Diffamation et mise en cause dans le génocide Rwandais

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Diffamation et mise en cause dans le génocide Rwandais

Diffamation contre un Général

A la suite de la publication du livre « Complices de l’inavouable – la France au Rwanda », comportant, en page de couverture le nom d’un général, celui-ci, estimant que ce rapprochement lui imputait explicitement d’être l’un des complices du génocide Rwandais, a fait citer devant le tribunal correctionnel, l’éditeur de l’ouvrage, du chef de diffamation publique envers un dépositaire ou agent de l’autorité publique.  Saisie de l’affaire, la Cour de cassation vient d’apporter des précisions intéressantes en matière de bonne foi et d’enquête sérieuse.

Bonne foi exonératoire de la diffamation

Sur le sens et la portée des propos incriminés, la composition de la page de couverture, insinuait que le général n’était pas mis en cause comme complice du génocide survenu au Rwanda, mais comme « complice de l’inavouable ».  Sur l’exception de bonne foi, les juges ont retenu que  s’agissant d’informer le public sur un épisode récent de l’histoire rwandaise aux conséquences dramatiques et sur le rôle de la France, le but légitime de l’article et l’absence d’animosité personnelle de son auteur ne faisaient pas de doute.  Par ailleurs, l’auteur de l’ouvrage a fait état d’une prise de position argumentée et étayée sur le rôle de l’opération Turquoise. Les  responsabilités du général en tant que commandant en chef de l’opération Turquoise et sa manière de les assumer, ses prises de position au sein de l’association France Turquoise dont il est le président, devaient aussi, dans le cadre d’un débat d’intérêt général, pouvoir être questionnées plus librement dans un sens conforme aux exigences de la liberté d’expression. Ces  éléments caractérisent une forme de prudence dans l’expression et l’existence d’une base factuelle suffisante pour échapper à la diffamation.

Contexte particulier de l’affaire

Pour rappel, si les imputations diffamatoires sont réputées faites avec intention de nuire, elles peuvent être justifiées lorsque l’auteur démontre sa bonne foi. Celle-ci suppose la poursuite d’un but légitime, une absence d’animosité personnelle, le sérieux de l’enquête et la prudence dans l’expression. En l’espèce, la poursuite d’un but légitime ne faisait aucun doute, s’agissant d’informer le public sur un épisode récent de l’histoire rwandaise, aux conséquences particulièrement dramatiques, et sur le rôle politico-militaire de la France dans ces événements.

A noter que la vérité sur les responsabilités en matière de génocide ne se fait que sur la longue durée, les différentes parties intéressées usant de leurs capacités de dissimulation, de manipulation ou d’influence pour échapper aux condamnations. Les manipulations de la vérité sont d’autant plus faciles en l’espèce que s’agissant des relations de la France et du Rwanda à l’époque des faits, l’actualité récente a démontré que des documents étaient toujours classifiés, sans compter ceux qui ont pu être détruits par les différents intervenants, dans un pays bouleversé par la guerre civile.

Appréciation de l’enquête sérieuse

L’exigence d’une information fiable et précise doit donc s’apprécier, sauf à interdire ou restreindre de façon drastique tout débat sur des sujets d’importance cruciale sur le plan éthique ou historique, dans ce contexte particulier. L’enquête sérieuse a été retenue en raison  de nombreux éléments : les investigations effectuées sur place par le journaliste auteur de l’ouvrage présent sur les lieux au début de l’opération Turquoise, de son investissement dans le suivi du traitement judiciaire ou politique des suites du génocide ; la lecture du dossier établi par le juge Bruguière sur l’attentat contre l’avion présidentiel rwandais ; le suivi des travaux de la commission parlementaire ; les audiences du tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha ; les entretiens avec des militaires, hommes politiques ou témoins de certains aspects de cette tragédie et de son traitement subséquent sur le plan politique ou médiatique.

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Questions / Réponses juridiques

Quel est le contexte de la diffamation contre le général mentionné dans le livre ?

Le contexte de la diffamation repose sur la publication du livre « Complices de l’inavouable – la France au Rwanda », qui mentionne un général en lien avec le génocide rwandais. Ce dernier a estimé que son nom sur la couverture du livre l’impliquait comme complice de ces atrocités.

En conséquence, il a décidé de porter l’affaire devant le tribunal correctionnel, accusant l’éditeur de diffamation publique. La Cour de cassation a ensuite été saisie pour clarifier les enjeux de bonne foi et d’enquête sérieuse dans ce cas particulier.

Quelles sont les conditions de la bonne foi en matière de diffamation ?

La bonne foi en matière de diffamation est un concept juridique qui permet à l’auteur d’une déclaration diffamatoire de se défendre en prouvant qu’il a agi avec un but légitime, sans animosité personnelle, et qu’il a mené une enquête sérieuse.

Dans cette affaire, la Cour a reconnu que l’auteur du livre avait un objectif légitime : informer le public sur un épisode tragique de l’histoire rwandaise. De plus, l’absence d’animosité personnelle et la rigueur de l’enquête menée par l’auteur ont été des éléments déterminants pour établir la bonne foi.

Comment la Cour a-t-elle évalué l’enquête menée par l’auteur du livre ?

La Cour a évalué l’enquête menée par l’auteur en prenant en compte plusieurs éléments significatifs. Elle a noté que le journaliste avait effectué des investigations sur le terrain, étant présent lors des événements liés à l’opération Turquoise.

Il a également suivi le traitement judiciaire et politique des conséquences du génocide, consulté des documents importants, et réalisé des entretiens avec des témoins, militaires et hommes politiques. Ces actions ont été jugées comme une enquête sérieuse, permettant ainsi de justifier les propos tenus dans le livre.

Quels sont les enjeux éthiques et historiques soulevés par cette affaire ?

Les enjeux éthiques et historiques de cette affaire sont considérables, car ils touchent à la mémoire collective et à la vérité sur les événements tragiques du génocide rwandais. La question de la responsabilité de la France dans ces événements est particulièrement délicate, car elle implique des éléments de manipulation et de dissimulation.

La Cour a souligné que la vérité sur les responsabilités en matière de génocide ne peut être établie qu’à long terme, en raison des efforts de certaines parties pour échapper aux condamnations. Cela souligne l’importance d’un débat ouvert et informé sur ces sujets, afin de garantir que l’histoire soit correctement documentée et comprise.


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