Diffamation contre la société Bolloré

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Diffamation contre la société Bolloré

L’Essentiel : La société Bolloré a perdu son action en diffamation contre plusieurs éditeurs en ligne suite à la publication d’un article dénonçant l’accaparement des terres agricoles par des multinationales. La juridiction a souligné l’importance de ce sujet pour les populations locales et l’environnement, considérant qu’il relevait de l’intérêt général. Les journalistes ont agi sans animosité personnelle et ont respecté les critères de sérieux et de prudence dans leur enquête. De plus, la bonne foi a été reconnue pour tous les relais de publication, excluant leur responsabilité, car les propos litigieux reposaient sur une base factuelle suffisante.

Mise en cause de plusieurs éditeurs en ligne

La société Bolloré a été déboutée de son action en diffamation publique contre plusieurs directeurs de publication de sites internet. La société avait déposé plainte et s’était constituée partie civile à la suite de la mise en ligne, d’un article intitulé « Pillage ? Bolloré, Crédit agricole, Louis Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres » relayé par plusieurs sites internet. La publication dénonçait un accaparement des terres agricoles par les multinationales de « l’agrobusiness » ou des fonds spéculatifs et notamment 150 000 hectares de plantations d’huile de palme et d’hévéas, pour le caoutchouc, acquis en Afrique et en Asie.

Bonne foi des journalistes

Pour relaxer les auteurs de la publication, la juridiction a relevé que le sujet abordé relevait d’un problème aussi essentiel que l’exploitation des terres agricoles en Afrique et en Asie et son impact sur les populations locales et l’environnement, débat qui présente incontestablement un caractère d’intérêt général.  En second lieu, les journalistes n’étaient animés par aucune animosité personnelle contre la société Bolloré. S’agissant en dernier lieu des critères relatifs au sérieux de l’enquête et à la prudence dans l’expression ils doivent être appréciés au regard du but légitime poursuivi en l’espèce, et se réduisent par conséquent à la seule exigence de la démonstration par les prévenus de l’existence d’une base factuelle suffisante pour étayer les propos poursuivis.

A noter que l’orientation à l’évidence militante et engagée du site a également été prise en compte dans l’appréciation de la bonne foi, dans le sens d’une plus grande souplesse justifiée par l’impératif du débat démocratique et l’admission, partant, d’idées alternatives et contestataires.

Question des informations erronées

Par ailleurs, si les sociétés citées dans l’article comme soupçonnées de participer au phénomène dénoncé d’accaparement des terres (Socfin, Socfinasia, Socfinaf ou Liberia Agricultural Company) sont juridiquement distinctes de la société Bolloré et ne sont pas, au sens du droit des sociétés, ses « filiales », comme indiqué à tort dans l’article, il n’en demeurait  pas moins que la société Bolloré est le plus gros actionnaire de la Socfin, société holding, via ses participations directes ou indirectes qui représentent 38,75 % du capital social, le reste étant disséminé entre différents fonds suisses, belges, liechtensteinois ou luxembourgeois.

Critère de la base factuelle suffisante et des sources

Il n’a pas n’ont plus été fait grief aux auteurs de l’article de n’avoir pas consulté préalablement à la publication la société Bolloré, l’article prenant soin d’indiquer « Bolloré menace de poursuivre en justice pour diffamation The Oakland Institute » (source de l’article), précision qui permet au lecteur de comprendre sans difficulté que la partie civile conteste la teneur des constats effectués. Concernant l’allégation selon laquelle le groupe Bolloré participerait à une « exploitation des terres accaparées se caractérisant par des violations multiples des droits de l’homme », les auteurs de l’article ont fait état d’un rapport officiel de la Mission des Nations Unies au Libéria.

Les propos incriminés, qui s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général sur l’achat et la gestion, par des multinationales de l’agro-alimentaire parmi lesquelles la société Bolloré, de terres agricoles essentiellement situées en Afrique, en Asie et en Amérique latine, reposaient donc sur une base factuelle suffisante constituée par plusieurs rapports d’organismes internationaux et ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression.

Responsabilité des relais de publication

 

A noter que dans cette affaire ont également été mis hors de cause tous les directeurs de publication des sites internet ayant soit repris l’article litigieux, en tout ou en partie, soit inséré un lien permettant d’y accéder, l’excuse de bonne foi, admise au profit des auteurs de l’article, a bénéficié en conséquence à la toute la chaîne des diffuseurs. L’existence de faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi des auteurs a pour effet d’exclure tant leur responsabilité que celle du directeur de publication des organes de presse l’ayant relayé, dès lors que les propos litigieux ont été repris sans dénaturation et sans qu’aucun élément nouveau n’ait été invoqué depuis la publication de l’article initial.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la raison de l’action en diffamation de la société Bolloré ?

La société Bolloré a intenté une action en diffamation publique contre plusieurs directeurs de publication de sites internet en raison de la mise en ligne d’un article intitulé « Pillage ? Bolloré, Crédit agricole, Louis Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres ».

Cet article dénonçait l’accaparement des terres agricoles par des multinationales, en particulier dans le secteur de l’agrobusiness, en mentionnant l’acquisition de 150 000 hectares de plantations d’huile de palme et d’hévéas en Afrique et en Asie.

Bolloré s’est constitué partie civile, arguant que les allégations portées dans l’article nuisaient à son image et à sa réputation.

Comment la juridiction a-t-elle justifié la relaxe des journalistes ?

La juridiction a justifié la relaxe des journalistes en soulignant que le sujet traité dans l’article était d’un intérêt général, portant sur l’exploitation des terres agricoles en Afrique et en Asie, ainsi que sur son impact sur les populations locales et l’environnement.

Elle a également noté que les journalistes n’avaient aucune animosité personnelle envers la société Bolloré.

Les critères de sérieux de l’enquête et de prudence dans l’expression ont été évalués en fonction du but légitime poursuivi, ce qui a permis de conclure à l’existence d’une base factuelle suffisante pour étayer les propos tenus dans l’article.

Quelles sont les implications de l’orientation militante du site ?

L’orientation militante et engagée du site a été prise en compte dans l’appréciation de la bonne foi des journalistes.

Cette orientation a permis d’appliquer une plus grande souplesse dans l’évaluation de la bonne foi, justifiée par l’impératif du débat démocratique.

Ainsi, l’admission d’idées alternatives et contestataires a été reconnue comme un élément essentiel dans le cadre de la liberté d’expression, renforçant la protection des journalistes dans ce contexte.

Quelles erreurs ont été relevées concernant les informations sur Bolloré ?

Il a été noté que les sociétés mentionnées dans l’article, soupçonnées d’accaparement des terres, étaient juridiquement distinctes de la société Bolloré et n’étaient pas ses filiales, comme cela avait été indiqué à tort.

Cependant, il est important de souligner que Bolloré est le principal actionnaire de la Socfin, détenant 38,75 % du capital social.

Cette participation directe ou indirecte a été considérée comme un lien significatif, même si les sociétés en question ne sont pas directement sous le contrôle de Bolloré.

Comment la base factuelle a-t-elle été établie dans l’article ?

Les auteurs de l’article n’ont pas été critiqués pour ne pas avoir consulté la société Bolloré avant la publication.

L’article mentionnait que « Bolloré menace de poursuivre en justice pour diffamation The Oakland Institute », ce qui permettait aux lecteurs de comprendre que la société contestait les faits rapportés.

De plus, les allégations concernant les violations des droits de l’homme étaient étayées par un rapport officiel de la Mission des Nations Unies au Libéria, fournissant ainsi une base factuelle suffisante pour les propos tenus.

Quelle a été la décision concernant les directeurs de publication des sites internet ?

Tous les directeurs de publication des sites internet ayant relayé l’article, que ce soit en tout ou en partie, ont été mis hors de cause.

L’excuse de bonne foi, qui avait été admise pour les auteurs de l’article, a également bénéficié à l’ensemble de la chaîne de diffusion.

L’existence de faits justificatifs suffisants a permis d’exclure la responsabilité des directeurs de publication, tant que les propos litigieux avaient été repris sans dénaturation et sans ajout d’éléments nouveaux depuis la publication initiale.


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