Discrimination syndicale et validité d’une transaction : enjeux et conséquences.

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Discrimination syndicale et validité d’une transaction : enjeux et conséquences.

L’Essentiel : M. [U] [L], engagé par Usinor en 1974, a occupé divers postes, devenant délégué du personnel et représentant syndical. En 2008, il a demandé des dommages-intérêts pour discrimination syndicale, acceptant une transaction avec Arcelormittal Méditerranée. Licencié pour inaptitude en 2010, il a contesté la transaction en 2013. Le conseil de prud’hommes a débouté les deux parties en 2016. En appel, M. [L] a réclamé l’infirmation du jugement et des dommages-intérêts pour préjudice d’anxiété lié à l’amiante. La cour a finalement reconnu sa demande, condamnant Arcelormittal à lui verser 15 000 euros pour ce préjudice.

Engagement et parcours professionnel de M. [L]

M. [U] [L], né le 20 juillet 1956, a été engagé par l’entreprise Usinor en août 1974. En novembre 1977, il a été muté à l’entreprise Solmer, où il a occupé le poste de chaudronnier-soudeur. Il a été élu délégué du personnel en 1992 et représentant syndical au CHSCT en 1995, exerçant ces mandats jusqu’en 2010.

Demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale

Le 4 juin 2008, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues pour demander des dommages-intérêts en raison de discrimination syndicale. Le 28 juillet 2008, il a signé une transaction avec Arcelormittal Méditerranée, acceptant une indemnité de 3000 euros et un repositionnement au coefficient 270.

Licenciement et actions judiciaires

Le 12 août 2010, M. [L] a été licencié pour inaptitude après autorisation de l’inspection du travail. Le conseil de prud’hommes a radié l’affaire le 15 septembre 2008. En 2013, M. [L] a cité la société en annulation de la transaction et en réparation de son préjudice moral.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 11 février 2016, le conseil de prud’hommes a joint les instances de M. [L] et a débouté les deux parties de leurs demandes. M. [L] a interjeté appel de ce jugement le 1er mars 2016. L’affaire a été réenregistrée et plaidée le 19 novembre 2024.

Demandes de M. [L] en appel

Dans ses conclusions, M. [L] a demandé l’infirmation du jugement, l’annulation de la transaction, la reconnaissance de la discrimination syndicale, et des dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral, ainsi qu’une indemnité pour préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante.

Réponse d’Arcelormittal Méditerranée

Arcelormittal Méditerranée a demandé la confirmation du jugement de 2016, l’infirmation du rejet des frais de procédure, et a soutenu que les demandes de M. [L] étaient irrecevables ou prescrites. La société a également demandé le remboursement de l’indemnité transactionnelle perçue par M. [L].

Validité de la transaction

La cour a examiné la validité de la transaction signée le 28 juillet 2008, concluant que les concessions faites par l’employeur n’étaient pas dérisoires et que M. [L] avait renoncé à toute action en discrimination syndicale fondée sur des faits antérieurs à cette date.

Discrimination syndicale et prescription

Concernant la discrimination syndicale, la cour a noté que M. [L] pouvait agir uniquement pour la période postérieure à la transaction. Les éléments présentés n’ont pas permis d’établir une discrimination après le 28 juillet 2008, entraînant le déboutement de ses demandes.

Intervention du syndicat CFDT

Le syndicat CFDT des Métaux a été déclaré recevable dans son intervention, mais a été débouté de sa demande de dommages-intérêts, les demandes de M. [L] ayant été écartées.

Demande de dommages-intérêts pour exposition à l’amiante

La cour a jugé recevable la demande de M. [L] pour préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante, considérant que le délai de prescription n’avait pas commencé à courir. M. [L] a établi son exposition à l’amiante et aux agents CMR durant sa carrière.

Décision finale de la cour

La cour a infirmé le jugement déféré, a déclaré M. [L] recevable dans sa demande de dommages-intérêts pour préjudice d’anxiété, et a condamné Arcelormittal Méditerranée à lui verser 15 000 euros pour ce préjudice. La société a également été condamnée aux dépens et à payer des frais de procédure à M. [L].

Q/R juridiques soulevées :

Sur la validité du protocole transactionnel

La validité d’un protocole transactionnel est régie par l’article 2044 du Code civil, qui stipule que « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

Ce contrat doit être rédigé par écrit. Dans le cas présent, M. [L] a signé un accord transactionnel avec la société Arcelormittal Méditerranée, stipulant un versement de 3000 euros et un repositionnement au coefficient 270.

M. [L] conteste la validité de cette transaction en raison du caractère dérisoire de la somme versée et du non-respect de l’accord par l’employeur. Cependant, la cour a jugé que les concessions faites par l’employeur ne peuvent être considérées comme dérisoires, car elles visaient à régler un litige sur la discrimination syndicale.

Ainsi, le premier moyen de nullité de la transaction a été écarté.

Sur l’autorité de la chose jugée attachée à la transaction

L’article 122 du Code de procédure civile précise que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond ».

De plus, l’article 2052 du Code civil stipule que « les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort ».

Dans le protocole d’accord, M. [L] a reconnu que le décalage entre son salaire et son coefficient serait effacé par la transaction, renonçant à toute autre prétention liée à l’exécution de son contrat de travail.

Par conséquent, M. [L] ne peut plus invoquer des faits de discrimination syndicale antérieurs à la signature de la transaction, soit le 28 juillet 2008.

Sur la prescription de la demande en réparation d’une discrimination syndicale

L’article L. 1134-5 du Code du travail stipule que « l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ».

M. [L] soutient avoir été victime de discrimination syndicale depuis 1979, mais la cour a jugé que son action en justice est recevable uniquement pour la période postérieure à la transaction du 28 juillet 2008, en raison du principe de l’unicité de l’instance.

Ainsi, M. [L] est recevable à agir pour des faits de discrimination syndicale sur la période allant du 28 juillet 2008 au 12 août 2010.

Sur l’existence d’une discrimination syndicale

L’article L. 1132-1 du Code du travail interdit toute mesure discriminatoire en raison des activités syndicales.

L’article L. 2141-5 précise que l’employeur ne peut prendre en compte l’appartenance à un syndicat pour ses décisions en matière de travail.

M. [L] a été élu délégué du personnel en 1992 et a exercé des mandats jusqu’en 2010. Cependant, il n’a pas présenté d’éléments de fait probants concernant une discrimination après la signature de la transaction.

Ainsi, la cour a débouté M. [L] de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exposition à l’amiante et aux agents CMR

L’article L. 1471-1 du Code du travail stipule que « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans ».

M. [L] a établi qu’il a été exposé à l’amiante et aux agents CMR durant sa carrière. La cour a jugé que les demandes en réparation du préjudice d’anxiété causé par cette exposition sont recevables, car le salarié n’avait pas connaissance des risques à l’origine de son anxiété.

Ainsi, la cour a déclaré recevable la demande de M. [L] pour dommages-intérêts liés à l’exposition à l’amiante et aux agents CMR.

Sur la recevabilité de la demande de M. [L] eu égard aux dispositions de l’article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale

L’article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale précise que les demandes en réparation des préjudices nés d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle relèvent du pôle social du tribunal judiciaire.

M. [L] ne se prévaut pas d’une maladie professionnelle reconnue, mais d’un préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante. La cour a jugé que sa demande ne relève pas d’une action en réparation d’une maladie professionnelle, mais d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Ainsi, l’irrecevabilité soulevée par la société Arcelormittal Méditerranée a été rejetée.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2025

N°2025/015

Rôle N°20/06401

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGATS

[U] [L]

C/

Société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE, prise en son établissement de [Localité 2]

SYNDICAT CFDT DES METAUX [Localité 2]

Copie exécutoire délivrée

le : 17/01/2025

à :

– Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

– Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 11 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00724.

APPELANT

Monsieur [U] [L], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE, prise en son établissement de [Localité 2] sis [Adresse 6] [Localité 2] [Localité 2] [Localité 2], dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

SYNDICAT CFDT DES METAUX [Localité 2], sis [Adresse 3]

représentée par Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.

Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

M. [U] [L], né le 20 juillet 1956, a été engagé en août 1974 par l’entreprise Usinor [Localité 5]. Il a été muté en en novembre 1977 au sein de l’entreprise Solmer située à [Localité 2] aux droits de laquelle se trouve la société Arcelormittal Méditerranée et affecté à un poste de chaudronnier-soudeur.

Il est devenu délégué du personnel en 1992 et a été élu représentant syndical au CHSCT en 1995. Il a exercé des mandats de façon continue jusqu’en 2010.

Le 4 juin 2008, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues en demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Le 28 juillet 2008, il a signé une transaction avec la société Arcelormittal Méditerranée acceptant une somme de 3000 euros à titre ‘d’indemnité transactionnelle forfaitaire globale et définitive’ et un ‘repositionnement au coefficient 270″.

Le 12 août 2010, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement après autorisation de l’inspection du travail. En dernier lieu, il était positionné au coefficient 270.

Par décision du 15 septembre 2008, le conseil de prud’hommes de Martigues a prononcé une radiation de l’affaire. Le 14 juin 2013, M. [L] a fait citer la société Arcelormittal Méditerranée devant le conseil de prud’hommes de Martigues en annulation de la transaction et en réparation de son préjudice moral.

Par jugement du 11 février 2016, le conseil de prud’hommes de Martigues, section industrie, a joint les instances introduites par M. [L] enrôlées sous les numéros 13/00724 et 15/00294 et débouté M. [L] et la société ArcelorMittal Méditerranée de leurs demandes.

Par déclaration notifiée par voie électronique du 1er mars 2016, M. [L] a interjeté appel de ce jugement. L’affaire a été retirée du rôle le 27 juin 2019 et réenrôlée le 10 juillet 2020. Le dossier a été appelé à l’audience du 19 novembre 2024, date à laquelle les parties étaient présentes ou représentées et ont plaidé l’affaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 12 novembre 2024 et développées oralement à l’audience auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [L], appelant, demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

1) dire et juger son action en justice recevable et bien fondée ;

2) annuler l’accord transactionnel conclu entre les parties ou à tout le moins en prononcer la résolution ;

3) dire et juger qu’il a été victime de discrimination syndicale ;

– condamner en conséquence la société ArcelorMittal Méditerranée à lui payer :

– 52.470,60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel;

– 5.000 euros en réparation du préjudice moral ;

4) dire et juger le syndicat des Métaux CFDT de [Localité 2] recevable et bien fondé en son intervention volontaire ;

– condamner la société ArcelorMittal Méditerranée à payer au syndicat des Métaux CFDT de [Localité 2] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

5) – condamner la société ArcelorMittal Méditerranée à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante et aux agents CMR ;

en tout état de cause,

– condamner la société ArcelorMittal Méditerranée à lui payer la somme de 2500 euros et au syndicat des Métaux CFDT de [Localité 2] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner ladite société aux entiers dépens dont les frais éventuels d’exécution ;

– débouter la société ArcelorMittal Méditerranée de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 22 octobre 2024 et développées oralement à l’audience, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société ArcelorMittal Méditerranée demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Martigues le 11 février 2016 ;

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Martigues le 11 février 2016 en ce qu’il a rejeté la demande relative aux frais de procédure ;

en tout état de cause,

sur l’autorité de la chose jugée :

– débouter M. [L] de sa demande de nullité de la transaction ;

– juger irrecevables les demandes indemnitaires de M. [L] au titre d’une prétendue discrimination syndicale en vertu du principe de l’unicité d’instance compte-tenu d’une première action prud’homale introduite le 4 juin 2018 ;

– juger que l’action prud’homale introduite par M. [L] est prescrite, tant au titre de sa demande relative à la discrimination que de sa demande d’indemnisation du préjudice d’anxiété;

subsidiairement en cas de nullité du protocole,

– condamner M. [L] à devoir rembourser la somme de 3.000 euros au titre de l’indemnité transactionnelle perçue;

plus subsidiairement,

sur la discrimination syndicale :

– juger que M. [L] ne démontre pas l’exercice d’une activité syndicale connue de la société ArcelorMittal Méditerranée antérieurement à 1992 ;

– juger en conséquence qu’une prétendue discrimination syndicale ne peut être appréciée qu’à

compter du premier mandat, soit à compter de 1992 (et non à compter de 1979) ;

– juger que M. [L] n’a fait l’objet d’aucune discrimination syndicale ;

– débouter M. [L] de ses demandes indemnitaires pour discrimination syndicale;

– débouter le CFDT METAUX DE [Localité 2] de sa demande indemnitaire ;

– juger irrecevables les demandes relatives aux préjudices moral et pour non-respect des accords d’entreprise en application des dispositions de l’article L.1134-5 du code du travail;

sur le préjudice d’anxiété :

à titre principal,

– juger irrecevable la demande indemnitaire de M. [L] pour non-respect des dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale ;

– débouter le demandeur en conséquence de ses demandes, fins et conclusions ;

à titre subsidiaire,

– constater l’absence de preuve d’une exposition personnelle et continue de M. [L] au risque CMR et à l’amiante ;

– constater l’absence de preuve d’un comportement fautif imputable à la société ArcelorMittal Méditerranée ;

– constater l’absence de preuve d’un préjudice actuel, direct et certain ;

– débouter en conséquence le demandeur en conséquence de ses demandes, fins et conclusions;

à titre encore plus subsidiaire,

– ramener à de bien plus justes proportions les demandes d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété ;

en tout état de cause,

– rejeter toute prétention adverse plus amples ou contraires ;

– dire et juger n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 3.000 euros pour les frais de première instance en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 3.000 euros pour les frais d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner le syndicat CFDT de [Localité 2] à lui payer la somme de 3.000 euros pour les frais de première instance en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner le syndicat CFDT de [Localité 2] à lui payer la somme de 3.000 euros pour les frais d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laisser les dépens à la charge de M. [L].

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du protocole transactionnel :

Aux termes de l’article 2044 du code civil, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 20 novembre 2016, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

M. [L] argue de la nullité de la transaction conclue avec la société Arcelormittal Méditerranée en raison du caractère dérisoire de la somme qui lui a été versée en contrepartie de sa renonciation à l’action prud’homale et du non-respect de l’accord transactionnel par l’employeur.

Sur la nullité tirée du caractère dérisoire des concessions :

En l’espèce, le protocole d’accord signé le 28 juillet 2008 par M. [L] et la société Arcelormittal Méditerranée fait état d’un litige portant sur une question de discrimination syndicale ; il est en effet précisé que le salarié estime ‘avoir subi un préjudice dans l’évolution de sa carrière professionnelle du fait de l’exercice de ses différents mandats de représentation syndicale’ ; que pour ‘régler définitivement le litige’, il est décidé par les parties le versement d’une somme de ‘3000 euros, à titre d’indemnité transactionnelle forfaitaire, globale et définitive’ ainsi que le ‘repositionnement au coefficient 270 suite à la signature du présent accord transactionnel’.

Il y a lieu de dire que ces concessions proposées par l’employeur (3000 euros et repositionnement du coefficient 255 à 270), en ce qu’elles portent uniquement sur la question de la discrimination syndicale, ne peuvent être tenues pour dérisoires. Le premier moyen tenant à la nullité de la transaction est en conséquence écarté.

Sur la nullité tirée du non-respect de l’accord transactionnel par la société Arcelormittal Méditerranée :

La transaction, qui ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, ne peut être opposée par l’une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions (1ère Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n°09-11.582).

L’inexécution totale ou partielle de la transaction est sanctionnée par la résolution de la convention en cas de manquement suffisamment grave (Soc., 20 janvier 2016, pourvoi n° 14-14.214, Soc., 12 septembre 2018, pourvoi n° 16-22.503), non par la nullité.

M. [L] expose qu’alors que la société Arcelormittal Méditerranée devait procéder ‘à son repositionnement au coefficient 270 suite à la signature du présent accord transactionnel’, soit en juillet ou août 2008, le changement de coefficient n’est intervenu qu’en octobre 2008.

La cour observe que le repositionnement est intervenu un peu plus de deux mois après la signature du protocole d’accord ; qu’il n’est pas justifié par M. [L], compte tenu de ce délai, une inexécution suffisamment grave de l’accord pour empêcher l’employeur de se prévaloir de la transaction et de ses effets. Le second moyen soulevé est en conséquence rejeté.

La société Arcelormittal Méditerranée est dès lors fondée à opposer à M. [L] l’existence de la transaction signée le 28 juillet 2008.

Sur l’autorité de la chose jugée attachée à la transaction :

L’article 122 du code de procédure civile précise que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En vertu de l’article 2052, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction en vigueur au moment de la signature de la transaction, les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Aux termes du protocole d’accord, M. [L] ‘reconnaît que le décalage existant entre son salaire et son coefficient sera effacé par la présente transaction, son coefficient rejoignant son niveau de salaire’ ; il renonce ‘à tout autre prétention et indemnité de quelque nature que ce soit liée à l’exécution du contrat de travail’ ; il est précisé que ‘celle-ci couvre toute demande en cours ou future relative aux faits précités et englobe notamment les éventuels préjudices liés à la perte de salaire, à ses accessoires (‘) les sommes versées au titre de la retraite (‘), le préjudice moral’ ; que le ‘protocole ayant l’autorité de la chose jugée entre les parties, il ne peut être révoqué pour quelque cause que ce soit’.

Ainsi les parties ont reconnu réaliser des concessions réciproques à titre transactionnel, forfaitaire et définitif. En signant la transaction, M. [L] a renoncé à exercer une action en discrimination syndicale fondée sur des faits antérieurs à la signature de cette transaction, soit le 28 juillet 2008. Il n’est donc plus recevable à invoquer des faits de discrimination syndicale antérieurs à la signature de cette transaction, soit le 28 juillet 2008.

Sur la discrimination syndicale :

Sur la prescription de la demande en réparation d’une discrimination syndicale :

Aux termes du premier de l’article L. 1134-5 du code du travail, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

M. [L] expose avoir été depuis l’origine un militant pour le compte du syndicat des métaux CFDT de [Localité 2]. Il indique avoir participé activement aux grèves, notamment celle de 1979. Il mentionne être devenu délégué du personnel en 1992, avoir été élu représentant syndical au CHSCT en 1995 et avoir exercé des mandats de façon continue jusqu’en 2010. Il précise que son engagement syndical était connu de sa hiérarchie et de la Direction et que s’il a bénéficié d’une progression normale de coefficient durant les premières années de sa carrière, son évolution de carrière a été ralentie à compter de 1979 sans interruption.

La société intimée considère, à titre principal, qu’eu égard à la législation antérieure à 2008, prévoyant une durée de prescription de 30 ans en matière de discrimination, M. [L], qui invoque des faits datant de 1979, ne pouvait agir que jusqu’en 2009. A titre subsidiaire, elle indique que le salarié disposait, à compter du 8 septembre 2007, date de la révélation de la prétendue discrimination (cf. courrier du 8 septembre 2007 du salarié à la société invoquant un ralentissement de son évolution de carrière en raison de son activité syndicale), d’un délai de cinq ans pour agir ; que n’ayant saisi la juridiction prud’homale que le 8 septembre 2012, son action est prescrite.

En l’espèce, M. [L] se plaint d’une discrimination syndicale à compter de 1979 et fait valoir que cette discrimination s’est poursuivie tout au long de sa carrière professionnelle, tant salariale que personnelle. Ayant saisi le 4 juin 2008 le conseil de prud’hommes d’une demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, compte tenu du principe de l’unicité de l’instance alors en vigueur et de l’autorité de la chose jugée attachée à la transaction du 28 juillet 2008, le salarié est recevable en son action en discrimination syndicale portant uniquement sur la période allant du 28 juillet 2008 au 12 août 2010 (date du licenciement pour inaptitude).

Sur l’existence d’une discrimination syndicale :

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au litige, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison, notamment, de ses activités syndicales.

L’article L.2141-5 du code du travail prévoit qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L’article L.1134-1 du même code dispose, par ailleurs, que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. (Soc., 20 septembre 2023, pourvoi n° 22-16.130).

Il est justifié que M. [L] a été élu délégué du personnel en 1992, puis à compter de 1995, représentant syndical au CHSCT de la zone IEG ; qu’il a exercé des mandats de façon continue jusqu’en 2010. Le salarié communique également des bulletins de salaire de 1979 mentionnant des retenues pour absences ‘code 907″ correspondant aux absences pour fait de grève et une attestation du 11 novembre 2015 de M. [K].

Si à l’appui de la discrimination syndicale M. [L] invoque le blocage dans le déroulement de carrière, la violation des accords d’entreprise, l’absence d’entretien individuel et le maintien anormal dans les coefficients, il ne présente pas de faits précis portant sur la période postérieure à la signature de cette transaction du 28 juillet 2008 étant relevé que le salarié est selon les bulletins de salaire qu’il produit aux débats placé en arrêt maladie à compter du 11 janvier 2009 jusqu’au licenciement pour inaptitude.

Il n’est donc pas établi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination après le 28 juillet 2008.

Le salarié sera en conséquence débouté de ses demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral pour discrimination syndicale. Le jugement déféré est confirmé en ce sens.

Sur l’intervention volontaire du syndicat CFDT des Métaux [Localité 2]:

L’article L 2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

La violation par l’employeur des dispositions relatives à l’interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l’intérêt collectif de la profession. Le syndicat est donc recevable en son action. Toutefois, les demandes du salarié au titre de la discrimination syndicale ayant été écartées, le syndicat sera débouté de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exposition à l’amiante et aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (dit CMR) :

Sur la prescription :

Selon l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Le point de départ de la prescription est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque à l’origine de l’anxiété.

Il ne résulte pas des éléments du dossier que le salarié a été informé des risques liés à une exposition à l’amiante ainsi qu’aux agents cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR). Le délai de prescription s’agissant du préjudice d’anxiété lié à ces risques n’avait donc pas commencé à courir à la date de la saisine de la juridiction prud’homale.

Il s’en déduit que les demandes en réparation du préjudice d’anxiété causé notamment par l’exposition à l’amiante ou des substances CMR formées par M. [L] sont recevables.

Sur la recevabilité de la demande de M. [L] eu égard aux dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale :

Par application de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale et L.211-16 du code de l’organisation judiciaire, depuis le 1er janvier 2019, le pôle social du tribunal judiciaire a une compétence exclusive pour connaître des demandes en réparation des préjudices nés d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Il résulte de l’article L. 230-2 du code du travail devenu L. 4121-1 et L. 4121-2 dudit code que l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

La société Arcelormittal Méditerranée fait valoir que le salarié qui se prévaut d’une pathologie à part entière (troubles psychologiques), qui trouverait exclusivement et directement son origine dans son activité professionnelle, doit au préalable présenter une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d’assurance maladie.

Le salarié répond que le préjudice moral ou d’anxiété n’est prévu par aucun des tableaux des maladies professionnelles ; qu’il n’est pas (encore) malade ; qu’en réalité la société cherche à contester la compétence matérielle de la juridiction prud’homale pour connaître de ce litige; que faute d’avoir été soulevée in limine litis conformément à l’article 74 du code de procédure civile, cette exception de procédure ‘détournée’ doit être rejetée.

En l’espèce, la demande du salarié ne relève pas d’une action en réparation d’une maladie telle que visée par l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale. Aucune maladie n’a été reconnue d’origine professionnelle et le préjudice invoqué par le salarié résulte d’une situation d’inquiétude permanente face aux risques de déclaration d’une maladie consécutive à l’exposition à l’amiante ou à une ou plusieurs substances CMR. M. [L] fonde sa demande sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Il convient dès lors de rejeter l’irrecevabilité soulevée.

Sur les risques amiante et CMR:

En application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil et L.4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise.

L’ancien article 233-1 du code du travail, en vigueur du 7 décembre 1976 au 31 décembre 1992, disposait déjà que les établissements et locaux industriels devaient être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs..

En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance générant un risque élevé de développer une pathologie grave, potentiellement autre que l’amiante, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié ayant exercé une activité sur un site non inscrit sur la liste prévue par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, qui justifie d’une exposition à l’amiante ou à une autre substance toxique ou nocive générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’un tel risque, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

M. [L] expose avoir occupé, pendant toute sa carrière, un poste de chaudronnier-soudeur à l’atelier central mécanique (ACM). Il explique que son activité consistait à effectuer de la soudure, du chalumage et oxycoupage sur divers aciers ; que toutes ces opérations s’effectuaient sur des pièces recouvertes de graisses et peintures toxiques et que le dégagement de fumées était permanent.

Pour justifier de son exposition personnelle, directe, habituelle et certaine, à l’inhalation de poussières d’amiante et aux substances CMR, il verse notamment aux débats les pièces suivantes :

– une attestation du 6 janvier 2014 de M. [A] (mécanicien ayant travaillé à l’atelier central mécanique avec M. [L]) et une attestation du 13 janvier 2014 de M. [Z] (ancien collègue chaudronnier-soudeur de M. [L]), rédigées dans des termes identiques; M. [Z] et M. [A] indiquent que M. [L] ‘utilisait journellement dans son travail des vêtements et protection gant, guêtres, cagoule, écran de protection, des couvertures en amiante, toutes ces protections avec l’usure libéraient des fibres d’amiante qu’il respirait en permanence’ ; qu’il utilisait également des ‘solvants comme le COKSOL, la DARTOLINE, du Fuel Naphtalineux, du trichloréthylène, solvants divers, peinture (tous ces produits contenaient du benzène pour nettoyer les pièces mécaniques qui venaient des différents secteurs de l’usine. Des fûts de 200 litres étaient stocker dans l’atelier. Tous le monde venaient se servire avec des seaux. Ils respiraient continuellement des fumées du soudage, découpage, arcairage, malgres un petit système d’aspiration inefficace ridicule, nettement insuffisant pour les travaux de soudures de grande ampleur réalisés dans l’atelier. Je confirme que Mr [U] [L] a bien été exposé à l’amiante aux solvant cancérigènes et aux fumées de soudage toxique’ ;

– une attestation du 10 juin 2013 de M. [E], contremaître dans l’entreprise Arcelor de 1977 à 1990, qui atteste que M. [L], dans le cadre de ses missions de chaudronnier-soudeur, ‘utilisait des plaques d’amiante de protection, protection individuelle de type veste ou combinaison en amiante et ne possédait aucune protection des voies respiratoires’ ;

– des attestations des 8 juillet, 24 juillet et 3 août 2007 de M. [O], M. [D] et M. [M] rédigées dans des termes identiques, indiquant que M. [L] a effectué depuis 1977 du soudage, chalumage, arcairage sur des aciers spéciaux, aciers doux, inox, fonte, bronze, aluminium ; ils précisent que ‘ces opérations avaient lieu sur des pièces couvertes de graisse, peintures, d’oxydation importante et se faisant sans système de captage des fumées’; que ‘certaines pièces étaient mise en chauffe et maintenues en température avec des couvertures en amiante afin d’effectuer des techniques de soudure spécifiques’ ; ils évoquent également ‘l’aspiration existante et insuffisante, voire inefficace ou impossible’;

– une attestation du 18 septembre 2007 de M. [N], chaudronnier-soudeur, rédigée dans termes proches de celles de M. [O], M. [D] et M. [M];

– une attestation de M. [C], agent de maîtrise et chef de l’atelier central mécanique à partir de 1985, qui explique que l’atelier effectuait la ‘réparation des pièces mécaniques en provenance des différents secteurs de l’usine Solmer’, atteste que M. [L] ‘a effectivement travaillé en contact avec l’amiante de 1977 à 2002, notamment lors de chauffe de pièces mécaniques pour effectuer des opérations de soudage, puis emballage avec des couvertures en amiante pour les refroidir progressivement. Mais également avec le matériel de sécurité tel que gants, tabliers, cagoules, pantalons de protection, écran de soudure qui contenaient de l’amiante’, ainsi que les ‘tresses, cordons et les découpes de joints en amiante, poussières des plaquettes de frein des joints roulants’. Il ajoute que ‘les pièces qui transitaient par l’atelier central étaient souvent souillées par des résidus toxiques, peinture au plomb qui dégageaient des fumées très toxiques : exemple réfection des portes de fours à la cokerie (joint amiante + graisse, HAP dégagement oxyde de fer, goudrons, dégagement gaz de soudage’ ;

– une attestation du 24 juillet 2012 de M. [J], membre de la section d’hygiène et de sécurité du service de M. [L] de 1977 à 1978, qui confirme que M. [L] a été en contact avec de l’amiante et évoque l’utilisation quotidienne de ‘vêtements de travail, d’écrans de protection, et de couvertures, contenant de l’amiante’ ;

– une attestation du 16 septembre 2012 de M. [B], secrétaire du CHSCT de la zone où travaillait M. [L], qui indique que M. [L] a été exposé à de l’amiante du démarrage de l’atelier jusqu’à 1992, les ‘protections individuelles, tablier, guêtre, gant, couverture, cordon’ ayant été alors remplacés ; il ajoute que M. [L] a été exposé également ‘à des fumées toxiques’ jusqu’en 1984, date à laquelle ‘on a commencé à installer quelques aspirations plus ou moins efficaces’.

M. [L] communique également des pièces collectives à d’autres dossiers de salariés relatives à l’amiante :

– un synoptique de la fabrication d’acier au sein de l’usine de [Localité 2] ;

– un tableau récapitulatif des secteurs de l’usine exposés à l’amiante ;

– un plan de l’usine de [Localité 2] avec l’impact ponts roulants ;

– des comptes-rendus du CHSCT du 20 décembre 1977, du 25 avril 1978, du 26 juillet 1978 du 24 octobre 1978 ;

– le compte-rendu de la réunion trimestrielle du comité de coordination des CHSCT du 11 mars 1991, 9 décembre 1991, 8 avril 1997, du 9 octobre 1997 ;

– des comptes rendus du groupe amiante du 7 novembre 1991, du 4 mars 1992, du 25 mai 1992, du 10 juillet 1992, du 9 septembre 1992 ;

– la note interne de M [G] en date du 21 février 1992 ;

– des notes manuscrites de M [T] du 13 mai 1992, du 17 juin 1992, de M [R] à M [G] du 20 mai 1997 ;

– le projet de plan de rejet de retrait de Sollac de 1997 ‘Enlèvement de plaques contenant de l’amiante’ ;

– le courrier de l’inspecteur du travail M. [W] au directeur des établissements Sollac du 2 aout 2001 ;

– les rapports médicaux annuels de 1998 à 2007 concernant les différents secteurs, de l’usine et l’ensemble de maladies professionnelles ;

– le bilan social de l’établissement années 2005, 2006 et 2007 ;

– le bilan des déclarations des maladies professionnelles de 1995 à 2004 ;

– un tableau récapitulatif des secteurs de l’usine exposés à l’amiante ;

– un plan de l’usine avec impacts sur les ponts roulants ;

– le recensement des ponts roulants ;

– des photographies d’un freinage du câble de levage d’un pont roulant, d’un pont roulant d’aciérie, d’un pont roulant d’aciérie simple, d’un flexible amianté.

– la liste des décès prématurés Arcelormittal à la fonte ;

– un arrêt de la Cour de cassation n° 12-13610 du 14 février 2013;

– des attestations d’anciens salariée : M. [I] (attestation non signée et sans pièce d’identité jointe), M. [S], M. [H], ancien membre du CHSCT Fonte (attestation sans pièce d’identité jointe).

Il se réfère en outre à des pièces collectives à d’autres instances et salariés relatives aux risques d’exposition aux substances CMR :

– le tableau n° 16 bis des maladies professionnelles ;

– un courrier du 28 août1985 du CHSCT Fonte au médecin inspecteur régional du travail;

– le compte-rendu de la visite de la Cram Sud Est du 17 mai 1978 indiquant que la valeur-seuil de concentration dans l’air de benzopyrène est largement dépassée dans le haut fourneau n°1/ plancher de coulée S et recommandant une surveillance médicale spéciale du personnel;

– le compte-rendu des mesures et analyses par l’INRS avril 1979 aux postes de travail d’une batterie de fours à coke sidérurgique : cokerie Solmer mentionnant : ‘- Les mesures de concentrations moyennes effectuées à 1’aide des préleveurs individuels portés par le personnel pendant 1/2 poste complet montrent que les valeurs limites re commandées (0,2 mg/m3 en « extractible par le benzène » et 0,15 ug/m3 en benzo a] pyrène) sont atteintes ou dépassées à presque tous les postes de travail de l’installation. – Les postes les plus exposés sont à 1’évidence d’une part ceux situés sur le sommet de la batterie (enfourneurs, luteurs, régleurs, et personnel d’entretien) d’autre part les postes d’entretien des postes latérales des fours. L’efficacité des dispositifs de conditionnement de 1’air des diverses cabines ne semble pas suffisante pour abaisser la concentration intérieure en dessous de la valeur limite quand la concentration extérieure est forte (cas de 1’enfourneuse)’ ;

– un courrier du 31 octobre 1985 de l’inspecteur du travail au directeur de la société Solmer suite à la visite de la zone HF2 constatant des dégagements de fumées contenant du benzène et pointant que ‘les postes débouchage du trou de coulée et abord immédiat des rigoles lors du nettoyage, sont particulièrement exposés’ et demandant la mise en place d’une ‘aspiration efficace des fumées et poussières’ ;

– des fiches toxicologiques INRS du benzène, du sulfure d’hydrogène et de dioxines et furanes, différentes publications de l’association pour la prise en charge des maladies éliminables sur le registre des postes de travail ayant déjà causé des maladies professionnelles reconnues et indemnisées, sur le programme sic 2012, des articles du site de l’IRNS et de presse des tracts syndicaux,

– un nouveau courrier du 12 mai 1987 de l’inspection du travail au directeur de la société Solmer concernant toujours l’exposition au benzopyrène ;

– un courrier du 4 décembre 1987 de l’inspection du travail au directeur de la société Solmer sollicitant de ce dernier la fourniture de moyens de protection individuels face au dépassement de la valeur limite de 1,5 microgramme par m³ ;

– des fiches toxicologiques INRS du benzène, du sulfure d’hydrogène, trichloéthylène;

– des photographies des ateliers et notamment des coulées ;

– un courrier du 23 novembre 1999 de l’inspection du travail au directeur de la société Sollac l’informant de la transmission au procureur de la république d’un procès-verbal pour infraction aux articles R237-6, R237-7 et R237-8 du code du travail relevée suite à son enquête relative à l’exposition de salariés de l’entreprise Multiserv à des produits cancérogènes sur les planchers de la coulée des hauts-fourneaux ;

– un courrier du 24 juin 2003 de l’inspection du travail au directeur de la société Sollac constatant suite à sa visite que la phase d’identification des produits cancérigène, mutagènes et toxiques était terminée et la phase de substitution engagée, que la liste des travailleurs exposés et les fiches d’exposition étaient en cours d’élaboration et rappelant la nécessité d’une information et formation des salariés exposés aux produits CMR et le caractère insuffisant des plans de prévention ne faisant pas toujours apparaître de manière évidente le risque d’exposition à des CMR mais également à d’autres risques pouvant générer des pathologies à effet différé ;

– des extraits de rapports annuels du service médical Sollac 1984, 1985, 1986, 1988, 1989, 1991 et 1992 ; le rapport médical de 1985 mentionne les risques professionnels de l’entretien général et notamment de l’ACE – ACM (atelier central mécanique) où était affecté M. [L] s’agissant de la pollution due aux fumées et poussières de soudage, oxycoupage et arcairage ainsi que les vapeurs d’huiles de coupe provenant des machines-outils; s’agissant des fumées, il est précisé : ‘apparemment, la zone chaudronnerie présente des concentrations plus élevées d’où la nécessité d’utilisation obligatoire des moyens existants d’aspiration’;

– un courrier du 3 août 2012 de l’inspection du travail au directeur de la société ArcelorMittal rappelant la nécessité d’intervention des opérateurs dans les zones fortement polluées et constatant l’absence ou insuffisance des équipements de protection respiratoire requis (masques ventilés). L’inspecteur relève s’agissant du fonctionnement industriel des batteries de fours de la cokerie que ‘la situation actuelle n’est pas conforme à la réglementation, édictée depuis 2001, concernant la prévention de l’exposition aux agents cancérigène, mutagènes ou reprotoxiques’; il pointe le non-respect de la norme concernant l’exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques générés par l’exploitation de la cokerie : ‘persistance de fuites au niveau des portes de fours, et/ou des portillons en partie haute’, ‘au niveau 18 m’ ‘des émanations importantes au niveau des tampons’.

M. [L] établit par les pièces produites qu’il a été exposé à l’amiante du fait de ses fonctions et conditions de travail au moins de 1977 à 1992 et à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) au moins de 1977 à 2003 et que ces expositions ont généré pour lui un risque élevé de développer des pathologies graves.

Il ressort ensuite de ce qui précède que la société était à la fois informée de la présence d’amiante dans l’usine et des risques liés à l’inhalation de la poussière d’amiante et à la concentration dans l’air importante de benzopyrène au moins de 1978 à janvier 1982 à proximité des fours à coke sidérurgique et des risques liés à l’inhalation des fumées. L’employeur avait en outre connaissance au moins à compter de 1985 de la pollution dans l’atelier ACM due aux fumées et poussières de soudage, oxycoupage et arcairage ainsi que les vapeurs d’huiles de coupe provenant des machines-outils.

S’agissant de l’amiante, il est rappelé que le législateur s’est attaché depuis la fin du 19ème siècle à protéger l’hygiène, la santé et la sécurité des salariés. La loi du 12 juin 1893 concernant l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels fait obligation à ces établissements de présenter les conditions d’hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel. Le décret d’application du 11 mars 1894 impose notamment que ‘les locaux soient largement aérés (‘) les poussières évacuées au-dessus de l’atelier au fur et à mesure de leur production’ avec une ventilation aspirante énergique (‘) et que l’air des ateliers soit renouvelé de façon à rester dans l’état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers’. La reconnaissance officielle du risque est intervenue après 1945. Par décret du 31 décembre 1946, la fibrose pulmonaire consécutive à l’inhalation de poussières de silice libre ou d’amiante est reconnue comme maladie professionnelle (tableau n°25). Le décret du 31 août 1950 a ensuite inscrit l’asbestose au tableau n°30 des maladies professionnelles et le décret du 5 janvier 1976 a inclus le mésothéliome et le cancer broncho-pulmonaire dans ce tableau comme complication de l’asbestose. Le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d’hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l’action des poussières d’amiante rend obligatoire la mesure de concentration moyenne en fibres d’amiante de l’atmosphère inhalée pendant la journée de travail, l’installation d’équipements de protection collective et l’attribution d’équipements respiratoires individuels de protection.

Il est noté ensuite qu’au moins à compter de 1977, une commission sur la question de l’amiante est créée. Lors de la réunion du CHS de la société Solmer du 20 décembre 1977, le docteur [Y], médecin du travail, expose que le « premier objectif de la commission » est « de faire un catalogue de t

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement ;

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la société ArcelorMittal Méditerranée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

DIT que M. [U] [L] a renoncé à exercer une action en discrimination syndicale fondée sur des faits antérieurs à la signature de la transaction du 28 juillet 2008 ;

DIT que M. [U] [L] est recevable en son action en discrimination syndicale portant uniquement sur la période allant du 28 juillet 2008 au12 août 2010 ;

DECLARE recevable comme non prescrite la demande de dommages-intérêts pour exposition à l’amiante et aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR);

DIT recevable la demande formée par M. [U] [L] de dommages-intérêts pour exposition à l’amiante et aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) eu égard aux dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale ;

DEBOUTE M. [U] [L] de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination syndicale (préjudice matériel et préjudice moral) ;

DECLARE recevable l’intervention du syndicat CFDT des Métaux [Localité 2] et le DEBOUTE de sa demande de dommages-intérêts ;

CONDAMNE la société Arcelormittal Méditerranée à payer à M. [L] la somme de 15000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante ;

CONDAMNE la société Arcelormittal Méditerranée aux dépens de première instance et d’appel;

CONDAMNE la société Arcelormittal Méditerranée à payer à M. [U] [L] la somme de 1600 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d’appel ;

DEBOUTE la société Arcelormittal Méditerranée de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel.

Le Greffier Le Président


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