Divorce et obligations matrimoniales : enjeux de compétence et de loyauté.

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Divorce et obligations matrimoniales : enjeux de compétence et de loyauté.

L’Essentiel : Madame [R] [F], de nationalité ivoirienne, et monsieur [T] [G], de nationalité française, se sont mariés à Abidjan en 2021. Le 02 avril 2024, madame [R] [F] a assigné monsieur [T] [G] en divorce, sans préciser les causes. Le juge a déclaré la loi française applicable et a pris des mesures provisoires, attribuant la jouissance du domicile à monsieur [T] [G]. Accusant son époux de manquements graves, notamment d’addiction à l’alcool et de violences conjugales, madame [R] [F] a quitté le domicile en août 2023. Le tribunal a prononcé le divorce aux torts exclusifs de monsieur [T] [G] en janvier 2025.

Contexte du mariage

Madame [R] [F], de nationalité ivoirienne, et monsieur [T] [G], de nationalité française, se sont mariés le [Date mariage 2] 2021 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, sous un régime matrimonial ivoirien. Leur mariage a été transcrit dans le registre d’état civil français le 09 novembre 2021. Aucun enfant n’est issu de cette union.

Procédure de divorce

Le 02 avril 2024, madame [R] [F] a assigné monsieur [T] [G] en divorce, sans préciser les causes, pour une audience d’orientation et sur mesures provisoires prévue le 18 avril 2024. Bien que régulièrement assigné, monsieur [T] [G] n’a pas constitué avocat. Le 23 mai 2024, le juge a déclaré la loi française applicable au divorce et a pris plusieurs mesures provisoires, notamment l’attribution de la jouissance du domicile conjugal à monsieur [T] [G] et le rejet de la demande de devoir de secours de madame [R] [F].

Demandes de madame [R] [F]

Le 03 septembre 2024, madame [R] [F] a signifié à monsieur [T] [G] l’ordonnance de mesures provisoires ainsi que ses conclusions en vue de l’audience de mise en état du 10 septembre 2024. Dans ses conclusions, elle a demandé le prononcé du divorce aux torts exclusifs de monsieur [T] [G], ainsi que d’autres mesures concernant le partage des biens et les effets du divorce.

Accusations de madame [R] [F]

Madame [R] [F] a accusé monsieur [T] [G] de manquements graves à ses devoirs conjugaux, notamment en raison de son comportement désobligeant et de son addiction à l’alcool. Elle a également mentionné avoir été victime de violences conjugales, ayant déposé plainte à plusieurs reprises, et a été contrainte de quitter le domicile conjugal le 28 août 2023.

Décision du tribunal

Le 15 janvier 2025, le tribunal a prononcé le divorce aux torts exclusifs de monsieur [T] [G] sur le fondement de l’article 242 du code civil. La décision a été rendue publique et a ordonné la mention du divorce en marge des actes de l’état civil des époux. Le tribunal a également fixé la date des effets du divorce au 28 août 2023, date de leur séparation effective, et a rejeté les autres demandes de madame [R] [F]. Monsieur [T] [G] a été condamné aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence juridictionnelle applicable au divorce dans ce litige ?

La compétence juridictionnelle dans le cadre d’un divorce est déterminée par le Code de procédure civile. En l’espèce, le juge a déclaré la compétence de la juridiction française pour juger du litige, tout en précisant que le régime matrimonial est régi par le droit ivoirien.

Selon l’article 14 du Code de procédure civile, « les tribunaux français sont compétents pour connaître des litiges qui naissent de l’état des personnes ou des obligations qui en découlent, lorsque l’une des parties a son domicile en France ».

De plus, l’article 3 du Code civil stipule que « la loi française est applicable aux personnes qui ont leur domicile en France ».

Ainsi, la compétence du juge français est justifiée par le domicile de l’un des époux en France, tandis que le régime matrimonial est soumis à la loi ivoirienne, conformément aux règles de conflit de lois.

Quelles sont les bases légales du divorce invoquées par madame [R] [F] ?

Madame [R] [F] a demandé le divorce sur plusieurs fondements légaux, principalement en se référant à l’article 242 du Code civil, qui traite des divorces aux torts exclusifs d’un époux.

L’article 242 du Code civil dispose que « le divorce peut être prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux lorsque celui-ci a manqué à ses devoirs et obligations du mariage ».

Elle a également mentionné les articles 237 et 238, qui concernent le divorce par consentement mutuel et le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

L’article 237 précise que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est altéré de manière définitive ».

Enfin, l’article 251 évoque les conséquences du divorce, notamment en ce qui concerne les effets patrimoniaux et les obligations alimentaires.

Quelles sont les conséquences du divorce sur les avantages matrimoniaux ?

Le jugement a rappelé que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux. Cela est précisé dans l’article 262 du Code civil, qui stipule que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux ».

Cela signifie que tous les avantages accordés par l’un des époux à l’autre pendant le mariage, tels que les dispositions à cause de mort, sont annulés par le divorce, sauf si l’époux qui a consenti à ces avantages manifeste une volonté contraire.

Cette disposition vise à protéger les droits des époux en cas de divorce, en évitant que l’un d’eux ne bénéficie indûment des avantages accordés pendant la vie commune.

Quelles sont les implications des mesures provisoires ordonnées par le juge ?

Les mesures provisoires ordonnées par le juge ont des implications significatives pour les parties en attendant le jugement définitif. Selon l’article 255 du Code civil, « le juge peut, en cas de demande en divorce, ordonner toutes mesures provisoires nécessaires ».

Dans ce cas, le juge a attribué la jouissance du domicile conjugal à monsieur [T] [G] et a ordonné qu’il s’acquitte des loyers et charges courantes.

Ces mesures visent à maintenir une certaine stabilité dans la vie des époux pendant la procédure de divorce, en évitant que l’un des époux ne soit désavantagé de manière excessive.

De plus, le juge a débouté madame [R] [F] de sa demande de devoir de secours, ce qui signifie qu’il a estimé que les conditions ne justifiaient pas une aide financière temporaire de l’un des époux à l’autre pendant la procédure.

Comment le juge a-t-il statué sur les demandes de madame [R] [F] concernant le partage des biens ?

Le juge a invité les époux à procéder à un partage amiable de leurs intérêts patrimoniaux, conformément aux articles 1360 et suivants du Code de procédure civile.

L’article 1360 précise que « les parties peuvent convenir d’un partage amiable de leurs biens ».

En cas d’échec de cette démarche amiable, le juge a également prévu que la partie la plus diligente pourrait assigner l’autre en partage judiciaire, ce qui est une procédure formelle pour régler les différends concernant la répartition des biens.

Cette approche vise à encourager les parties à trouver un accord amiable, ce qui est souvent plus rapide et moins coûteux que de passer par une procédure judiciaire complète.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE
NANTES

———
[Adresse 14]
[Localité 7]
———

5ème chambre cab. C

JUGEMENT
du 15 Janvier 2025

minute n°

N° RG 24/01558 – N° Portalis DBYS-W-B7I-MXOO

————-

[R], [H] [F] épouse [G]

C/

[T], [O] [G]

Art. 1107 CPC – Demande en divorce autre que par consentement mutuel

CE+CCC
Me Sophie MICHAUX
CCC dossier
CCC recouvrement
Le

JUGEMENT DU 15 JANVIER 2025

Juge aux Affaires Familiales :

Manuella BRIAND, Première Vice-Présidente

Greffier :

Anne BREGER

Débats en chambre du conseil à l’audience du 05 novembre 2024

Jugement prononcé à l’audience publique du 15 Janvier 2025

ENTRE :

[R], [H] [F] épouse [G]
née le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 15] (CÔTE D’IVOIRE)
[Adresse 4]
[Localité 5]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/662 du 12/04/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)

Comparant et plaidant par
Me Sophie MICHAUX, avocat au barreau de NANTES
– 301

ET :

[T], [O] [G]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 13]
[Adresse 8]
[Localité 6]

Non comparant

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [R] [F], de nationalité ivoirienne et monsieur [T] [G], de nationalité française ont contracté mariage le [Date mariage 2] 2021 à [Localité 12], ABIDJAN (COTE D’IVOIRE) en optant pour un régime matrimonial prévu par la loi ivoirienne. Le mariage a été transcrit dans le registre d’état civil français le 09 novembre 2021.

Aucun enfant n’est issu de cette union.

Par exploit délivré le 02 avril 2024, remis au greffe le 03 avril 2024, madame [R] [F] a fait assigner monsieur [T] [G] devant la présente juridiction en divorce, sans énonciation des causes du divorce, pour l’audience d’orientation et sur mesures provisoires du 18 avril 2024.

Bien que régulièrement assigné, monsieur [T] [G] n’a pas constitué avocat.

Par ordonnance sur mesures provisoires en date du 23 mai 2024, le Juge de la mise en état s’est déclaré compétent et a dit que la loi française était applicable au divorce des époux et aux obligations alimentaires. Concernant, les mesures provisoires, il a notamment :
– attribué la jouissance du domicile conjugal à monsieur [T] [G],
– dit que monsieur [T] [G] doit s’acquitter de l’intégralité des loyers et charges courantes et en tant que de besoin l’y condamne,
– débouté madame [R] [F] de sa demande au titre du devoir de secours,
– décidé que les mesures provisoires prendront effet à compter de la date de l’assignation en divorce,
– réservé les dépens.

Le 03 septembre 2024, madame [R] [F] a fait signifier à monsieur [T] [G] par commissaire de justice l’ordonnance de mesure provisoires en date du 23 mai 2024 ainsi que ses conclusions au fond en vue de l’audience de mise en état du 10 septembre 2024.

Monsieur [T] [G] n’ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assigné, le présent jugement, susceptible d’appel, sera réputé contradictoire.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives régulièrement signifiées le 03 septembre 2024, madame [R] [F] demande au tribunal de:
– la recevoir en toutes ses demandes, fins et conclusions,
– à titre principal, prononcer le divorce aux torts exclusifs de monsieur [T] [G] sur le fondement de l’article 242 du code civil,
– à titre subsidiaire, prononcer le divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil,
– ordonner que le dispositif du jugement à intervenir soit mentionné en marge de l’acte de mariage des époux et sur chacun des actes de naissance de ceux-ci,
– fixer la date des effets du divorce entre les époux au 28 août 2023, date de leur séparation effective,
– dire n’y avoir lieu à décision sur l’usage du nom,
– inviter les parties à satisfaire à titre amiable au partage de leur indivision,
– à défaut d’être parvenues à un partage amiable de leurs intérêts patrimoniaux, dire que les parties devront procéder conformément aux articles 1359 et suivants du code civil,
– dire que le divorce emportera révocation de plein droit des avantages patrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un des époux envers son conjoint pendant l’union,
– dire n’y avoir lieu à prestation compensatoire,
– dire n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions de la décision à intervenir qui ne seraient pas conformes à ses demandes,
– condamner monsieur [T] [G] aux dépens.

Au soutien de sa demande de voir prononcer le divorce aux torts exclusifs de monsieur [T] [G] sur le fondement des articles 242, 251 et 1107 du code civil, madame [R] [F], fait valoir que monsieur [T] [G] a manqué à son devoir de loyauté et de respect qui constituent des violations graves et renouvelées des devoirs et obligations du mariage imputables à monsieur [T] [G].

Madame [R] [F] indique avoir quitté ses attaches familiales et sa situation professionnelle en Côte d’Ivoire afin de rejoindre son époux en France. Elle reproche à monsieur [T] [G] d’avoir, après son arrivée en France, adopté à son égard ainsi qu’à l’égard des tiers un comportement désobligeant. Elle soutient que monsieur [T] [G] faisait preuve d’indifférence concernant les dettes qu’il avait contractées avant le mariage et n’acceptait pas d’aide de sa part. Elle fait également état du fait que monsieur [T] [G] souffre d’une addiction à l’alcool qu’il ne reconnaît pas.
Madame [R] [F] déclare avoir découvert la personnalité de son époux à l’occasion de la vie conjugale et dit avoir été contrainte de se réfugier chez des personnes de son entourage à plusieurs reprises avant de quitter définitivement le domicile conjugal le 28 août 2023.
Elle explique avoir déposé plainte contre lui le 11 décembre 2023 pour des faits de violence à son encontre.
Madame [R] [F] précise avoir été accompagnée par [10] et avoir fait l’objet d’un examen médico-légal le 21 février 2024 à l’issue duquel elle s’est vue prescrire une interruption totale de travail d’une durée de 21 jours. Elle met en avant le fait que monsieur [T] [G] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nantes à l’audience du 25 octobre 2024.
Elle ajoute qu’elle a déposé une autre plainte le 30 mai 2024 pour de nouvelles violences reprochées à monsieur [T] [G] consistant en l’envoi de messages de pressions et de menaces à son préjudice.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 octobre 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 05 novembre 2024 et mise en délibéré au 15 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

Le 04 décembre 2024 la partie demanderesse a produit le jugement du tribunal correctionnel de Nantes en date du 25 octobre 2024 ;

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le juge aux affaires, statuant par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

DECLARE la compétence de la présente juridiction pour juger du présent litige et la loi française applicable à celui-ci à l’exception du régime matrimonial auquel le droit ivoirien est applicable ;

PRONONCE LE DIVORCE sur le fondement de l’article 242 du code civil aux torts exclusifs de l’époux de :

Madame [R] [H] [F], née le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 15], [Localité 11] (COTE D’IVOIRE)

et de

Monsieur [T] [O] [G], né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 13] (VENDEE)

lesquels se sont mariés le [Date mariage 2] 2021 à [Localité 12], [Localité 9] (COTE D’IVOIRE) ;

ORDONNE la publicité de cette décision en marge des actes de l’état civil des époux détenus par un officier de l’état civil français conformément aux dispositions de l’article 1082 du code de procédure civile ;

DIT que l’extrait de cette décision doit être conservé au répertoire civil en annexe du service central d’état civil du ministère des affaires étrangères conformément aux dispositions de l’article 1082 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à statuer sur l’usage du nom marital ;

DIT n’y avoir lieu d’ordonner la liquidation du régime matrimonial ;

INVITE les époux à procéder au partage amiable de leurs intérêts patrimoniaux ;

INVITE, à défaut de partage amiable, la partie la plus diligente à assigner en partage judiciaire devant le juge aux affaires familiales conformément aux articles 1360 et suivants du code de procédure civile;

RAPPELLE que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis;

DIT que les effets du divorce entre les époux sont fixés au 28 août 2023, date de la séparation effective des époux ;

DIT n’y avoir lieu à statuer sur une prestation compensatoire ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE monsieur [T] [G] à payer les dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

Ainsi JUGÉ et PRONONCÉ, par mise à disposition au greffe, conformément aux articles 450 et 456 du Code de procédure civile, le 15 janvier 2025, la minute étant signée par Manuella BRIAND, juge aux affaires familiales, et Anne BREGER, greffière:

LE GREFFIER LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES,


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