L] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur les congés de fractionnement :

Les articles L 3141-19 et L 3141-23 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige prévoient l’attribution de congés supplémentaires dans le cas où le salarié prend une partie du congé principal en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre.

M. [L] justifie qu’il prenait sa quatrième semaine de congés chaque année après le 31 octobre et soutient que l’Adapei 79 lui doit la somme de 925,86 euros correspondant à l’indemnité compensatrice de 6 jours de congés payés au titre du fractionnement, soit 2 jours par an.

Les premiers juges l’ont débouté dans le dispositif de la décision déférée sans discuter de cette prétention dans leurs motifs.

L’Adapei 79 ne réplique pas sur cette demande.

Toutefois au vu de l’emploi du temps produit en pièce 11 par M. [L] la cour est en mesure de vérifier qu’il ne satisfait pas, compte tenu des dates de ses congés, aux conditions lui permettant de bénéficier des jours de congés de fractionnement revendiqués.

En conséquence de ces motifs la cour confirme la décision déférée en ce qu’elle a débouté M. [L] de ce chef.

Sur les jours de Rtt :

L’Adapei 79 soutient exactement que l’inopposabilité de la convention de forfait jours prive de cause l’octroi des jours de Rtt et que M. [L] doit être condamné à rembourser à l’employeur la somme de 5 967,76 euros correspondant aux jours de Rtt octroyés sur les trois années non prescrites.

C’est sans pertinence que M. [L] s’oppose à cette demande, simple conséquence de l’inopposabilité de la convention de forfait jours.

Les premiers juges ayant omis de statuer de ce chef la cour ajoute à la décision déférée en ce sens.

Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :

Les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables.

Les condamnations qui concernent des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation. Les condamnations à titre de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l’article L 1231-7 du code civil.

L’issue de l’appel, l’équité et les circonstances économiques commandent de faire droit, à concurrence de la somme de 1 500 euros à l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel et au profit de M. [L], la cour confirmant la décision déférée sur les frais irrépétibles de première instance.

L’Adapei 79 qui succombe est condamnée aux entiers dépens la cour réformant la décision déférée de ce chef et y ajoutant.

PAR CES MOTIFS

Réforme la décision déférée en ce qu’elle a dit le licenciement pour faute grave bien fondé, débouté M. [L] de ses demandes afférentes au licenciement, débouté M. [L] de sa demande au titre des heures supplémentaires, débouté l’Adapei 79 de sa demande au titre du remboursement des Rtt, statué sur les frais irrépétibles et les dépens et statuant à nouveau de ces chefs :

Juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l’Adapei 79 à payer à M. [L] les sommes de :

– 2 159,91 euros brut au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents 215, 99 euros brut,

– 10 800 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 080 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

– 15 000 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 12 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 780,20 euros brut au titre des heures supplémentaires outre les congés payés y afférents 178,02 euros brut ;

Condamne l’Adapei 79 aux dépens ;

Confirme pour le surplus la décision déférée ;

Y ajoutant :

Condamne M. [L] à payer à l’Adapei 79 la somme de 5 967,76 euros brut au titre du remboursement des jours de Rtt accordés en application d’une convention de forfait jours jugée inopposable ;

Déboute M. [L] de sa demande indemnitaire pour mesure vexatoire ;

Condamne l’Adapei 79 à payer à M. [L] une somme complémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, que les condamnations concernant des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les condamnations à titre de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l’article L 1231-7 du code civil.

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne l’Adapei 79 aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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