Diffamation sur Facebook contre une commune

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Diffamation sur Facebook contre une commune

L’Essentiel : La diffamation à l’encontre d’une commune nécessite une procédure spécifique, incluant une délibération du conseil municipal. Dans l’affaire d’Asnières-sur-Seine, la commune a porté plainte suite à des propos diffamatoires publiés sur Facebook. Le prévenu a été condamné à une amende et à une peine de prison avec sursis, mais cette décision a été censurée. Les juges ont souligné que la plainte devait être initiée par le maire, en tant que chef de la police municipale, et non par la commune elle-même, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de l’action engagée.

La diffamation contre une commune est soumise à une procédure bien spécifique. La plainte avec constitution de partie civile déposée par une commune n’est régulière que si elle est précédée d’une délibération du conseil municipal, laquelle doit mentionner avec une précision suffisante les faits qu’elle entend dénoncer, ainsi que la nature des poursuites qu’elle requiert, sans que ses insuffisances puissent être réparées par ladite plainte ou par le réquisitoire introductif.

Affaire Asnières-sur-Seine

Sur délibération de son conseil municipal, la commune
d’Asnières-sur-Seine a porté plainte et s’est constituée partie civile, à la
suite de la mise en ligne, sur la page Facebook d’un administré, des passages
suivants : « La Police Manuel semble être source de tension, multipliant
les provocations pendant le ramadan. « La Police Manuel n’a pas bougé,
comme d’habitude» et «Qui a transformé la Police Municipale en
structure à son service, cherchant davantage à satisfaire la main qui la
nourrit, qu’à gérer la sécurité des habitants?».

Prison avec sursis

Le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel et condamné à une
peine d’amende et de prison avec sursis. Cette condamnation a été censurée à plusieurs
titres. En premier lieu, au sens de l’article 111-3 du code pénal, nul ne peut
être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi. Or, en prononçant une
peine qui n’est pas prévue par l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse, qui réprime d’une amende de 45 000 euros le délit de
diffamation publique envers un corps constitué, la juridiction a méconnu le
sens et la portée du texte susvisé.

Censure des juges suprêmes

En second lieu, lorsque les juges du fond sont saisis
par une ordonnance de renvoi du juge d’instruction en matière d’infractions à
la loi sur la liberté de la presse, ils doivent vérifier si la plainte avec
constitution de partie civile, combinée avec le réquisitoire introductif,
répond aux exigences de la loi de 1881 et, en cas d’inobservation de celle-ci,
prononcer la nullité des poursuites. Pour dire irrecevable l’exception de
nullité de la délibération du conseil municipal, la juridiction a considéré que
l’exception apportée en matière de presse aux dispositions de l’article 175 du
code de procédure pénale doit être interprétée strictement, ne peut concerner
que les éléments intrinsèques à la plainte avec constitution de partie civile et
ne saurait être étendue à la délibération du conseil municipal, qui n’est pas
un de ces éléments intrinsèques à la plainte. En se prononçant ainsi, alors que
la validité de la mise en mouvement de l’action publique par la commune
dépendait de la régularité de la délibération du conseil municipal
l’autorisant, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée de la loi.

Action mal dirigée

En troisième lieu, lorsqu’il est imputé à une administration publique un fait qui porte atteinte à son honneur ou à sa considération, la poursuite ne peut avoir lieu, si le corps concerné n’a pas d’assemblée générale, que sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève. Pour écarter l’exception d’irrecevabilité de l’action engagée par la commune d’Asnières-sur-Seine, l’arrêt énonce que les propos discutés visent expressément la police municipale de cette ville, qui est un service dépendant de la municipalité et placé sous l’autorité de la commune. Or, la police municipale est un service administratif, qui n’a pas d’assemblée générale, il est, ainsi qu’il résulte des dispositions des articles L. 2212-1 du code général des collectivités locales et L. 511-1 et L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, placé sous l’autorité du maire, qui en nomme les agents, et ce pour exécuter des tâches qui relèvent de sa compétence propre. Il en résulte que le maire doit être regardé comme le chef de corps de la police municipale. C’est donc à lui, et non à la commune, qu’il appartenait de porter plainte et de se constituer partie civile. Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure pour qu’une commune porte plainte pour diffamation ?

La procédure pour qu’une commune puisse porter plainte pour diffamation est bien définie. Tout d’abord, la plainte avec constitution de partie civile doit être précédée d’une délibération du conseil municipal. Cette délibération doit mentionner de manière précise les faits que la commune souhaite dénoncer, ainsi que la nature des poursuites qu’elle envisage.

Il est important de noter que les insuffisances dans la délibération ne peuvent pas être corrigées par la plainte elle-même ou par le réquisitoire introductif. Cela signifie que la délibération doit être complète et conforme aux exigences légales pour que la plainte soit considérée comme régulière.

Quels étaient les propos incriminés dans l’affaire d’Asnières-sur-Seine ?

Dans l’affaire d’Asnières-sur-Seine, la commune a porté plainte suite à des propos publiés sur la page Facebook d’un administré. Les passages incriminés incluaient des affirmations telles que « La Police Manuel semble être source de tension, multipliant les provocations pendant le ramadan » et « Qui a transformé la Police Municipale en structure à son service, cherchant davantage à satisfaire la main qui la nourrit, qu’à gérer la sécurité des habitants ? ».

Ces déclarations ont été jugées diffamatoires à l’égard de la police municipale, ce qui a conduit la commune à agir en justice pour protéger son honneur et sa réputation.

Quelles ont été les conséquences de la condamnation du prévenu ?

Le prévenu a été condamné à une peine d’amende et de prison avec sursis par le tribunal correctionnel. Cependant, cette condamnation a été censurée pour plusieurs raisons. En premier lieu, selon l’article 111-3 du code pénal, une peine ne peut être prononcée que si elle est prévue par la loi.

Dans ce cas, la peine de prison avec sursis n’était pas prévue par l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui stipule que le délit de diffamation publique envers un corps constitué est passible d’une amende de 45 000 euros. Ainsi, la juridiction a méconnu le sens et la portée de la loi en prononçant une peine inappropriée.

Comment les juges suprêmes ont-ils censure la décision des juges du fond ?

Les juges suprêmes ont censuré la décision des juges du fond en soulignant que, lorsqu’ils sont saisis par une ordonnance de renvoi en matière d’infractions à la loi sur la liberté de la presse, ils doivent vérifier la régularité de la plainte avec constitution de partie civile.

Ils ont noté que si cette plainte ne respecte pas les exigences de la loi de 1881, les poursuites doivent être déclarées nulles. En considérant que la délibération du conseil municipal n’était pas un élément intrinsèque à la plainte, la juridiction a méconnu la nécessité de vérifier la validité de cette délibération, ce qui a conduit à une interprétation erronée de la loi.

Pourquoi l’action de la commune d’Asnières-sur-Seine a-t-elle été jugée mal dirigée ?

L’action de la commune d’Asnières-sur-Seine a été jugée mal dirigée car, selon la loi, lorsqu’un fait portant atteinte à l’honneur d’une administration publique est imputé, la poursuite ne peut être engagée que sur la plainte du chef du corps ou du ministre dont dépend ce corps.

Dans ce cas, la police municipale, étant un service administratif sans assemblée générale, est placée sous l’autorité du maire. Par conséquent, c’est au maire, en tant que chef de corps, qu’il revenait de porter plainte et non à la commune elle-même. Cette distinction est cruciale pour la validité de l’action en justice.


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