Distribution cinématographique : rupture brutale établie

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Distribution cinématographique : rupture brutale établie

L’Essentiel : Dans le litige opposant Filmor à Mars Film, la société Filmor a partiellement obtenu gain de cause pour rupture abusive de relations commerciales. Malgré des reproches concernant la qualité de ses prestations, Mars Film n’a pas notifié à Filmor que ces manquements justifiaient une résiliation sans préavis. Les juges ont qualifié la rupture de partielle mais brutale, soulignant qu’un préavis de trois mois aurait été nécessaire pour permettre à Filmor de se réorganiser. En conséquence, une indemnité de 65.663,40 euros a été fixée, correspondant à la marge brute escomptée durant la période d’insuffisance du préavis.

Filmor c/ Mars Film

Dans le cadre d’un litige pour rupture abusive de relations commerciales, la société Filmor a partiellement obtenu gain de cause contre la société Mars Film (producteur et distributeur cinématographique). La société bénéficiait d’un mandat de distribution en salles pour l’ensemble du catalogue de Mars Films sous format numérique.  Les relations des sociétés s’étant dégradées et les prestations de la société Filmor n’étant plus satisfaisantes, Mars Films avait fait appel (en sus) à un prestataire complémentaire, alors que la société Filmor bénéficiait d’une exclusivité de fait. La rupture abusive partielle de relations commerciales établies été retenue.

Impact des fautes du cocontractant

La société Mars Film avait régulièrement adressé à la société Film Num des reproches quant à la qualité de ses prestations et des rappels à l’ordre, lui faisant en substance grief de retards et de ratés dans la livraison des supports numériques aux exploitants de salles. Nonobstant ces dysfonctionnements récurrents, la société Mars Films ne justifiait pas pour autant avoir notifié à la société Filmor Num que ses manquements justifiaient une résiliation sans préavis, faisant bien au contraire valoir qu’elle a été patiente avec elle et cherché à maintenir leurs relations.

Rupture brutale mais partielle

Alors que la société Filmor Num bénéficiait d’une exclusivité de fait quant à la distribution des films de la société Mars Film, celle-ci a eu recours à un autre prestataire externe de distribution  (la société Ymagis). Ce changement au moins partiel de prestataire n’a pas donné  lieu à une notification par écrit. La société Mars film était bien à l’origine de la rupture qualifiée de partielle mais brutale par les juges. S’agissant d’une rupture partielle de relation commerciale, un préavis de trois mois aurait été raisonnablement nécessaire et suffisant pour ôter toute brutalité à la rupture et permettre à la société Filmor Num de se réorganiser. Concernant le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture, il est admis que celui-ci peut être évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période d’insuffisance du préavis.

Sur la base du chiffre d’affaires moyen de référence et du taux de marge brute de 40% retenus, une indemnité de (656.634 euros : 12 mois) x 3 mois x 40% = 65.663,40 euros a été fixée au titre des trois mois de préavis manquants.

Rappel sur la rupture brutale de relations commerciales

L’article L 442-6-I-5° du code de commerce dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. A défaut de tels accords, des arrêtés ministériels ont fixé, pour chaque catégorie de produits et  en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis pour encadrer les conditions de rupture des relations commerciales (notamment en fonction de leur durée).

La relation commerciale, pour être établie au sens du code de commerce, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s’entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial.

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Q/R juridiques soulevées :

Quel était le litige entre Filmor et Mars Film ?

Le litige entre Filmor et Mars Film concernait une rupture abusive de relations commerciales. Filmor, qui avait un mandat de distribution exclusif pour le catalogue numérique de Mars Film, a vu ses relations se détériorer.

Mars Film a décidé de faire appel à un prestataire externe, Ymagis, sans notifier Filmor, ce qui a été considéré comme une rupture partielle mais brutale des relations commerciales. Les juges ont retenu que cette rupture était abusive, car Filmor avait une exclusivité de fait.

Quels reproches Mars Film a-t-elle formulés à l’encontre de Filmor ?

Mars Film a régulièrement adressé des reproches à Filmor concernant la qualité de ses prestations. Les critiques portaient principalement sur des retards et des erreurs dans la livraison des supports numériques aux exploitants de salles.

Malgré ces problèmes, Mars Film n’a pas justifié avoir notifié à Filmor que ces manquements justifiaient une résiliation sans préavis. Au contraire, Mars Film a affirmé avoir fait preuve de patience et avoir cherché à maintenir leurs relations commerciales.

Comment les juges ont-ils qualifié la rupture des relations commerciales ?

Les juges ont qualifié la rupture des relations commerciales entre Filmor et Mars Film de partielle mais brutale. Ils ont noté que, bien que Mars Film ait été à l’origine de cette rupture, un préavis de trois mois aurait été raisonnablement nécessaire pour éviter toute brutalité.

Cette période de préavis aurait permis à Filmor de se réorganiser et de minimiser les impacts négatifs de cette rupture. Les juges ont également évalué le préjudice subi par Filmor en fonction de la marge brute escomptée durant la période d’insuffisance du préavis.

Quelle indemnité a été fixée pour Filmor suite à la rupture ?

L’indemnité fixée pour Filmor suite à la rupture a été calculée sur la base du chiffre d’affaires moyen de référence et d’un taux de marge brute de 40%.

Ainsi, l’indemnité a été déterminée comme suit : (656.634 euros : 12 mois) x 3 mois x 40% = 65.663,40 euros. Cette somme a été allouée au titre des trois mois de préavis manquants, en reconnaissance du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales.

Quelles sont les dispositions légales concernant la rupture brutale de relations commerciales ?

L’article L 442-6-I-5° du code de commerce stipule que la rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur. Cela signifie que le producteur, commerçant ou industriel doit réparer le préjudice causé par une telle rupture.

La loi exige un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale. En l’absence d’accords interprofessionnels, des arrêtés ministériels fixent des délais minimums de préavis, en fonction des usages du commerce et de la durée de la relation.

La relation commerciale doit être stable et habituelle, permettant à la victime de la rupture d’anticiper une continuité raisonnable du flux d’affaires.


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