Diffamation : le critère de l’enquête sérieuse

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Diffamation : le critère de l’enquête sérieuse

L’exception de bonne foi

En matière de diffamation publique, le critère de l‘enquête sérieuse n’est pas déterminant pour priver l’auteur du bénéfice de la bonne foi. Dans cette affaire, une association catholique a porté plainte et s’est constituée partie civile, du chef de diffamation publique contre le directeur de la publication d’un site internet. Le site en cause avait fait état d’un rapport parlementaire sur les sectes relatant des poursuites pénales contre l’association alors que la procédure avait été clôturée par une ordonnance de non-lieu.  Le candidat UMP, à l’origine du rapport et impliqué dans la procédure comme témoin assisté, avait exprimé sa surprise en dénonçant « une instrumentalisation judiciaire qui nous impressionne. Être condamné à l’initiative d’une secte, cela prouve que je dérange, que le travail entrepris depuis vingt ans dans cette lutte paie »  ».

Qualification de secte

Les juges d’appel avaient considéré que l’imputation de « dérive sectaire » à une association portait nécessairement atteinte à son honneur et à sa considération.  Cette décision a été censurée par la Cour de cassation. En premier lieu, en dépit de l’empreinte péjorative attachée au terme « secte », qui ne répond à aucune définition juridique, son utilisation pour qualifier un groupement, une association, une religion ne suffit pas à le caractériser comme étant à lui seul une imputation de nature diffamatoire. Pour ce faire, il convient que cette qualification soit accompagnée de commentaires laissant entendre, ou sous-entendre, l’exercice de pratiques réprimées par la loi et visant à obtenir une emprise entraînant chez les individus concernés des sujétions psychiques ou physiques, ce qui n’était pas le cas de l’article qui faisait état d’une simple instruction pénale contre l’association.

Liberté d’expression et débat d’intérêt général

En second lieu, les trois critères de la bonne foi étaient réunis, à savoir que le passage en cause participe d’un débat d’intérêt général, est exempt d’animosité personnelle et marqué par la prudence. Si aucune enquête sérieuse n’avait été menée, les propos poursuivis s’inscrivaient dans un sujet d’intérêt général relatif à la mission interministérielle dévolue à la Miviludes dans sa lutte contre les mouvements sectaires et rendaient compte d’un procès engagé contre le président de l’association. Ces propos ne dépassaient donc pas les limites admissibles de la liberté d’expression, au sens de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des  droits de l’homme.

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Questions / Réponses juridiques

Qu’est-ce que l’exception de bonne foi en matière de diffamation publique ?

L’exception de bonne foi en matière de diffamation publique permet à l’auteur d’une déclaration potentiellement diffamatoire de se défendre en prouvant qu’il a agi de bonne foi. Dans le cas présenté, une association catholique a porté plainte pour diffamation contre le directeur d’un site internet.

Ce dernier avait relayé des informations issues d’un rapport parlementaire concernant des poursuites pénales contre l’association, alors que la procédure avait été clôturée par une ordonnance de non-lieu. La bonne foi n’est pas nécessairement liée à la réalisation d’une enquête sérieuse, ce qui a été un point clé dans cette affaire.

Comment la qualification de « secte » a-t-elle été jugée par la Cour de cassation ?

La Cour de cassation a censuré la décision des juges d’appel qui avaient considéré que l’imputation de « dérive sectaire » portait atteinte à l’honneur de l’association. Bien que le terme « secte » ait une connotation péjorative, il n’existe pas de définition juridique précise pour ce terme.

Pour qu’une qualification soit considérée comme diffamatoire, elle doit être accompagnée de commentaires suggérant des pratiques illégales ou nuisibles. Dans ce cas, l’article en question ne faisait que rapporter une instruction pénale sans impliquer de telles accusations, ce qui a conduit à la décision de la Cour.

Quels sont les critères de la bonne foi en matière de liberté d’expression ?

Les critères de la bonne foi, selon la jurisprudence, incluent la participation à un débat d’intérêt général, l’absence d’animosité personnelle et un ton marqué par la prudence. Dans cette affaire, les propos tenus s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général concernant la lutte contre les mouvements sectaires.

Bien qu’aucune enquête sérieuse n’ait été menée, les déclarations étaient liées à une mission officielle de la Miviludes, ce qui a permis de conclure que les propos ne dépassaient pas les limites de la liberté d’expression, conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Quel est le rôle de la Miviludes dans cette affaire ?

La Miviludes, ou Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, joue un rôle crucial dans la surveillance des mouvements sectaires en France. Dans le contexte de cette affaire, elle était impliquée dans la lutte contre les pratiques sectaires, ce qui a justifié le débat d’intérêt général autour des accusations portées contre l’association.

Les propos tenus sur le site internet en question faisaient référence à des actions judiciaires en cours, ce qui a permis de les considérer comme faisant partie d’un débat public légitime. La Miviludes a donc été un élément central dans l’évaluation de la bonne foi des déclarations, soulignant l’importance de la lutte contre les dérives sectaires dans le cadre de la liberté d’expression.


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