L’Essentiel : Mme [H] [X], apprentie chez SAS Florette France Gms, a vu son contrat d’apprentissage rompu le 11 janvier 2019. Reconnaissant un handicap lié à sa surdité, elle a saisi le conseil de prud’hommes en janvier 2020, alléguant une rupture discriminatoire. Le jugement du 27 juillet 2022 a rejeté ses demandes. En appel, elle a réclamé la reconnaissance de harcèlement moral et des dommages-intérêts, soutenant avoir subi des conditions de travail inadaptées. La SAS Florette a contesté ces accusations, affirmant avoir respecté ses obligations. Le tribunal a finalement confirmé le jugement initial, rejetant les demandes de Mme [H] [X].
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Contexte de l’AffaireMme [H] [X] a été embauchée le 4 septembre 2017 par la SAS Florette France Gms en tant qu’apprentie pour préparer un BTSA ‘Sciences et Technologies des aliments option APT’, avec un contrat d’apprentissage de deux ans. Mme [Y] [F], responsable qualité, a été désignée comme sa tutrice. Mme [X] est reconnue comme travailleur handicapé en raison de sa surdité. Rupture du Contrat d’ApprentissageLe 11 janvier 2019, le contrat d’apprentissage a été rompu par un accord mutuel. En janvier 2020, Mme [H] [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon, demandant des indemnités pour rupture discriminatoire et déloyale de son contrat. Le jugement du 27 juillet 2022 a débouté Mme [X] de toutes ses demandes. Appel et Demandes de Mme [H] [X]Mme [H] [X] a interjeté appel le 26 août 2022, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de harcèlement moral, ainsi que des dommages et intérêts. Elle a également demandé la nullité de la rupture de son contrat et le paiement de diverses sommes. Arguments de Mme [H] [X]Mme [H] [X] soutient avoir subi un harcèlement moral discriminatoire lié à sa surdité, des tâches inadaptées à son handicap, et un comportement non professionnel de sa tutrice. Elle affirme que ces conditions ont conduit à une détérioration de sa santé et à une rupture de contrat sous contrainte. Réponse de la SAS Florette France GmsLa SAS Florette France Gms a contesté les allégations de harcèlement et a affirmé avoir respecté ses obligations de sécurité. Elle a soutenu que la rupture du contrat avait été effectuée régulièrement et que Mme [H] [X] n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour étayer ses accusations. Éléments de Preuve et Décision du TribunalLe tribunal a examiné les éléments présentés par les deux parties, y compris les attestations et les courriels. Il a conclu que les difficultés relationnelles et organisationnelles n’établissaient pas une présomption de harcèlement moral. De plus, il a jugé que l’employeur avait pris des mesures pour s’adapter au handicap de Mme [H] [X]. Conclusion du TribunalLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant les demandes de Mme [H] [X] et considérant que la rupture de son contrat d’apprentissage n’était pas entachée de vice du consentement. Mme [H] [X] a été condamnée aux dépens de la procédure d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la rupture d’un contrat d’apprentissage selon le Code du travail ?La rupture d’un contrat d’apprentissage est régie par l’article L. 6222-18 du Code du travail. Cet article stipule que : 1. Le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties jusqu’à l’échéance des quarante-cinq premiers jours de formation pratique en entreprise. 2. Passé ce délai, la rupture ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. 3. À défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le conseil de prud’hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l’une des parties à ses obligations, ou en raison de l’inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il se prépare. 4. En cas de rupture d’un commun accord, celle-ci doit être constatée par écrit et notifiée selon les conditions prévues par les textes. Il est donc essentiel que toute rupture après les quarante-cinq premiers jours soit formalisée par un écrit, et que les motifs invoqués soient justifiés par des éléments objectifs. Quels sont les éléments constitutifs du harcèlement moral selon le Code du travail ?Le harcèlement moral est défini par l’article L. 1152-1 du Code du travail, qui précise que : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » De plus, l’article L. 1154-1 impose que, dans le cadre d’un litige relatif à l’application des articles sur le harcèlement, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Ainsi, pour qu’un harcèlement moral soit reconnu, il faut que les agissements soient répétés et qu’ils aient un impact négatif sur la santé ou les conditions de travail du salarié. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité et de santé au travail ?L’article L. 4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1. Des actions de prévention des risques professionnels. 2. Des actions d’information et de formation. 3. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’article L. 4121-2 précise que l’employeur doit mettre en œuvre ces mesures en tenant compte des principes généraux de prévention, tels que l’évaluation des risques et l’adaptation du travail à l’homme. Il est donc de la responsabilité de l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et la santé de ses employés, notamment en adaptant les postes de travail aux besoins spécifiques des salariés, comme dans le cas d’un travailleur handicapé. Comment prouver un vice du consentement lors de la rupture d’un contrat d’apprentissage ?Pour établir un vice du consentement, il est nécessaire de démontrer que la décision de rupture a été prise sous la contrainte ou en raison d’une situation de grande fragilité. Selon la jurisprudence, il appartient à la partie qui invoque le vice du consentement de prouver que son comportement a été vicié. En l’espèce, la SAS Florette France Gms a soutenu que Mme [H] [X] n’a pas apporté de preuves suffisantes pour caractériser un vice du consentement. La rupture a été signée après un délai de réflexion, et Mme [H] [X] a été accompagnée dans cette démarche, ce qui renforce la validité de la rupture. Ainsi, pour qu’un vice du consentement soit reconnu, il faut des éléments tangibles prouvant que la décision a été prise dans un état de contrainte ou de pression, ce qui n’a pas été démontré dans le cas présent. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/02948 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IRV4
CRL/JLB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON
27 juillet 2022
RG :20/00016
[X]
C/
S.A.S. FLORETTE FRANCE GMS
Grosse délivrée le 25 NOVEMBRE 2024 à :
– Me ANAV-ARLAUD
– Me DA SILVA
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 27 Juillet 2022, N°20/00016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 Septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [H] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Bénédicte ANAV-ARLAUD de la SELARL SELARL ANAV-ARLAUD-BOTREAU, avocat au barreau D’AVIGNON
INTIMÉE :
S.A.S. FLORETTE FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Novembre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.
Mme [H] [X] a été embauchée le 4 septembre 2017 par la SAS Florette France Gms en qualité d’apprentie selon un contrat d’apprentissage en vue de préparer un BTSA ‘Sciences et Technologies des aliments option APT’. Ce contrat a été conclu pour une durée de 2 ans, jusqu’au 3 septembre 2019.
Mme [Y] [F], salariée de la SAS Florette France Gms occupant le poste de responsable qualité, a été désignée comme la tutrice de Mme [H] [X].
Mme [X] est reconnue comme travailleur handicapé du fait de sa surdité.
Le 11 janvier 2019, le contrat d’apprentissage a été rompu par la signature d’une rupture d’un commun accord entre les parties. .
Mme [H] [X] a saisi par requête en date du 9 janvier 2020 le conseil de prud’hommes d’Avignon afin de voir condamner la SAS Florette France Gms au paiement de diverses sommes indemnitaires pour l’exécution discriminatoire et déloyale de son contrat d’apprentissage, et pour voir prononcer la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
Par jugement en date du 27 juillet 2022, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :
– débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.
Par acte du 26 août 2022, Mme [H] [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 17 avril 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 26 août 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 24 septembre 2024.
En l’état de ses dernières écritures intitulées ‘ conclusions d’appelant n° 2″, Mme [H] [X] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens,
Statuant de nouveau,
Sur l’exécution du contrat,
– juger qu’elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral,
– condamner en conséquence la SAS Florette France Gms au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– juger que la SAS Florette France Gms a manqué à son obligation de sécurité et de prévention,
– condamner en conséquence la SAS Florette France Gms au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Sur la rupture du contrat,
– juger nulle la rupture du contrat d’apprentissage
– condamner la SAS Florette France Gms au paiement des sommes suivantes :
* 6 495,79 euros à titre de rappel de salaire du 11 janvier 2019 au 3 septembre 2019,
* 649,57 euros au titre des congés payés afférents,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture aux torts exclusifs de l’employeur,
En tout état de cause,
– débouter la SAS Florette France Gms de toutes ses demandes,
– condamner la SAS Florette France Gms au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS Florette France Gms aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, Mme [H] [X] fait valoir que :
– elle a fait l’objet d’un harcèlement moral discriminatoire en raison de sa surdité, alors que son investissement et son savoir-être étaient largement salués jusqu’en février 2018, l’employeur n’a pas tenu compte des restrictions formulées par le médecin du travail pour adapter son poste de travail en terme de temps de travail et d’exposition au froid, ce qui l’a placée dans l’obligation d’accomplir des tâches incompatibles avec son handicap ; et sa tutrice a reconnu qu’elle ne lui avait pas été communiqué les plannings dans les temps, sans aucune explication,
– sa tutrice a adopté envers elle un comportement non-professionnel et agressif, et l’employeur n’a pas donné suite à sa demande de changement de service,
– elle a été particulièrement affectée par l’ambiance de travail imposée par sa tutrice dans un esprit de vengeance à son encontre, laquelle n’a pas craint de la dénigrer et de lui faire subir des brimades devant ses collègues, de la mettre en quarantaine et de la déclasser sur des projets dont elle avait pourtant la charge,
– ce harcèlement moral a eu des conséquences importantes, elle a dû retrouver en urgence un autre lieu de stage qui l’a accueillie pendant 5 semaines, sans la rémunérer, pour lui permettre de présenter son examen de BTS,
– l’employeur a également manqué à son obligation de prévention et de sécurité en ne respectant pas les préconisations du médecin du travail alors qu’elle est en situation de handicap,
– les attestations produites par l’employeur sont de pure convenance,
– s’agissant de la rupture de son contrat de travail, elle a été obtenue sous la contrainte de l’employeur, pour les motifs développés au titre du harcèlement moral et des manquements de à l’obligation de prévention et de sécurité, à une période où elle se trouvait dans une situation de grande fragilité,
– dans un tel contexte, elle n’a eu d’autre choix que d’accepter la rupture de son contrat de travail afin de pouvoir rechercher dans l’urgence un autre organisme d’accueil, prêt à accepter son handicap pour lui permettre de terminer sa formation,
– elle est donc fondée à solliciter le paiement de son salaire jusqu’au terme annoncé de son contrat de travail.
En l’état de ses dernières écritures intitulées : ‘ conclusions d’appel 1″, la SAS Florette France Gms demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon du 27 juillet 2022 en ce qu’il déboute Mme [X] de l’ensemble de ses demandes.
– dire et juger :
* que Mme [X] n’a pas été victime de harcèlement moral et de discrimination,
* que la société a respecté son obligation de sécurité a l’égard de Mme [X],
* que le contrat d’apprentissage a été rompu régulièrement d’un commun accord entre les parties,
En tout état de cause :
– débouter Mme [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
– condamner Mme [X] au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SAS Florette France Gms fait valoir que :
– le conseil de prud’hommes a justement débouté Mme [H] [X] de l’ensemble des demandes en retenant qu’elle n’apportait aucune preuve au soutien de ses différentes demandes et procédait par affirmation,
– Mme [H] [X] croit pouvoir confondre les notions de discrimination et de harcèlement moral pour solliciter une indemnisation au titre d’un ‘ harcèlement discriminatoire’, en soutenant que sa tutrice aurait participé à la dégradation de ses conditions de travail et l’aurait discriminée en raison de son handicap,
– l’avis du médecin du travail dont se prévaut Mme [H] [X] est en date du 4 décembre 2018, et elle n’a pas travaillé au-delà de cette date jusqu’à la rupture de son contrat de travail,
– concernant la communication tardive des plannings de travail, si elle a pu exister ponctuellement, elle n’a pour autant jamais dégradé les conditions de travail, étant observé que Mme [H] [X] ne justifie pas avoir formulé des demandes au titre de ces retards de communication, et que ces retards ne le concernaient pas spécifiquement mais concernaient l’ensemble de son service,
– Mme [H] [X] soutient pour la première fois en cause d’appel que sa tutrice aurait eu un comportement agressif à son égard, motivant ainsi sa demande de changement de service, alors que concrètement elle n’en a jamais fait état, notamment auprès du centre de formation ou du service RH,
– le courriel produit par Mme [H] [X] pour justifier du comportement désagréable et humiliant de sa tutrice à son égard est un courriel qu’elle s’est envoyée à elle-même,
– les attestations qu’elle produit établissent le comportement respectueux de sa tutrice à son égard, laquelle en revanche a eu à déplorer un comportement inadapté de Mme [H] [X],
– Mme [H] [X] n’a jamais saisi les représentants du personnel pour les difficultés qu’elle dénonce désormais,
– les reproches quant à l’accompagnement dont Mme [H] [X] a pu faire l’objet sont infondés et contredits par les échanges de courriels qu’elle produit qui au contraire établissent des manquements imputables à l’appelante qui n’a au final laissé qu’une journée à sa tutrice pour relire et corriger son rapport de stage,
– contrairement à ce que soutient Mme [H] [X], des mesures organisationnelles ont été mises en place pour tenir compte de sa surdité et lui permettre d’avoir accès à toutes les informations et communiquer avec ses collègues,
– les griefs relatifs au non-respect de l’avis du médecin du travail quant à l’exposition au froid au titre de l’obligation de sécurité ne sont pas fondés puisque Mme [H] [X] n’a pas travaillé au-delà de cet avis,
– le certificat médical de son médecin généraliste dont Mme [H] [X] se prévaut pour invoquer le manque d’adaptation de son poste de travail ne lui a jamais été communiqué, au surplus, ce certificat médical daté du 28 octobre 2018 est postérieur à son dernier jour effectivement travaillé au sein de l’entreprise,
– au surplus, elle justifie par la production de courriels et comptes-rendus de réunion du souci constant d’accompagner au mieux Mme [H] [X] dans son apprentissage, et ce malgré le comportement opposant de celle-ci souligné par M. [Z] du groupe AMF,
– concernant la rupture de son contrat d’apprentissage, Mme [H] [X] ne démontre pas la réalité du vice du consentement qu’elle invoque, et contrairement à ce qu’elle invoque, son licenciement pour inaptitude n’a jamais été envisagé, en l’absence de décision d’inaptitude,
– Mme [H] [X] a rompu son contrat d’apprentissage en étant accompagnée de son centre d’apprentissage qui a forcément opéré un contrôle pour s’assurer que celle-ci n’intervenait pas sous la contrainte, étant au surplus rappelé qu’il s’est écoulé plus d’un mois entre la décision de rupture et sa formalisation, laissant ainsi le temps à la salariée de revenir sur sa décision si elle s’estimait contrainte.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
Demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
* harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Au soutien de sa demande, Mme [H] [X] fait valoir que le défenseur des droits reconnait la notion de harcèlement discriminatoire qui correspond à un harcèlement moral fondé sur un motif prohibé qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité en dégradant l’environnement de travail.
Elle invoque au soutien de sa demande de dommages et intérêts une situation de harcèlement moral en raison de son handicap et fait valoir qu’elle a été sollicitée pour effectuer des tâches incompatibles avec son handicap, qu’elle n’avait pas connaissance de ses plannings suffisamment à l’avance et qu’elle devait subir le comportement agressif et non professionnel de sa tutrice, Mme [F].
Au soutien de sa demande, Mme [H] [X] produit :
– ses ‘fiches de liaison entreprise /CFA’ jusqu’en février 2018 qui font état de son investissement, de sa volonté d’apprendre, de sa progression et de son comportement qualifié de ‘respectueux’, ‘volontaire’,
– un avis du médecin du travail en date du 4 décembre 2018, dans le cadre d’une visite de reprise, qui mentionne ‘ apte sur un poste aménagé en termes d’horaires : sur la semaine prise de poste à 8 heures entrecoupée de prises de postes à 7 heures et ponctuellement plus tôt. Limiter le travail au froid à 1 heure d’affilée. A revoir dans un mois’,
– un courriel en date du 30 juin adressé à ‘ [G] [N]’ et ‘ [O] [R]’ de l’IFRIA dans lequel elle se plaint du comportement de sa tutrice qui lui reproche de ne pas s’intéresser aux process de l’entreprise et aux machines, de ne pas avoir l’esprit d’équipe en référence à une plainte d’une collègue ‘ à qui j’aurais demandé de terminer ma mission ( d’une durée de 5 mn car j’avais un rendez-vous chez le docteur)’, et formule à son encontre divers griefs ‘ les plannings me sont rarement communiqués, je suis donc contrainte de les demander aux collaboratrices du service. Quelle que soit la nature de mes missions, je commence tous à la première heure, c’est-à-dire à 7h’,
– un courriel de M. [O] [R] de l’IFRIA en date du 30 juillet 2018, qui lui demande ensuite de son appel de ‘ faire un écrit résumant votre situation actuelle en entreprise et votre demande concernant un éventuel changement de service’
– un compte – rendu de réunion non daté qui correspond à une ‘ rencontre sur site’ entre Mme [H] [X], sa tutrice, la RRH de la SAS Florette France Gms, une orthophoniste, une formatrice de l’IFRIA et un membre de l’AMF- dispositif Thémis, dans lequel il est indiqué :
-qu’aucune difficulté majeure n’est apparue jusqu’en avril/mai
– que l’impact de son handicap sur le comportement de Mme [H] [X] qui a tendance à exprimer ‘ j’ai compris’ même lorsque ‘ la non compréhension demeure’, et qui a développé une observation visuelle importante ‘ les petits gestes et mimiques que l’on peut juger anodins sont parfois lourds de sens pour Mme [X]’,
– le parcours de formation et d’insertion de Mme [H] [X] est marqué par le sentiment d’exclusion et de dévalorisation ‘ ce qui rend la relation aux autres, et en particulier lorsqu’il s’agit d’apprentissage et d’accompagnement, complexe’,
– la nécessité de produire des supports écrits, Mme [H] [X] ne pouvant écouter et prendre des notes en même temps,
– faute de relais et informations spécifiques, certains besoins de Mme [H] [X] n’ont pu être pris en compte dès le début de son recrutement,
avant de préciser que :
– le ‘premier point de rupture apparaîtra avec une nouvelle évaluation réalisée par le lycée [5] qui identifiera les premiers axes de progrès de Mme [H] [X],’ la tutrice précisant que les axes de progrès étaient normaux dans le cadre d’un apprentissage et que ‘les lenteurs de l’apprentissage de Mme [H] [X] étaient intégrées et ne posaient pas de problème’, Mme [F] restant dans l’incompréhension quant au fait que les demandes d’entretien individuel de Mme [H] [X] n’aient pas abouti
– ‘ le deuxième point de tension est apparu concernant la transmission des plannings. Ils sont communiqués à l’équipe le jeudi. Mme [F] reconnait des oublis sur la transmission (..) qui sont corrigés dès que l’équipe ou une salariée l’interpelle à ce sujet’
– un troisième point concernant l’utilisation du téléphone a fait l’objet d’un point d’éclairage par l’orthophoniste, en raison de la complexité de son usage dans le cadre professionnel alors que Mme [H] [X] a réussi avec le temps à l’utiliser avec des membres de son entourage proche et de conclure à la mise en place d’un nouveau dispositif d’accompagnement ayant pour objectif la réussite de Mme [H] [X] au BTS,
– un courriel adressé à M. [Z], de l’AMF en date du 1er octobre 2018 dans lequel elle demande à être accompagnée par une autre tutrice au motif ‘le dialogue étant manifestement rompu’ avec Mme [F] ‘ Dans ces conditions, il serait préférable de trouver une solution afin que la situation ne se détériore pas d’avantage. Si Mme [F] ne peut pas communiquer avec moi, je souhaiterais faire la demande de pouvoir travailler dans un bureau extérieur au service Qualité où je me trouve actuellement. Pouvez-vous solliciter Mme [C] la responsable des ressources humaines afin de convenir si cela est possible de trouver un ou une tutrice pour m’accompagner sur ma thématique du sécheur de jeunes pousses sur la ligne 62 avec toutefois des aides financières que vous pourriez proposer à l’entreprise.
Enfin, il est nécessaire de précise que je ne pourrais pas être à la fois concentrée sur ma mission mon étude sécheur jeunes pousses et à la fois effectuer de nombreuses missions pour le service qualité. Pouvez’vous leur rappeler que je ne suis pas en mesure d’effectuer la même quantité de travail qu’une personne n’ayant pas mon handicap. La surcharge de travail ne me permettra pas de mener à bien mon apprentissage au sein de l’entreprise. Pouvez-vous me tenir informée »,
et la réponse de celui-ci le lendemain, qui indique qu’il sera la ‘ tierce personne’ dans sa relation avec l’entreprise, qu’il lui demande de se référer au projet d’accompagnement qu’il lui a déjà transmis et qui le mentionne, qu’il faut construire les grilles d’évaluation sur ses compétences et non sur ‘qui vous êtes’, et qui conclut qu’en cas de besoin il sera nécessaire de voir le médecin du travail pour définir d’éventuels aménagements de poste,
– un courriel daté du 28/08/2018 adressé à ‘ mljones’ qui mentionne ‘ en date du 20 août 2018. A mon retour de congés. Je suis à mon poste au laboratoire. Mme [F] vient me voir sans me dire bonjour et me dit ceci ‘ je vais être brève’. Elle m’a reproché de ne pas l’avoir informée de ma reprise, elle a dit je cite ‘ tu aurais pu m’avertir et me téléphoner, ne me prends pas pour une conne, je sais que tu sais le faire’. Elle m’a reproché d’avoir eu un comportement et une attitude exécrable en ayant eu un entretien avec le service DRH et de m’être plainte de ne pas avoir été conviée à la réunion de service. Je lui ai alors demandé pourquoi je n’avais pas pu venir alors que j’aurais aimé apprendre davantage sur le fonctionnement du service et ses projets. Je lui ai donc dit ‘ je n’ai pas le droit d’écouter et d’apprendre » elle a répondu non sèchement. Nouveauté, elle ne me laisse plu la possibilité de prendre une pause de 5 à 10 mn dans la matinée sans badger. Enfin elle a dit ‘ tu as de la chance que je sois obligée de te garder sinon crois moi tu ne serais plus là’ Pour conclure, elle a violemment claqué la porte à deux reprises. Mme M était dans un état de colère extrême’,
Il sera observé que Mme [H] [X] se réfère :
– à un courrier daté du 2 août 2018 ( indiqué Pièce n° – courrier du 2 août 2018 remis en main propre dans ses écritures ) qu’elle présente comme une demande de changement de service remise en main propre à l’employeur,
– à un courriel de M. [Z] ( indiqué Pièce n° – courriel du 21 septembre 2018 dans ses écritures) qu’elle présente comme mentionnant ‘ vous serez au laboratoire ‘ isolée »
lesquels ne figurent pas à son bordereau de communication de pièces.
Ces éléments pris dans leur ensemble n’établissent pas une présomption de harcèlement moral dès lors qu’ils ne font que reprendre les déclarations de Mme [H] [X] ou décrivent des difficultés relationnelles et organisationnelles qui ont été prises en compte par les différents intervenants autour de l’apprentissage et du projet de BTS de l’appelante dans la recherche d’une solution adaptée, les manquements invoqués par rapport aux recommandations de médecin du travail étant chronologiquement hors débat puisque postérieures son dernier jour travaillé au sein de la SAS Florette France Gms.
Les différents échanges établissent également que Mme [H] [X] a su faire valoir ses arguments, présenter des demandes et contester ce qui ne lui convenait pas auprès des intervenants extérieurs en charge de son accompagnement.
Les reproches relatifs à la communication des plannings ne la visent pas personnellement puisqu’ils concernent toute l’équipe, et sont ponctuels.
Aucun élément n’est produit au soutien de la dénonciation du comportement dénigrant imputé à Mme [F], qu’il convient au surplus d’analyser en tenant compte des explications données par l’orthophoniste dans le cadre de la réunion pluridisciplinaire.
En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [H] [X] de ce chef de demande et leur décision sera confirmée.
* obligation de sécurité
Selon l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L.4121-2 précise que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.»
Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.
Mme [H] [X] expose au visa de ces textes et de ceux relatifs à la prise en compte dans l’entreprise du statut de travailleur handicapé dont elle dispose en raison de sa surdité à 85% que l’employeur n’a procédé à aucune adaptation de son poste de travail en la faisant travailler à un rythme totalement inadapté, et en l’exposant au froid ce qui est incompatible avec le syndrome de Raynaud dont elle souffre.
Elle se réfère :
– à l’avis du médecin du travail en date du 4 décembre 2018 qui a posé des restrictions en terme d’horaires et de temps d’exposition au froid
– au certificat médical du Dr [M], spécialisé en médecine interne au centre hospitalier d'[Localité 3] en date du 26 octobre 2018, portant mention d’une transmission à la médecine du travail et qui indique avoir reçu Mme [H] [X] en consultation pour une asthénie ‘ importante devenue invalidante qui est probablement multi factorielle’ en référence au rôle de la surdité sur cette fatigue importante, en lien avec la lecture sur les lèvres, et à un état ‘pré-lupidique’ justifiant du repos et un rythme de travail régulier, hors travail de nuit, ainsi qu’une adaptation lors de l’exposition au froid en raison d’un syndrome de Reynaud sévère, avant de conclure à la nécessité d’envisager un aménagement du poste de travail et un allègement du temps scolaire, et de rencontrer le médecin du travail à cette fin,
pour en déduire que son poste de travail était nécessairement inadapté à son état de santé avant ces constats médicaux.
Enfin, elle se réfère aux échanges de courriels avec ses responsables de formation rappelés supra pour en déduire qu’elle avait informé de la dégradation de ses conditions de travail sans que l’entreprise ne prenne ses alertes en considération.
L’employeur conteste tout manquement de sa part en terme de prévention et de sécurité et fait valoir, sans être contredit par l’appelante sur ces éléments, que des mesures ont été prises afin de tenir compte du handicap de Mme [H] [X] telles que :
– le fait que ses collègues de travail ont pris l’habitude de se déplacer pour communiquer avec elle,
– l’agencement des bureaux a été modifié pour que Mme [H] [X] ne tourne le dos à personne et puisse lire sur les lèvres de ses collègues,
– la mise en place de systèmes pratiques pour les échanges d’informations, comme par exemple un tableau pour permettre de noter les ‘ choses essentielles’,
Il rappelle que les restrictions en terme d’horaires et de temps d’exposition au froid n’ont été énoncées que le 4 décembre 2018 par le médecin du travail, soit postérieurement au dernier jour travaillé de Mme [H] [X], et rappelle sans être contredite par Mme [H] [X] que le certificat médical du 28 octobre 2018 ne lui a jamais été communiqué.
La SAS Florette France Gms produit au soutien de ses affirmations les attestations de plusieurs salariées qui détaillent ces différents aménagements et expliquent que les missions confiées à Mme [H] [X] s’effectuaient en laboratoire, soit à température ambiante et non au froid.
De fait, outre ces explications apportées par l’employeur qui n’a été informé avant le 4 décembre 2018 que du handicap en lien avec la surdité de Mme [H] [X], force est de constater que Mme [H] [X] n’apporte aucun élément qui permette de contredire utilement les explications données par l’employeur quant à l’absence de prise en compte de son handicap dans la gestion de son poste de travail.
Les plaintes qu’elle a pu formuler auprès de ses formateurs quant à la dégradation de sa relation de travail avec sa tutrice ont au contraire été prises en considération au travers d’une réunion tripartite étudiant – formateurs – entreprise et un nouvel aménagement de la prise en charge a été formalisé avec l’aval du référent de l’IFRIA, ce qui démontre la volonté de chacun d’accompagner Mme [H] [X] au plus près de ses besoins.
En conséquence, c’est à juste titre que Mme [H] [X] a été déboutée de cette demande par le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point.
En conséquence, aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est démontré et c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [H] [X] de sa demande présentée à ce titre.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
Par application des dispositions de l’article L 6222-18 du code du travail dans sa version applicable au litige, le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties jusqu’à l’échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l’apprenti.
Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d’apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l’une des parties à ses obligations ou en raison de l’inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
En cas de liquidation judiciaire sans maintien de l’activité ou lorsqu’il est mis fin au maintien de l’activité en application du dernier alinéa de l’article L. 641-10 du code de commerce et qu’il doit être mis fin au contrat d’apprentissage, le liquidateur notifie la rupture du contrat à l’apprenti. Cette rupture ouvre droit pour l’apprenti à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.
Les articles L. 1221-19 et L. 1242-10 sont applicables lorsque après la rupture d’un contrat d’apprentissage, un nouveau contrat est conclu entre l’apprenti et un nouvel employeur pour achever la formation.
Il résulte de ce texte que le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties durant les deux premiers mois de l’apprentissage. Passé ce délai, la rupture du contrat ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le conseil de prud’hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l’une des parties à ses obligations ou en raison de l’inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
Selon une jurisprudence constante et ancienne, la rupture par l’employeur d’un contrat
d’apprentissage, hors les cas prévus par l’article L. 6222-18 est sans effet. Dès lors l’employeur est tenu, sauf en cas de mise à pied, de payer les salaires jusqu’au jour où le juge, saisi par l’une des parties, statue sur la résiliation ou, s’il est parvenu à expiration, jusqu’au terme du contrat
En vertu du même texte, la rupture convenue d’un commun accord doit être constatée par un écrit signé par les parties au contrat d’apprentissage et notifiée dans les conditions prévues par les textes, la rupture régulièrement convenue étant valable, peu important le motif invoqué.
De même, l’apprenti qui ne prouve pas que son comportement a été vicié ne peut revenir sur l’accord écrit de rupture du contrat d’apprentissage qu’il a signé.
Enfin, compte tenu de la finalité de l’apprentissage, l’employeur n’est pas tenu de procéder au reclassement de l’apprenti présentant une inaptitude de nature médicale et les dispositions des articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail ne sont pas applicables au contrat d’apprentissage.
En l’espèce, le contrat d’apprentissage conclu entre le centre d’apprentissage, la SAS Florette France Gms et Mme [H] [X] a été rompu par la signature du formulaire de résiliation le 11 janvier 2019, le motif coché par les parties étant ‘ rupture d’un commun accord entre l’apprenti et l’employeur ( aucune faute de l’une ou l’autre des parties ne peut motiver un tel accord. ) art L 6222-18 du code du travail’.
Mme [H] [X] soutient que ce sont ses conditions de travail qui on précipité la fin de son contrat d’apprentissage, et invoque le harcèlement moral, l’inadaptation du poste et le désengagement de la société dans son accompagnement.
Elle précise que cette situation à eu des répercussions sur son état de santé, provoquant une asthénie profonde qui a été médicalement constatée et renvoie en ce sens au certificat médical du Dr [M].
Elle en déduit qu’elle a signé cette rupture alors qu’elle était sous contrainte et dans un état de grande fragilité.
La SAS Florette France Gms fait valoir que Mme [H] [X] sur qui repose la charge de la preuve, n’apporte aucun élément permettant de caractériser un vice du consentement.
Elle rappelle que tout avait été mis en oeuvre pour accompagner au mieux Mme [H] [X] dans le cadre de son apprentissage, ainsi qu’en atteste la réunion tripartite du 27 septembre 2018 et le contrat d’accompagnement proposé ensuite de celle-ci par M. [Z] qui indique dans un courriel du 19 novembre 2018 : ‘ nous avons travaillé avec l’équipe pédagogique sur différents aménagements. Nous avons décidé d’intégrer ces aménagements dans le nouveau contrat d’accompagnement de [H]. Contrant comprenant maintenant 3 volets : 1. Volet en entreprise que vous connaissez. 2. Volet pour le centre de formation 3. Volet avec les obligations de [H].
Il a été entendu que le cadre de ce contrat ne serait pas dépassé et qu’il devait être accepté par [H] en l’état. Les parties ayant fait les compromis nécessaires.
En fonction, si de nouvelles difficultés apparaissaient avec [H], les parties contractantes ne pourront aller au-delà des engagements du contrat. Malgré les conséquences au niveau de l’obtention de son BTS STA et de son intégration professionnelle à moyen terme.’
Elle renvoie également à deux courriels de M. [Z] en date du 7 décembre 2018 dans lesquels il indique notamment, après avoir fait état des ‘difficultés récurrentes liées à la problématique apprentissage/handicap’, ‘ comme vous, le suivi de [H] a d’abord été organisé autour de ce qu’elle a déclaré sur sa surdité. Un an après nous découvrons donc, avec la dernière visite chez le médecin du travail, ce que nous pouvons nommer des handicaps associés. C’est le schéma souvent typique. Ces handicaps se déclarent en général un an après le démarrage du contrat, lorsque la personne se confronte au monde du travail et aux contraintes réelles de son poste. ( …) A ce stade, en étant qu’accompagnateur, j’avoue mes limites. (…) Je note cependant dans le mail, de [H] en date du 06/12 qu’elle présente deux fois ses excuses. J’ai l’impression d’une évolution de posture ( enfin’) Qu’en pensez-vous ‘ Depuis l’apparition du conflit, je n’avais pas observé cet élément qui était attend’ ; ‘ Le comportement de [H] met l’ensemble des acteurs de son parcours dans de réelles difficultés, il y a donc des limites. Limites que vous avons souhaités très clairement lui poser via le contrat d’accompagnement. Au vue des éléments cumulés et des nouveaux aspects apportés par le médecin du travail , l’entreprise FLORETTE disposes de la possibilité de mettre un terme au contrat d’apprentissage de [H] via un licenciement pour inaptitude, en lien avec le Dr [P] qui est en copie de mon mail. L’hypothèse de passer [H] sur un cursus scolaire est en étude au niveau du lycée. L’hypothèse de trouver une nouvelle entreprise pour finir son apprentissage est également envisagée. (…) Pour régler le différend apparu en avril, [H] semble avoir choisi le conflit, avec toutes ses conséquences’ ; tout en précisant que le licenciement pour inaptitude n’a jamais été envisagé en l’absence d’avis d’inaptitude du médecin du travail.
La SAS Florette France Gms rappelle enfin les circonstances dans lesquelles la rupture du contrat d’apprentissage a été effectuée, Mme [H] [X] étant accompagnée dans cette démarche par les personnes qui la suivaient au centre de formation, et renvoie en ce sens aux courriels de deux formatrices qui indiquent que Mme [H] [X] souhaitait, suite à une entretien avec elles, rompre son contrat d’apprentissage, outre celui de l’appelante qui exprime sa volonté de rupture du contrat et son souhait de bénéficier de congés sans solde jusqu’à la date de la rupture.
La SAS Florette France Gms en déduit que Mme [H] [X] était accompagnée dans son choix de rompre son contrat, et qu’elle a ensuite bénéficié de près d’un mois de réflexion avant la signature effective de la rupture, sans prendre la décision de revenir sur cette demande.
De fait, le harcèlement moral et l’inadaptation de son poste à son handicap dont se prévaut Mme [H] [X] pour caractériser la situation de contrainte dans laquelle elle se serait trouvée pour accepter la rupture conventionnelle de son contrat de travail ne sont pas caractérisés ainsi que cela a été jugé supra.
Concernant l’absence d’accompagnement par la SAS Florette France Gms dont se prévaut Mme [H] [X] dans le cadre de son apprentissage, outre que les éléments produits établissent que des recherches de solutions ont été effectuées lorsque des difficultés se sont présentées, en y associant les formateurs de cette dernière, les nombreux échanges produits par les parties démontrent au contraire une présence et un suivi tant interne que par les formateurs.
Par ailleurs, Mme [H] [X] a pris sa décision de rompre son contrat d’apprentissage lors d’entretiens avec ses formateurs, hors la présence de représentant de la SAS Florette France Gms, puis a formalisé son souhait et a bénéficié ensuite de plusieurs semaines de réflexion avant de signer le formulaire de rupture.
Dès lors, Mme [H] [X] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un vice du consentement qui viendrait remettre en cause la régularité de la rupture de son contrat d’apprentissage.
En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la rupture du contrat d’apprentissage n’était entachée d’aucun vice du consentement et ont débouté Mme [H] [X] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires présentées au titre de la rupture de ce contrat. Leur décision sera confirmée sur ce point.
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le conseil de prud’hommes d’Avignon,
Juge n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [H] [X] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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