L’Essentiel : L’agent d’exploitation a été engagé par la société Nord Security Services à partir du 15 décembre 1997. Suite à la cession de cette société à Securifrance, il a vu son poste évoluer en coordinateur en 2008. Titulaire de mandats syndicaux, il a saisi la juridiction prud’homale en 2014, invoquant discrimination syndicale et harcèlement moral. La cour d’appel a reconnu des éléments laissant présumer une discrimination, mais a constaté que l’employeur justifiait le coefficient attribué par l’accord collectif. L’agent a refusé plusieurs propositions d’affectation et a échoué aux épreuves de certification, ce qui a conduit la cour à débouter sa demande.
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Engagement et évolution professionnelleL’agent d’exploitation a été engagé par la société Nord Security Services à partir du 15 décembre 1997, avec une ancienneté reconnue depuis le 5 avril 1990. Suite à la cession de cette société à Securifrance, renommée Seris Security, l’agent a vu son poste évoluer en coordinateur par un avenant en date du 8 août 2008, tout en exerçant ses fonctions sur la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle. Mandats syndicaux et plainte pour discriminationL’agent d’exploitation était titulaire de plusieurs mandats syndicaux et de représentation du personnel. Le 29 juillet 2014, il a saisi la juridiction prud’homale, invoquant une discrimination syndicale et un harcèlement moral, et a demandé le paiement de dommages-intérêts ainsi que des rappels de salaires et de primes. Arguments de l’agent d’exploitationL’agent d’exploitation a contesté la décision de la cour d’appel qui l’a débouté de sa demande de reconnaissance de discrimination. Il a soutenu que, selon la loi, aucune mesure discriminatoire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié protégé, et que l’employeur devait le maintenir dans l’entreprise et le rémunérer comme s’il occupait toujours ses fonctions, en l’absence d’une autorisation de licenciement. Réponse de la cour d’appelLa cour d’appel a reconnu que les éléments avancés par l’agent, tels que la stagnation de son coefficient et l’absence d’affectation, laissaient présumer une discrimination syndicale. Cependant, elle a également constaté que l’employeur justifiait le coefficient attribué comme étant le seul prévu par l’accord collectif pour le poste de coordinateur, et que l’agent n’avait pas rempli les conditions nécessaires pour être affecté à des postes de sûreté aéroportuaire. Propositions d’affectation et échecs de certificationL’employeur a proposé à l’agent une affectation sur une autre zone aéroportuaire en avril 2014, proposition qu’il a refusée. De plus, après la perte d’un marché en mai 2015, l’agent ne s’est pas présenté à la formation requise et a également refusé une affectation sur le site de Roissy-Charles de Gaulle. En outre, il a échoué aux épreuves de certification en 2016 et 2017, ce qui l’a empêché d’exercer des activités de sûreté aéroportuaire. Conclusion de la cour d’appelLa cour d’appel a, par une appréciation souveraine des faits, conclu que les éléments laissant supposer une discrimination étaient justifiés par des raisons objectives, étrangères à toute discrimination syndicale. Ainsi, elle a légalement justifié sa décision de débouter l’agent d’exploitation de sa demande. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications de la discrimination syndicale selon le Code du travail ?La discrimination syndicale est prohibée par l’article L. 1132-1 du Code du travail, qui stipule que « nul ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, à raison de ses activités syndicales ou de sa qualité de représentant du personnel. » Cet article vise à protéger les salariés engagés dans des activités syndicales, en interdisant toute mesure qui pourrait nuire à leur situation professionnelle en raison de leur engagement. De plus, l’article L. 1134-1 précise que « toute modification du contrat de travail ou changement des conditions de travail d’un salarié protégé ne peut être imposé sans l’autorisation de l’inspecteur du travail. » Cela signifie qu’un salarié protégé doit conserver tous les éléments de sa rémunération tant que l’inspecteur du travail n’a pas donné son accord pour un licenciement. Ainsi, dans le cas d’un salarié protégé, l’employeur a l’obligation de maintenir le salarié dans l’entreprise et de le rémunérer comme s’il occupait ses fonctions antérieures, jusqu’à ce qu’une autorisation de licenciement soit obtenue. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié sa décision concernant la discrimination ?La cour d’appel a d’abord constaté que le salarié avait présenté des éléments laissant supposer une discrimination, notamment la stagnation de son coefficient et l’absence d’affectation depuis 2013. Cependant, elle a également relevé que l’employeur avait justifié que le coefficient 190 était le seul prévu par l’accord collectif pour le poste de coordinateur, ce qui est conforme à l’article L. 2141-5 du Code du travail, qui stipule que « les conventions collectives peuvent prévoir des classifications professionnelles. » L’arrêt a également noté que l’affectation à des postes de sûreté aéroportuaire nécessitait un double agrément administratif, qui n’avait pas été renouvelé en raison de l’absence de validation des formations nécessaires par le salarié. Ainsi, la cour a conclu que les éléments justifiant la situation du salarié étaient objectifs et étrangers à toute discrimination syndicale, ce qui a permis de légaliser la décision de l’employeur. Quelles sont les obligations de l’employeur envers un salarié protégé ?L’article L. 1132-1 du Code du travail impose à l’employeur de ne pas prendre de mesures discriminatoires à l’encontre d’un salarié en raison de ses activités syndicales. De plus, l’article L. 1134-1 stipule que « toute modification du contrat de travail d’un salarié protégé ne peut être effectuée sans l’autorisation de l’inspecteur du travail. » Cela signifie que l’employeur doit non seulement conserver le salarié protégé dans l’entreprise, mais aussi le rémunérer comme s’il continuait à exercer ses fonctions, tant que l’autorisation de licenciement n’a pas été obtenue. Dans le cas présent, l’employeur a respecté ces obligations en justifiant l’absence d’affectation du salarié par des éléments objectifs, tels que le non-renouvellement de son agrément et son refus d’accepter d’autres affectations. Ainsi, l’employeur a agi conformément aux dispositions légales en vigueur, ce qui a été validé par la cour d’appel. |
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 février 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
aisant fonction de président
Arrêt n° 127 F-D
Pourvoi n° U 23-20.188
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [I].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025
M. [L] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-20.188 contre l’arrêt rendu le 11 janvier 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l’opposant à la société Seris Security, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [I], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Seris Security, après débats en l’audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2023), M. [I] a été engagé par la société Nord Security Services en qualité d’agent d’exploitation à compter du 15 décembre 1997, avec reprise de son ancienneté à compter du 5 avril 1990. La société Nord Security Services a ensuite été cédée à la société Securifrance dans le cadre d’un plan de redressement par voie de cession arrêté par jugement du tribunal de commerce d’Arras du 21 janvier 2005, société nouvellement dénommée Seris Security.
2. Par avenant du 8 août 2008, M. [I] est devenu coordinateur, poste de la qualification d’agent d’exploitation. Il exerçait ses fonctions sur la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle.
3. Il était titulaire de plusieurs mandats syndicaux et de représentation du personnel.
4. Le 29 juillet 2014, invoquant une discrimination syndicale et un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud’homale pour demander le paiement de dommages-intérêts et de rappels de salaires et de primes.
Sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de débouter le salarié de sa demande tendant à juger qu’il a été victime de discrimination
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande tendant à juger qu’il a été victime de discrimination, alors « qu’aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire à raison de ses activités syndicales ; qu’aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé, qui a droit au maintien de tous les éléments de rémunération antérieurement perçus aussi longtemps que l’inspecteur du travail n’a pas autorisé son licenciement ; que dès lors, en l’absence de renouvellement de l’habilitation administrative nécessaire à l’exercice de ses fonctions, l’employeur est tenu non seulement de conserver le salarié protégé dans l’entreprise, mais encore de le rémunérer comme s’il continuait à occuper les fonctions qu’il occupait auparavant, jusqu’à l’obtention de l’autorisation de licenciement délivrée par l’inspecteur du travail ; qu’en l’espèce, après avoir retenu que les éléments invoqués par M. [I], en l’occurrence son absence d’évolution de carrière, son absence d’affectation depuis plusieurs années et le fait que son coefficient soit toujours demeuré à 190 contrairement à certains de ses collègues, laissaient présumer l’existence d’une discrimination, la cour d’appel a retenu que sa situation était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, dès lors que l’employeur lui avait attribué le seul coefficient prévu par l’accord collectif au poste de coordinateur, et que son affectation à des postes de sûreté aéroportuaire supposait le renouvellement d’un double agrément administratif et la validation de formations que M. [I] n’avait pas validées, sans que l’employeur puisse en être tenu responsable ; qu’en se déterminant par de tels motifs inopérants, quand l’employeur n’avait jamais demandé l’autorisation de licencier ce salarié protégé malgré son absence d’affectation depuis plusieurs années, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail. »
6. D’abord, ayant estimé que, parmi les éléments invoqués par le salarié, sont établis ceux relatifs à la stagnation de son coefficient et de sa carrière, à l’absence d’affectation depuis 2013 et de différence de traitement, l’arrêt retient qu’ils laissent supposer l’existence d’une discrimination syndicale.
7. Ensuite, l’arrêt constate que l’employeur justifie que le coefficient 190 est le seul coefficient prévu par l’accord collectif au poste de coordinateur, auquel le salarié a accédé le 8 août 2008, que l’affectation du salarié à des postes de sûreté aéroportuaire nécessite plusieurs conditions, notamment un double agrément du procureur de la République et du préfet et une autorisation d’accès aux zones sécurisées d’activité, que le double agrément a été accordé pour une durée d’une année au mois d’octobre 2011 et qu’il n’a été fait droit à la demande de renouvellement que le 5 avril 2013, que l’employeur démontre qu’au mois de septembre 2013, le salarié n’a pas validé les formations nécessaires, que le renouvellement du double agrément n’a de nouveau pas été accordé au mois de décembre 2013 et que, par la suite, le salarié n’a pas renseigné le document nécessaire à l’obtention de son titre de circulation en zone sécurisée sur l’aéroport.
8. Puis, l’arrêt relève que l’employeur a proposé au salarié une affectation sur une autre zone aéroportuaire au mois d’avril 2014 qu’il a refusée, qu’après la perte du marché Aéroport de Paris à compter du mois de mai 2015, le salarié ne s’est pas présenté à la formation préalable, puis a refusé une affectation sur le site de Roissy-Charles de Gaulle.
9. L’arrêt constate enfin que le salarié a échoué aux épreuves de certification organisées à la fin de l’année 2016 et au mois de novembre 2017, ce qui ne lui permettait plus d’exercer des activités de sûreté aéroportuaire et que l’employeur lui a ensuite proposé des affectations, sans réponse du salarié.
10. Par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a ainsi estimé que les faits laissant supposer l’existence d’une discrimination étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale, a légalement justifié sa décision.
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