Droit de filmer en caméra cachée

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Droit de filmer en caméra cachée

L’Essentiel : La Cour de cassation a statué sur le droit des journalistes à utiliser la caméra cachée pour des reportages d’actualité. Elle a confirmé le non-lieu pour escroquerie à l’encontre d’un journaliste ayant infiltré des milieux religieux. Bien que le journaliste ait usé d’un faux nom, cela n’a pas constitué une fausse qualité au sens de la loi. L’infiltration, visant à révéler des comportements sans provoquer, ne caractérise pas une manœuvre frauduleuse. La Cour a souligné que le journaliste était un témoin, non un provocateur, et que le préjudice relevait d’une atteinte à la vie privée, non d’escroquerie.

Délit d’escroquerie inapplicable

La Cour de cassation a rendu un arrêt éclairant sur le droit pour les journalistes, de filmer en caméra cachée, aux fins de réaliser des reportages sur des sujets d’actualité. Les juges suprêmes ont confirmé le non-lieu prononcé du chef d’escroquerie à l’encontre d’un journaliste et du président de France Télévisions.

En l’occurrence, un journaliste s’est infiltré dans des milieux religieux et a filmé des images et enregistrer des propos permettant de témoigner de l’existence de méthodes susceptibles d’être nourries de l’idéologie de l’extrême droite. Les personnes filmées à leur insu ont poursuivi le journaliste et le président de France Télévisions pour escroquerie.

Conditions de l’escroquerie

Si le journaliste a usé d’un faux nom, celui-ci n’a pas joué de rôle déterminant : le fait de taire sa qualité professionnelle ou de se prétendre militant, athée ou bénévole, auprès des personnes rencontrées, ne constitue pas une prise de fausse qualité au sens de la loi, mais un simple mensonge. Le procédé de l’infiltration, s’il concourt à révéler ou mettre à jour, sans leur consentement, les comportements des personnes, sans les provoquer, ne constitue pas une manoeuvre frauduleuse caractérisant le délit d’escroquerie de l’article 313-1 du code pénal.

Aux termes de l’article 313-1 du code pénal, l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, « de tromper une personne physique ou morale, et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’autrui, à remettre des fonds, valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».

Le délit d’escroquerie nécessite chez son auteur un ou des actes positifs, sa passiveté qui se bornerait à dissimuler un fait ou une particularité, ne suffisant pas à le caractériser. Par ailleurs, il est exigé une relation de cause à effet entre les moyens utilisés et la remise, de sorte que s’il apparaît que la fraude utilisée n’a pas eu d’influence sur la victime et s’il est démontré que celle-ci eût livré le bien ou la chose’, même en l’absence de manoeuvres, le délit d’escroquerie ne peut être constitué.

L’escroquerie étant un délit de commission, il exige un acte positif tant pour ce qui concerne l’usage d’une fausse qualité que celui de manoeuvres frauduleuses ; le seul fait pour le journaliste, de taire sa qualité professionnelle, ce qui ne constitue qu’un acte passif, ne peut lui être reproché au soutien de la fausse qualité ; d’autre part, le fait de se prétendre militant, athée ou bénévole ne constitue pas une prise de fausses qualités au sens de la loi, en ce que ces qualificatifs ne sont pas attachés à l’état ou au statut de la personne et de nature, à eux seuls, à créer une confusion dans l’esprit des personnes filmées, mais constituent des éléments relevant de valeurs personnelles, ou de l’intimité, que la loi ne compte pas parmi les qualités faussement alléguées.

Le journaliste a fait usage d’un simple mensonge auprès des personnes qu’il entendait observer, ce qui n’était pas punissable au sens de l’article 313-1 du code pénal.

Caméra cachée, outil légitime d’investigation

Sur l’infiltration des journalistes, il est constant que le procédé consistant à aller rechercher par le biais d’une caméra cachée, des informations qu’il serait impossible pour un journaliste de se procurer par un autre moyen, est légitime, compte tenu du sujet faisant l’objet d’investigations.

Ce procédé s’il n’est pas légalement proscrit, doit être justifié par les nécessités de l’information et effectué sans recours ni à la manipulation, ni au mensonge, et en respectant l’anonymisation des personnes filmées et auditionnées, dans une recherche de proportionnalité entre l’intérêt de l’enquête et le respect des personnes.

Au cours du reportage, force est de constater que le journaliste s’est borné à regarder et à écouter ce qu’il se passait autour de lui, (et donc de filmer et d’enregistrer) dans le but d’en restituer la teneur et la substance dans un reportage dédié au grand public.

Les questions posées aux juges étaient celles de savoir si, sans l’intervention du journaliste, les personnes filmées se seraient comportées autrement, auraient tenu des discours différents, face à un autre interlocuteur, et si, finalement, la remise critiquée (images et sons), à supposer qu’elle ait été déterminée par le procédé utilisé, ne se résumerait pas à la réalité du vécu des personnes considérées, leur réalité, leurs idées, leurs projets. La Cour a retenu que le journaliste n’était  dans cette opération d’infiltration, certes menée selon son initiative, que le témoin et non l’acteur et/ ou le provocateur à l’action. Admettre le contraire permettrait de classer parmi les turpitudes définies par le législateur à l’article 313-1 du code pénal, et délimitées par la jurisprudence, des pratiques qui ne concourent qu’à la révélation ou la mise à jour d’une réalité.

En réalité, l’éventuel préjudicie subi, ne relève pas d’une remise déterminée par la tromperie ou des manoeuvres frauduleuses, qui en l’espèce n’étaient pas constituées, mais était circonscrit à une atteinte à la vie privée des personnes filmées.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quel est l’arrêt rendu par la Cour de cassation concernant le journaliste et l’escroquerie ?

La Cour de cassation a rendu un arrêt important qui clarifie le droit des journalistes à utiliser la caméra cachée pour réaliser des reportages sur des sujets d’actualité.

Dans cette affaire, un journaliste a été poursuivi pour escroquerie après avoir infiltré des milieux religieux afin de filmer des comportements liés à l’extrême droite.

La Cour a confirmé le non-lieu prononcé à l’encontre du journaliste et du président de France Télévisions, soulignant que les actions du journaliste ne constituaient pas un délit d’escroquerie.

Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’un acte soit qualifié d’escroquerie ?

Selon l’article 313-1 du code pénal, l’escroquerie implique l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, ou encore l’abus d’une qualité vraie, pour tromper une personne physique ou morale.

Cette tromperie doit avoir pour effet de déterminer la victime à remettre des fonds, valeurs ou biens, ou à fournir un service.

Il est essentiel que l’escroquerie soit caractérisée par des actes positifs de l’auteur, et non par une simple dissimulation de faits.

De plus, il doit exister un lien de cause à effet entre les moyens utilisés et la remise, ce qui signifie que si la fraude n’a pas influencé la victime, le délit ne peut être constitué.

Comment la Cour a-t-elle interprété l’utilisation de la caméra cachée par le journaliste ?

La Cour a reconnu que l’utilisation de la caméra cachée par le journaliste était légitime dans le cadre de son enquête.

Elle a souligné que ce procédé est acceptable lorsque les informations recherchées ne peuvent être obtenues par d’autres moyens.

Cependant, la Cour a également précisé que cette méthode doit être justifiée par les nécessités de l’information et ne doit pas impliquer de manipulation ou de mensonge.

Le journaliste a agi en tant que témoin, observant et enregistrant sans provoquer les personnes filmées, ce qui a été déterminant dans la décision de la Cour.

Quelles sont les implications de cet arrêt pour les journalistes ?

Cet arrêt a des implications significatives pour les journalistes, car il établit un précédent concernant l’utilisation de la caméra cachée dans le cadre d’investigations.

Il renforce le droit des journalistes à mener des enquêtes sur des sujets d’intérêt public, tout en précisant les limites de cette pratique.

Les journalistes doivent s’assurer que leur méthode d’infiltration respecte la vie privée des personnes filmées et qu’elle est proportionnée à l’intérêt de l’enquête.

En somme, cet arrêt protège la liberté de la presse tout en soulignant la nécessité d’un équilibre entre l’investigation et le respect des droits individuels.


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