Droit du logiciel : 1 juin 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00182

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Droit du logiciel : 1 juin 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00182

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00182 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EZJV

numéro d’inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 03 Mars 2021, enregistrée sous le n° 19/00009

ARRÊT DU 01 Juin 2023

APPELANT :

Monsieur [B] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant – assisté de Me Antonio SARDINHA MARQUES de la SELARL VOXLAW, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.S. ASDIA, venant aux droits de la société R SANTE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Samuel DE LOGIVIERE de la SELARL SULTAN – LUCAS – DE LOGIVIERE – PINIER – POIRIER, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Mars 2023 à 9 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : M. Yoann WOLFF

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

du 01 Juin 2023, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Marie-Christine DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée R Santé, aux droits de laquelle intervient désormais la société par actions simplifiée Asdia, exerce une activité consistant en la vente, le négoce, la location, la réparation de matériel médical, le conseil dans ce domaine ainsi que la dispensation à domicile de l’oxygène à usage médical. Elle est spécialisée dans l’assistance respiratoire et accompagne tout au long de son traitement ses clients avec la constitution des dossiers administratifs, l’appareillage à domicile ou en milieu hospitalier, le suivi technique, le lien avec le médecin prescripteur ainsi que l’assistance technique d’urgence 24/24. Elle emploie au moins onze salariés et applique la convention collective nationale du négoce et des prestations de services dans les domaines médico-techniques du 9 avril 1997.

M. [B] [C] a été engagé par la société R Santé suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 10 octobre 2013 en qualité de commercial, statut cadre, niveau IV, position 4.1, coefficient 510 de la convention collective nationale précitée.

L’article 21 du contrat de travail stipule une clause de non-concurrence pour une durée de trois années dans les ‘régions administratives de Haute et Basse Normandie, Bretagne et Pays de la [Localité 7]’ moyennant une contrepartie financière égale à 40% du salaire brut mensuel de M. [C], hors primes et avantages en nature.

En dernier état de la relation contractuelle, M. [C] occupait un poste de responsable commercial en contrepartie d’une rémunération brute mensuelle s’élevant à la somme de 3 410 euros.

Le 6 décembre 2016, M. [C] a initié des négociations en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle de son contrat de travail lesquelles n’ont pas abouti.

Par courrier du 4 janvier 2017, la société R Santé a convoqué M. [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 16 janvier suivant.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 20 janvier 2017, la société R Santé a notifié à M. [C] son licenciement pour insuffisance professionnelle et l’a dispensé d’exécuter son préavis, lui demandant expressément de respecter son obligation de non- concurrence.

Par courrier recommandé du 28 avril 2017, la société R Santé a rappelé à M. [C] l’obligation qui lui incombait de respecter la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail rompu le 24 avril 2017.

Le 6 juin 2017, M. [C] a été engagé au sein de la société GEP Santé.

Le 14 février 2018, la société R Santé a déposé une requête auprès du président du tribunal de grande instance d’Angers pour obtenir la désignation d’un huissier de justice, assisté si nécessaire d’un informaticien, aux fins de procéder à différentes mesures d’instruction au siège de la société Atlas Médical, situé [Adresse 12], requête à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 19 février 2018.

Un procès-verbal de constat a été dressé le 18 avril 2018 par Me [X] [L], huissier de justice désigné ayant procédé aux différentes mesures d’instruction ordonnées.

La société R Santé a ensuite saisi le conseil de prud’hommes d’Angers le 9 janvier 2019 aux fins de voir enjoindre sous astreinte à M. [C] de respecter son engagement de non-concurrence et de cesser tout acte concurrentiel. Elle sollicitait également la condamnation du salarié au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de la clause de non-concurrence, le remboursement de l’indemnité de non-concurrence et des congés payés afférents réglés depuis la date de la rupture de la relation de travail et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En dernier lieu, elle demandait aussi à ce que l’ensemble des demandes présentées à titre reconventionnel par M. [C] soient déclarées irrecevables comme prescrites, et subsidiairement non fondées.

M. [C] s’est opposé aux prétentions de la société R Santé et, reconventionnellement, a contesté le bien-fondé de son licenciement, réclamant la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 3 mars 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit et jugé la société R Santé bien fondée en ses demandes ;

– condamné M. [C] à payer à la société R Santé les sommes suivantes :

* 40 920 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’engagement de non-concurrence ;

* 62 344,26 euros en remboursement de l’indemnité de non-concurrence et des congés payés afférents que la société R Santé lui a versés outre les charges exposées ;

* 3 616,32 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens incluant les frais de constat d’huissier pour 2 616,32 euros ;

– débouté les parties de leurs autres demandes.

Pour statuer en ce sens, le conseil de prud’hommes a reconnu la validité de la clause de non-concurrence dans la mesure où elle était limitée dans le temps et l’espace de manière proportionnée, qu’elle n’empêchait pas M. [C] d’exercer une activité professionnelle et qu’elle prévoyait une contrepartie financière dont la société R Santé justifiait le versement au terme du préavis dont le salarié avait été dispensé d’exécution.

Pour reconnaître la violation de la clause de non-concurrence par M. [C], les premiers juges se sont appuyés sur le constat de Me [L], huissier de justice, lequel relève la présence régulière de M. [C] dans les locaux de la société Atlas Medical ainsi qu’une activité commerciale réelle au sein de cette société.

Enfin, le conseil de prud’hommes a constaté la prescription de l’action en contestation du licenciement formée reconventionnellement par M. [C], comme tardive en application de l’article L. 1471-1 du code du travail.

M. [C] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 12 mars 2021, sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce expressément dans sa déclaration.

La société ASDIA, venant aux droits de la société R Santé, a constitué avocat en qualité de partie intimée le 10 juin 2021.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 février 2023.

Le dossier, fixé initialement à l’audience du conseiller rapporteur du 14 mars 2023, a été renvoyé à l’audience collégiale de la chambre sociale du 27 mars 2023 ce, à la demande de la société R Santé.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [C], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 17 novembre 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

– le recevoir en son appel et le juger bien fondé ;

– juger à titre principal, que la clause de non-concurrence incluse dans son contrat de travail est privée d’effet et, en toute hypothèse illicite, nulle et non avenue ;

– juger à titre subsidiaire, qu’il a respecté la clause de non-concurrence incluse dans son contrat de travail ;

– juger, à titre infiniment subsidiaire, que la société R Santé ne démontre ni le préjudice qu’elle dit avoir subi, ni son quantum, ni le lien de causalité entre son comportement et son préjudice ;

– juger que son licenciement pour insuffisance professionnelle est sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– débouter la société R Santé de la totalité de ses demandes ;

– prendre acte de ce qu’il remboursera à la société R Santé la somme de 40 699,58 euros au titre du montant net perçu au titre de la contrepartie financière, si la clause de non-concurrence était invalidée par la cour ;

– limiter, à titre subsidiaire, le remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence au montant net perçu, soit 40 699,58 euros, à l’exclusion des cotisations sociales, si la cour devait faire droit aux demandes de la société R Santé ;

– limiter à titre infiniment subsidiaire, le montant de la clause pénale à 1 euro symbolique;

– condamner la société R Santé à lui payer un montant de 13 640 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

– condamner la société R Santé à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société R Santé aux entiers dépens.

À titre principal, M. [C] fait valoir que la clause de non-concurrence doit être considérée privée d’effet. Elle souligne ainsi que la contrepartie financière de l’interdiction de non-concurrence aurait dû lui être versée dès le début de son préavis dont il avait été dispensé d’exécution, que la société R Santé n’a procédé à aucun versement à ce titre du 21 janvier au 8 juin 2017, et qu’en conséquence, cette inexécution fautive l’avait délié de toute obligation de non-concurrence.

M. [C] soutient ensuite que cette clause est nulle et non-avenue compte tenu de son caractère potestatif et imprécis. À cet égard, il estime qu’il ne connaissait pas l’étendue spatio-temporelle de la clause laquelle pouvait être modifiée unilatéralement par l’employeur ce, même après la rupture du contrat de travail.

Le salarié soulève encore le caractère illicite de la clause litigieuse, considérant sa durée excessive et non proportionnée aux intérêts légitimes de la société R Santé à protéger.

En définitive, M. [C] estime que cette clause de non-concurrence avait pour unique objectif de l’empêcher de retrouver un emploi conforme à sa formation et à son expérience professionnelle.

Subsidiairement et en tout état de cause, M. [C] prétend avoir respecté les conditions et modalités d’application de la clause de non-concurrence, rappelant qu’il a été engagé par la société GEP Santé à compter du 6 juin 2017, avec pour missions d’assurer la coordination administrative de l’agence d’Ile de France de Gep Santé et de démarcher les médecins prescripteurs sur [Localité 8] et l’Ile de France, périmètre géographique non visé par la clause litigieuse.

Le salarié fait valoir par ailleurs que la société R Santé ne démontre ni la violation de la clause de non-concurrence ni son préjudice direct et certain dont elle lui impute la responsabilité, ni même le lien de causalité entre les pertes du chiffre d’affaires invoquées et la prétendue méconnaissance de la clause de non-concurrence. Il précise ainsi que la société R Santé ne communique aucun élément permettant d’établir un lien entre les désappareillages invoqués et le prétendu non-respect de la clause de non-concurrence, soulignant qu’en moyenne sur quatre ans, seulement 4,2% de désappareillages résultent d’un changement de prestataire. En tout état de cause, M. [C] met en avant la tardiveté de l’action engagée par la société R Santé, plus d’un an et demi après qu’elle ait eu connaissance de la prétendue violation de la clause de non-concurrence.

À titre reconventionnel, M. [C] conteste le bien fondé de son licenciement pour insuffisance professionnelle dans la mesure où la société R Santé ne l’a pas mis en garde quant à cette insuffisance pendant la relation contractuelle et n’a veillé ni à son adaptation à son poste ni au maintien de sa capacité à occuper son emploi. Il estime ne pas être prescrit en ses demandes dès lors qu’il n’a pris conscience de l’étendue de son droit qu’à compter de l’assignation de la société R Santé le 9 janvier 2019 par laquelle la société explicitait les raisons réelles qui l’avaient conduite à rompre son contrat de travail.

*

La société par actions simplifiée ASDIA, venant aux droits de la société R Santé, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 11 août 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de dire M. [C] mal fondé en son appel et en conséquence, rejeter l’ensemble de ses demandes comme non fondées, et de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

– l’a dit et jugée bien fondée en ses demandes ;

– a constaté que le salarié avait violé la clause de non-concurrence ;

– a condamné M. [C] à lui verser la somme de 62 344,26 euros en remboursement de l’indemnité de non-concurrence et des congés payés afférents outre les charges exposées ;

– a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle formée par M. [C] au titre de la contestation de son licenciement, comme prescrite ;

– a condamné M. [C] à lui verser la somme de 3 616, 32 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant la somme de 2 616, 32 euros au titre des frais d’huissier ;

– infirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

– condamner M. [C] à lui verser 2 815 257,53 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’engagement de non-concurrence, tous préjudices confondus ;

En tout état de cause,

– condamner M. [C] à lui verser 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, la société Asdia fait valoir que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de M. [C] remplit toutes les conditions de validité posées par la jurisprudence. Elle indique d’abord qu’au regard des spécificités de l’emploi occupé par le salarié en son sein, la clause de non-concurrence était nécessaire à la protection de ses intérêts légitimes, limitée géographiquement aux régions des Haute et Basse Normandie, Bretagne et Pays de la [Localité 7] comme dans sa durée de trois années.

Contestant le caractère potestatif et imprécis de la clause soulevé par M. [C], l’employeur fait observer que la clause de non-concurrence prévoit précisément le terme du délai de renonciation, laquelle était possible dans le seul délai d’un mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail.

Enfin, la société Asdia indique avoir régulièrement versé l’indemnité pécuniaire à M. [C] et ce dès le mois de juin 2017 soulignant d’une part, que l’inexécution du préavis n’a pas pour conséquence d’avancer la date à laquelle le contrat prend fin et d’autre part, qu’un simple retard de quelques jours dans ce versement n’entraîne pas une dispense du respect de l’obligation de non-concurrence pour le salarié. En définitive, la société fait valoir que M. [C] n’établit pas l’inexécution fautive alléguée de sorte que la clause ne saurait en aucun cas être privée d’effet.

La société Asdia fait également valoir que M. [C] a violé la clause de non-concurrence insérée à son contrat de travail en réalisant des prestations pour le compte d’une société concurrente, la société Atlas médical ce, sur le périmètre géographique de la clause de non-concurrence. À ce titre, elle précise que le salarié utilisait le fichier des patients appareillés par son ancien employeur et qu’il a démarché de façon ciblée les patients à leur domicile ou par téléphone pour les inciter à changer de prestataire au profit de la société Atlas Médical. Elle rappelle que M. [C] a sollicité la mise en oeuvre d’une procédure conventionnelle de rupture du contrat de travail le 6 décembre 2016 avec levée de la clause de non-concurrence, ce qui manifestait déjà la volonté du salarié de ne pas respecter son obligation de non-concurrence, étant précisé que face au refus de la société d’accéder à cette demande, il a délaissé ses activités entraînant alors son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Elle assure verser aux débats les éléments probatoires nécessaires pour établir la violation caractérisée de la clause litigieuse, extraits principalement du procès-verbal de constat de Me [L].

L’employeur affirme par ailleurs que la violation de la clause de non-concurrence par M. [C] lui a causé un préjudice matériel, économique et moral du fait de la baisse de son chiffre d’affaires entraînée d’une part, par de nombreuses demandes de désappareillages et d’autre part, par une diminution de mises en service.

Enfin, la société Asdia soulève la prescription de la demande reconventionnelle présentée par M. [C] en contestation de son licenciement, soulignant que celui-ci avait jusqu’au 24 septembre 2018 pour le contester. À titre subsidiaire, elle soutient que le licenciement de M. [C] est justifié par les défaillances du salarié dans la réalisation de ses missions.

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MOTIVATION

La cour statuant dans les limites de l’appel dont la portée est déterminée au regard des dernières conclusions, il y a lieu de constater liminairement que la société Asdia, venant aux droits de la société R Santé, ne présente plus aucune demande aux fins de voir enjoindre sous astreinte à M. [C] de respecter son engagement de non-concurrence et de cesser tout acte concurrentiel. En conséquence, le dispositif du jugement l’ayant déboutée de cette demande est définitif.

– Sur la clause de non-concurrence :

– Sur la validité de la clause :

En application du principe fondamental du libre exercice d’une activité professionnelle et des dispositions de l’article L.1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives.

C’est au regard de la restriction effective apportée à la liberté de travail que s’apprécie l’étendue de l’interdiction de concurrence.

Ainsi, même à supposer ces conditions remplies, le juge doit encore s’assurer de l’équilibre de la clause et, à cette fin, de rechercher si l’atteinte portée par la clause de non-concurrence à la liberté professionnelle du salarié est proportionnée aux intérêts légitimes qu’il est indispensable pour l’employeur de protéger.

En l’espèce, l’article 21-clause de non-concurrence- du contrat de travail conclu entre les parties le 10 octobre 2013 stipule que :

‘ Compte tenu de la nature des fonctions exercées par le salarié au sein de la société R Santé, et du préjudice que causerait à l’entreprise la divulgation par ce dernier des informations contenues dans ses fichiers (clients, fournisseurs, prescripteurs notamment) et des méthodes de travail, celui-ci s’interdit, à la cessation de son contrat de travail, pour quelque motif que ce soit, sauf en cas de rupture de la période d’essai, de :

– s’engager au service d’une entreprise concurrente de la société R santé ou auprès d’un fournisseur de matériels travaillant ou ayant travaillé avec la société R Santé depuis moins de deux ans ;

– de créer directement ou par personne interposée une entreprise susceptible de concurrencer la société R Santé.

Compte tenu des activités de la société, cette interdiction est limitée aux régions administratives suivantes : Haute et Basse Normandie, Bretagne, et Pays de la [Localité 7], pendant une période de trois ans à compter de la date effective de rupture des relations contractuelles, c’est à dire à l’issue du préavis si celui-ci est exécuté, ou à la date à laquelle le salarié cessera ses fonctions lorsque celui-ci n’est pas exécuté.

Pendant la durée de l’interdiction de non-concurrence, la société R santé versera, mensuellement, au salarié une contrepartie pécuniaire égale à 40% brut du salaire brut moyen mensuel perçu au cours des douze derniers mois précédant son départ effectif de la société ou du salaire brut moyen mensuel perçu au cours de la période réellement travaillée si celle-ci est inférieure à 12 mois (non inclus les primes et autres avantages en nature) incluant les congés payés mensuels soit 10% du montant des 40%.

La portée de cette clause pourra, par décision de la société, être limitée, voire annulée quant à sa durée ou son étendue au plus tard dans le mois suivant la notification de la rupture.

Toute violation de la clause de non-concurrence ci-dessus rendra automatiquement le salarié redevable dès la constatation de la première infraction d’une pénalité fixée dès à présent, et forfaitairement à douze mois de salaire brut du salarié sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure d’avoir à cesser l’activité concurrentielle.

Le paiement de cette pénalité ne porte pas atteinte aux droits que la société se réserve expressément, de poursuivre le salarié en remboursement du préjudice pécuniaire et moral effectivement subi, et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l’activité concurrentielle’.

La société R Santé aux droits de laquelle intervient la société Asdia, exerce une activité consistant en la vente, le négoce, la location, la réparation de matériel médical, le conseil dans ce domaine ainsi que la dispensation à domicile de l’oxygène à usage médical. La spécificité de l’activité ainsi exercée dans un secteur très compétitif nécessite que la société se protège tant dans son savoir-faire, sa stratégie et ses méthodes commerciales que dans ses relations avec ses clients-patients. Il ne peut être contesté qu’il est ainsi de son intérêt légitime de protéger sa ‘patientèle’ et par suite tout particulièrement le fichier de ses clients appareillés pour éviter qu’ils ne soient incités à changer de prestataires au profit d’une société concurrente.

Selon la fiche de poste communiquée par la société Asdia, les missions de responsable commercial confiées à M. [C] consistaient pour l’essentiel à participer à la définition de la politique commerciale de l’entreprise, fixer les objectifs et les actes prioritaires, diriger et accompagner l’équipe commerciale (remplacer les carences occasionnelles sur les secteurs laissés vacants), promouvoir l’image et la notoriété de l’entreprise, être attentif aux évolutions du marché et aux offres de la concurrence afin d’adapter en permanence les offres de l’entreprise, définir les objectifs et les actes prioritaires des actions commerciales, et avoir une action commerciale sur les secteurs difficiles d’accès (comme [Localité 9] et le 53).

La clause précitée fait interdiction à M. [C] de s’engager au service d’une entreprise concurrente de la société R Santé ou auprès d’un fournisseur de matériels travaillant ou ayant travaillé avec la société R Santé depuis moins de deux ans, et de créer directement ou par personne interposée une entreprise susceptible de concurrencer la société R Santé.

L’étendue géographique de la clause est clairement définie, celle-ci faisant état des ‘régions administratives de Haute et Basse Normandie, Bretagne, et Pays de la [Localité 7]’, tout comme la durée limitée à trois années.

Il en ressort que durant la période de trois années visées par la clause, M. [C] conservait la liberté d’exercer ses fonctions de responsable commercial sur l’ensemble du territoire national pourvu qu’il s’agisse d’un secteur d’activité autre que celui de R Santé ou encore de travailler dans la même branche d’activité mais hors périmètre géographique fixé contractuellement. Au demeurant, le salarié, âgé de 46 ans au moment de la rupture contractuelle, ne donne aucun élément concernant sa formation et son expérience professionnelle passée antérieurement à ses quatre années de travail au sein de la société Asdia. Il ne se prévaut nullement d’une expérience professionnelle acquise uniquement dans le secteur de l’assistance respiratoire à domicile ou la vente de matériel médical, ses fonctions de responsable commercial, généralistes, pouvant être exercées dans bien d’autres domaines d’activité que celui-ci.

En revanche, les fonctions stratégiques exercées par M. [C] au sein d’une société spécialisée dans un secteur sensible à la concurrence, par son niveau de responsabilité et sa connaissance acquise des méthodes d’organisation de la société R Santé, des politiques et pratiques commerciales de l’entreprise, de la connaissance exacte des produits et prestations commercialisés comme son accès aux fichiers des patients justifiaient l’interdiction de non-concurrence telle que fixée par la clause au regard de la nécessité pour la société R Santé de protéger ses intérêts légitimes.

Il en résulte que les conditions de validité de la clause de non-concurrence critiquée sont remplies, et que, nonobstant la durée de trois ans de l’interdiction, l’atteinte portée par la clause de non-concurrence à la liberté professionnelle de M. [C] est proportionnée aux intérêts légitimes de la société R Santé protégés dans les limites convenues contractuellement.

Indispensable à la protection des intérêts de la société R Santé, elle n’empêchait pas le salarié de retrouver un emploi conforme à sa formation et à son expérience professionnelle de responsable commercial.

De la même manière, la contrepartie financière égale à 40% brut du salaire brut moyen mensuel perçu au cours des douze derniers mois précédant son départ effectif de la société ou du salaire brut moyen mensuel perçu au cours de la période réellement travaillée si celle-ci est inférieure à 12 mois (non inclus les primes et autres avantages en nature) incluant les congés payés mensuels soit 10% du montant des 40% ne constitue nullement une contrepartie dérisoire, non sérieuse au regard des contraintes qu’elle entraîne ni même disproportionnée au regard des intérêts légitimes que la société R Santé devait protéger.

Enfin, c’est en vain que M. [C] invoque le caractère potestatif et donc la nullité de la clause litigieuse en ce qu’elle prévoit que sa portée ‘pourra, par décision de la société, être limitée, voire annulée quant à sa durée ou son étendue au plus tard dans le mois suivant la notification de la rupture par décision de la société’.

En effet, cette mention a pour seul objet de réduire le cas échéant la durée ou l’étendue de la portée de l’obligation de non-concurrence, voire de libérer le salarié de son obligation, et non d’en aggraver les effets en particulier sur la liberté de M. [C] d’exercer une activité professionnelle. Surtout, la possibilité pour l’employeur de réduire voire de lever unilatéralement l’interdiction contenue dans la clause de non-concurrence est précisément et strictement limitée dans le temps puisqu’elle ne pouvait intervenir au-delà d’un délai d’un mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail.

En conséquence, la nullité de la clause de non-concurrence, valide et licite, ne saurait être encourue de ces chefs. Les moyens soulevés par M. [C] seront rejetés.

– Sur l’obligation de non-concurrence :

En application du même principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et de l’article L. 1121-1 du code du travail, le salarié est libéré de son obligation de non-concurrence lorsque l’employeur s’abstient de lui payer la contrepartie financière à laquelle il a droit (Soc. 4 décembre 2013, n° 12-27.239 ; Soc., 18 janvier 2012, n° 10-16.891). La régularisation postérieure par l’employeur est sans effet sur l’interdiction de concurrence.

En cas de rupture avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité, sont celles du départ effectif de l’entreprise, nonobstant toute stipulation contraire (Soc., 13 mars 2013, nº 11-21.150).

Si l’employeur libère le salarié de l’exécution du préavis, c’est donc cet événement et non le terme théorique du préavis, qui fixe le point de départ de la clause de non-concurrence et l’exigibilité de la contrepartie.

Il en résulte que si l’employeur s’abstient de payer l’indemnité compensatrice prévue, l’ancien salarié se trouve libéré de sa propre obligation. Il n’est donc plus tenu de respecter l’interdiction de concurrence.

En l’espèce, la clause de non-concurrence rappelle expressément ces principes en stipulant que la durée d’interdiction prend effet à compter de ‘la date effective de rupture des relations contractuelles, c’est à dire à l’issue du préavis si celui-ci est exécuté, ou à la date à laquelle le salarié cessera ses fonctions lorsque celui-ci n’est pas exécuté.’

Il est constant que l’employeur a notifié son licenciement au salarié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 20 janvier 2017, et qu’il l’a dispensé d’exécuter son préavis de trois mois en ces termes : ‘ la date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ de votre préavis de trois mois dont vous êtes dispensé compte tenu des motifs nous conduisant à cesser votre collaboration’. Il ajoutait : ‘Nous vous rappelons que le contrat de travail signé avec notre entreprise comportait une clause de non-concurrence que nous vous demandons expressément de respecter. En contrepartie, nous vous indemniserons pendant toute la durée d’application de cette clause de non-concurrence’.

Il ressort des pièces du dossier (bulletin de paie du mois d’avril 2017 et lettre de la société R Santé adressée à M. [C] le 28 avril 2017) que la rupture du contrat est datée du 24 avril 2017, ce qui permet de considérer que la première présentation de la lettre de licenciement est en date du 24 janvier 2017, point de départ du délai de préavis.

Il n’est pas discuté que le salarié n’a pas exécuté son préavis.

M. [C], dispensé de l’exécution de son préavis, a donc cessé d’exercer ses fonctions à compter du 24 janvier 2017 alors que l’employeur n’avait pas libéré le salarié de son obligation de non-concurrence, lui rappelant au contraire les obligations respectives des parties qu’il entendait voir respecter.

La clause de non-concurrence est mise en oeuvre dès que le salarié a quitté effectivement l’entreprise, la contrepartie devenant aussitôt exigible.

Contrairement à ce que prétend la société R Santé, l’interdiction de concurrence tout comme l’exigibilité de la contrepartie financière due au salarié, prenaient donc effet à compter du 24 janvier 2017 et non à la date de rupture du contrat de travail le 24 avril 2017. Il en résulte que le premier versement mensuel devait intervenir au plus tard au 24 février suivant.

Or, il n’est nullement contesté que la société R Santé a commencé à procéder au versement de la contrepartie financière en adressant à M. [C] un premier chèque de règlement de 1131,40 euros daté du 9 juin 2017, soit quatre mois et 16 jours après la date de son exigibilité.

Ce retard dans le paiement de la contrepartie due au salarié est bien supérieur à ‘un délai de quelques jours’ ce, peu important que le courrier du 28 avril 2017 par lequel l’employeur rappelait au salarié la signature de la clause litigieuse, lui demande ‘expressément de respecter cette clause’ alors que lui-même négligeait de l’exécuter.

En cas de manquement à l’obligation de verser l’indemnité, le salarié est libéré de l’interdiction de concurrence et l’employeur ne peut exiger le cas échéant la cessation de l’activité concurrente.

En revanche, le salarié ne peut prétendre au paiement de la contrepartie d’un engagement qu’il n’a pas respecté. Ainsi, la violation par le salarié de la clause de non-concurrence libère l’employeur de l’obligation de lui verser la contrepartie financière.

Il revient alors à l’employeur qui se prétend délivré de l’obligation de payer la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié.

La violation de l’interdiction de non-concurrence est établie lorsque le salarié exerce une activité hors les limites fixées par la clause, qu’il s’agisse des limites temporelles ou géographiques ou des limites liées à l’exercice de l’activité concurrente. Elle n’est caractérisée qu’à la condition que les actes de concurrence soient matérialisés.

En l’occurrence, il est établi que M. [C] a été engagé par la société GEP Santé agissant par l’intermédiaire de son représentant légal M. [U] [Y], suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 6 juin 2017 en qualité de ‘coordinateur commercial RESO- filière commerciale’. Ses fonctions sont ainsi contractuellement définies : ‘Le poste de M. [C] consiste notamment en la coordination régionale médicale et administrative ainsi que le démarchage commercial des médecins prescripteurs dans les domaines de l’oxygénothérapie, de l’assistance respiratoire et de la nutrition artificielle, concernant le RESO2 (…).’

Le périmètre géographique limitant le cas échéant l’exercice de cette activité n’est pas mentionné, étant précisé toutefois que le siège de la société GEP Santé se situe à [Localité 11]-sur -Yvette (91 140) et que la clause de non-concurrence insérée à ce nouveau contrat de travail précise que l’obligation de non-concurrence couvre les huit départements de la région Ile de France. La société R Santé n’établit pas que M. [C] travaillait sur l’une des régions visées par la clause de non-concurrence litigieuse.

En tout état de cause, ce contrat a été conclu alors que M. [C] était déjà libéré de son interdiction de concurrence depuis plusieurs mois eu égard à l’absence de versement de toute contrepartie financière à son obligation par son ancien employeur.

Surtout, il est soutenu que M. [C] exerçait parallèlement une activité concurrente pour le compte d’une société Atlas Médical. Pour l’établir, la société R Santé verse aux débats les pièces suivantes :

– un mail du 22 juin 2017 par lequel Mme [R] [P], salariée de R Santé, portait à la connaissance de [S] [O], gérant de la société R Santé, que le docteur [V] l’avait informée qu’elle ‘avait vu aujourd’hui M. [B] [C] qui l’avait informée qu’il travaillait avec M. [M] pour la société Atlas Médical’. Dans son attestation, Mme [P] affirme en outre avoir vu M. [C] dans le couloir des consultations de cardiologie du centre hospitalier de [Localité 10] le 9 novembre 2017 et confirme l’information précitée donnée par le docteur [V] le 22 juin 2017 relative au démarchage de M. [C] pour la société Atlas Médical ;

– les statuts de la société Atlas mis à jour au 8 juin 2017 mentionnant que cette société a pour objet ‘la dispensation à domicile de gaz à usage médical et en particulier d’oxygène à usage médical, toutes prestations en matière d’hospitalisation à domicile à l’exception des actes médicaux et prestations relevant du monopole pharmaceutique, médical ou de quelque autre activité réglementée ou monopolistique (…), plus généralement toutes opérations commerciales, industrielles, mobilières et financières, tant en France qu’à l’étranger, se rattachant directement ou indirectement à l’objet social ou en facilitant la réalisation ou le développement’; M. [U] [Y] y est désigné en qualité de gérant ;

– le procès-verbal de constat établi par Me [L], huissier de justice, le 18 avril 2018, sur autorisation du président du tribunal de grande instance d’Angers, et au siège de la société Atlas situé [Adresse 13]) ; l’huissier y a identifié des documents tels que principalement : un fichier Excel appelé ‘repertoire et MDP’comprenant un tableau avec un identifiant au nom de ‘E.[C]’ concernant une colonne dite ‘mail’ pour ‘Help desk’ et ‘Sof oxygène’, un document intitulé ‘suivi facturation’ mentionnant l’adresse mail suivante: [Courriel 5], un bon de livraison du 3 avril 2018 au nom de ‘[B] [T] Medical, société [Adresse 14]’, pour un ensemble capteurs son-position , des cartes de visite ‘Atlas Medical’au profit de M. [C] lequel a validé le bon à tirer établi le 26 juin 2017, un carton comprenant de nombreuses cartes de visite au nom de M. [C] avec le signe ‘RESO 2″ et une adresse mail [Courriel 6] avec au dos ‘RESO2 assistance respiratoire’, des échanges de mails des 28 et 29 mars 2018 avec Mme [Z] [A], assistante administrative exerçant au sein de la société Atlas Medical et ancienne salariée de R Santé, sur des points propres à l’activité de la société Atlas, divers mails de Mme [A] adressés à M. [C] courant 2018, des notes de frais concernant M. [C] dans le cadre de son activité au sein de la société Atlas de novembre 2017. L’huissier a également recueilli diverses informations auprès de Mme [A], présente lors de sa venue, en particulier sur l’occupation par M. [C] ‘de temps en temps’ d’un bureau au sein des locaux de la société Atlas. Enfin, le gérant de la société a assuré par téléphone à Me [L] que M. [C] ne faisait pas partie du personnel et qu’il ‘apportait conseil et soutien à la société Atlas’, précisant qu’il travaillait pour une société GEP.

M. [C], pour sa part, se limite à relever que la preuve de l’existence d’un contrat salarié conclu avec la société Atlas Médical n’est pas rapportée, se prévalant de l’unique contrat de travail signé avec la société GEP Santé. Il ne dit rien sur le détail des éléments recueillis par huissier.

L’examen de ces pièces révèle la présence de M. [C] dans les locaux de la société Atlas Médical, société ayant une activité similaire et donc concurrente à celle exercée par la société R Santé, ainsi qu’un faisceau d’indices de nature à caractériser l’exercice d’une activité commerciale au sein de cette société ce, sur une zone géographique visée par la clause de non-concurrence.

Pour autant, ces éléments portent essentiellement sur la période de janvier à mars 2018, à l’exclusion d’une note de frais de novembre 2017, et du démarchage d’un prescripteur effectué par M. [C] le 22 juin 2017 ainsi qu’un échange de mails relatif aux projets de cartes de visites dont le plus ancien remontant au 22 juin 2017.

Aucun des nombreux documents et informations recueillis ne permet d’affirmer que M. [C] exerçait une activité concurrente antérieurement au 22 juin 2017 et, en particulier, à la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, soit à la date du 24 janvier 2017, ni même à la date à laquelle le premier versement de la contrepartie financière aurait dû intervenir, soit le 24 février 2017.

Certes, le procès-verbal de constat de Me [L] fait état du refus catégorique du gérant de la société Atlas Médical de donner ses identifiants pour accéder à sa boîte mail professionnelle et lui donner ses identifiants permettant d’accéder au logiciel professionnel de sa société, ce qui ne lui a pas permis ‘d’avoir l’ensemble des informations métier.’ Néanmoins, l’huissier, assisté d’un expert informatique, a pu procéder à des recherches au nom de M. [C] sur le disque dur du seul ordinateur PC présent sur place à l’aide des identifiants personnels de Mme [A], donnant accès à son environnement professionnel (logiciel métier accessible par un navigateur internet) à l’exclusion uniquement de certaines fonctionnalités professionnelles réservées à la direction.

Surtout, les statuts d’origine de la société Atlas sont en date du 2 mai 2017 et il n’est pas allégué que M. [C] ait été associé ou qu’il ait participé d’une quelconque façon à la création de la société Atlas Médical de sorte que l’activité concurrentielle exercée par M. [C] pour cette société ne pouvait être antérieure au mois de mai 2017.

Le seul fait que M. [C] ait sollicité en décembre 2016 une rupture conventionnelle de son contrat de travail avec levée de la clause de non-concurrence auprès de la société R Santé ne saurait présumer de la volonté du salarié de violer l’obligation de non-concurrence dès le début de son préavis dont il était dispensé par la volonté de l’employeur.

Du tout, il ressort que la société R Santé ne rapporte la preuve d’aucune activité concurrente exercée par M. [C] avant le mois de juin 2017 qui aurait été de nature à libérer l’employeur de l’obligation de lui verser la contrepartie financière le mois suivant son exigibilité, étant rappelé qu’un versement ultérieur de la contrepartie financière ne saurait valoir régularisation.

Il doit donc être considéré que le défaut de versement par la société R santé de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence le mois suivant la cessation de fonctions de M. [C] le 24 janvier 2017, a libéré M. [C] de son interdiction de concurrence à compter du 24 février 2017.

Il s’en suit que la demande de dommages et intérêts présentée par la société R Santé au titre de la violation de la clause de non-concurrence doit être rejetée.

En revanche, M. [C], bien que libéré de l’interdiction de non-concurrence, a encaissé à tort les versements effectués par la société R Santé à titre de contrepartie financière. Il sera en conséquence fait droit partiellement à la demande de restitution formée par l’ancien employeur, M. [C] étant condamné au remboursement de l’ensemble des sommes perçues au titre de la contrepartie financière et correspondant aux versements reçus, soit la somme non contestée par le salarié de 40 699,58 euros.

Le jugement sera infirmé de l’ensemble de ces chefs.

– Sur le licenciement :

Aux termes de l’article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 et en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

A compter du 24 septembre 2017, cet article a été modifié, pour la première fois par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, disposant désormais que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

L’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 puis la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 n’ont pas modifié cette disposition.

Conformément à l’article 40-II de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, cette disposition s’applique aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de l’ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

L’ordonnance du 22 septembre 2017 est entrée en vigueur le lendemain de sa publication au journal officiel soit le 24 septembre 2017.

En l’espèce, le licenciement de M. [C] a été notifié pour insuffisance professionnelle par lettre du 20 janvier 2017, cette date constituant le point de départ du délai de prescription en application des dispositions précitées.

En effet, M. [C] ne peut prétendre valablement que le point de départ du délai de prescription à prendre en compte est la saisine de la juridiction prud’homale par la société R Santé du 9 janvier 2019, date à laquelle la société a, selon lui, explicité les raisons réelles qui ont conduit à la rupture de son contrat de travail, lui permettant de prendre ainsi conscience de l’étendue de son droit. Il sera rappelé que lorsque le licenciement est motivé par une insuffisance professionnelle, la mention de celle-ci dans la lettre de licenciement constitue un grief matériellement vérifiable au sens de l’article L. 1232-6 du code du travail. En l’occurrence, la lettre de licenciement ne se limite pas à mentionner ce motif de licenciement mais expose les difficultés et carences en matière de communication et de gestion de l’équipe commerciale ainsi que les défaillances reprochées à M. [C] dans l’exécution de ses missions d’un point de vue tant organisationnel qu’opérationnel. La société R Santé reprend ces mêmes motifs dans le cadre du présent litige pour conclure au bien-fondé du licenciement du salarié. M. [C] de son côté n’indique pas le véritable motif qui aurait conduit son ancien employeur à le licencier et n’explique pas davantage en quoi la saisine de la juridiction prud’homale par la société R Santé au titre de la violation de la clause de non-concurrence aurait un lien avec son licenciement. Dès lors, aucun motif ne justifie de retenir un autre point de départ du délai de prescription que la date de notification du licenciement.

En application des dispositions transitoires de l’ordonnance du 22 septembre 2017 précitées, le salarié disposait d’un délai d’un an expirant au 24 septembre 2018 pour saisir le conseil de prud’hommes d’une demande en contestation de la rupture de son contrat de travail.

M. [C] a contesté pour la première fois le bien-fondé de son licenciement en présentant reconventionnellement une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par conclusions notifiées le 4 mars 2019.

Par suite, M. [C] doit être déclaré prescrit en son action en contestation de son licenciement engagée tardivement.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il déboute M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au lieu de le déclarer irrecevable en sa demande.

– Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées sauf en ce que M. [C] a été débouté de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties tant en première instance qu’en cause d’appel.

Chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

***

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel, contradictoirement, publiquement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 3 mars 2021 sauf en ce qu’il a rejeté la demande présentée par M. [B] [C] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

DECLARE M. [B] [C] irrecevable en sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE M. [B] [C] à payer à la société Asdia, venant aux droits de la société R Santé, la somme de 40 699,58 euros en remboursement de la contrepartie financière de son obligation de non-concurrence dont il avait été libéré ;

DÉBOUTE la société Asdia, venant aux droits de la société R Santé, de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de la clause de non-concurrence ;

REJETTE la demande présentée par M. [B] [C] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

REJETTE la demande présentée sur le même fondement par la société Asdia, venant aux droits de la société R Santé, pour ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Marie-Christine DELAUBIER

 


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