Dépôt de marques similaires : la contrefaçon reste possible

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Dépôt de marques similaires : la contrefaçon reste possible
L’Essentiel : Dans l’affaire AF Fermetures, la société a réussi à prouver la contrefaçon d’une marque similaire. Selon l’article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement d’une marque confère un droit de propriété. La SASU AF Fermetures a utilisé un signe verbal identique à celui d’une marque antérieure, créant un risque de confusion pour le public. Les éléments visuels et conceptuels des marques étaient suffisamment similaires pour induire en erreur les consommateurs. Ainsi, la contrefaçon par imitation a été caractérisée, engageant la responsabilité de la SASU AF Fermetures.

L’absence d’opposition au dépôt d’une marque postérieure n’empêche pas le titulaire de la marque antérieure d’agir en contrefaçon de marque.

Les droits du déposant de marque

Dans cette affaire, la société AF Fermetures a obtenu la condamnation d’un concurrent ayant déposé une marque quasi identique.

L’article L.713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.


En vertu de l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;


2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Aux termes de l’article L.716-4 du même code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.


Ces dispositions sont équivalentes à celles de la directive 2015/2436 CE du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont il résulte que le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à sa marque que si les quatre conditions suivantes sont réunies.

Cet usage doit avoir lieu dans la vie des affaires, il doit être fait sans le consentement du titulaire de la marque, il doit être fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et il doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public (en ce sens CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01 ; 12 juin 2008, O2 Holdings, C-533/06).

Le risque de confusion entre marques


Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés.

Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services en cause peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon Kabushiki-Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer, C-39/97).

L’absence de reproduction à l’identique


En l’absence de reproduction à l’identique de la marque opposée, l’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.

À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P).

Interprétant les dispositions de l’article 5, paragraphe 1, de la première directive CEE n°89-104 du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, la Cour de justice des communautés européennes (devenue CJUE) a dit pour droit que pour déterminer l’étendue de la protection d’une marque régulièrement acquise en fonction de son pouvoir distinctif, le juge doit prendre en considération la perception du public concerné au moment où le signe, dont l’usage porte atteinte à ladite marque, a commencé à faire l’objet d’une utilisation (CJCE 27 avril 2006, Levi Strauss c. Casucci SpA, C-145/05).


La bonne foi est indifférente en matière de contrefaçon de marque (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 21 février 2012, n°11-11.752).

Affaire AF Fermetures

Au cas présent, s’agissant de caractériser la contrefaçon alléguée, la circonstance que la SASU AF Fermetures argue de sa bonne foi est inopérante.
Le public pertinent pour apprécier l’existence d’un risque de confusion est le consommateur ou le professionnel, moyennement attentif, ayant recours à des services de serrurerie.


S’agissant de l’usage des signes litigieux dans la vie des affaires, il n’est pas contesté par la SASU AF Fermetures et résulte des pièces versées aux débats par la SA Auto-Fermeture AF, en particulier les constats d’huissier des 2 décembre 2021 et 31 octobre 2022.


S’agissant de l’antériorité des marques invoquées, elle résulte de la publication de la marque verbale française n°4658803 le 10 juillet 2020 et de celle de la marque semi-figurative française n°4628463 le 20 mars 2020, la SASU AF Fermetures n’ayant d’existence que depuis le 29 juillet 2020, date de l’enregistrement de ses statuts au registre du commerce et des sociétés de Meaux et les autres signes critiqués étant également postérieurs.


Les marques françaises verbale “AF Auto-Fermeture” n°4658803 et semi-figurative n°4628463 sont composées des mêmes éléments verbaux “AF” en position d’attaque, constituant l’élément dominant de la marque, les éléments verbaux “Auto-Fermeture” étant descriptifs pour désigner des services en lien avec la serrurerie.

La marque semi-figurative “AF Auto-Fermeture” n°4618463 accentue le caractère dominant de l’élément verbal “AF” du fait de sa couleur jaune, de la stylisation des caractères et de leur taille plus grande que les caractères plus petits et bleus des éléments verbaux “Auto-Fermeture”.

Conceptuellement, les éléments verbaux “AF” des marques constituent les initiales des éléments verbaux“Auto-Fermeture” qui les suivent, lesquels renvoient aux services visés, à savoir la serrurerie.


Les signes contestés AF Fermetures, font usage du même signe verbal “AF” en position d’attaque et du même signe verbal “fermeture”, l’absence d’usage du signe verbal “auto” étant seulement de nature à rendre les signes utilisés fortement similaires, au lieu d’identiques, aux marques opposées, non à les distinguer.

Le signe semi-figuratif “AF Fermetures” utilisé par la SASU AF Fermetures emploie les mêmes couleurs jaune et bleu, mais inversées, le bleu soulignant le signe verbal “AF” en caractères plus grands, accentuant son caractère dominant et, de ce fait, la similitude avec la marque semi-figurative n°4628463.

Conceptuellement, les signes critiqués renvoient au même concept de fermeture que les marques invoquées, la circonstance que le signe verbal “AF” fasse référence aux initiales du président de la SASU AF Fermetures étant difficilement accessible au public pertinent.


La marque française verbale “AF Auto-Fermeture” n°4658803 est déposée pour désigner en classe 37 les services d’installation, changement, remplacement et réparation de serrures et les travaux de serrurerie et la marque semi-figurative française “AF Auto-Fermeture” n°4628463 vise à son enregistrement les services en classe 37 de travaux de serrurerie, réparation de serrures et en classe 45 l’ouverture de serrures (pièce Auto-Fermeture AF n°4). La SASU AF Fermetures fait usage des signes critiqués pour vendre et poser des menuiseries, fenêtres, portes, portails, clôtures, volets, portes de garage, stores intérieur et extérieur.


Les services proposés par la SASU AF Fermetures sont tous susceptibles d’utiliser de manière usuelle des éléments de serrurerie, en sorte qu’ils sont également similaires aux services visés à l’enregistrement des marques opposées par la SAS Auto-Fermeture AF.


Il résulte de l’ensemble que le public pertinent, d’attention moyenne, est susceptible d’attribuer aux services respectifs proposés par les deux parties une origine commune. Le risque de confusion dans l’esprit du public est donc établi.

Il en résulte une atteinte, par la SASU AF Fermetures, à la fonction essentielle des marques françaises verbale n°4658803 et semi-figurative n°4628463 et, partant, des actes de contrefaçon par l’usage de la dénomination sociale AF Fermetures, des noms de domaine et et du logo “AF Fermetures” bleu et jaune.
En conséquence, la contrefaçon par imitation est caractérisée et engage la responsabilité de la SASU AF Fermetures.

Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les droits du déposant de marque selon le code de la propriété intellectuelle ?

Le code de la propriété intellectuelle, notamment à travers l’article L.713-1 alinéa 1er, stipule que l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur celle-ci pour les produits ou services qu’il a désignés. Cela signifie que le déposant a le droit exclusif d’utiliser la marque pour les produits ou services spécifiés, et qu’aucun tiers ne peut utiliser un signe identique ou similaire sans autorisation. L’article L.713-2 précise que l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque enregistrée est interdit, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Ainsi, le titulaire de la marque peut agir en contrefaçon si ses droits sont violés, même en l’absence d’opposition au dépôt d’une marque postérieure.

Comment est évalué le risque de confusion entre marques ?

Le risque de confusion est évalué globalement, en tenant compte de la perception du public pertinent concernant les signes et les produits ou services concernés. Cette évaluation prend en compte divers facteurs, notamment la similitude des signes et celle des produits ou services. Un faible degré de similitude entre les produits peut être compensé par une forte similitude entre les signes, et vice versa. La jurisprudence, comme dans l’affaire Canon Kabushiki-Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer, souligne l’importance de cette interconnexion. Il est essentiel de considérer l’impression d’ensemble que les signes produisent sur le consommateur moyen, qui ne se concentre pas sur les détails mais sur la marque dans son ensemble.

Quelles sont les implications de l’absence de reproduction à l’identique d’une marque ?

En l’absence de reproduction à l’identique d’une marque, l’appréciation de la similitude doit se baser sur l’impression d’ensemble des signes. Cela inclut une analyse des éléments distinctifs et dominants des marques en question. La Cour de justice des communautés européennes a précisé que le consommateur perçoit généralement une marque comme un tout, sans examiner minutieusement chaque détail. Ainsi, même si les signes ne sont pas identiques, leur similitude visuelle, auditive et conceptuelle peut suffire à établir un risque de confusion. La bonne foi du déposant n’est pas un facteur déterminant dans les affaires de contrefaçon, ce qui signifie que l’intention de l’utilisateur n’influe pas sur la violation des droits de marque.

Quels éléments ont été pris en compte dans l’affaire AF Fermetures ?

Dans l’affaire AF Fermetures, plusieurs éléments ont été examinés pour établir la contrefaçon. Tout d’abord, la SASU AF Fermetures a tenté d’arguer de sa bonne foi, mais cela a été jugé inopérant. Le public pertinent, composé de consommateurs et de professionnels de la serrurerie, a été identifié comme ayant une attention moyenne. Les marques antérieures, déposées avant la création de la SASU, ont été considérées, notamment la marque verbale “AF Auto-Fermeture” et la marque semi-figurative correspondante. Les similitudes entre les signes, notamment l’utilisation du même élément verbal “AF” et des couleurs similaires, ont été des facteurs clés dans l’évaluation du risque de confusion. Il a été conclu que le public pourrait attribuer une origine commune aux services proposés par les deux parties, établissant ainsi un risque de confusion.

Quelles conclusions ont été tirées concernant la contrefaçon dans cette affaire ?

Les conclusions de l’affaire AF Fermetures ont établi que la SASU avait effectivement porté atteinte aux droits des marques antérieures. L’utilisation de la dénomination sociale “AF Fermetures” et des éléments visuels similaires a été jugée constitutive de contrefaçon. Le tribunal a noté que les services offerts par la SASU étaient similaires à ceux couverts par les marques antérieures, renforçant l’idée d’une confusion possible dans l’esprit du public. En conséquence, la contrefaçon par imitation a été caractérisée, engageant la responsabilité de la SASU AF Fermetures. Cette décision souligne l’importance de la protection des marques et des droits des titulaires face à des usages non autorisés qui pourraient induire le public en erreur.

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