Diffamation et liberté d’expression : la prudence en question

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Diffamation et liberté d’expression : la prudence en question

L’Essentiel : La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel concernant l’ARCEPicle du mensuel Entrevue, jugé diffamatoire par un jeune chanteur et les sociétés TF1 et Glem. Bien que le magazine soit reconnu pour son ton critique et sarcastique, la Cour a rappelé que la bonne foi ne peut être présumée que si des faits justificatifs suffisants sont présentés. Elle a souligné que le sarcasme, même dans un contexte humoristique, n’exonère pas d’une obligation de prudence et d’objectivité, affirmant que les termes utilisés dépassaient les limites acceptables de la dérision.

Le mensuel Entrevue a publié un article relatif à une émission consacrée à un jeune chanteur qui avait remporté un grand succès au début des années 1990, en utilisant des termes considérés comme diffamatoires par le chanteur cité, la société TF1 et la société Glem (1). Les demandeurs ont assigné le mensuel Entrevue pour diffamation mais ont été déboutés. La Cour d’appel (Paris, 27 juin 2002) rappelant que le magazine Entrevue est spécialisé dans la critique des émissions et des animateurs de télévision et que la bonne foi s’apprécie en fonction du genre du journal, a jugé qu’un lecteur moyennement avisé ne saurait raisonnablement tenir pour justes et appropriés les termes “bidonner” et “bidon”, et que « la prudence dans l’expression s’apprécie à l’aune de la dérision ou même de l’outrance qui est la caractéristique d’Entrevue ».
La Cour de cassation a censuré cet arrêt en posant un attendu de principe : « les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire et cette présomption n’est détruite que lorsque les juges du fond s’appuient sur des faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi ». Les juges suprêmes n’ont pas considéré que le sarcasme, du moins, poussé au delà de certaines limites, était un fait justificatif suffisant. La Cour de cassation a précisé que le caractère provocateur et sarcastique du magazine dans lequel avait été publié l’article litigieux ne dispensait pas des devoirs de prudence et d’objectivité.

(1) “Julien X… 100 % bidon”, “Pour assurer encore plus d’audimat pour la première de Succès en prime time, la chaîne laisse carte blanche à l’animateur. Résultat : encore plus de bidonnage. Entrevue a tout vu”

Cour de cassation, 2ème ch. civ., 24 février 2005

Mots clés : diffamation,entrevue,prudence,bonne foi,dérision,humour,sarcasme,TF1,mauvaise foi

Thème : Delit de diffamation

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour de cassation, 2ème ch. civ. | Date. : 24 fevrier 2005 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quel était le sujet de l’article publié par le mensuel Entrevue ?

L’article publié par le mensuel Entrevue portait sur un jeune chanteur qui avait connu un grand succès au début des années 1990.

Ce dernier a été décrit à l’aide de termes jugés diffamatoires, notamment « bidonner » et « bidon ».

Ces termes ont suscité une réaction de la part du chanteur, de la société TF1 et de la société Glem, qui ont décidé d’assigner le magazine pour diffamation.

Cependant, leur action en justice a été rejetée par la Cour d’appel de Paris le 27 juin 2002.

Quelles étaient les raisons pour lesquelles la Cour d’appel a débouté les demandeurs ?

La Cour d’appel a débouté les demandeurs en soulignant que le magazine Entrevue est spécialisé dans la critique des émissions et des animateurs de télévision.

Elle a également précisé que la bonne foi doit être appréciée en fonction du genre du journal.

Ainsi, un lecteur moyennement avisé ne pourrait raisonnablement considérer les termes « bidonner » et « bidon » comme justes et appropriés.

La Cour a noté que la prudence dans l’expression doit être évaluée à l’aune de la dérision ou de l’outrance, caractéristiques du magazine.

Quel a été le jugement de la Cour de cassation concernant cette affaire ?

La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel en établissant un attendu de principe.

Elle a affirmé que les imputations diffamatoires sont présumées faites avec intention de nuire.

Cette présomption ne peut être renversée que si les juges du fond s’appuient sur des faits justificatifs suffisants pour prouver la bonne foi.

Les juges suprêmes ont estimé que le sarcasme, même s’il est présent, ne constitue pas un fait justificatif suffisant pour échapper à la diffamation.

Quelles précisions la Cour de cassation a-t-elle apportées sur le caractère provocateur du magazine ?

La Cour de cassation a précisé que le caractère provocateur et sarcastique du magazine Entrevue ne dispensait pas de respecter des devoirs de prudence et d’objectivité.

Elle a souligné que même si le magazine adopte un ton sarcastique, cela ne justifie pas l’utilisation de termes diffamatoires.

Les juges ont insisté sur l’importance de maintenir un équilibre entre la liberté d’expression et la protection contre la diffamation.

Ainsi, la Cour a réaffirmé que la bonne foi doit être prouvée par des éléments concrets et non par le simple style provocateur d’un média.

Quels sont les mots clés associés à cette affaire de diffamation ?

Les mots clés associés à cette affaire de diffamation incluent : diffamation, Entrevue, prudence, bonne foi, dérision, humour, sarcasme, TF1, et mauvaise foi.

Ces termes reflètent les enjeux juridiques et éthiques soulevés par l’affaire, notamment la distinction entre critique légitime et diffamation.

Ils mettent également en lumière les défis auxquels sont confrontés les médias lorsqu’ils traitent de personnalités publiques.

La jurisprudence issue de cette affaire est significative pour la compréhension des limites de la liberté d’expression dans le contexte médiatique.


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