L’Essentiel : La République d’Azerbaïdjan a porté plainte pour diffamation après qu’un député français l’ait qualifiée d’« État terroriste » sur un site internet. Cependant, le juge d’instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l’État, arguant que celui-ci ne pouvait être assimilé à un simple corps constitué. De plus, l’action publique a été jugée éteinte en raison du délai écoulé depuis le dépôt de la plainte. La Cour de cassation a censuré cette décision, affirmant que la plainte, même si elle comportait des défauts, ne devait pas être rejetée sans examen par les juges saisis de la poursuite.
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Imputation diffamatoiresA la suite de la mise en ligne sur le site internet armenienews.com d’un communiqué de presse émanant d’un député français et imputant à l’Azerbaïdjan « de se comporter comme un état terroriste », la République d’Azerbaïdjan a porté plainte et s’est constituée partie civile, du chef de diffamation publique envers un particulier. Une information judiciaire a été ouverte mais le juge d’instruction a déclaré irrecevable cette constitution de partie civile. Action publique prescritePour confirmer l’ordonnance de non-lieu rendue, le juge d’instruction a considéré que l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n’était pas visé dans la plainte ou le réquisitoire introductif, si bien que le délit à l’égard d’un corps constitué ne pouvait pas être examiné (un État souverain ne pouvant être assimilé à un simple corps constitué dont la particularité est de ne jouir que d’une portion de l’autorité publique). Par ailleurs, le juge d’instruction a retenu que l’État d’Azerbaïdjan ne s’entendait pas comme une personne privée ou une réunion de personnes privées mais bien comme une personne morale de droit international public dont il n’était pas prévu par la loi qu’elle puisse, par l’intermédiaire de ses gouvernante se constituer partie civile. Par ailleurs, le procureur de la République n’avait pas sur dénonciation de l’État d’Azerbaïdjan, mis en mouvement l’action publique à raison d’une diffamation commise contre « son peuple ou sa communauté », soit « une collection de personnes privées ». Enfin le juge d’instruction estimait que le réquisitoire introductif ne répondait pas aux exigences de l’article 50 de la loi du 18 juillet 1881, puisqu’il ne reprenait pas les propos incriminés, il ne pouvait avoir valablement mis en oeuvre l’information. Enfin, l’action publique avait également été jugée éteinte, plus de trois mois s’étant écoulés depuis le dépôt de la plainte de l’État d’Azerbaïdjan. Censure de la Cour de cassationLes juges suprêmes ont censuré cette décision du juge d’instruction : la plainte avec constitution de partie civile, mentionnant la qualification du fait incriminé et du texte de loi énonçant la peine encourue, ne crée dans l’esprit d’un prévenu aucune incertitude sur les infractions dont il aurait à répondre, peu important à cet égard l’éventuel défaut de pertinence de la qualification retenue. Il appartient aux seuls juges saisis de la poursuite, et non aux juridictions d’instruction, d’apprécier cette qualification. Mise en mouvement de l’action publiquePour rappel, selon l’article 47 de la loi du 29 juillet 1881, en cas d’infraction de presse comme une diffamation ou une injure, seul le ministère public peut mettre en mouvement et exercer l’action publique ; ce monopole d’action du ministère public revêt une importance particulière puisqu’il a été conçu comme une protection de la liberté de presse. Cependant, par dérogation à ce principe, le dernier alinéa de l’article 48 de la loi prévoit les cas dans lesquels la victime peut mettre en mouvement l’action publique elle-même (poursuite en cas d’injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps constitués et les administrations publiques). |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la raison de la plainte de la République d’Azerbaïdjan ?La République d’Azerbaïdjan a porté plainte suite à la publication d’un communiqué de presse sur le site armenienews.com, dans lequel un député français accusait l’Azerbaïdjan de « se comporter comme un état terroriste ». Cette accusation a été jugée diffamatoire par l’Azerbaïdjan, qui a donc décidé de se constituer partie civile pour défendre son image et sa réputation. Cependant, la plainte a été déclarée irrecevable par le juge d’instruction, qui a estimé que l’État ne pouvait pas être assimilé à un simple corps constitué. Quelles ont été les conclusions du juge d’instruction concernant la plainte ?Le juge d’instruction a conclu que la plainte de l’Azerbaïdjan ne pouvait pas être examinée car l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n’était pas mentionné dans la plainte ou le réquisitoire introductif. Il a également noté que l’État d’Azerbaïdjan ne pouvait pas être considéré comme une personne privée, mais plutôt comme une personne morale de droit international public. Cela signifie qu’il n’était pas prévu par la loi qu’un État puisse se constituer partie civile par l’intermédiaire de ses gouvernants. Pourquoi l’action publique a-t-elle été jugée éteinte ?L’action publique a été jugée éteinte car plus de trois mois s’étaient écoulés depuis le dépôt de la plainte de l’État d’Azerbaïdjan. Le juge d’instruction a également souligné que le réquisitoire introductif ne respectait pas les exigences de l’article 50 de la loi du 18 juillet 1881, car il ne reprenait pas les propos incriminés. Cela a conduit à l’impossibilité de mettre en œuvre l’information judiciaire. Quelle a été la réaction de la Cour de cassation ?La Cour de cassation a censuré la décision du juge d’instruction, affirmant que la plainte avec constitution de partie civile, qui mentionnait la qualification du fait incriminé et le texte de loi applicable, ne créait pas d’incertitude pour le prévenu. Elle a précisé que c’était aux juges saisis de la poursuite, et non aux juridictions d’instruction, d’apprécier la qualification des infractions. Cette décision souligne l’importance de la clarté dans les accusations portées en matière de diffamation. Comment fonctionne la mise en mouvement de l’action publique en matière de diffamation ?Selon l’article 47 de la loi du 29 juillet 1881, seul le ministère public a le pouvoir de mettre en mouvement et d’exercer l’action publique en cas d’infraction de presse, comme la diffamation ou l’injure. Ce monopole est conçu pour protéger la liberté de la presse, en évitant que des actions individuelles ne compromettent cette liberté. Cependant, il existe des exceptions, comme le dernier alinéa de l’article 48, qui permet à la victime de mettre en mouvement l’action publique dans certains cas, notamment en cas d’injure ou de diffamation envers des corps constitués. |
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