Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 01 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03247 – N° Portalis DBVK-V-B7G-POS4
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 OCTOBRE 2016
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT
N° RG21500261
APPELANTE :
SARL [5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : e MARICHAUD substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, (avocat postulant)
Représentant : Me Ghislaine CROS, avocat au barreau de BEZIERS, (avocat plaidant)
INTIMEE :
CPAM DE L’HERAULT
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Mme [V] [I] (Représentante de la CPAM) en vertu d’un pouvoir du 06/12/22
En application de l’article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l’audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 DECEMBRE 2022,en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRET :
– Contradictoire.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour ;
– signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par courrier recommandé du 19 février 2014 réceptionné le 28 février 2014, la caisse d’assurance maladie de l’Hérault (ci-après ‘la caisse’) a notifié à la société (sarl) [5] (RCS Béziers [N° SIREN/SIRET 4]) les résultats d’un contrôle administratif d’activité ayant porté sur les facturations de matériel de perfusion figurant sur la liste des produits et prestations remboursables dont la période de mandatement est comprise entre le 15 février 2011 et le 28 janvier 2013, concernant deux assurés : Madame [W] [X] et Monsieur [B] [J]. La caisse a informé la société [5] de la constatation de plusieurs anomalies liées aux quantités facturées et à la nature des produits administrés ou au matériel utilisé, susceptibles de constituer un préjudice financier d’un montant de 60 762,25 euros.
Le 17 avril 2014, un entretien contradictoire a été organisé entre la société ‘[5]’ représentée par Monsieur [K] [L], et la caisse d’assurance maladie de l’Hérault.
Par courrier recommandé du 29 avril 2014 réceptionné le 6 mai 2014, la caisse d’assurance maladie de l’Hérault a adressé à la société [5] le compte-rendu de l’entretien contradictoire.
Le 14 mai 2014, la société, par l’intermédiaire de son avocat, a formulé ses observations sur le compte-rendu précité.
Le 20 mai 2014, le directeur général de la société (sas) [5] (RCS Béziers [N° SIREN/SIRET 3]), Monsieur [T] [E], a formulé ses observations sur le compte-rendu d’entretien contradictoire.
Suivant courrier recommandé du 5 juin 2014 réceptionné le 18 juin 2014, la caisse d’assurance maladie de l’Hérault a notifié, à la société [5], un indu de facturation avec mise en garde d’un montant de 61 460,91 euros en application des dispositions combinées de l’article L 133-4 et R 133-9 du code de la sécurité sociale.
Le 30 juillet 2014, la société [5] a contesté la notification de cet indu avec mise en garde devant la commission de recours amiable, en faisant notamment valoir que la procédure de contrôle et de remboursement de l’indu n’a pas été diligentée à l’encontre de la personnel morale responsable, à savoir la société (sas) [5] (RCS Béziers [N° SIREN/SIRET 3]).
Le 4 décembre 2014, la commission de recours amiable a rejeté sa contestation et a maintenu la décision de poursuivre le recouvrement de la totalité de l’indu à l’encontre de la société [5].
Le 11 février 2015, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault en contestation de la décision de rejet de la commission de recours amiable.
Suivant jugement contradictoire du 10 octobre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault ‘Reçoit la société [5] en sa contestation; La dit non fondée; Rejette l’exception de nullité de la procédure de contrôle et constate qu’en réalité c’est bien la société [5] qui a fait l’objet d’un contrôle et qui est redevable à l’égard de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault d’un indu s’appliquant à des facturations établies sur la période de mars 2011 à janvier 2013 pour les assurés [W] [X] et [B] [J]; Constate par ailleurs que la société [5] intervient au lieu et place et pour le compte de la société [5]; Condamne la société [5] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault la somme de 61 462,91 €’.
Le 26 octobre 2016, la société [5] a interjeté appel du jugement.
La cause, enregistrée sous le numéro RG 16/07677, a été appelée à l’audience des plaidoiries du 16 septembre 2021, avant d’être radiée du rôle des affaires en cours suivant arrêt du 27 octobre 2021.
Le 17 juin 2022, la société [5] a sollicité la réinscription de l’affaire, laquelle a alors été enregistrée sous le numéro RG 22/03247.
Les débats se sont déroulés le 8 décembre 2022.
La société [5] a sollicité l’infirmation du jugement, en demandant à la cour, à titre principal, de déclarer nulle la procédure de recouvrement de l’indu initiée à son encontre ou de prononcer ‘à tout le moins’ sa mise hors de cause ; à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise et de débouter la caisse d’assurance maladie de l’Hérault de sa demande de paiement de l’indu ; à titre infiniment subsidiaire, de dire que la responsabilité relève du médecin prescripteur et de débouter la caisse d’assurance maladie de l’Hérault de ses demandes formées à l’encontre de la société [5] ; enfin, de débouter la caisse d’assurance maladie de l’Hérault de sa demande de dommages et intérêts, et de la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
La caisse d’assurance maladie de l’Hérault a sollicité la confirmation du jugement, en demandant à la cour de débouter la société [5] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts ‘pour avoir causé un préjudice financier à l’Assurance Maladie conformément aux dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil’.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article L 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, ‘En cas d’inobservation des règles de tarification ou de facturation (…), l’organisme de prise en charge recouvre l’indu correspondant auprès du professionnel ou de l’établissement à l’origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l’assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement. (…) L’action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s’ouvre par l’envoi au professionnel ou à l’établissement d’une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations. En cas de rejet total ou partiel des observations de l’intéressé, le directeur de l’organisme d’assurance maladie adresse, par lettre recommandé, une mise en demeure à l’intéressé de payer dans le délai d’un mois.(…)’.
Il résulte en outre des dispositions de l’article L 133-9-1 I du même code que la notification de payer prévue à l’article L 133-4 est envoyée par le directeur de l’organisme d’assurance maladie au professionnel ou à l’établissement par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement.
Elle mentionne l’existence d’un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s’acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l’intéressé peut présenter des observations écrites à l’organisme d’assurance maladie.
En l’espèce, la société [5] soutient que le contrôle et la procédure en recouvrement de l’indu n’ont pas été diligentés à l’encontre de la personne morale débitrice des sommes, à savoir la société (sas) [5] (RCS Béziers [N° SIREN/SIRET 3]).
La caisse d’assurance maladie de l’Hérault se prévaut, quant à elle, d’une confusion entretenue par la société [5] dans son appellation, ce qui aurait induit l’organisme d’assurance maladie en erreur, cette caisse considérant alors que la société [5] intervient en lieu et place de la société [5].
Il apparaît que les deux sociétés précitées disposent d’une personnalité juridique distincte, la société (sarl) [5] étant immatriculée depuis le 20 décembre 2012 au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) de Béziers sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4], avec un début d’activité au 21 décembre 2012, alors que la société (sas) [5] est immatriculée depuis le 31 mars 2009 au RCS de Béziers sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3], et que contrairement à ce que soutient la caisse, Monsieur [K] [L], gérant de la première, n’apparaît pas sur les extraits K-bis versés aux débats comme le président de la seconde.
La cour observe d’ores et déjà, ce qui n’est pas contesté par les parties, que l’indu litigieux est afférent à une période de facturation comprise entre le 15 février 2011 et le 28 janvier 2013, laquelle ne semble pas être imputable à la société [5] dont le début d’activité a été enregistré au 21 décembre 2012.
En outre, la caisse d’assurance maladie de l’Hérault reconnaît que le prestataire ‘[5]’ était bel et bien visé par le contrôle de facturation, et non la société [5], et confirme au surplus, par la production d’une capture d’écran de son logiciel, que le récapitulatif des deux dossiers de patients concernés par l’indu porte le numéro siret de la société (sas) [5] ([N° SIREN/SIRET 3] 00 03 5) ainsi que son numéro d’identification (34269641 6), la cour observant effectivement que ce dernier numéro apparaît en bas de page des annexes de la notification des résultats du contrôle, du compte rendu d’entretien contradictoire et de la notification d’indu.
La caisse d’assurance maladie de l’Hérault reconnaît par ailleurs expressément que l’indu litigieux concerne des dossiers facturés par la société (sas) [5].
Plus éloquent encore, le premier juge statuait en ces termes : ‘…constate qu’en réalité c’est bien la société [5] qui a fait l’objet d’un contrôle et qui est redevable à l’égard de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault d’un indu s’appliquant à des facturations établies sur la période de mars 2011 à janvier 2013 pour les assurés [W] [X] et [B] [J]’.
Il ne peut donc valablement être reproché à la société [5] d’user du nom commercial ‘[5]’ dans l’en-tête de ses correspondances, ni d’avoir entretenu une confusion dans la procédure diligentée par la caisse en y participant, alors que la caisse d’assurance maladie de l’Hérault qui disposait de toutes les informations utiles pour poursuivre la société réellement débitrice des sommes indues a, de son propre chef, commis une erreur en mettant en cause uniquement la société [5], laquelle n’a nullement indiqué intervenir en lieu et place de la première société.
De plus, la cour observe que la société (sas) [5], ayant eu connaissance de l’entretien contradictoire du 17 avril 2014, a elle-même formulé ses observations le 20 mai 2014 par l’intermédiaire de son directeur général, Monsieur [T] [E], et que pour autant, la caisse d’assurance maladie de l’Hérault a poursuivi le recouvrement de l’indu auprès de la société [5] en le lui notifiant par courrier recommandé du 5 juin 2014 réceptionné le 18 juin 2014.
Dès lors, en notifiant l’indu litigieux à la société [5] alors que cette notification doit être faite auprès de l’établissement ou du professionnel de santé responsable du non-respect des règles de tarification, la cour considère que la caisse d’assurance maladie de l’Hérault n’a pas valablement délivré la notification d’indu litigieuse qui encourt donc la nullité.
La caisse d’assurance maladie de l’Hérault ne peut donc, sur le fondement de cette notification, poursuivre le recouvrement de l’indu litigieux auprès de la société [5].
Le jugement querellé sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions, et la caisse d’assurance maladie de l’Hérault sera déboutée de sa demande de remboursement d’indu formée à l’encontre de la société (sarl) [5].
Enfin, le défaut de vigilance de la caisse d’assurance maladie de l’Hérault dans la procédure de mise en recouvrement des sommes indues ne peut être imputé à la société [5] du seul fait de son intervention dans ladite procédure alors que la caisse a délibérément poursuivi le recouvrement auprès de cette société, malgré les informations utiles qu’elle détenait. La caisse d’assurance maladie de l’Hérault sera dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 octobre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault ;
Statuant à nouveau ;
Déclare nulle la notification d’indu avec mise en garde du 5 juin 2014 adressée à la société (sarl) [5] ;
Déboute en conséquence la caisse d’assurance maladie de l’Hérault de sa demande de remboursement d’indu formée à l’encontre de la société (sarl) [5] ;
Déboute la caisse d’assurance maladie de l’Hérault de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne la caisse d’assurance maladie de l’Hérault à payer à la société (sarl) [5] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [5] dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la juridiction le 1er février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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