L’Essentiel : La diffamation sur Instagram peut avoir des conséquences juridiques sérieuses. L’article 145 du code de procédure civile permet d’identifier l’auteur d’un contenu illicite, comme les publications diffamatoires. Dans une affaire récente, la société Volotea a intenté une action contre Meta Platforms pour obtenir l’identité d’un utilisateur ayant publié des accusations graves. Les juges ont reconnu un motif légitime pour cette demande, soulignant que les publications portaient atteinte à l’honneur des salariés. Ainsi, Meta a été ordonnée de fournir les données d’identification de l’utilisateur, renforçant l’importance de la responsabilité sur les réseaux sociaux.
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L’article 145 du code de procédure civile est la clef de voute de l’identification du titulaire d’un compte Instagram à l’origine d’un contenu illicite. Publications Instagram diffamatoiresEn l’espèce, les publications instagram, qui imputent à la société Volotea et à ses salariés la responsabilité d’infractions pénales, sont susceptibles d’être qualifiées de diffamation. Par ailleurs, ces publications qui comportent les photographies des salariés sans que ceux-ci aient donné leur autorisation portent atteinte à leur droit à l’image et à leur considération. Motif légitime fondéIl existe ainsi un motif légitime pour la société, dans la perspective d’une éventuelle action en justice afin de mettre en cause sa responsabilité, de solliciter la communication des données permettant l’identification de l’auteur des propos litigieux. Communication des données d’identificationIl a été en conséquence ordonné à la société Meta Platforms Ireland Limited de communiquer les éléments d’identification de base des utilisateurs du titulaire du compte Instagram fautif. L’article 145 du code de procédure civileSelon les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, toute mesure d’instruction peut être ordonnée par le juge des référés s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Il en résulte que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l’établir, mais qu’il doit justifier d’éléments les rendant crédibles et de ce que le procès en germe en vue duquel il sollicite la mesure n’est pas dénué de toute chance de succès. Ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte. Aucune mesure ne peut être accordée pour suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve ne s’applique pas aux procédures fondées sur l’article 145 du code de procédure civile. Il suffit qu’il existe des indices permettant de supposer la production des faits qu’il s’agit de prouver, l’objet de la demande de mesure d’instruction pouvant être non seulement de conserver des preuves mais également de les établir. Par ailleurs, selon l’article 6.II de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique tel que modifié par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 : « Dans les conditions fixées aux II bis, III et III bis de l’article 34-1 du code des postes et communications électroniques, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I du présent article détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires. Elles fournissent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d’identification prévues au III. Les données mentionnées ci-avant, comme la durée et les modalités de leur conservation, ont été précisées par le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne, pris en application du II de l’article 6 de la loi sur la confiance en l’économie numérique ». COUR D’APPEL DE BORDEAUX 1ère CHAMBRE CIVILE ————————– ARRÊT DU : 20 SEPTEMBRE 2023 N° RG 22/05207 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7FJ [W] [V] [G] [S] [H] [T] Société VOLOTEA c/ Société META PLATFORMS IRELAND LIMITED(INSTAGRAM) Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE Grosse délivrée le : 20 septembre 2023 aux avocats Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 31 octobre 2022 par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX ( RG : 22/01346) suivant déclaration d’appel du 15 novembre 2022 APPELANTS : [W] [V] née le [Date naissance 4] 1991 à [Localité 13] (Italie) de nationalité Italienne, demeurant [Adresse 14] – [Localité 2] ESPAGNE [G] [S] née le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 10] (64) de nationalité Française, demeurant [Adresse 9] – [Localité 6] [H] [T] né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 15], demeurant [Adresse 8] – [Localité 6] Société VOLOTEA société de droit étranger agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 16] – [Localité 1] ESPAGNE Représentés par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés par Me Thomas FERNANDEZ-BONI de la SELARL NORTHERN LIGHTS, avocat au barreau de TOULOUSE INTIMÉ E : Société META PLATFORMS IRELAND LIMITED(INSTAGRAM) Société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 7] – [Localité 12] IRLANDE Représentée par Me Laurène D’AMIENS de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle LOUWERSE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de: Président : M. Roland POTEE Conseiller : Mme Isabelle LOUWERSE magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles Conseiller : Mme Bérengère VALLEE Greffier : Mme Séléna BONNET ARRÊT : – contradictoire – prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Exposé du litige
* * * EXPOSE DU LITIGE. Exposant que différentes publications, parues sur un compte Instagram intitulé ‘[011]’ les 19, 26 avril, 3 et 10 mai 2022, constituent des publications manifestement diffamatoires en ce qu’elles évoquent des notions d’escroquerie, de proxénétisme et d’esclavage dont la compagnie Volotea, fournisseur du service Instagram, se serait rendue coupable et en ce qu’elles constituent des dénigrements portant atteinte à leur droit à l’image, à leur honneur et à leur considération, la société de droit espagnol Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et M. [H] [T] ont, par acte du 28 juin 2022, fait assigner la société Meta Platforms Ireland Limited devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, afin, au visa de l’article 835 du code de procédure civile et de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de : – lui voir ordonner sous astreinte de 2000 euros par jour de retard de cesser d’héberger des publications sur son réseau ‘Instagram’ ; – lui voir ordonner sous une astreinte identique de leur communiquer l’identité de l’éditeur du compte Instagram où ces publications sont parues ; – la voir condamner à leur verser 3.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Par ordonnance du 31 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a : – débouté la société Volotea, Mme [V], Mme [S] et M. [T] de l’ensemble de leurs demandes ; – débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamné in solidum la société Volotea, Mme [V], Mme [S] et M. [T] aux dépens. Par déclaration du 15 novembre 2022, Mme [V], Mme [S], M. [T] et la société Volotea ont relevé appel de cette ordonnance. Par ordonnance du 16 janvier 2023, l’affaire relevant de l’article 905 du code de procédure civile a été fixée pour être plaidée à l’audience de plaidoiries du 28 juin 2023 avec clôture de la procédure au 14 juin 2023. MoyensAux termes de leurs conclusions notifiées le 2 mai 2023, les appelants demandent à la cour, sur le fondement des articles 16, 145, 834 et 835 du code de procédure civile, 29 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 9 du code civil, 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de : – infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a : – débouté les appelants de l’ensemble de leurs demandes et dit prescrite leur action – débouté les appelants de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamné les appelants solidairement aux dépens ; Réformant l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau : – ordonner, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à la société Meta Platforms Ireland Ltd de communiquer l’identité de l’éditeur du compte Instagram dont le nom d’utilisateur est «[011]» et accessible à l’adresse https://www.instagram.[011]/ ou, à défaut d’en disposer, de communiquer toute information de nature à permettre l’identification dudit utilisateur (en ce compris son adresse physique, son adresse électronique, son numéro de téléphone, son adresse IP, etc.), sous astreinte de 2.000 € par jour de retard passé le délai de 3 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ; – condamner la société Meta Platforms Ireland Ltd à payer à chacun des appelants la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamner la société Meta Platforms Ireland Ltd aux entiers dépens. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 mars 2023, l’intimée demande à la cour, sur le fondement des articles 6.II de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, 145 et 700 du code de procédure civile, L.131-1 et L.131-2 du code des procédures civiles d’exécution, de : – confirmer l’ordonnance rendue le 31 octobre 2022 par M. le président du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’elle a : – jugé que la demande de communication des informations relatives au compte instagram « [011] » formulée par la société S.L.Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et M. [H] [T] doit être appréciée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ; – débouté la société S.L. Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et M. [H] [T] de leur demande au titre de l’article 700 du code de Procédure Civile ; – condamné la société S.L. Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et M. [H] [T] aux dépens ; – En conséquence, Sur la demande de communication des informations d’identification relatives au compte Instagram, – donner acte à la société Meta Platforms Ireland Limited de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant à la recevabilité et l’opportunité de la demande de communication des informations relatives au compte Instagram « [011] » accessible à l’adresse https://www.instagram.com/[011]/ sous réserve que soient respectées les conditions cumulatives suivantes : (i) cette communication est limitée aux informations d’identification de base des utilisateurs du titulaire du compte Instagram « [011] » accessible à l’adresse https://www.instagram.com/[011]/ qui comprennent les informations suivantes : pseudonyme utilisé (« vanity name ») ; nom ou adresse(s) e-mail ou numéro de téléphone du compte au moment de la production des données ; date, heure et adresses IP correspondant au moment de la création du compte ; ainsi que la date, l’heure et les adresses IP correspondant aux récents logins (connexions), sans garantie quant à leur exhaustivité ou à leur complétude, (ii) il ne soit pas ordonné à la société Meta Platforms Ireland Limited de communiquer d’autres données que ces informations d’identification de base mentionnées au point (i) ci-dessus dans la mesure où ces données existent et lui sont raisonnablement accessibles, et que, (iii) il ne soit pas ordonné à la société Meta Platforms Ireland Limited de communiquer ces données sous astreinte. – rejeter toute demande de la société S.L. Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et M. [H] [T] qui ne remplirait pas les conditions susvisées ; Si la Cour devait faire droit à la demande de communication, Sur la demande d’assortir la décision à intervenir d’une astreinte, – débouter la société S.L. Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et M. [H] [T] de leur demande tendant à voir assortir la décision à intervenir d’une astreinte comme étant infondée, injustifiée et disproportionnée ; – A tout le moins, ordonner une astreinte provisoire, En tout état de cause, y ajoutant, Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, – débouter la société S.L. Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et [H] [T] de leur demande de paiement de la somme de 4 000 euros à chacun des appelants au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamner solidairement la société S.L. Volotea, Mme [W] [V], Madame [G] [S] et M. [H] [T] à verser à la société Meta Platforms Ireland Ltd la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamner solidairement la société S.L. Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et M. [H] [T] aux entiers dépens. Le 21 juin 2023, les appelants ont notifié de nouvelles conclusions aux termes desquelles ils maintiennent leurs demandes telles qu’exposées dans leurs conclusions du 2 mai 2023. Par application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expréssément fait référence aux conclusions susvisées pour un exposé complet des prétentions et des moyens en fait et en droit développés par chacune des parties. Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION. Sur la recevabilité des conclusions notifiées le 21 juin 2023. Les intimés ne se sont pas opposés au report de la clôture en sorte que celle-ci est reportée au jour de l’audience des plaidoiries. Sur la prescription. Les appelants font valoir que la prescription de trois mois retenue par le juge des référés, prévue par l’alinéa 1er de l’article 65 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 a été interrompue par les divers actes de procédures accomplis, exposant ensuite que la prescription a été retenue sans qu’un débat contradictoire n’ait été instauré sur ce point. L’intimée n’a pas fait valoir de moyen sur ce point, s’en rapportant à justice. Aux termes de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, alinéas 1 et 2 ‘L’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait. Toutefois, avant l’engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d’enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l’enquête est ordonnée.’ La courte prescription édictée par ce texte peut être interrompue par tout acte régulier de procédure manifestant l’intention du requérant de poursuivre son action. C’est en l’espèce à juste titre que les appelants exposent que la prescription des quatre publications intervenues les 19 avril 2022, 26 avril 2022, 3 mai 2022 et 10 mai 2022 a été interrompue par les divers actes de procédure intervenus soit l’assignation du 24 juin 2022, les actes de formalités du règlement européen (CE) n°1393/2007 (signification de l’assignation dans un Etat-membre de l’UE le 28 juin 2022), la signification au ministère public le 23 septembre 2022, l’audience de plaidoiries du 26 septembre 2022, l’ordonnance de référé du 31 octobre 2022, la déclaration d’appel du 15 novembre 2022, l’ordonnance de fixation du 16 janvier 2023, la notifications des conclusions d’appelant des 2 mai 2023 et 21 juin 2023. Il convient donc d’infirmer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a déclaré prescrite l’action des appelants. Sur la demande. Les appelants fondent désormais leur demande sur l’article 145 du code de procédure civile, ce sur quoi les intimés ont également conclu et dont il s’évince qu’il n’y a pas lieu d’entrer dans la discussion développée par les appelants relative à la procédure accélérée au fond telle que prévue par l’article 6.I.8 alinéa 1 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique n°2002-575, lui-même introduit par la loi n°2021-1109 du 24 août 2021. La société Meta Platforms Irelands Limited explique, sans contester le principe de la demande, qu’elle ne détient que les données d’identification relatives aux comptes utilisateurs actifs du service Instagram et qu’elle ne peut produire les données relatives à un compte utilisateur que si ces informations existent et sont raisonnablement accessibles, et uniquement sur la base d’une décision de justice, ne pouvant produire des données qui ne sont pas en sa possession. Elle s’en rapporte à justice sur la communication des données du titulaire du compte Instagram concerné, sous réserve cependant qu’aucune astreinte assortissant cette communication ne soit prononcée et qu’aucun paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne soit octroyé et que soit réunies les conditions de l’article 145 du code de procédure civile sur le fondement duquel peut seule être ordonnée la mesure sollicitée. Selon les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, toute mesure d’instruction peut être ordonnée par le juge des référés s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Il en résulte que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l’établir, mais qu’il doit justifier d’éléments les rendant crédibles et de ce que le procès en germe en vue duquel il sollicite la mesure n’est pas dénué de toute chance de succès. Ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte. Il sera rappelé que la règle selon laquelle aucune mesure ne peut être accordée pour suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve ne s’applique pas aux procédures fondées sur l’article 145 du code de procédure civile. Il suffit qu’il existe des indices permettant de supposer la production des faits qu’il s’agit de prouver, l’objet de la demande de mesure d’instruction pouvant être non seulement de conserver des preuves mais également de les établir. Par ailleurs, selon l’article 6.II de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique tel que modifié par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, applicable à la présente espèce, ‘Dans les conditions fixées aux II bis, III et III bis de l’article 34-1 du code des postes et communications électroniques, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I du présent article détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires. Elles fournissent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d’identification prévues au III. Les données mentionnées ci-avant, comme la durée et les modalités de leur conservation, ont été précisées par le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne, pris en application du II de l’article 6 de la loi sur la confiance en l’économie numérique. Les appelants exposent avoir découvert que le réseau social Instagram hébergeait, au sens de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, quatre publications, diffusées respectivement les 19 et 26 avril, 3 et 10 mai 2022 sur le compte Instagram dont le username est «[011]» et accessible à l’adresse : https://www.instagram.com/[011]/, lequelles sont diffamatoires à leur égard et constituent des atteintes à leur honneur et à leur considération. La réalité de ces publications qui ont fait l’objet de procès-verbaux de constat dressés par Maître [I], huissier de justice, en dates des 2, 10 et 11 mai 2022, n’est pas contestée, pas davantage que leur caractère diffamatoire au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui prévoit, dans son premier alinéa, que : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expresse’ ment nomme’ s, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. » Il résulte en effet des pièces produites que la première publication en date du 19 avril 2022 de l’utilisateur « [011] » accessible à l’adresse https://www.instagram.com/p/Ccg6MxsK7x9/ représente Mme [W] [V] en lui prêtant le propos selon lequel « (sa) paye serait si basse qu'(elle) serait contrainte de prendre un travail supplémentaire » et en la représentant dans une tunique en cuir, dans une position suggestive et à proximité d’une enseigne néon représentant une femme dénudée, revêtue du signe verbal « live », associée à la marque de la société Volotea, ces faits pouvant être constitutifs du délit de proxénétisme, réprimé par l’article 225-5 du code pénal. La seconde publication, en date du 26 avril 2022, de l’utilisateur «[011] » accessible à l’adresse https://www.instagram.com/p/CcyyM9zKCcN/ prête à Mme [G] [S] le propos selon lequel elle « aurait toujours rêvé de devenir esclave » et que « Volotea a réalisé (son) rêve », ce qui peut être constitutif pour la société Volotea du crime d’esclavagisme, réprimé par l’article 224-1 B du Code pénal. La troisième publication, en date du 3 mai 2022 de l’utilisateur « [011] » accessible à l’adresse https://www.instagram.com/p/CdE2wEbp8zG/ , prête à M. [H] [T], ès-qualités de directeur des ressources humaines de la société Volotea, le propos selon lequel ‘Si vous aimez vous faire avoir, rejoignez-nous’, imputant tant à ce dernier qu’à la société Volotea le délit d’escroquerie, réprimé par l’article 313-1 du code pénal. La quatrième publication Instagram en date du 10 mai 2022 de l’utilisateur «[011] » accessible à l’adresse https://www.instagram.com/p/CdW0rZTpvdW/, représente sur le fuselage d’un Boeing 717 de la compagnie Volotea, la baseline « CHEAP FLIGHTS CHEAP STAFF », ce qui sous-entend que les personnels de la société Volotea seraient soit (très) mal payés, soit incompétents ou de bas de gamme. Figure par ailleurs sous la marque Volotea, la baseline « HELL’S AIRLINE » ce qui insinue que les conditions de travail au sein de la société Volotea relèveraient de l’enfer. Les publications susvisées, qui imputent à la société Volotea et à ses salariés la responsabilité d’infractions pénales, sont susceptibles d’être qualifiées de diffamation. Par ailleurs, ainsi que le soutiennent à juste titre les appelants, ces publications qui comportent les photographies des salariés sans que ceux-ci aient donné leur autorisation portent atteinte à leur droit à l’image et à leur considération. Il existe ainsi un motif légitime pour les appelants, dans la perspective d’une éventuelle action en justice afin de mettre en cause sa responsabilité, de solliciter la communication des données permettant l’identification de l’auteur des propos litigieux. L’ordonnance déférée doit donc être infirmée en ce qu’elle a débouté les appelants de leur demande. Il sera en conséquence ordonné à la société Meta Platforms Ireland Limited de communiquer les éléments d’identification de base des utilisateurs du titulaire du compte Instagram «[011] » accessible à l’adresse https://www.instagram.com/[011]/ ou à l’adresse https://www.instagram.[011]/ qui comprennent les informations suivantes : pseudonyme utilisé (« vanity name ») ; nom ou adresse(s) e-mail ou numéro de téléphone du compte au moment de la production des données ; date, heure et adresses IP correspondant au moment de la création du compte ; ainsi que la date, l’heure et les adresses IP correspondant aux récents logins (connexions). Afin d’assurer l’exécution de la décision, une astreinte sera ordonnée comme précisé au dispositif suivant. Sur les mesures accessoires. En raison de la nature de l’affaire les dépens seront laissés à la charge des appelants. L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile. DispositifPar ces motifs, La Cour, Ordonne le report de la clôture de la procédure au jour de l’audience des plaidoiries, Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Enjoint la société Meta Platforms Ireland Limited de communiquer à la SA Volotea, Mme [W] [V], Mme [G] [S] et M. [H] [T] les éléments d’identification de base des utilisateurs du titulaire du compte Instagram «[011] » accessible à l’adresse https://www.instagram.com/[011]/ ou à l’adresse https://www.instagram.[011]/ qui comprennent les informations suivantes : pseudonyme utilisé (« vanity name ») ; nom ou adresse(s) e-mail ou numéro de téléphone du compte au moment de la production des données ; date, heure et adresses IP correspondant au moment de la création du compte ; ainsi que la date, l’heure et les adresses IP correspondant aux récents logins (connexions), et ce, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un mois, Dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile, Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge des appelants. Le présent arrêt a été signé par Madame Bérengère VALLEE, conseiller, en remplacement de Monsieur Roland POTEE, président, légitimement empêché, et par Madame Séléna BONNET , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier, Le Président, |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le rôle de l’article 145 du code de procédure civile dans ce contexte ?L’article 145 du code de procédure civile est essentiel pour permettre l’identification des auteurs de contenus illicites, notamment sur les réseaux sociaux comme Instagram. Il stipule que le juge des référés peut ordonner des mesures d’instruction si un motif légitime est établi pour conserver ou établir des preuves avant un procès. Cette disposition est particulièrement pertinente dans les cas de diffamation, où la victime doit prouver l’existence de faits pouvant justifier une action en justice. Le demandeur n’a pas besoin de prouver la véracité de ses allégations à ce stade, mais doit fournir des éléments crédibles qui laissent supposer que son action n’est pas dénuée de chances de succès. Ainsi, l’article 145 permet aux victimes de contenus diffamatoires d’obtenir des informations sur l’identité des auteurs, facilitant ainsi la protection de leurs droits. Quelles sont les implications des publications Instagram diffamatoires pour la société Volotea ?Les publications Instagram en question imputent à la société Volotea et à ses employés des infractions pénales, ce qui peut avoir des conséquences juridiques et réputationnelles significatives. En effet, ces publications évoquent des notions graves telles que l’escroquerie, le proxénétisme et l’esclavage, ce qui peut nuire à l’image de la société et à la considération de ses employés. De plus, ces publications portent atteinte au droit à l’image des salariés, car elles utilisent leurs photographies sans autorisation. Cela constitue une violation de leur droit à la vie privée et peut entraîner des actions en justice pour obtenir réparation. La société Volotea a donc un motif légitime pour demander la communication des données permettant d’identifier l’auteur des propos litigieux, afin de protéger ses intérêts et ceux de ses employés. Comment la société Meta Platforms Ireland Limited a-t-elle été impliquée dans cette affaire ?La société Meta Platforms Ireland Limited, qui gère Instagram, a été ordonnée de communiquer les données d’identification des utilisateurs du compte Instagram à l’origine des publications diffamatoires. Cette décision est fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, qui permet au juge d’ordonner des mesures d’instruction pour établir la preuve de faits en litige. Meta a été sollicitée pour fournir des informations telles que le pseudonyme, l’adresse e-mail, le numéro de téléphone, ainsi que les adresses IP des connexions au moment de la création du compte et des connexions récentes. Cela vise à permettre à la société Volotea et à ses employés de poursuivre l’auteur des publications en justice. Meta a reconnu qu’elle ne pouvait fournir ces données que si elles étaient raisonnablement accessibles et sur la base d’une décision de justice, sans garantir l’exhaustivité des informations fournies. Quels sont les critères pour qu’une mesure d’instruction soit ordonnée selon l’article 145 ?Pour qu’une mesure d’instruction soit ordonnée en vertu de l’article 145 du code de procédure civile, plusieurs critères doivent être remplis. Tout d’abord, il doit exister un motif légitime justifiant la demande, ce qui signifie que le demandeur doit démontrer qu’il a des raisons valables de croire que des preuves doivent être conservées ou établies avant un procès. Ensuite, le demandeur n’a pas besoin de prouver la véracité de ses allégations à ce stade, mais il doit fournir des éléments crédibles qui rendent ses suppositions plausibles. Cela implique que le procès envisagé ne doit pas être dénué de chances de succès. Il est également important de noter que ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions nécessaires pour l’application de cet article. En résumé, il suffit d’avoir des indices permettant de supposer la production des faits à prouver. Quelles sont les conséquences possibles pour les appelants suite à l’ordonnance de la cour ?Suite à l’ordonnance de la cour, les appelants, qui incluent la société Volotea et ses employés, ont obtenu gain de cause en ce qui concerne la communication des données d’identification de l’auteur des publications diffamatoires. Cela leur permet de poursuivre des actions en justice contre l’auteur des propos litigieux. Cependant, la cour a également décidé de laisser les dépens à la charge des appelants, ce qui signifie qu’ils devront supporter les frais de la procédure. De plus, la cour a refusé d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile, qui permettrait aux appelants de demander une indemnisation pour leurs frais d’avocat. Ainsi, bien que les appelants aient réussi à obtenir les informations nécessaires pour identifier l’auteur des publications, ils doivent également faire face aux coûts associés à leur action en justice, ce qui pourrait avoir des implications financières pour eux. |
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