Équilibre entre droit au logement et propriété : enjeux d’expulsion et de relogement.

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Équilibre entre droit au logement et propriété : enjeux d’expulsion et de relogement.

L’Essentiel : Le 17 juin 2024, le tribunal de Bordeaux a prononcé la résiliation du bail de Madame [N] et ordonné son expulsion. Malgré sa demande de délai pour quitter les lieux, le juge a constaté que Madame [N] n’avait pas effectué de recherches sérieuses pour se reloger et que sa situation financière n’était pas à jour. L’OPH GIRONDE HABITAT a rejeté sa demande, la qualifiant de mauvaise foi. En conséquence, le juge a débouté Madame [N] de toutes ses demandes, rendant la décision exécutoire sans effet suspensif de l’appel.

Contexte du litige

L’OPH GIRONDE HABITAT a signé un bail avec Madame [V] [N] pour un logement situé à [Localité 4] le 12 juin 2012. Cependant, des problèmes sont survenus, entraînant une procédure judiciaire.

Résiliation du bail et expulsion

Le 17 juin 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux a prononcé la résiliation du bail et ordonné l’expulsion de Madame [N]. Cette décision a été signifiée à la locataire le 10 juillet 2024, accompagnée d’un commandement de quitter les lieux.

Demande de délai pour quitter les lieux

Le 5 septembre 2024, Madame [N] a sollicité un délai pour quitter le logement. Lors de l’audience du 15 octobre 2024, elle a demandé un délai de six mois, tout en contestant les demandes de l’OPH GIRONDE HABITAT.

Arguments de Madame [N]

Madame [N] a justifié sa demande en affirmant qu’elle avait sous-loué le logement sans savoir que cela était interdit. Elle a également mentionné avoir cherché un nouveau logement et être à jour dans le paiement des indemnités d’occupation.

Position de l’OPH GIRONDE HABITAT

L’OPH GIRONDE HABITAT a rejeté la demande de Madame [N], la qualifiant de locataire de mauvaise foi. Ils ont souligné qu’elle n’avait pas effectué de recherches sérieuses pour se reloger et qu’elle bénéficiait de la trêve hivernale.

Décision du juge

Le juge a examiné la demande de délai en se basant sur les articles du code des procédures civiles d’exécution. Il a noté que la décision de résiliation du bail était assortie d’une exécution provisoire, rendant les contestations de Madame [N] indifférentes à la question des délais.

Évaluation de la situation de Madame [N]

Madame [N] a fourni des documents attestant de sa situation financière, mais ceux-ci n’étaient pas à jour. Elle n’a pas démontré de recherches suffisantes pour un relogement, et sa demande de logement social était tardive.

Conclusion de la décision

Le juge a débouté Madame [N] de toutes ses demandes et a condamné l’OPH GIRONDE HABITAT à supporter ses propres dépens. La décision est exécutoire de plein droit, sans effet suspensif de l’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir un délai de grâce avant l’expulsion selon l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…) ».

Ainsi, pour qu’un délai soit accordé, il est nécessaire que l’occupant démontre que son relogement ne peut se faire dans des conditions normales.

Il est important de noter que le juge doit évaluer la situation de l’occupant, notamment en tenant compte de sa bonne ou mauvaise volonté dans l’exécution de ses obligations.

De plus, le juge doit considérer les circonstances personnelles de l’occupant, telles que l’âge, l’état de santé, la situation familiale ou financière, ainsi que les efforts réalisés pour trouver un nouveau logement.

En l’espèce, Madame [N] n’a pas réussi à prouver l’impossibilité de se reloger dans des conditions normales, ce qui a conduit à un rejet de sa demande de délai.

Comment le juge évalue-t-il la bonne ou mauvaise foi de l’occupant dans le cadre de l’article L. 412-4 ?

L’article L. 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution précise que :

« La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. »

Le juge doit donc examiner plusieurs éléments pour évaluer la bonne ou mauvaise foi de l’occupant.

Cela inclut l’examen des efforts fournis par l’occupant pour se reloger, ainsi que la nature des obligations qu’il a envers le bailleur.

Dans le cas de Madame [N], le juge a constaté qu’elle n’avait pas fourni de preuves suffisantes concernant ses recherches de relogement, ce qui a contribué à la conclusion de sa mauvaise foi.

Quelles sont les conséquences de la décision de résiliation du bail sur les demandes de délai de relogement ?

La décision de résiliation du bail a des conséquences directes sur les demandes de délai de relogement.

En effet, le juge des contentieux de la protection a prononcé la résiliation du bail, ce qui signifie que Madame [N] n’a plus de titre légal pour occuper le logement.

Cette résiliation est assortie de l’exécution provisoire, ce qui signifie que l’expulsion peut être mise en œuvre même si un appel a été interjeté.

L’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution précise que :

« Le présent jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel lui-même n’ayant pas d’effet suspensif. »

Ainsi, même si Madame [N] a interjeté appel, cela n’a pas suspendu l’exécution de la décision.

Par conséquent, sa demande de délai de relogement est examinée dans le cadre de cette situation, où elle n’a plus de droit d’occupation, ce qui complique sa position.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans le cadre de ce litige, l’OPH GIRONDE HABITAT a demandé la condamnation de Madame [N] à verser une somme de 1.500 euros sur le fondement de cet article.

Cependant, le juge a décidé de débouter l’OPH de sa demande, considérant que l’équité ne commandait pas d’appliquer cet article dans ce cas précis.

Cela signifie que, bien que l’OPH ait gagné le litige, le juge a estimé que les circonstances ne justifiaient pas une indemnisation pour les frais engagés.

Cette décision peut être interprétée comme une reconnaissance des difficultés rencontrées par Madame [N], même si elle n’a pas réussi à prouver son impossibilité de relogement.

Ainsi, l’application de l’article 700 est laissée à l’appréciation du juge, qui doit tenir compte des circonstances de chaque affaire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 26 Novembre 2024

DOSSIER N° RG 24/07737 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZRWQ
Minute n° 24/ 449

DEMANDEUR

Madame [V] [N]
née le 05 Septembre 1972 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro N-33063-2024-009949 du 30/07/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
représentée par Maître Eric FOREST, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

OPH GIRONDE HABITAT, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Maître Ludovic BOUSQUET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 15 Octobre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 26 novembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 12 juin 2012, l’OPH GIRONDE HABITAT a donné à bail à Madame [V] [N] un logement sis à [Localité 4] (33).

Par jugement en date du 17 juin 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux a prononcé la résiliation du bail et ordonné l’expulsion de la locataire. Par acte du 10 juillet 2024, l’OPH GIRONDE HABITAT a fait signifier cette décision et délivrer un commandement de quitter les lieux à Madame [N].

Par requête en date du 5 septembre 2024, Madame [N] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin d’obtenir un délai pour quitter les lieux.

A l’audience du 15 octobre 2024 et dans ses dernières écritures, elle sollicite un délai de 6 mois, le rejet des demandes adverses et à ce qu’il soit jugé que chacun conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.

Au soutien de sa demande, elle fait valoir que le bail a été résilié en raison du fait qu’elle a sous-loué le logement durant la période estivale alors qu’elle ignorait que cela était interdit. Elle fait valoir que la sanction de son bailleur et du juge ayant eu à connaitre de la demande est excessive, soulignant qu’elle a interjeté appel de la décision. Elle soutient avoir recherché en vain des logements dans le parc privé, et avoir formulé une demande de logement social. Elle indique enfin être à jour du paiement des indemnités d’occupation.

A l’audience du 15 octobre 2024, l’OPH GIRONDE HABITAT conclut au rejet de la demande et à la condamnation de la demanderesse aux dépens outre le paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’OPH GIRONDE HABITAT fait valoir que Madame [N] est une locataire de mauvaise foi ayant sous-loué un logement social. Elle souligne qu’elle ne justifie pas de recherches sérieuses de relogement et bénéficie de fait de la trêve hivernale.

Le délibéré a été fixé au 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Au visa de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution,  » Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…) « .

L’article L. 412-4 du même code précise que :  » La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés « .

Il résulte de la combinaison de ces textes qu’il appartient au juge, en considération de ces dispositions, d’octroyer ou non des délais dans le respect du droit de propriété dont le caractère est absolu et du principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine, de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accès à un logement décent, du droit à la vie privée et familiale, au domicile, dans le cadre d’un nécessaire contrôle de proportionnalité, ayant pour finalité d’établir un juste équilibre entre deux revendications contraires, celle du propriétaire et celle de l’occupant sans droit ni titre.

Il sera préalablement rappelé que la décision du juge des contentieux de la protection en date du 17 juin 2024 est assortie de l’exécution provisoire nonobstant l’appel interjeté par Madame [N]. Les contestations de cette dernière et le témoignage versé aux débats attestant de sa bonne foi, sont indifférents à la présente instance qui ne concerne que la possibilité d’accorder des délais avant l’expulsion.

A cet égard, Madame [N] verse aux débats un relevé CAF de septembre 2023, indiquant qu’elle percevait le RSA mais non actualisé par un relevé plus récent. Elle produit également un avis d’impôt sur le revenu 2022 mentionnant un revenu imposable de 9.612 euros. Elle justifie enfin d’une demande de logement social en date du 26 juillet 2024 concernant les communes de [Localité 8], [Localité 6], [Localité 5] et [Localité 3].

Madame [N] ne produit par conséquent aucune pièce actualisée sur sa situation financière et notamment pas un contrat de travail permettant à la présente juridiction de comprendre pourquoi ses recherches de logement se limitent au secteur proche de son domicile actuel, réduisant d’autant ses chances de relogement. Elle ne justifie par ailleurs d’aucune recherche dans le parc privé, la demande de logement social formée bien postérieurement à la décision de résiliation du bail apparaissant pour le moins tardive.

Elle n’établit donc pas l’impossibilité dans laquelle elle se trouverait de se reloger à des conditions normales et sera par conséquent déboutée de sa demande.

Sur les demandes annexes

Madame [N], partie perdante, subira les dépens. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’Exécution, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,

DEBOUTE Madame [V] [N] de toutes ses demandes,

DEBOUTE l’OPH GIRONDE HABITAT de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [V] [N] aux dépens,

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel lui-même n’ayant pas d’effet suspensif par application des dispositions de l’article R. 121- 21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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