Affaire MediapartFaire état dans la presse, d’une tentative de corruption par un élu est légal mais doit s’appuyer sur des éléments de preuve sérieux, les témoignages n’étant pas suffisants à constituer cette preuve. En l’espèce, dans un entretien à Mediapart, Jean Martinez, candidat à la mairie de Cannes en 2008, a révélé que le secrétaire national de l’UMP Philippe Tabarot lui avait offert, via plusieurs intermédiaires, jusqu’à 500 000 euros pour obtenir son retrait au second tour des élections. Condamnation pour diffamation publiqueLa condamnation de Jean Martinez pour diffamation publique a été confirmée par la Cour de cassation. Le sujet qu’il avait abordé relevait de l’information légitime du citoyen et futur électeur, mais encore fallait-il qu’il eût disposé d’éléments factuels suffisants, au regard de la gravité des faits de tentative de corruption imputés à la partie civile. Or, les témoignages de ses deux soeurs (dont l’une avocate) ne pouvaient suffire à corroborer ses propres affirmations en raison de l’extrême proximité familiale, sinon politique, des intéressés. Le fait justificatif de bonne foi, distinct de l’exception de vérité des faits diffamatoires, n’a pas été retenu. La bonne foi se caractérise par la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression ainsi que par le sérieux de l’enquête. Double sanction de la même infractionLes juges suprêmes ont néanmoins sanctionné les juges d’appel d’avoir doublement condamné Jean Martinez alors que celui-ci n’avait donné qu’une seule interview. Les juges du fond avaient distingué l’infraction de presse par vidéogramme de celle par publication écrite. Or, constitue une infraction unique la publication d’une interview sur une seule page internet d’un journal en ligne, sous forme d’une vidéo et d’un article. A ce titre, la cour d’appel ne pouvait refuser la jonction des procédures au prétexte qu’elles concernaient deux faits de publication distincts, à savoir la publication d’un article dont les journalistes et l’interviewé pouvaient être déclarés complices et la publication d’une vidéo dont seul l’auteur des propos pouvait être poursuivi en cette qualité, quand l’auteur des propos était poursuivi dans les deux procédures en qualité de complice et non d’auteur principal. En d’autres termes, les propos poursuivis dans l’article incriminé étaient les mêmes, soit qu’ils soient cités, soit qu’ils soient reformulés sans dénaturation, de sorte que l’ensemble ainsi formé, sur une même page intégralement mise en ligne au même moment sur un site internet, constituait un unique fait de publication qui ne pouvait donner lieu à deux déclarations de culpabilité. |
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Quelles sont les conditions légales pour faire état d’une tentative de corruption dans la presse ?Faire état d’une tentative de corruption par un élu dans la presse est légal, mais cela doit être fondé sur des éléments de preuve sérieux. Les simples témoignages ne suffisent pas à établir cette preuve. Dans le cas de Jean Martinez, il a révélé dans un entretien à Mediapart qu’il avait été approché par Philippe Tabarot, secrétaire national de l’UMP, qui lui aurait offert jusqu’à 500 000 euros pour se retirer des élections municipales de Cannes en 2008. Cette situation soulève des questions sur la nécessité d’une base factuelle solide pour étayer de telles accusations, surtout dans un contexte aussi sensible que celui de la corruption politique. Pourquoi Jean Martinez a-t-il été condamné pour diffamation publique ?Jean Martinez a été condamné pour diffamation publique, une décision confirmée par la Cour de cassation. Bien que le sujet qu’il ait abordé soit d’intérêt public, il devait disposer d’éléments factuels suffisants pour soutenir ses accusations. Les témoignages de ses deux sœurs, dont l’une est avocate, n’ont pas été jugés suffisants pour corroborer ses affirmations. La proximité familiale des témoins a été un facteur déterminant dans cette évaluation. De plus, le fait justificatif de bonne foi n’a pas été retenu, car il n’a pas démontré la légitimité de son but, l’absence d’animosité personnelle, et le sérieux de son enquête. Quelles erreurs ont été commises par les juges d’appel dans le cas de Jean Martinez ?Les juges d’appel ont été sanctionnés pour avoir doublement condamné Jean Martinez pour une seule interview. Ils avaient distingué entre l’infraction de presse par vidéogramme et celle par publication écrite, ce qui a été jugé incorrect. La publication d’une interview sur une seule page internet, qu’elle soit sous forme de vidéo ou d’article, constitue une infraction unique. La cour d’appel n’aurait pas dû refuser la jonction des procédures, car les propos incriminés étaient les mêmes, qu’ils soient cités ou reformulés. Ainsi, la cour a conclu que l’ensemble des publications sur une même page, mises en ligne simultanément, ne pouvait donner lieu à deux déclarations de culpabilité distinctes. |
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