Droit des animateurs sur leur titre d’émission

·

·

Droit des animateurs sur leur titre d’émission

L’Essentiel : L’affaire opposant Radio France à Philippe Meyer, animateur de « L’esprit public », a révélé des tensions autour de la propriété intellectuelle. Après un litige de licenciement, Radio France a découvert que Meyer préparait un podcast intitulé « Le nouvel esprit public de Philippe Meyer », qui a rapidement surpassé l’émission originale en popularité. Bien que la société ait déposé le titre « L’esprit public » comme marque, l’usage du nom de domaine « lespritpublic.com » par Meyer a été jugé contrefaisant. Cependant, la contrefaçon par le titre du podcast n’a pas été retenue, le risque de confusion n’étant pas établi.

Affaire Radio France

La Société Nationale de Radiodiffusion Radio France pensait avoir trouvé un accord avec  Philippe Meyer, animateur de l’émission « L’esprit public » (sur France Culture depuis près de 20 ans). Pour mettre fin à un litige de licenciement opposant les parties, la société avait proposé une nouvelle formule de l’émission dans sa grille de rentrée. Elle a par la suite découvert que son animateur s’apprêtait à enregistrer un podcast en public d’une émission intitulée « Le nouvel esprit public de Philippe Meyer ». Le podcast a été diffusé et s’est même classé devant celui de l’émission de France Culture. Mettant en avant un risque de confusion avec sa propre émission, Radio France a poursuivi Philippe Meyer en référé et a, en partie, obtenu gain de cause.

Contrefaçon de marque par nom de domaine

La société Radio France a eu l’intelligence de faire déposer, à titre de marque, le titre de l’émission « L’esprit public ». S’agissant de la vraisemblance d’actes de contrefaçon de cette marque, le nom de domaine « lenouvelespritpublic.fr » n’a pas été jugé contrefaisant. Par contre, l’usage du nom de domaine « lespritpublic.com » (déposé par l’animateur) a été jugé vraisemblablement contrefaisant par reproduction (provision de 1 000 euros sur dommages-intérêts).

Nullité de la marque « L’esprit public » ?

L’animateur a tenté de faire valoir que la marque « L’esprit public » a été déposée en violation de ses droits d’auteur. Or, l’article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle pose que le titulaire d’un droit antérieur n’est pas recevable à agir en nullité sur le fondement de l’article L. 711-4 si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans. Le délai de forclusion par tolérance de l’article L. 714-3 est un délai préfix dont le point de départ est la connaissance qu’a pu avoir le demandeur en nullité de l’usage de la marque enregistrée. L’animateur ayant été informé dès l’origine de l’usage au sein de Radio France d’enregistrer comme marque les titres de ses émissions, son action en nullité était donc prescrite.

Contrefaçon de marque exclue

A noter toutefois que la contrefaçon de la marque « L’esprit public » par l’usage de la locution « Le Nouvel Esprit Public Philippe Meyer » et « Le Nouvel Esprit public en peau de caste » pour désigner un podcast n’a pas été retenue.  L’article L. 713-2 du CPI interdit la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement. Or, la nouvelle locution n’est pas une reproduction à l’identique de la marque déposée par Radio France, la preuve du risque de confusion était donc nécessaire au sens de l’article L. 713-3 du CPI.

Le risque de confusion doit faire l’objet d’une appréciation abstraite, d’une part en considération d’un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d’autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée.

Conséquence d’une forte personnalisation, le risque de confusion entre les deux émissions n’a pas été jugé établi. Les signes adjoints, qui suggèrent immanquablement une différence de contenu intellectuel, ne sont pas insignifiants et permettent au public normalement informé, raisonnablement attentif et avisé de ne pas commettre de confusion entre ces émissions. L’animateur Philippe Meyer pourra donc utiliser la notoriété de son nom et son prénom pour distinguer son émission de celle diffusée par France Culture.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quel était le litige entre Radio France et Philippe Meyer ?

Le litige entre la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France et Philippe Meyer concernait l’animateur de l’émission « L’esprit public », qui était en diffusion sur France Culture depuis près de 20 ans.

Radio France avait proposé une nouvelle formule de l’émission pour mettre fin à un conflit de licenciement. Cependant, l’animateur a décidé d’enregistrer un podcast intitulé « Le nouvel esprit public de Philippe Meyer », qui a été diffusé et a surpassé l’émission de France Culture en termes d’audience.

Cela a conduit Radio France à poursuivre Philippe Meyer en référé, invoquant un risque de confusion entre les deux émissions. La société a partiellement obtenu gain de cause dans cette affaire.

Quelles ont été les conclusions concernant la contrefaçon de marque ?

Radio France avait déposé le titre de l’émission « L’esprit public » en tant que marque, ce qui lui a permis de protéger son contenu. Concernant le nom de domaine « lenouvelespritpublic.fr », il n’a pas été jugé contrefaisant.

En revanche, l’usage du nom de domaine « lespritpublic.com », déposé par Philippe Meyer, a été considéré comme vraisemblablement contrefaisant. La décision a entraîné une provision de 1 000 euros sur dommages-intérêts pour Radio France.

Cette distinction entre les deux noms de domaine souligne l’importance de la protection des marques dans le domaine de la radiodiffusion et des médias.

Pourquoi la nullité de la marque « L’esprit public » a-t-elle été rejetée ?

Philippe Meyer a tenté de faire valoir que la marque « L’esprit public » avait été déposée en violation de ses droits d’auteur. Cependant, selon l’article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, un titulaire de droit antérieur ne peut pas agir en nullité si la marque a été déposée de bonne foi et si l’usage a été toléré pendant cinq ans.

Dans ce cas, l’animateur avait été informé dès le début de l’usage de la marque par Radio France. Par conséquent, son action en nullité a été jugée prescrite, car il avait toléré l’usage de la marque sans agir pendant le délai imparti.

Quelles étaient les considérations sur le risque de confusion entre les deux émissions ?

La contrefaçon de la marque « L’esprit public » par l’usage de la locution « Le Nouvel Esprit Public Philippe Meyer » n’a pas été retenue. L’article L. 713-2 du CPI interdit la reproduction d’une marque, mais la nouvelle locution n’était pas une reproduction identique.

Le risque de confusion devait être évalué en tenant compte d’un public pertinent, normalement informé et raisonnablement attentif. Les signes adjoints dans le titre du podcast suggéraient une différence de contenu intellectuel, ce qui a permis de conclure que le public ne confondrait pas les deux émissions.

Ainsi, Philippe Meyer a pu utiliser son nom pour distinguer son émission de celle de France Culture, ce qui a été un facteur clé dans la décision finale.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon