L’Essentiel : Lors du développement d’un site internet, il est déterminant de stipuler une clause de cession des droits de propriété intellectuelle. En effet, sauf en cas d’œuvre de commande, le simple développement ne transfère pas automatiquement ces droits au client. Dans un contrat entre la SAS Tasker et un client, bien que le prestataire ait la liberté de choix technique, la propriété intellectuelle restait initialement au développeur. Seule une stipulation explicite ou un manquement grave permettait un transfert. Ainsi, sans clause de cession, le client ne pouvait revendiquer les droits sur le site et ses composants.
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Conception de site et cession de droitsSauf œuvre de commande, le développement d’un site internet n’emporte pas ipso facto cession des droits de propriété intellectuelle sur le site. Par sécurité, cette clause doit toujours être stipulée. Œuvre de commande et Site sur mesureDans cette affaire, la SAS Tasker qui a conçu une plate-forme de Cloud Management a conclu avec un client, un contrat de fourniture de site internet permettant d’accéder à cette plateforme. Le contrat visait à exposer l’expression de besoin du client sur le site et poser les termes et conditions de livraison et de paiement relatifs au développement et à l’hébergement du site. Le prestataire avait toute liberté de choix des plateformes techniques à retenir, des sous-traitants à engager pour garantir le bon fonctionnement du site. Un délai était fixé pour que le site soit opérationnel, c’est-à-dire en ligne et permettant à un client de s’y inscrire et de commencer à en utiliser les services. En cas de manquement, c’est-à-dire défaut de livraison ou dysfonctionnements critiques du site, un avoir sur le forfait de développement de 1 % par jour de retard était appliqué, plafonné à 50 %. Au-delà, le client était en droit de rompre le contrat sans préavis. Dans ce dernier cas, la propriété intellectuelle de l’ensemble des composants logiciels nécessaires au fonctionnement du site était intégralement et définitivement transférée au client pour un montant forfaitaire de 10 % du forfait de développement et de 10 % du budget maximal alloué aux dépenses marketing. Il était donc établi que la réalisation du site par le prestataire ne supposait pas mécaniquement transfert de propriété : à défaut de cession, ou en présence d’une stipulation que prévoit la licence du site, celui qui l’exploite ne dispose pas des droits de propriété intellectuelle sur celui-ci. Ainsi, c’est l’auteur du site, c’est-à-dire celui qui le développe, qui est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le site et l’ensemble de ses composants, sauf à ce qu’il s’agisse d’une œuvre de commande, ou à ce que les parties aient prévu une cession des droits de propriété intellectuelle conformément aux articles L. 131-3, L.112-2 13° et L122-6 du code de la propriété intellectuelle. La création et le développement du site ne constituaient pas une oeuvre de commande. Cela ressortait des termes mêmes du contrat, la société commanditaire se contentant de faire part d’orientations générales et de besoins techniques particuliers, laissant au prestataire toute liberté pour parvenir au résultat attendu. Le contrat conclu ne contenait pas non plus de clause de cession des droits de propriété intellectuelle sur le site ou ses composants. Seule la cession des composants logiciels nécessaires au fonctionnement du site était prévue, uniquement en cas de manquement grave à ses obligations par le client. Le contrat en cause n’était donc pas translatif de propriété. Question des chaînes de contratsAutre apport intéressant de cette affaire (en présence d’un troisième intervenant à une opération de développement de site internet, prestataire de service du prestataire principal) et dans le cadre d’une chaîne de contrats, la nature translative de propriété ou non d’au moins un des contrats souscrits détermine la nature de l’action en responsabilité susceptible d’être exercée. Ainsi, si la chaîne de contrats est translative de propriété (ou comprend un contrat translatif de propriété), le tiers à un contrat ne peut engager la responsabilité d’un autre contractant de la chaîne que sur un fondement contractuel. En revanche, dans le cas contraire, le tiers ne peut intenter d’action que sur le fondement délictuel, alors même qu’il invoque un manquement contractuel. Le droit français retient le caractère délictuel des actions en responsabilité des parties non directement liées entre-elles au sein de chaînes de contrats qui ne sont pas translatifs de propriété, ainsi notamment pour les contrats d’entreprise lorsque ceux-ci consistent pour l’essentiel en la réalisation d’un ouvrage sur les instructions du client. Ainsi, celui qui se trouve en aval de la chaîne de contrats peut se prétendre victime de l’inexécution d’une obligation contractuelle du prestataire situé en amont, avec qui il n’est pas lié par un même contrat et demander réparation de son préjudice prouvé, mais son action relève du régime de la responsabilité délictuelle. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications de la cession des droits de propriété intellectuelle lors de la création d’un site internet ?La cession des droits de propriété intellectuelle lors de la création d’un site internet n’est pas automatique. En effet, sauf dans le cas d’une œuvre de commande, le développement d’un site n’entraîne pas ipso facto la cession des droits de propriété intellectuelle au client. Il est donc déterminant que cette cession soit explicitement stipulée dans le contrat. Cela signifie que, sans une clause de cession, le développeur conserve les droits sur le site et ses composants, ce qui peut poser des problèmes si le client souhaite exploiter le site sans restrictions. Quelles étaient les conditions du contrat entre la SAS Tasker et son client ?Le contrat entre la SAS Tasker et son client stipulait que Tasker devait concevoir une plateforme de Cloud Management. Ce contrat définissait les besoins du client, ainsi que les termes de livraison et de paiement pour le développement et l’hébergement du site. Tasker avait la liberté de choisir les plateformes techniques et les sous-traitants nécessaires. Un délai était fixé pour la mise en ligne du site, et des pénalités étaient prévues en cas de retard ou de dysfonctionnements. En cas de manquement grave, le client pouvait rompre le contrat et acquérir les droits de propriété intellectuelle sur les composants logiciels pour un montant forfaitaire. Qu’est-ce qui définit une œuvre de commande dans le contexte de la création de sites internet ?Une œuvre de commande est généralement définie par le fait que le client impose des spécifications précises et un contrôle sur le processus de création. Dans le cas de la SAS Tasker, le contrat ne qualifiait pas la création du site comme une œuvre de commande, car le client ne fournissait que des orientations générales et des besoins techniques. Le prestataire avait donc toute liberté pour réaliser le site, ce qui signifie que la création ne pouvait pas être considérée comme une œuvre de commande. Par conséquent, les droits de propriété intellectuelle restaient avec le développeur, sauf stipulation contraire dans le contrat. Comment la nature des contrats influence-t-elle la responsabilité en cas de litige ?La nature des contrats dans une chaîne de contrats influence la responsabilité en cas de litige. Si au moins un des contrats est translatif de propriété, un tiers ne peut engager la responsabilité d’un autre contractant que sur un fondement contractuel. En revanche, si les contrats ne sont pas translatifs de propriété, le tiers ne peut intenter une action que sur le fondement délictuel. Cela signifie que, même si un manquement contractuel est invoqué, la responsabilité ne peut être engagée que sur la base de la responsabilité délictuelle, ce qui complique la situation pour les parties non directement liées. Quels sont les enjeux de la responsabilité délictuelle dans les chaînes de contrats ?Dans les chaînes de contrats, la responsabilité délictuelle devient un enjeu majeur lorsque les parties ne sont pas directement liées par un contrat. En droit français, les actions en responsabilité des parties non directement liées relèvent du régime de la responsabilité délictuelle, surtout dans le cadre de contrats d’entreprise. Cela signifie qu’une partie en aval peut se considérer comme victime d’un manquement d’une obligation contractuelle d’un prestataire en amont, même sans lien contractuel direct. Cependant, pour obtenir réparation, elle doit prouver son préjudice, ce qui peut être plus complexe que dans le cadre d’une action contractuelle. |
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