L’Essentiel : L’avocat de M. [Y] conteste le manque de diligence du préfet, arguant qu’aucune action n’a été entreprise auprès des autorités consulaires entre le 3 et le 26 décembre 2024. Il souligne que le silence des autorités indique l’absence de perspectives d’éloignement, soutenu par une attestation de radiation de M. [Y] depuis le 8 juin 2018. L’appel est jugé recevable, et selon l’article L. 741-3 du Ceseda, un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. La cour conclut que l’éloignement de M. [Y] n’est pas compromis et confirme l’ordonnance du juge.
|
Exposé du LitigeL’avocat de M. [G] [Y] conteste le manque de diligence du préfet, soulignant qu’aucune action n’a été entreprise auprès des autorités consulaires entre le 3 et le 26 décembre 2024. Il fait également valoir que le silence des autorités consulaires indique l’absence de perspectives d’éloignement, soutenu par une attestation de radiation de M. [Y] de la population depuis le 8 juin 2018. L’avocat demande l’infirmation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention. Motifs de l’AppelL’appel est jugé recevable, ayant été formé dans les délais et les formes légales. Concernant les perspectives d’éloignement, l’article L. 741-3 du Ceseda stipule qu’un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, et l’administration doit agir avec diligence. L’article L. 742-4 précise les conditions dans lesquelles un magistrat peut prolonger la rétention au-delà de trente jours. Situation de M. [Y]M. [Y] ne possède pas de document de voyage valide et a été condamné à quatre ans d’emprisonnement pour des faits liés à une association de malfaiteurs. Libéré le 3 décembre 2024, il représente une menace pour l’ordre public, ayant lui-même déclaré que ses demandes de pièces d’identité françaises ont été refusées et que son passeport est périmé. Diligences du PréfetLe préfet a contacté les autorités consulaires le 3 et le 26 décembre 2024, permettant ainsi des vérifications. L’administration ne peut contraindre les autorités consulaires, et l’absence de réponse ne peut être imputée à un manquement de sa part. La préfecture a justifié les diligences effectuées pour permettre l’exécution des mesures à l’encontre de M. [Y]. Perspectives d’ÉloignementSelon l’article 15.4 de la directive 2008/115/CE, la rétention n’est plus justifiée si aucune perspective raisonnable d’éloignement n’existe. Cependant, il n’est pas prouvé que l’éloignement de M. [Y] soit devenu impossible. Les autorités consulaires n’ont pas encore indiqué qu’elles refusaient son retour, et des vérifications supplémentaires sont nécessaires concernant sa nationalité. Conclusion de la CourLa cour conclut que l’éloignement de M. [Y] n’est pas compromis et que les arguments présentés par lui doivent être rejetés. L’ordonnance du juge des libertés et de la détention est confirmée, et l’appel est déclaré recevable. Les dépens sont laissés à la charge du Trésor Public. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de la rétention administrative d’un étranger ?La rétention administrative d’un étranger est régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Selon l’article L. 741-3 du Ceseda : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. » Cet article souligne que la rétention ne doit pas être prolongée au-delà de ce qui est nécessaire pour organiser l’éloignement de l’étranger. De plus, l’article L. 742-4 précise les conditions dans lesquelles un magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de trente jours. Les cas incluent : 1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ; 2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ; 3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison : a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ; b) de l’absence de moyens de transport. Il est donc essentiel que l’administration prouve qu’elle a exercé toutes les diligences nécessaires pour permettre l’éloignement de l’étranger. Quelles sont les obligations de l’administration en matière de diligence pour l’éloignement ?L’administration a l’obligation de démontrer qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour organiser l’éloignement de l’étranger. L’article L. 741-3 du Ceseda stipule que : « L’administration exerce toute diligence à cet effet. » Cela signifie que le préfet doit agir rapidement et efficacement pour obtenir les documents nécessaires à l’éloignement. Dans le cas de M. [Y], le préfet a saisi les autorités consulaires le 3 décembre 2024 et le 26 décembre 2024. Cette action montre que l’administration a tenté de respecter ses obligations, même si le silence des autorités consulaires peut soulever des questions sur l’efficacité de ces démarches. Il est également important de noter que, selon le principe de souveraineté des États, l’administration n’a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires. Ainsi, l’absence de réponse des autorités consulaires ne peut pas être imputée à l’administration. Quelles sont les conséquences d’un manque de perspective raisonnable d’éloignement ?L’article 15.4 de la directive 2008/115/CE stipule que : « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres, ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté. » Cela signifie que si l’administration ne peut pas prouver qu’il existe une perspective raisonnable d’éloignement, la rétention de l’étranger doit cesser. Dans le cas de M. [Y], bien que des doutes aient été soulevés concernant sa nationalité et l’absence de documents de voyage, il n’a pas été établi que l’éloignement était impossible. Les autorités consulaires n’ont pas indiqué qu’elles refusaient le retour de M. [Y], ce qui signifie que la situation n’est pas encore désespérée. Ainsi, la cour a jugé que la rétention pouvait continuer, car il n’était pas prouvé que l’éloignement était compromis. Comment le juge des libertés et de la détention évalue-t-il les demandes de prolongation de rétention ?Le juge des libertés et de la détention a pour mission d’évaluer les diligences accomplies par l’administration pour justifier la prolongation de la rétention. Il doit s’assurer que l’étranger n’est maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’article L. 742-4 du Ceseda précise que le juge peut être saisi pour prolonger la rétention dans des cas spécifiques, notamment en cas d’urgence ou d’obstruction à l’éloignement. Dans le cas de M. [Y], le juge a constaté que le préfet avait agi en saisissant les autorités consulaires. Il a également noté que M. [Y] représentait une menace pour l’ordre public, ce qui justifiait la poursuite de la rétention. Ainsi, le juge a confirmé l’ordonnance de maintien en rétention, considérant que les conditions légales étaient remplies. |
N° 25/05
N° RG 25/00007 – N° Portalis DBVL-V-B7J-VQMJ
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Nous, Fabienne CLÉMENT, présidente à la cour d’appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Lorna MARSHALL, greffière,
Statuant sur l’appel formé le 03 Janvier 2025 à 16h44 par la CIMADE pour :
M. [G] [Y]
né le 01 Juillet 1985 à [Localité 1] (SURINAME)
de nationalité Surinamienne
ayant pour avocat Me Enzo SEMINO, avocat au barreau de RENNES
d’une ordonnance rendue le 02 Janvier 2025 à 17h16 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [G] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 2 janvier à 24 heures ;
En l’absence de représentant de la PREFECTURE D’EURE ET LOIR, dûment convoqué,
En l’absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 3 janvier 2025 lequel a été mis à disposition des parties.
En présence de [G] [Y], assisté de Me Enzo SEMINO, avocat, et de madame [S] [R], interprète en langue néerlandaise ayant prêté serment à l’audience
Après avoir entendu en audience publique le 4 janvier 2025 à 11h 00 l’appelant assisté de madame [R] et son avocat en leurs observations,
Avons mis l’affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :
Par arrêté du l8 novembre 2024 notifié le même jour, le Préfet d’Eure et Loir a fait obligation à M. [G] [Y] de quitter le territoire français.
Par arrêté du 29 novembre 2024, le Préfet d’Eure et Loir a placé M. [Y] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Cette décision a été notifiée le 3 décembre 2024 à M. [Y].
Par requête du 3 décembre 2024 M. [Y] a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes d’une contestation de la régularité de l’arrêté de placement en rétention.
Par requête du 6 décembre 2024 le Préfet d’Eure et Loir a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes d’une demande de prolongation de la rétention.
Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 7 décembre 2024 à 18 h 20 qui a ordonné la prolongation du maintien de M.[G] [Y] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 26 jours à compter du 7 décembre 2024 à 24 heures.
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 10 décembre 2024 à 15 heures qui a confirmé l’ordonnance du magistrat du siège de tribunal judiciaire de Rennes du 7 décembre 2024.
Vu l’ordonnance rendue le 2 janvier 2025 à 17 h 16 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes qui a ordonné la prolongation du maintien de M.[G] [Y] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 30 jours à compter du 2 janvier 2025 à 24 heures.
L’ordonnance a été notifiée le 2 janvier 2025 à M. [G] [Y].
Au titre des moyens soutenus en appel, l’avocat de M.[G] [Y] vise le défaut de diligence du préfet en indiquant qu’entre le 3 décembre 2024 et le 26 décembre 2024 le préfet n’a effectué aucune diligence auprès des autorités consulaires.
Il ajoute que le silence des autorités consulaires démontrent qu’il n’existe pas de perspective raisonnable d’éloignement d’autant que la soeur de M. [Y] fournit une attestation de radiation de M. [Y] de la population depuis le 8 juin 2018.
Il conclut à l’infirmation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.
A l’audience M.[G] [Y] précise qu’il veut voir ses enfants et faire des démarches pour travailler en France.
L’appel, formé dans les délais et formes légaux, est recevable.
Sur les perspectives d’éloignement :
Aux termes de l’article L. 741-3 du Ceseda :
Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.
L’article L742-4 ajoute :
Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.
L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.
Il appartient au juge des libertés et de la détention, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ aux fins notamment d’organiser son éloignement.
M. [Y] n’est pas en possession d’un document de voyage ou d’identité valide. Il a été condamné à une peine de 4 ans d’emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel du Mans pour des faits d’offre ou cession et participation à une association de malfaiteurs et a été écroué le 13 mai 2022. Il a été libéré en fin de peine le 3 décembre 2024.
Il représente donc une menace grave et actuelle à l’ordre public. Devant le juge des libertés et de la détention à l’audience du 2 janvier 2025, il indique lui même que des pièces d’identité françaises lui ont été refusées et que son passeport est périmé.
Le préfet a saisi les autorités consulaires le 3 décembre 2024 puis le 26 décembre 2024, laissant ainsi le temps aux autorités consulaires de faire des vérifications.
L’administration n’a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires en application du principe de souveraineté des Etats, en sorte que l’absence de réponse suite aux saisines du préfet ne saurait être reprochée à l’administration.
La préfecture justifie ainsi des diligences accomplies dans les suites du placement en rétention administrative aux fins de permettre l’exécution des mesures prises à l’encontre de M. [Y].
L’article 15.4 de la directive 2008/115/CE prévoit que lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres, ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.
Il n’est pas établi que toute mesure éloignement soit devenue impossible. L’absence de réponse, des autorités consulaires ne signifie pas qu’elles ne répondront pas dans le temps de la rétention.
Pour l’heure elles n’ont pas indiqué que l’éloignement était impossible et qu’elles refusaient le retour.
La cour ignore dans quelles conditions l’attestation communiquée à l’audience a été obtenue.
En tout état de cause il n’est pas établi que M. M. [Y] n’ait plus la nationalité du Suriname. Des vérifications sont donc encore nécessaires auprès des autorités consulaires.
En outre, il n’est pas établi que la situation du Suriname et/ou ses relations avec la France compromettent l’éloignement de M. [Y].
L’éloignement de M. [Y] n’est donc pas compromis.
C’est donc par une motivation pertinente qu’il convient d’adopter que le juge des libertés et de la détention de Rennes a retenu que les moyens présentés par M. [Y] devait être rejetés.
Il convient donc de confirmer l’ordonnance critiquée.
Statuant publiquement,
Déclarons l’appel recevable ;
Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 2 janvier 2025 ;
Laissons la charge des dépens au Trésor Public.
Fait à Rennes, le 04 Janvier 2025 à 14h00
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LA PRESIDENTE,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [G] [Y], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier
Laisser un commentaire