L’Essentiel : L’affaire concerne un mis en examen, placé en détention provisoire le 10 mars 2023, qui a demandé un débat contradictoire sur la prolongation de sa détention. Lors de sa comparution le 26 août 2024, il a sollicité un report pour consulter le dossier, ce qui a été accordé. Le jour du débat, il a signalé n’avoir eu accès au dossier que la veille et a demandé un renvoi. Le juge des libertés et de la détention a refusé cette demande et a prolongé la détention, décision contestée par le mis en examen, qui a argué d’un manque de temps pour préparer sa défense. La Cour a rejeté l’appel.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne un individu, désigné ici comme un mis en examen, qui a été placé en détention provisoire le 10 mars 2023. Ce mis en examen a sollicité un débat contradictoire sur la prolongation de sa détention devant le juge des libertés et de la détention. Demande de report du débatLors de la comparution du mis en examen le 26 août 2024, il a demandé un report du débat afin de pouvoir consulter le dossier de la procédure. Le juge a accédé à cette demande et a fixé une nouvelle date pour le débat au 6 septembre 2024. Problèmes de consultation du dossierLe jour du débat, le mis en examen a fait valoir qu’il n’avait eu accès au dossier que la veille et que celui-ci ne contenait pas les pièces relatives à la prolongation de la détention d’un autre mis en examen. Il a donc demandé un renvoi de l’affaire. Décision du juge des libertés et de la détentionLe 9 septembre 2024, le juge des libertés et de la détention a refusé la demande de renvoi et a prolongé la détention provisoire du mis en examen, décision contre laquelle ce dernier a interjeté appel. Arguments de l’appelL’appel critique la décision en arguant que le mis en examen n’a pas eu le temps nécessaire pour préparer sa défense, en raison de l’accès tardif au dossier. Il soutient également que l’absence d’une ordonnance relative à un autre mis en examen dans le dossier a été un manquement aux droits de la défense. Réponse de la CourLa Cour a rejeté l’exception de nullité, affirmant que le mis en examen avait eu plusieurs occasions de consulter le dossier et qu’il avait refusé de le faire le jour même du débat. Elle a également noté que les documents requis n’étaient pas disponibles au moment de la consultation. Conclusion de la CourLa Cour a conclu que le mis en examen avait eu suffisamment de temps pour préparer sa défense et que les décisions prises par le juge des libertés et de la détention étaient conformes aux exigences légales. Par conséquent, l’appel a été écarté, et l’arrêt a été jugé régulier tant en forme qu’au fond. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations du juge des libertés et de la détention concernant le temps de préparation de la défense ?La personne mise en examen qui se défend seule devant le juge des libertés et de la détention doit disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense. Cela inclut la mise à disposition du dossier complet de la procédure dans un délai suffisant avant le débat. L’article 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l’homme stipule que toute personne accusée a droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à sa défense. De plus, les articles 114, 145 et 145-2 du code de procédure pénale précisent que le juge doit veiller à ce que les droits de la défense soient respectés, notamment en garantissant un accès adéquat aux éléments de la procédure. Dans cette affaire, il a été constaté que le dossier n’a été mis à disposition que moins de 24 heures avant le débat, ce qui soulève des questions sur le respect de ces obligations. Quelles sont les conséquences de l’absence de pièces dans le dossier de la procédure ?L’absence de pièces dans le dossier de la procédure peut constituer un motif de nullité du débat contradictoire. L’article 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l’homme impose que l’accusé ait accès à toutes les pièces nécessaires à sa défense. En l’espèce, le mis en examen a demandé la présentation d’une ordonnance relative à la prolongation de la détention d’un autre mis en examen, qui n’était pas disponible au moment du débat. L’article 114 du code de procédure pénale précise que le juge d’instruction doit communiquer au mis en examen les pièces de la procédure qui sont nécessaires à sa défense. Si ces pièces ne sont pas fournies, cela peut affecter le droit à un procès équitable, ce qui pourrait justifier une annulation de la décision de prolongation de la détention. Comment le juge des libertés et de la détention évalue-t-il le temps de préparation accordé au mis en examen ?Le juge des libertés et de la détention évalue le temps de préparation accordé au mis en examen en tenant compte des délais entre les différentes étapes de la procédure. Dans cette affaire, il a été noté que le mis en examen avait eu un délai de douze jours pour préparer sa défense avant le débat du 26 août, et un délai supplémentaire de onze jours après le report au 6 septembre. L’article 137-3 du code de procédure pénale stipule que le juge doit s’assurer que le mis en examen a eu le temps nécessaire pour préparer sa défense, mais cela doit être mis en balance avec les circonstances de l’affaire. Le juge a conclu que le mis en examen ne pouvait pas prétendre ne pas avoir eu le temps nécessaire, car il avait refusé de consulter le dossier le jour même où il était disponible. Ainsi, le refus de report du débat n’a pas été considéré comme une atteinte aux droits de la défense. |
N° 00266
RB5
4 FÉVRIER 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 FÉVRIER 2025
M. [O] [U] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon, en date du 3 octobre 2024, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs de destruction par un moyen dangereux aggravée et association de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [O] [U], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pradel, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [O] [U] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire le 10 mars 2023.
3. Comparaissant devant le juge des libertés et de la détention le 26 août 2024, dans le cadre d’un débat contradictoire sur l’éventuelle prolongation de sa détention provisoire, l’intéressé, qui a fait valoir qu’il se défendait seul, a sollicité le report du débat pour consulter le dossier.
4. Le juge saisi a fait droit à cette demande et a informé M. [U] que le débat se tiendrait le 6 septembre suivant.
5. A cette date, l’intéressé, qui a comparu, a fait valoir que, d’une part, il n’avait pu consulter le dossier de la procédure que la veille du débat contradictoire, d’autre part, n’y figuraient pas les pièces relatives à la prolongation de la détention provisoire de M. [X] [G] par ordonnance du 3 septembre 2024, et a demandé le renvoi de l’affaire.
6. Par une ordonnance en date du 9 septembre 2024, le juge des libertés et de la détention a refusé la demande de renvoi et prolongé la détention provisoire de M. [U], qui a relevé appel de cette décision.
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté les moyens de nullité du débat contradictoire et a ordonné la prolongation de sa détention provisoire, alors :
« 1°/ que la personne mise en examen qui assure seule devant le juge des libertés et de la détention sa défense lors du débat contradictoire sur la prolongation de la détention provisoire doit disposer du temps et des facilités nécessaires pour sa préparation, ce qui inclut la mise à sa disposition du dossier complet de la procédure dans un temps suffisant avant le débat ; qu’il résulte de la procédure que malgré un renvoi à cette fin ordonné le 26 août 2024, pour un débat contradictoire le 6 septembre suivant, ce n’est que le 5 septembre dans l’après-midi, moins de 24 heures avant le débat contradictoire, que le dossier de l’affaire criminelle pour laquelle une prolongation de la détention provisoire était envisagée, a été mis à disposition de M. [U], le dossier mis préalablement à sa disposition étant relatif à une autre affaire, de sorte qu’en écartant le moyen de nullité tiré de l’insuffisance du temps laissé au mis en examen pour préparer sa défense, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l’homme et 114, 145 et 1452 du code de procédure pénale ;
2°/ qu’en se contentant en substance de relever, pour écarter le moyen de nullité tiré de l’absence au dossier d’une ordonnance du 3 septembre 2024 concernant la détention provisoire d’un autre mis en examen, que cette pièce n’avait pas encore été reçue par le juge d’instruction au moment où il a adressé le support numérique de la procédure au greffe pénitentiaire, sans s’expliquer sur l’impossibilité pour le juge des libertés et de la détention, le jour du débat contradictoire, de présenter cette pièce à M. [U] qui la réclamait expressément, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l’homme et 114, 145 et 145-2 du code de procédure pénale. »
8. Pour rejeter l’exception de nullité du débat contradictoire, prise de ce que la personne mise en examen n’avait pas bénéficié du temps nécessaire pour préparer sa défense et que le dossier mis à sa disposition était incomplet, et confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, l’arrêt attaqué énonce notamment que M. [U] a consulté le dossier sur CDRom le 29 août 2024, puis le 5 septembre au matin et a refusé de le consulter ce même jour dans l’après-midi, que, s’il a effectivement écrit au juge d’instruction le 29 août pour indiquer que, par deux fois, le dossier ne se trouvait pas à la prison, c’est par lettre postale verte qui n’est parvenue au juge d’instruction que le 6 septembre suivant, sans que ne puisse être déterminé si cette lettre a été envoyée avant ou après la consultation du 29 août, et, qu’à cette dernière date, l’ordonnance du 3 septembre 2024 concernant M. [X] [G] n’avait pas été rendue et ne pouvait donc y figurer.
9. Les juges ajoutent que M. [U], dont la détention a déjà été prolongée une fois, a été convoqué le 14 août 2024 pour le débat du 26 août suivant, disposant ainsi d’un délai de douze jours pour préparer sa défense, qu’il a été informé, le jour même, du report du débat au lundi 6 septembre, bénéficiant d’un délai supplémentaire de onze jours, qu’il ne saurait en conséquence invoquer qu’il n’a pas eu le temps nécessaire pour préparer sa défense, le refus de report du débat n’ayant pas fait grief aux droits de la défense.
10. En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
11. D’une part, le demandeur ne saurait soutenir ne pas avoir bénéficié du temps nécessaire pour préparer sa défense, dès lors qu’il a refusé de se déplacer au greffe de l’établissement pénitentiaire le 5 septembre 2024, dans l’après-midi, date à laquelle il reconnaît que le dossier de la procédure a été régulièrement mis à sa disposition.
12. D’autre part, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer que ni l’ordonnance de saisine du juge d’instruction, ni les réquisitions du procureur de la République, ni l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ne se réfèrent aux pièces relatives à la prolongation de la détention provisoire de M. [G].
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l’arrêt est régulier tant en la forme qu’au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
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