Protection juridique et droits de jouissance : enjeux d’un domicile familial contesté

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Protection juridique et droits de jouissance : enjeux d’un domicile familial contesté

L’Essentiel : Le 4 octobre 2019, une procédure de sauvegarde a été ouverte pour M. [P] [O], avec Mme [K] comme mandataire. Le 2 juillet 2021, M. [F] [N] [V] a été nommé tuteur aux biens, tandis que M. [C] [O] a été désigné tuteur à la personne. Le 7 septembre 2021, des restrictions sur les visites familiales ont été imposées. M. [O] est hébergé chez un de ses fils depuis mars 2022, son appartement étant occupé par Mme [Y] et M. [B] [O]. Le tribunal a ordonné leur expulsion, confirmée par la cour, qui a rejeté les arguments de Mme [Y].

Ouverture de la procédure de sauvegarde

Le 4 octobre 2019, une procédure de sauvegarde de justice a été ouverte au profit de M. [P] [O], avec Mme [K] désignée comme mandataire spécial. Le 18 juin 2020, une mesure de tutelle a été mise en place, et Mme [K] a été nommée tutrice.

Changements de tutelle

Le 2 juillet 2021, le juge des tutelles a déchargé Mme [K] de sa fonction et a nommé M. [F] [N] [V] comme tuteur aux biens, tandis que M. [C] [O], fils de M. [O], a été désigné tuteur à la personne.

Visites familiales encadrées

Le 7 septembre 2021, le juge a restreint les visites de certains membres de la famille, y compris l’ex-épouse de M. [O] et son petit-fils, à la présence du tuteur à la personne. La cour d’appel a ensuite modifié cette décision le 17 juin 2023, autorisant les visites une fois par quinzaine, mais sous la condition de la présence d’un tiers extérieur à la famille.

Situation de l’appartement de M. [O]

M. [P] [O] possède un appartement à [Adresse 1] à [Localité 4]. Après un séjour en EHPAD et une hospitalisation, il est hébergé chez un de ses fils depuis le 8 mars 2022, en attendant de retourner chez lui. Son appartement est occupé par Mme [Y] et M. [B] [O].

Action en expulsion

Le 20 septembre 2022, le juge des contentieux de la protection a déclaré qu’il n’y avait pas lieu à référé concernant une action en expulsion contre Mme [Y] et M. [B] [O]. Le 3 février 2023, M. [F] [N] [V] a cité ces derniers pour obtenir la constatation de leur occupation sans droit ni titre et leur expulsion.

Jugement du tribunal de proximité

Le 16 février 2024, le tribunal a débouté Mme [Y] et M. [B] [O] de leur exception de nullité de l’assignation, a constaté leur occupation sans droit ni titre, et a ordonné leur expulsion. Ils ont également été condamnés à payer une indemnité mensuelle d’occupation à M. [O] et à régler des frais de justice.

Appel de Mme [Y]

Le 19 avril 2024, Mme [Y] a interjeté appel du jugement. Dans ses conclusions du 4 novembre 2024, elle conteste plusieurs aspects du jugement, notamment la nullité de l’assignation et sa qualité d’épouse de M. [O], revendiquant un droit de jouissance sur le domicile conjugal.

Arguments de Mme [Y]

Mme [Y] soutient qu’elle est l’épouse de M. [O] et qu’elle bénéficie d’un droit de jouissance sur le domicile conjugal, citant des actes de mariage et des décisions judiciaires algériennes. Elle conteste également la qualité d’occupant sans droit ni titre qui lui a été attribuée.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement de première instance, rejetant la demande de nullité de l’assignation et constatant que Mme [Y] ne prouve pas son statut d’épouse. Elle a également confirmé l’expulsion de Mme [Y] et M. [B] [O] de l’appartement de M. [O], qui est reconnu comme sa propriété personnelle.

Conséquences financières

Mme [Y] a été condamnée aux dépens d’appel et a été déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce qui signifie qu’elle doit assumer les frais de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’action en expulsion et qui peut agir en justice pour la défendre ?

L’action en expulsion est considérée comme une action patrimoniale, permettant à un propriétaire d’obtenir la restitution de son bien occupé sans droit ni titre. Selon l’article 504 du Code de procédure civile, le tuteur agit seul en justice pour faire valoir les droits patrimoniaux de la personne protégée.

Ainsi, dans le cas présent, M. [F] [N] [V], en tant que tuteur aux biens de M. [O], a le pouvoir d’agir en justice pour défendre les droits patrimoniaux de son protégé, même si cela concerne le domicile de ce dernier.

Il est important de noter que la nature de l’action en expulsion ne dépend pas de la situation personnelle du majeur protégé, mais de la propriété du bien. Le juge a donc conclu que le tuteur avait bien le pouvoir d’agir seul en justice pour l’exercice de ce droit patrimonial.

Quelles sont les conditions pour qu’un époux puisse revendiquer un droit de jouissance sur le domicile conjugal ?

Les droits de jouissance sur le domicile conjugal sont régis par les articles 171-5 et 1751 du Code civil. L’article 171-5 stipule que « le mariage célébré à l’étranger est reconnu en France pour les époux et les enfants ». L’article 1751 précise que « le conjoint non propriétaire conserve un droit de jouissance sur le domicile conjugal indépendamment de la propriété du bien ».

Pour qu’un époux puisse revendiquer ce droit, il doit prouver son statut d’époux et la validité de son mariage. Dans le cas présent, Mme [Y] a tenté de prouver qu’elle était l’épouse de M. [O] en produisant plusieurs actes de mariage. Cependant, ces actes comportaient des contradictions et des dates différentes, ce qui a conduit le juge à conclure qu’elle n’avait pas établi sa qualité d’épouse.

En conséquence, sans preuve suffisante de son mariage, Mme [Y] ne peut pas revendiquer un droit de jouissance sur le domicile conjugal, ce qui justifie l’expulsion ordonnée par le juge.

Quelles sont les conséquences de la nullité de l’assignation dans le cadre d’une action en expulsion ?

La nullité de l’assignation peut avoir des conséquences significatives sur le déroulement d’une action en expulsion. Selon l’article 504 du Code de procédure civile, le tuteur peut agir seul pour faire valoir les droits patrimoniaux de la personne protégée.

Dans le cas présent, Mme [Y] a demandé la nullité de l’assignation, arguant qu’elle n’avait été délivrée que par le tuteur aux biens. Cependant, le juge a rejeté cette demande, considérant que l’action en expulsion était de nature patrimoniale et que le tuteur avait le pouvoir d’agir seul.

Ainsi, la cour a confirmé que l’assignation était valide et que la demande de nullité de Mme [Y] n’était pas fondée. Par conséquent, les conséquences de la nullité de l’assignation n’ont pas eu lieu, permettant à l’action en expulsion de se poursuivre.

Comment se détermine le montant de l’indemnité d’occupation due par un occupant sans droit ni titre ?

Le montant de l’indemnité d’occupation due par un occupant sans droit ni titre est généralement déterminé en fonction de la valeur locative du bien occupé. Dans le cas présent, M. [O] a demandé une indemnité mensuelle d’occupation de 2 600 euros, calculée à partir du 6 mars 2021 jusqu’à la libération effective des lieux.

L’article 1728 du Code civil précise que « le locataire est tenu de payer le loyer convenu ». Dans le cadre d’une occupation sans droit ni titre, le juge peut fixer le montant de l’indemnité d’occupation en tenant compte des loyers pratiqués dans le secteur pour des biens similaires.

Dans cette affaire, le juge a ordonné à Mme [Y] et M. [B] [O] de payer l’indemnité d’occupation demandée, confirmant ainsi le montant de 2 600 euros par mois jusqu’à leur départ effectif des lieux.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire d’un jugement en matière d’expulsion ?

L’exécution provisoire d’un jugement en matière d’expulsion permet au propriétaire d’obtenir rapidement la restitution de son bien, même si le jugement est susceptible d’appel. Selon l’article 514 du Code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit dans les cas où la loi le prévoit, notamment en matière d’expulsion.

Dans cette affaire, le jugement a rappelé que l’exécution provisoire était de droit, ce qui signifie que Mme [Y] et M. [B] [O] pouvaient être expulsés immédiatement après la signification du commandement de quitter les lieux, sans attendre l’issue de l’appel.

Cette disposition vise à protéger les droits du propriétaire et à éviter que l’occupant sans droit ni titre ne puisse prolonger indéfiniment son occupation, ce qui pourrait causer un préjudice au propriétaire.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-2

ARRET N°

RÉPUTÉ

CONTRADICTOIRE

DU 21 JANVIER 2025

N° RG 24/02520 –

N° Portalis DBV3-V-B7I-WPPD

AFFAIRE :

[Z] [Y] épouse [O]

C/

[P] [O]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 février 2024 par le Tribunal de proximité d’ASNIERES SUR SEINE

N° RG : 1123000300

Expéditions exécutoires

Copies certifiées conformes délivrées

le : 21.01.25

à :

Me Ines BEN REHOUMA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTE

Madame [Z] [Y] épouse [O]

née le 09 février 1948 à [Localité 7] – ALGERIE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Ines BEN REHOUMA, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 273

Plaidant : Me Laëtitia MARSTAL, avocat au barreau de PARIS

****************

INTIMÉ

Monsieur [P] [O]

né le 13 février 1939 à [Localité 5] – ALGERIE (99)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Tuteur aux biens : Monsieur [F] [N] [V]

Défaillant, déclaration d’appel signifiée par commissaire de justice à personne

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

Greffière placée lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,

Adjointe administrative faisant fonction de greffier lors du prononcé de la décision : Madame Anne-Sophie COURSEAUX

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 4 octobre 2019, le juge des tutelles a ouvert une procédure de sauvegarde de justice au profit de M. [P] [O] et a désigné Mme [K] en qualité de mandataire spécial. Le 18 juin 2020, une mesure de tutelle a été ouverte à son profit et Mme [K] a été nommée tutrice.

Par ordonnance du juge des tutelles du 2 juillet 2021, Mme [K] a été déchargée de la mesure de protection et M. [F] [N] [V] a été nommé tuteur aux biens et M. [C] [O], l’un des fils de M. [O], tuteur à la personne.

Par ordonnance du 7 septembre 2021, le juge des tutelles n’a autorisé les visites de certains membres de la famille qu’en présence du tuteur à la personne, notamment celles de Mme [Z] [Y], son ex-épouse, et de M. [X] [W] [B] [O], son petit-fils. Par arrêt du 17 juin 2023, la cour d’appel a soumis ces visites, autorisées une fois par quinzaine, à la présence d’un tiers extérieur à la famille.

M. [P] [O] est propriétaire d’un appartement constituant son domicile, situé [Adresse 1] à [Localité 4]. Après un séjour en EHPAD et une hospitalisation suite à une chute, il est hébergé chez un de ses fils depuis le 8 mars 2022 dans l’attente de pouvoir retourner à domicile avec des soins d’auxiliaires de vie. Son domicile serait occupé par Mme [Y] et M. [B] [O].

Par ordonnance de référé du 20 septembre 2022, le juge des contentieux de la protection a dit n’y avoir lieu à référé quant à une action en expulsion et en paiement d’indemnités d’occupation diligentée à l’encontre de ces derniers.

Par actes de commissaire de justice du 3 février 2023, M. [F] [N] [V], agissant en sa qualité de tuteur aux biens de M. [O], a fait citer Mme [Y] et M. [B] [O] aux fins d’obtenir :

– la constatation de l’occupation sans droit ni titre par Mme [Y] et M. [B] [O] des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 4],

– l’expulsion de Mme [Y] et M. [B] [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef des mêmes locaux avec l’assistance s’il y a lieu d’un commissaire de police et de la force publique,

– la suppression du délai de deux mois prévu à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

– la constatation et l’estimation des réparations locatives par un commissaire de justice commis à cet effet,

– la condamnation de Mme [Y] et M. [B] [O] au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation de 2 630 euros depuis le 6 mars 2021 jusqu’au départ effectif des lieux,

– la condamnation de Mme [Y] et M. [B] [O] au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par jugement contradictoire du 16 février 2024, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité d’Asnières-sur-Seine a :

– débouté Mme [Y] et M. [B] [O] de leur exception de nullité de l’assignation,

– déclaré M. [O] irrecevable à produire la pièce 2 à l’appui de ses demandes et dit qu’elle est écartée des débats,

– constaté la qualité d’occupant sans droit ni titre de Mme [Y] et M. [B] [O],

– dit que Mme [Y] et M. [B] [O] devront laisser libre d’occupation les locaux situés à [Adresse 1] à [Localité 4],

– ordonné, à défaut, l’expulsion de Mme [Y] et M. [B] [O] et de tous occupants de leur chef avec l’assistance de la force publique si besoin est, ainsi que celle d’un serrurier, et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde-meuble qu’il plaira au propriétaire dans les conditions prévues au code des procédures civiles d’exécution, et ce immédiatement après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout délai après cet acte étant expressément supprimé en raison de la voie de fait ou de manoeuvres,

– condamné Mme [Y] et M. [B] [O] à payer à M. [O] une indemnité mensuelle d’occupation égale à 2 600 euros à compter du 6 mars 2021, et ce jusqu’à la libération effective des locaux,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné Mme [Y] et M. [B] [O] à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [Y] et M. [B] [O] aux dépens,

– rappelé l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 19 avril 2024, Mme [Y] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2024, Mme [Y], appelante, demande à la cour de :

– la recevoir en son appel,

– la déclarer recevable ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

* l’a déboutée, ainsi que M. [B] [O], de leur exception de nullité de l’assignation,

* a constaté leur qualité d’occupant sans droit ni titre,

* dit qu’ils devront laisser libre d’occupation les locaux litigieux,

* à défaut ordonné leur expulsion et celle de tous occupants de leur chef avec l’assistance de la force publique si besoin et ainsi que celle d’un serrurier et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde-meuble qu’il plaira au propriétaire dans les conditions prévues au code des procédures civiles d’exécution, et ce immédiatement après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l’article L.41 2-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout délai après cet acte étant expressément supprimé en raison de la voie de fait ou de man’uvres,

* les a condamnés à payer à M. [O] une indemnité mensuelle d’occupation égale à 2 600 euros à compter du 6 mars 2021 et ce jusqu’à la libération effective des locaux,

* a débouté les parties de leurs autres demandes,

* les a condamnés à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

* les a condamnés aux dépens,

* a rappelé que le bénéfice de l’exécution provisoire est de droit,

In limine litis,

– constater la nullité de l’assignation,

Au fond,

– dire qu’elle est l’épouse de M. [O] et bénéficie, à ce titre, d’un droit de jouissance sur le domicile conjugal situé au [Adresse 1], conformément aux dispositions des articles 171-5 et 1751 du code civil,

– dire qu’elle n’est pas une occupante sans droit ni titre,

– dire n’y avoir lieu à son expulsion du domicile conjugal, au regard de sa qualité d’épouse et de la protection accordée au logement familial,

En toutes circonstances

– dire n’y avoir lieu à ce qu’elle verse à M. [O] une indemnité mensuelle d’occupation égale à 2 600 euros à compter du 6 mars 2021 et ce jusqu’à la libération effective des locaux,

– condamner M. [O], représenté par son tuteur M. [N] [V], à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

M. [O] n’a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 4 juin 2024, la déclaration d’appel a été signifiée à la personne de M. [N] [V], son tuteur. Par acte de commissaire de justice du 5 novembre 2024, les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées par remise à l’étude.

L’arrêt sera donc réputé contradictoire conformément aux dispositions de l’article 473 alinéa 2 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 7 novembre 2024.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que M. [B] [O] n’a pas interjeté appel du jugement, de sorte que les dispositions le concernant (expulsion, indemnités d’occupation, article 700 du code de procédure civile et dépens) sont définitives.

En application de l’article 954 dernier alinéa, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s’en approprier les motifs.

Sur la nullité de l’assignation

Le premier juge a rejeté la demande de Mme [Y] visant à voir déclarer nulle l’assignation délivrée le 3 février 2023 aux motifs qu’il s’agit d’une action en expulsion portant sur un bien immobilier qui est le domicile et la propriété du majeur protégé, soit une action purement patrimoniale. Il a jugé qu’il ne s’agissait pas de se prononcer sur le lieu de vie du majeur protégé et son éventuelle réintégration dans les lieux, ce qui n’est que le motif de l’action en expulsion et non son objet, ajoutant que le motif ne permet pas de qualifier la nature de l’action. Il en a conclu que le tuteur avait donc bien le pouvoir d’agir seul en justice pour l’exercice de ce droit patrimonial.

Poursuivant l’infirmation de ce chef du jugement, Mme [Y] demande à la cour de constater la nullité de l’assignation au motif qu’elle n’a été délivrée que par le tuteur aux biens.

Elle fait valoir, comme en première instance, que la présente procédure est relative au lieu de vie du majeur protégé qui prétend ne pas pouvoir rentrer à son domicile en présence de son épouse et ne pouvoir rester vivre dans l’hôtel de son fils ; qu’il s’agit donc d’une procédure relative au lieu de vie de M. [O] et qu’elle n’est donc pas de nature patrimoniale.

Elle en déduit que M. [O] aurait dû saisir le juge des contentieux et de la protection statuant comme juge des tutelles, en application de l’article 459-2 du code civil, afin de statuer sur son lieu de vie et que l’action aurait dû être engagée par M. [O] et son tuteur à la personne qui eux-seuls avaient pouvoir pour agir. Elle ajoute qu’il n’y a pas de décision du juge des tutelles décidant que le lieu de vie de M. [O] serait désormais son appartement.

Sur ce,

En application de l’article 504 du code de procédure civile, le tuteur agit seul en justice pour faire valoir les droits patrimoniaux de la personne protégée.

Les moyens développés par l’appelante, au soutien de cette demande, ne faisant que réitérer sans justification complémentaire utile ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, il convient de confirmer le chef du jugement ayant débouté Mme [Y] de sa demande de nullité de l’assignation.

Sur la demande d’expulsion

Pour faire droit à la demande d’expulsion présentée par M. [O], le juge des contentieux et de la protection a retenu que:

– au-delà du fait que le bien est un bien personnel de ce dernier, acquis avant son éventuel remariage, sans revendication de droit différent issu d’un contrat de mariage, l’existence même du mariage ne peut être établie de manière certaine au vu des pièces produites et notamment des trois copies d’actes de mariage faisant état de dates de mariage différentes ;

– s’il s’agissait de simples erreurs matérielles comme l’explique Mme [Y], elles affecteraient également l’acte original et ne pourraient être rectifiées sans mention de la rectification sur la copie ni procédure de rectification d’acte d’état civil qu’elle ne justifie pas avoir menée ;

– si la juridiction saisie n’est pas compétente en matière d’état civil, elle demeure juge de la qualité de la preuve produite ;

– au vu de ces éléments, Mme [Y] échoue à établir qu’elle peut jouir du bien par l’effet du mariage.

Mme [Y] demande l’infirmation de ce chef du jugement, de dire qu’elle est l’épouse de M. [O] et qu’en cette qualité, elle bénéficie d’un droit de jouissance sur le domicile conjugal conformément aux articles 171-5 et 1751 du code civil et qu’elle n’est donc pas une occupante sans droit ni titre.

Elle fait valoir que:

– si elle a divorcé de M. [O] en 1982, ils ont rapidement repris la vie commune et se sont remariés le 5 août 2019, ce dont elle justifie par des pièces irréfutables et authentifiées par les autorités algériennes; que M. [O] était bien présent ainsi que cela ressort de son passeport qui porte un tampon à la date du 17 juillet 2019 ; qu’il n’est pas établi que M. [O] aurait été hospitalisé en France au moment de la cérémonie du mariage en Algérie ;

– Mme [K], 1ère tutrice de M. [O], avait indiqué lors de son audition du 2 juillet 2021 devant le juge des tutelles, qu’elle avait le droit de rester dans l’appartement, étant son épouse;

– ce mariage, validé par les autorités compétentes, produit des effets civils en France dès lors qu’il s’agit d’un mariage valable selon la loi étrangère et qu’aucune fraude n’est démontrée; que la demande d’annulation du mariage initiée par deux de leurs fils, arguant d’une prétendue absence de consentement ou d’un caractère frauduleux, a été rejetée par les juridictions algériennes; que cette décision a une portée probante en droit français compte tenu des accords bilatéraux entre les deux pays ;

– en application de l’article 171-5 du code civil, un mariage célébré à l’étranger est reconnu en France pour les époux et les enfants; qu’en conséquence, elle est bien l’épouse de M. [O] et bénéficie à ce titre d’une protection sur le logement familial ;

– les dispositions de l’article 1751 du code civil s’appliquent également aux propriétaires dans un contexte de jouissance du bien familial ; que la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel un conjoint non propriétaire conserve un droit de jouissance sur le domicile conjugal indépendamment de la propriété du bien (Civ. 1ère, 13 janvier 2016, n°14-29.175) ; que le droit de jouissance n’est pas affecté tant qu’il n’y a pas d’intention frauduleuse ;

– selon la Cour de cassation (Civ. 1ère, 7 juin 2017, n°16-14.192), l’épouse peut conserver son droit de jouissance malgré les démarches de contestation entreprises par la famille du propriétaire, le droit de jouissance restant protégé par le code civil même lorsque des tiers contestent la légitimité du conjoint en raison de litiges familiaux.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour relève que les références des jurisprudences citées par Mme [Y] ne correspondent aux décisions qu’elle invoque, ce qui ne lui permet pas d’en prendre connaissance.

En application de l’article 215 du code civil, la résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord.

Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous.

Il résulte de l’article 47 du code civil que tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

En l’espèce, il résulte du jugement déféré que Mme [Y] s’est prévalue, dans le cadre de différentes procédures, de copies d’actes de mariage comportant des mentions différentes, lesquelles ont été produites devant le premier juge qui les a reprises dans sa motivation sans que l’appelante conteste ces éléments, à savoir:

– dans le cadre de la procédure de référé: la copie d’un acte de mariage du 12 octobre 2021 selon lequel le mariage a été célébré le 5 août 2019. Cet acte traduit, valable pour l’étranger, produit en première instance par chacune des parties, est ainsi rédigé : ‘ le cinq août deux mille dix-neuf à neuf heure à la commune de [Localité 6] (…) a été transcrit à notre commune le mariage célébré le cinq août deux mille dix-neuf devant le notaire ///// entre les deux époux cités ci-dessous comparu publiquement au siège de la commune’, suit le nom des époux et des témoins, puis ‘mentions marginales : devant le notaire maître [S] [U]’.

– dans le cadre de la procédure de tutelles: la copie d’un acte de mariage réalisée le 21 août 2019, laquelle est ainsi rédigée ‘le présumé huit août deux mille dix-neuf A : // à la commune de [Localité 6] (…) a été transcrit à notre commune le mariage célébré le 16 juin 2019 devant le juge du tribunal ou notaire étude notariale [U] [S] entre les deux époux cités ci-dessous (…) En marge est écrit : néant’. Cette pièce avait été produite par M. [O] devant le premier juge.

– dans le cadre de la présente procédure: le défendeur avait produit une copie d’acte de mariage remise par la défenderesse, datée du 20 février 2023 laquelle est ainsi rédigée ‘le huit août deux mille dix-neuf à neuf heures à la commune de [Localité 6] (…) a été transcrit à notre commune le mariage célébré le 5 août 2019 devant le notaire ///// entre les deux époux cités ci-dessous (…) mentions marginales: devant le notaire, Maître [S] [U] le 16 juin 2019.’

Devant la cour, Mme [Y] produit une copie d’acte de mariage datée du 13 août 2024 mentionnant que ‘le huit août deux mille dix-neuf à neuf heures à la commune de [Localité 6] (…) a été transcrit à notre commune le mariage célébré le cinq août deux mille dix-neuf devant le notaire ////// entre les deux époux cités ci-dessous (…). Mentions marginales: Devant le notaire Maître [S] [U] le 05/08/2019″.

Alors que le premier juge avait déjà relevé les contradictions dans certaines mentions de ces actes et l’absence d’explication de la part de Mme [Y] autre que celle d’erreurs matérielles, celle-ci a produit une nouvelle copie d’acte de mariage, de sorte qu’elle a communiqué au total quatre copies d’acte de mariage, comportant des dates de mariage différentes (16 juin ou 5 août 2019), des dates de retranscription de l’acte de mariage à l’état-civil différentes (5 ou 8 août 2019) ainsi que la présence ou non du notaire, Maître [S], sans qu’elle s’en explique davantage devant la cour.

Comme l’a justement relevé le premier juge, il ne saurait s’agir d’erreurs matérielles lesquelles ne peuvent être rectifiées sans mention de la rectification sur la copie et sans une procédure de rectification d’acte d’état civil que Mme [Y] ne justifie ni n’allègue avoir menée.

Mme [Y] produit également en cause d’appel un jugement rendu par le tribunal de Bir Mourad Rais le 18 décembre 2023 qui a rejeté la demande d’annulation de l’acte de mariage établi par le notaire Maître [S] sous numéro 620 enregistré à la commune de [Localité 6] en date du 8 août 2019 sous numéro 186 présentée par deux des fils de M. [O] et Mme [Y], au motif qu’il n’était pas établi que leur père n’était pas dans sa pleine capacité mentale lors du mariage en l’absence de ‘jugement d’interdiction’ avant la conclusion de l’acte de mariage, le jugement français n’ayant pas produit ses effets en Algérie.

Pour autant, pour que ce mariage puisse produire ses effets en France, il appartient à Mme [Y] d’en rapporter la preuve par la production d’un acte de mariage dont il incombe à la cour de vérifier la régularité, étant ajouté que les dispositions de l’article 171-5 du code civil invoquées par Mme [Y] concernent le mariage des français à l’étranger et ne sont donc pas applicables au présent litige, les parties étant toutes deux de nationalité algérienne.

Or les contradictions figurant sur les différents actes produits par Mme [Y] tels que relevées ci-dessus ne permettent pas de reconnaître à la copie de l’acte de mariage établie le 13 août 2024 produite devant la cour la valeur probante accordée par l’article 47 du code civil aux actes de l’état civil faits en pays étranger.

Ainsi, Mme [Y] ne rapporte donc pas la preuve du mariage qu’elle invoque et donc de sa qualité d’épouse, ce qui ne lui permet pas d’invoquer le bénéfice de la protection afférente au domicile familial prévue par l’article 215 du code civil, étant ajouté qu’elle ne rapporte nullement la preuve du caractère familial de ce logement permettant de bénéficier de cette protection.

Etant ajouté qu’il n’est pas contesté que le bien litigieux appartient à M. [O] à titre personnel, il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné l’expulsion de Mme [Y] qui occupe celui-ci sans droit ni titre.

Si l’appelante demande l’infirmation des chefs du jugement ayant supprimé le délai de 2 mois prévu par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution et sa condamnation au versement d’une indemnité d’occupation, force est de constater qu’elle ne fait valoir aucun moyen au soutien de cette demande. En application de l’article 954 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente déclaration d’appel, la cour ne peut donc que confirmer ces chefs du jugement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme [Y], qui succombe en son appel, est condamnée aux dépens, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux frais irrépetibles étant par ailleurs confirmées.

Elle est en conséquence déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rectifié en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [Y] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [Z] [Y] aux dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Anne-Sophie COURSEAUX, adjointe administrative faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L’adjointe administrative Le président,

faisant fonction de greffier,


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