Distribution sélective dans le luxe et la cosmétique : quels sont les critères d’agrément incontournables ?

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Distribution sélective dans le luxe et la cosmétique : quels sont les critères d’agrément incontournables ?

Notion de distribution sélective

Le règlement (UE) n° 330/2010 définit la distribution sélective comme « un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système » (article 1(1)(e) ). Un tel système de distribution a pour conséquence de ne rendre les produits disponibles à la revente qu’auprès de distributeurs autorisés par le fournisseur, sur la base de différents critères d’agrément.

Les secteurs des parfums et des cosmétiques de luxe

Dans les secteurs des parfums et des cosmétiques de luxe et des cosmétiques vendus sur conseil pharmaceutique, la vente sur Internet s’effectue de façon systématique dans le cadre de réseaux de distribution sélective. Initialement moins utilisée dans le secteur des produits électrodomestiques, la distribution sélective y est cependant de plus en plus répandue. De fait, un nombre croissant de produits est distribué par le biais de réseaux de distribution sélective. La constitution de ces réseaux étant susceptible d’affecter l’importance des ventes en ligne, la grille d’analyse suivie par les autorités de concurrence est la suivante.

Les secteurs des parfums et cosmétiques de luxe d’une part, des produits cosmétiques vendus sur conseil pharmaceutique, d’autre part, sont des secteurs qui reposent historiquement sur un modèle de distribution sélective. À l’inverse, jusqu’à récemment, les opérateurs du secteur des produits électrodomestiques ne recouraient que de manière marginale à des réseaux de distribution sélective. Cependant, depuis quelques années, une partie des fabricants de produits électrodomestiques, notamment ceux proposant des produits « haut de gamme », ont choisi de développer ce mode de distribution pour toute ou partie de leurs gammes. L’ensemble des fabricants de parfums et cosmétiques de luxe interrogés distribue leurs produits dans le cadre d’un réseau de distribution sélective. Les marques établies sur le marché français ont un nombre à peu près identique de points de vente physiques, soit environ 2 000.  En revanche, le nombre de sites Internet agréé varie sensiblement, entre 2 et 24 sites agréés par marque. Le nombre total de sites Internet agréés par au moins l’un des 11 fabricants interrogés s’élève à une trentaine. Les fabricants de produits cosmétiques vendus sur conseil pharmaceutique ont tous opté pour un mode de distribution sélectif de leurs produits. Tirant les conséquences de la procédure d’engagements qui a donné lieu à la décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-07 en date du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, l’ensemble des  fabricants autorise moyennant le respect de certaines conditions la vente de leurs produits sur Internet. À ce jour, si certains fabricants y ont ajouté de nouvelles clauses, l’ensemble de ces opérateurs utilise toujours la version de leur contrat-type de distribution Internet telle qu’examinée par le Conseil en 2007 (une centaine de sites sont agréés).  Le nombre de sites agréés varie sensiblement d’un fabricant à l’autre (entre 14 et 104), et n’est pas nécessairement proportionnel au nombre de points de vente physiques agréés par le fabricant (entre 5 000 et 14 000 selon les fabricants).

Le secteur des produits électrodomestiques

Contrairement aux secteurs de la parfumerie et de la parapharmacie, le secteur des produits électrodomestiques n’est pas caractérisé par une distribution sélective généralisée. Néanmoins, ce mode de distribution tend, depuis environ deux ans, à se développer pour s’appliquer à une variété de plus en plus grande de biens techniques. En effet, à côté des fabricants de matériels hifi. De fait, alors que la distribution sélective est rare pour certaines catégories de produits (pour une partie des produits informatiques par exemple), et résiduelle pour d’autres (les appareils photographiques numériques par exemple), ce mode de distribution apparaît aujourd’hui significatif, sinon prédominant, pour des produits tels que les téléviseurs 3 D ou les téléviseurs connectés, les matériels de home-cinéma et certains produits hifi, et tend à s’étendre dans le domaine de l’électroménager. Surtout, dans le cadre de ces réseaux de distribution sélective, une partie des fabricants prévoient des conditions d’agrément qui empêchent les pure players d’entrer dans le réseau et/ou interdisent la vente de leurs produits par l’intermédiaire de plateformes tierces, qui ont traditionnellement recours à la distribution sélective pour leurs produits haut de gamme, et de quelques opérateurs qui avaient déjà fait ce choix pour certaines de leurs gammes, les fabricants d’autres produits techniques, tels que les téléviseurs, les matériels de home-cinéma et le petit ou le gros électroménager, ont récemment choisi de mettre en place ce mode de distribution, le plus souvent pour une partie de leurs références positionnées « haut de gamme ».  Les opérateurs qui font le choix d’une distribution sélective le justifient, d’une part, par la technicité des produits, et d’autre part, par le caractère haut de gamme de leurs produits, et le souci de respecter l’image de marque et la notoriété du fabricant et de ses produits.

Les conditions d’agrément

Les fabricants recourant à la distribution sélective soumettent les distributeurs souhaitant vendre leurs produits sur Internet à un certain nombre d’exigences ayant notamment trait à la détention d’un ou plusieurs points de vente physiques agréés et à d’autres « normes de qualité » (caractéristiques techniques et de présentation de haute qualité du site, prestations après-vente, conditions de référencement du site sur des places de marché et des comparateurs de prix, etc.). La détention d’un ou de plusieurs points de vente physiques agréés.

Clause « Points de vente physiques »

L’ensemble des fournisseurs de parfums et cosmétiques de luxe et de produits cosmétiques vendus sur conseil pharmaceutique, et une grande partie des fabricants de produits électrodomestiques ayant recours à la distribution sélective, subordonnent la revente de leurs produits sur Internet à l’exploitation préalable par le distributeur d’un point de vente physique agréé. Les fabricants, notamment ceux du secteur des parfums et des produits de parapharmacie, justifient la condition d’exploitation d’un point de vente physique par le fait que, selon eux, seule la vente des produits en magasin permet d’appréhender et de développer une expertise et notamment le conseil auprès des clients.

En outre, la détention d’un point de vente physique permettrait au distributeur agréé de renvoyer le consommateur, s’il souhaite tester les produits ou obtenir un conseil personnalisé, vers le point de vente physique. S’agissant plus particulièrement du secteur des produits électrodomestiques, les fabricants justifient cette exigence par la nécessité d’une démonstration des produits et d’un accompagnement du consommateur avant et après la vente. Certains produits particulièrement innovants et dont les caractéristiques techniques les différencient de manière forte des produits concurrents peuvent nécessiter une exposition spécifique en magasin, une démonstration effectuée par un vendeur qualifié, une installation spécifique à domicile et/ou une assistance technique spécifique après-vente par du personnel qualifié. Les fabricants d’appareils électroménager déclinent cette approche sous la forme de l’exigence de conseils personnalisés (assistance de vendeurs qualifiés, informations, etc.) et de services associés à la vente (installation, SAV, etc.). Cette volonté de rendre complémentaires les deux canaux dans le processus d’achat du consommateur se traduit également par l’obligation imposée par certains fabricants à leurs distributeurs d’indiquer sur le site Internet la mention de « distributeur agréé », de mentionner la liste de l’ensemble des points de vente physiques et de renvoyer le consommateur vers ces points de vente physiques pour de plus amples conseils. De même, certains fabricants imposent que l’enseigne arborée par le point de vente physique et le nom de domaine du site Internet du distributeur soient identiques. Enfin, certains fabricants justifient cette condition par le fait que les détaillants agréés, de par leurs investissements, participent à la promotion et au rayonnement de la marque et du réseau, investissements qu’un opérateur pure players ne serait pas amené à supporter s’il était admis dans le réseau, et dont il pourrait néanmoins profiter.  Compte tenu de l’importance des investissements effectués par les distributeurs agréés pour l’exploitation de leurs points de vente physiques, ouvrir la porte aux opérateurs pure players aurait pour effet de déstabiliser le modèle économique du secteur et dès lors, des impacts en termes économique, d’image et d’emploi.

Certains fabricants renforcent cette obligation relative à l’exploitation d’un point de vente physique agréé en exigeant que le distributeur soit agréé depuis au moins un an. Cette condition permet de s’assurer que le distributeur acquiert une expérience de vente de produits de la marque suffisante, réalise le chiffre d’affaires minimum requis pour l’exploitation d’un point de vente agréé, et puisse apporter un conseil de qualité aux consommateurs sur Internet, le distributeur étant selon eux mieux à même de fournir des conseils sur les produits lorsqu’il a une expérience de vente en magasin.

Certains fabricants exigent aussi la détention, non pas d’un seul point de vente, mais de plusieurs afin  d’éviter le parasitisme dans leur réseau de distribution sélective physique par la création ou l’achat de magasins « alibi ».

Dans le secteur des produits électrodomestiques, une partie des fabricants ayant choisi le mode de distribution sélectif n’exige pas non plus des distributeurs qu’ils détiennent un point de vente physique, et se réserve donc le droit d’agréer des distributeurs pure players, en particulier pour des produits pour lesquels ils estiment qu’une démonstration n’est pas nécessaire.

Clause « Normes de qualité »

À l’instar de ce qu’ils exigent des points de vente physiques, les fabricants imposent aux sites marchands qu’ils revendent leurs produits dans le respect de normes de qualité plus ou moins strictes. Au sens large, ces « normes de qualité » recouvrent des exigences variées liées aux caractéristiques techniques des sites et à leur présentation, au référencement des sites, aux prestations de conseil et d’assistance qui doivent y être délivrées, aux prestations de services de livraison et d’après-vente.

Les fabricants exigent généralement des sites Internet agréés qu’ils satisfassent à des caractéristiques techniques et de présentation de haute qualité, au niveau technique (i) ou graphique (ii), qu’ils proposent des pages dédiées aux produits de la marque, et parfois qu’ils proposent aussi sur le site des produits concurrents de même qualité (iii), et leur imposent des conditions relatives à la publicité effectuée sur le site (iv).

Clause « Site certifié »

Certains fournisseurs subordonnent la revente sur Internet à la mise en place d’un site Internet ayant des caractéristiques techniques de haute qualité. Les sites doivent ainsi être aisément accessibles aux consommateurs, via une adresse URL clairement identifiée, être sécurisés et bénéficier d’un hébergement de qualité permettant une connexion rapide et limitant les interruptions impromptues.

Les exigences en termes d’image et de graphisme sont sensiblement différentes selon les secteurs, les fabricants de produits de luxe exigeant des conditions plus rigoureuses et précises que les opérateurs des autres secteurs. La plupart des fabricants imposent le respect d’une charte graphique et fournissent à cette fin des « fiches produits » à leurs distributeurs qui contiennent, pour chaque produit de la gamme, les informations complètes et les visuels afférents. C’est au distributeur qu’il revient ensuite d’intégrer ces fiches dans son site. Certains fabricants exigent parfois, en outre, le respect de contraintes graphiques précises et l’indication de mentions précises (fiches techniques du produit fournies par le fabricant, logo attestant du caractère de distributeur agréé de la marque, vidéo et animations fournies par le fabricant, etc.).

Certains fabricants exigent que les pages multi-marques du site, et notamment les pages de réponse du moteur de recherche, soient dédiées à la distribution sélective des produits objets du contrat ou aux produits de la marque, voire que ne soit pas fait référence aux produits ou aux accessoires des autres marques à côté des produits. Parallèlement, certains fabricants exigent la présence d’un certain nombre de marques concurrentes sur le site Internet, et en particulier des marques faisant l’objet d’une distribution sélective. Les fabricants prévoient en général une condition similaire pour l’agrément des points de ventes physiques. Enfin, le site doit souvent disposer d’un moteur de recherche et de rubriques claires permettant à l’internaute de naviguer et repérer facilement l’ensemble des marques vendues.

Clause « Publicité »

La majorité des fabricants exigent de leurs distributeurs qu’ils soumettent à autorisation préalable tout type de publicité (publicité du site, sur le site ou sur un site tiers, catalogue en ligne, campagne de e-mailing, etc.), et/ou déterminent des conditions de présentation relatives à la publicité (taille des encarts et des bannières, absence de « pop up », etc.). Les fabricants prévoient en général une condition similaire pour l’agrément des points de vente physiques. Certains fabricants prévoient également le contrôle préalable de l’achat par leurs distributeurs agréés Internet de mots-clés aux fins de référencement payant concernant la marque et les produits du fabricant effectués par le distributeur. Alors que certains se limitent à un contrôle a priori de l’achat de mots-clés opéré par leurs distributeurs, ou exigent simplement de leurs distributeurs qu’ils s’engagent à communiquer sur simple demande la liste de mots-clés achetés aux fins de référencement payant sur les moteurs de recherche, d’autres en revanche leur interdisent d’acheter en mot-clé, aux fins d’un référencement payant, le nom de la marque seul, voire les noms de la marque et des produits de la marque. 300. Enfin, certains fabricants exigent que leurs distributeurs agréés Internet créent sur leur site un lien hypertexte permanent vers le site institutionnel et/ou marchand de la marque. Les fabricants de produits électrodomestiques justifient généralement cette exigence par la nécessité d’assurer convenablement la garantie et le service après-vente des produits.

Clause « Référencement et Marketplaces »

Certains fabricants interdisent à leurs distributeurs d’avoir recours à des plateformes tierces, tels les places de marché, les sites de ventes aux enchères et les réseaux sociaux. D’autres, en revanche, l’acceptent, à condition que ces plateformes tierces satisfassent aux conditions de sélectivité. Par ailleurs, dans la pratique, la plupart des fabricants tolèrent que leurs sites agréés figurent sur les sites comparateurs de prix.

Clause « Assistance et Conseil »

De nombreux fabricants prévoient que doivent être disponibles sur le site Internet du distributeur agréé, des prestations de conseil personnalisé et de qualité, notamment par la mise en place d’un personnel qualifié, en nombre suffisant, à même de répondre aux demandes des clients par e-mail et/ou par téléphone. Ce personnel doit suivre des formations régulières aux produits de chacun des fournisseurs. S’agissant du cas spécifique des produits cosmétiques vendus sur conseil pharmaceutique, le service de conseil personnalisé doit être assuré par une personne diplômée en pharmacie. Enfin, il est fréquent que le fabricant exige que le site Internet mentionne la possibilité de se rendre dans un point de vente physique pour obtenir un conseil complémentaire et tester les produits, voire, de manière plus exceptionnelle, que le client justifie qu’il ait assisté à une démonstration du produit dans un point de vente physique pour pouvoir l’acheter en ligne.  Cette exigence de conseil en ligne constitue le pendant de celle prévue pour les points de vente physiques en vertu de laquelle le détaillant agréé doit assurer des prestations de conseil qualifié, notamment par la mise en place d’un personnel qualifié, en nombre suffisant au regard de la surface de vente et du nombre de produits en vente dans le magasin. Ce personnel doit, par ailleurs, suivre des formations régulières afin de maîtriser les caractéristiques particulières des produits de chacun des fournisseurs.  Par ailleurs, certains fabricants demandent à ce que le conseil au consommateur puisse être délivré dans chacune des langues de présentation de son site lorsque ce dernier développe un site multilingue.

Clause « Service après-vente »

Les fabricants prévoient généralement des exigences relatives aux conditions dans lesquelles les produits doivent être livrés et installés par le distributeur aux consommateurs. Les fabricants peuvent, en effet, exiger que le distributeur assure un service de livraison des produits dans le respect de certaines conditions de qualité : livraison à domicile et non au « pied de l’immeuble » ou en points de retrait, dans de courts délais (à titre d’exemple, 3 à 5 jours ouvrés), etc. Pour les produits électrodomestiques, certains fabricants exigent que les distributeurs proposent l’installation des produits à domicile et, le cas échéant, que ces services soient assurés par le distributeur lui-même et non par un prestataire externe. Les fabricants peuvent aussi prévoir que la livraison se fasse dans des emballages de qualité. Pour les produits électrodomestiques, les fabricants prévoient généralement, sur le modèle des exigences relatives aux points de vente physiques, la mise en œuvre d’un service après-vente qui prend souvent la forme d’une assistance téléphonique et d’une information sur les modalités de retour et de réparation des produits.

Autres critères d’agrément

Certains fabricants exigent que les produits soient vendus uniquement à des consommateurs ou à des distributeurs agréés au sein de l’UE. Certains imposent également aux distributeurs agréés de refuser tout achat de plusieurs unités (en général entre 5 et 10) d’une même référence par commande ou sur une période donnée (30 jours en général). La plupart du temps, les marques soumettent l’agrément des points de vente physiques à une obligation similaire. Enfin, certains fabricants exigent que leurs distributeurs agréés Internet leur communiquent régulièrement la part de leur chiffre d’affaires et d’autres informations relatives à leur activité Internet, comme le nombre de visites sur le site et sur la boutique dédiée à la marque, le nombre d’acheteurs en produits de la marque par pays d’origine, le chiffre d’affaires de gros hors taxes réalisé en produits de la marque sur le site Internet, le ratio entre ce chiffre et celui réalisé au sein des points de vente physiques agréés ainsi que ce même ratio toutes marques confondues, etc.

 


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