L’Essentiel : Le 9 avril 2021, la SCI Vabre a proposé la vente d’une parcelle à la commune d'[Localité 7]. Le 5 juillet 2021, l’établissement public Foncier de l’Île-de-France a exercé son droit de préemption. Après le refus de la SCI de signer l’acte de vente, l’établissement a assigné la SCI en justice. Le 11 septembre 2023, le tribunal a débouté l’établissement, n’ayant pas prouvé la notification de la préemption. En appel, le tribunal a confirmé la vente, condamnant la SCI à signer l’acte dans un délai de vingt jours, sous peine de voir l’arrêt valoir acte de vente.
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Contexte de l’affaireLe 9 avril 2021, la SCI Vabre a soumis une déclaration d’intention d’aliéner à la commune d'[Localité 7] pour la vente d’une parcelle au prix de 598 740 euros, située dans le périmètre de son droit de préemption urbain. Exercice du droit de préemptionL’établissement public Foncier de l’Île-de-France a exercé son droit de préemption par acte d’huissier le 5 juillet 2021. Suite à un refus de la SCI Vabre de signer l’acte authentique de vente, l’établissement public a consigné le prix à la Caisse des dépôts et consignations le 29 octobre 2021 et a assigné la SCI Vabre en justice pour obtenir la signature de l’acte, avec des demandes de dommages-intérêts. Jugement du tribunal judiciaireLe 11 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a débouté l’établissement public de ses demandes, constatant qu’il n’avait pas produit le justificatif de la délivrance de sa décision de préemption à la SCI Vabre. L’établissement public a alors interjeté appel de ce jugement. Appel et demandes de l’établissement publicEn appel, l’établissement public a fourni le justificatif de la signification de sa décision d’acquérir le bien et a demandé la condamnation de la SCI Vabre à signer l’acte authentique de vente, sous astreinte, ainsi qu’une indemnisation de 59 000 euros pour préjudice économique et 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Motifs de l’arrêtL’arrêt a confirmé que la vente était parfaite à la date de la notification de la décision de préemption, soit le 6 juillet 2021. En raison du refus de la SCI Vabre de signer l’acte de cession, le tribunal a condamné la SCI à signer l’acte de vente, stipulant que l’arrêt vaudra acte de vente en cas de non-signature. Décisions finalesLe jugement a été infirmé, et la SCI Vabre a été condamnée à signer l’acte authentique de cession dans un délai de vingt jours. En cas de non-signature, l’arrêt vaudra acte de vente. De plus, la SCI Vabre a été condamnée à verser 50 000 euros à l’établissement public pour dommages-intérêts et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique du droit de préemption urbain ?Le droit de préemption urbain est régi par les articles L. 210-1 et suivants du Code de l’urbanisme. L’article L. 210-1 stipule que : « Les communes peuvent instituer un droit de préemption sur les biens immobiliers situés dans leur périmètre d’intervention, afin de réaliser des opérations d’aménagement. » Ce droit permet à la commune ou à un établissement public de se porter acquéreur d’un bien immobilier avant tout autre acquéreur, dans le but de favoriser l’aménagement du territoire. En l’espèce, l’établissement public Foncier de l’Île-de-France a exercé ce droit en notifiant sa décision à la SCI Vabre, ce qui a conduit à la perfection de la vente à la date de la notification. Quelles sont les conséquences du refus de signer l’acte de vente ?Le refus de signer l’acte de vente a des conséquences juridiques importantes, notamment en vertu de l’article L. 213-14 du Code de l’urbanisme, qui précise que : « La vente est parfaite à la date à laquelle la décision de préemption a été notifiée au vendeur. » Dans le cas présent, la vente est devenue parfaite le 6 juillet 2021, date à laquelle la SCI Vabre a été notifiée de la décision d’acquisition. Le refus de la SCI Vabre de signer l’acte de vente a donc constitué une violation de ses obligations contractuelles, empêchant le transfert de propriété du bien. Comment évaluer le préjudice subi par l’établissement public ?L’évaluation du préjudice est fondée sur le principe de réparation intégrale, tel que prévu par l’article 1231-1 du Code civil, qui dispose que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Dans cette affaire, l’établissement public a justifié avoir subi un préjudice économique en raison de l’impossibilité de réaliser son programme immobilier. Le tribunal a évalué ce préjudice à 50 000 euros, correspondant à la perte de chance de réaliser des logements neufs, ce qui est conforme aux objectifs d’intérêt général de l’établissement. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme d’argent pour couvrir les frais non compris dans les dépens. Cet article stipule que : « Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, la SCI Vabre a été condamnée à verser 2 000 euros à l’établissement public en vertu de cet article, afin de compenser les frais engagés dans le cadre de la procédure judiciaire. Cette disposition vise à garantir un accès à la justice et à éviter que les parties ne soient dissuadées d’agir en justice en raison des coûts potentiels. |
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 10 JANVIER 2025
(n° , 3 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/15260 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIHS2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2023 – Tribunal judiciairede BOBIGNY – RG n° 22/11138
APPELANTE
Etablissement Public Foncier d’Ile de France (EPFIF), établissement public d’Etat à caractère industriel et commercial, immatriculé au RCS de Paris sous le numéro 495 120 008
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée et assisté de Me Miguel BARATA de l’AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1185
INTIMÉE
SCI VABRE immatriculée au RCS de Bobigny sous le numéro 043 834 977, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Assignation devant la cour d’appel de Paris – Pôle 4 chambre1- en date du 03 Novembre 2023 à étude conformément aux articles 655, 656 et 658 du CPC.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 28 novembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère
Claude CRETON, magistrat honoraire
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Claude CRETON, magistrat honoraire , dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Marylène BOGAERS, lors des débats
ARRÊT :
– par défaut,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, et par Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Conclusions Etablissement public Foncier de l’Île-de-France : 6 octobre 2023
Clôture : 14 novembre 2024
Le 9 avril 2021, la SCI Vabre a adressé à la commune d'[Localité 7] une déclaration d’intention d’aliéner au prix de 598 740 euros une parcelle, située [Adresse 2] dans le périmètre de son droit de préemption urbain.
L’établissement public Foncier de l’Île-de-France a déclaré exercer son droit de préemption par acte d’huissier du 5 juillet 2021.
Reprochant à la SCI Vabre d’avoir refusé de signer l’acte authentique de vente alors que la vente était devenue parfaite, l’établissement public, après avoir consigné le prix à la Caisse des dépôts et consignations le 29 octobre 2021, l’a assignée en condamnation, sous astreinte, à signer cet acte, le jugement valant à défaut acte de vente, et en paiement de dommages-intérêts.
La SCI Vabre n’a pas comparu.
Par jugement du 11 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny, constatant que l’établissement public ne produisait pas le justificatif de la délivrance par acte d’huissier de sa décision de faire usage de son droit de préemption, l’a débouté de ses demandes.
L’établissement public a interjeté appel de ce jugement.
Elle produit le justificatif de la signification à la SCI Vabre de sa décision d’acquérir le bien et sollicite la condamnation de la SCI Vabre à signer l’acte authentique de vente, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt, qui, à défaut vaudra acte de vente. Elle réclame en outre la condamnation de la SCI Vabre à lui payer, en réparation de son préjudice économique, la somme de 59 000 euros, correspondant à 10 % de la valeur du bien, pour chaque période annuelle à compter du 29 octobre 2021 jusqu’à la signature de l’acte, ainsi qu’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La déclaration d’appel et les conclusions d’appel n’ayant pu être signifiées à la personne de la SCI Vabre, non comparante, et personne n’ayant pu recevoir copie de l’acte, le commissaire de justice, après avoir vérifié que celle-ci a son siège social à l’adresse indiquée, a procédé selon les modalités de l’article 656 du code de procédure civile.
Considérant que lorsque le titulaire d’un droit de préemption décide d’acquérir le bien au prix fixé dans la déclaration d’intention d’aliéner, la vente est parfaire à la date à laquelle la décision de préemption a été notifiée au vendeur ; qu’en l’espèce, l’établissement public justifie avoir signifié sa décision au mandataire de la SCI Vabre le 6 juillet 2021 ; que suite au refus de signer l’acte de vente opposé par la SCI Vabre qui a été convoquée à se présenter devant le notaire le 29 octobre 2021, l’établissement public a consigné le prix de vente le 29 octobre 2021, comme le prévoit l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme ; qu’il convient en conséquence de condamner la SCI Vabre, sans astreinte, à signer l’acte de vente et de juger qu’à défaut l’arrêt vaudra acte de vente ;
Considérant qu’en refusant de signer l’acte de cession le 29 octobre 2021, alors que la vente était devenue parfaite le 6 juillet 2021, la SCI Vabre a manqué à ses obligations contractuelles, empêchant le transfert de propriété du bien à la date à laquelle la signature de l’acte aurait dû intervenir, ainsi que le prévoit l’article précité ; que l’établissement public, qui n’a pu disposer du bien litigieux, justifie avoir subi un préjudice pour avoir été empêché de réaliser le programme immobilier projeté dans le cadre de sa mission d’intérêt général de construction de logements neufs dans la région de l’Île-de-France ; qu’il convient d’évaluer ce préjudice à 50 000 euros et de condamner en conséquence la SCI Vabre à payer cette somme à l’établissement public ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Condamne la SCI Vabre à signer devant M. [L] [G], notaire à [Localité 8], l’acte authentique de cession à l’établissement public foncier d’Île-de-France au prix de 598 740 euros de la parcele située à [Localité 7], [Adresse 2], cadastrée section K n° [Cadastre 4], d’une superficie de 753 m² dans un délai de vingt jours suivant la significatin de l’arrêt ;
Dit qu’à défaut de signature de l’acte de vente dans ce délai, le présent arrêt vaudra acte de vente de cette parcelle à l’établissement public foncier d’Île-de-France et pourra être publié au service de la publicité foncière ;
Condamne la SCI Vabre à payer à l’établissement public foncier d’Île-de-France la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Vabre à payer à l’établissement public foncier d’Île-de-France la somme de 2 000 euros ;
La condamne aux dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, par Maître Barata conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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