Dépôt frauduleux de marque : la mauvaise foi du déposant

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Dépôt frauduleux de marque : la mauvaise foi du déposant
L’Essentiel : Le dépôt frauduleux d’une marque par un salarié cadre dirigeant, identique à la dénomination sociale de son employeur, expose ce dernier à des sanctions sévères, incluant la nullité du dépôt. Selon l’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle, un enregistrement effectué en fraude des droits d’un tiers peut être contesté en justice. Dans ce cas, M. [I] [X] a agi sans l’accord formel de la société, violant ainsi les obligations légales. Sa mauvaise foi est établie, ce qui l’empêche de revendiquer la prescription de l’action en revendication, confirmant ainsi la recevabilité de l’action intentée par la société [X].

Le salarié cadre dirigeant qui dépose une marque identique à la dénomination sociale de son employeur s’expose non seulement à un licenciement mais également à la nullité du dépôt pour fraude. 

Le dépôt frauduleux

Selon l’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle dans sa version en vigueur à la date des faits ‘si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

La prescription de l’action

A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

Seul le déposant de bonne foi est fondé à se prévaloir de la prescription de l’action en revendication de marque et le tiers à la demande d’enregistrement de la marque litigieuse, a qualité à alléguer une fraude à ses droits.

En déposant une marque et en sollicitant son enregistrement, qui plus est dans un nombre de classes correspondant à la totalité des produits ou services de la SAS [X], dépassant d’ailleurs son propre domaine de compétence, ce en quoi il n’est pas contredit, M. [I] [X] a nécessairement porté atteinte aux droits antérieurs de la société [X] sur la marque entraînant pour conséquence qu’elle ne pouvait plus utiliser sa dénomination sociale sans craindre de porter atteinte à la marque ainsi déposée.

Absence d’accord tacite de déposer une marque

En l’espèce, si M. [I] [X] fait valoir que lorsqu’il a déposé sa marque, le 14 novembre 2011, il l’a fait avec l’accord unanime des membres de la famille, au vu et au su de tous, il ne démontre pas au vu des seules attestations de [Y] et [N] [X], partie prenante d’un conflit sociétal qui s’avère également être un conflit familial, qu’il avait obtenu l’accord de la société, soit de l’associé unique, soit des actionnaires, soit du PDG de la SAS, en bonne et due forme, selon ce que les statuts prévoyaient s’agissant de la répartition des compétences entre ces organes.

Pas davantage, il n’est établi que ce dépôt de marque en nom propre ait été évoqué à l’occasion d’une quelconque assemblée générale, ni que la société en ait été officiellement informée.

Or, il résulte des éléments versés aux débats par la société [X] qu’il existait dès le mois d’avril 2011 à tout le moins des dissensions entre [I] et [T], notamment concernant les projets de vente de [T], comme résultant de deux écrits émanant de [I] lui-même en date du 10 avril 2011 (pièces 6 et 7 de l’intimée) par lesquels il sollicitait une réunion urgente à leur propos.

Il s’ensuit qu’il n’est pas non plus établi que le PDG de la SAS, M. [T] [X], était informé de la demande d’enregistrement de la marque [X] par son frère, [I], qui a donc été faite en non respect des dispositions légales ou conventionnelles.

Par ailleurs, il ne s’agit pas ici de remettre en cause la possibilité pour la SASA d’user à titre de dénomination sociale du patronyme de l’un des associés fondateurs, de sorte qu’il importe peu que M. [Y] [X], père, n’ait le cas échéant pas donné son accord pour l’utilisation à titre de marque de son patronyme par la société, n’ayant pas perdu ses droits patrimoniaux sur celui-ci. En effet, la SAS n’a jamais déposé ce nom à titre de marque, celui-ci se trouvant simplement être, au jour du dépôt litigieux, sa dénomination sociale, comme adoptée par ses statuts depuis 1946, en sorte que le dépôt de sa dénomination sociale à titre de marque par le directeur technique de la société, qui plus est sur l’ensemble des produits et services de la société, était de nature à porter atteinte à ses droits et intérêts, privant ainsi la société [X] de droits ultérieurs dans ces classes, de nature à paralyser son activité.

En conséquence, ce dépôt qui n’a pas été fait avec l’accord de la société exploitante, l’eût il été au vu et au su de certains membres de la famille et de l’associé unique, alors qu’il n’est pas établi que le PDG, [T] [X], en était informé, et qui s’avère être, pour les motifs sus exposés, contraire aux droits et intérêts de la société, ce que [I] [X] qui s’est dispensé de solliciter l’accord de la société ne pouvait ignorer, constitue un dépôt frauduleux.

Mauvaise foi et intention de nuire

La mauvaise foi de M. [I] [X] et partant, la volonté de nuire aux droits de la société, sont par là même suffisamment établies privant M. [I] [X] de la possibilité de se prévaloir de la prescription, en sorte que le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a déclaré l’action recevable.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences pour un salarié cadre dirigeant qui dépose une marque identique à la dénomination sociale de son employeur ?

Le salarié cadre dirigeant qui dépose une marque identique à la dénomination sociale de son employeur s’expose à des conséquences juridiques significatives. En premier lieu, il risque un licenciement pour faute, car un tel acte peut être considéré comme une violation de ses obligations contractuelles envers l’employeur. De plus, le dépôt de la marque peut être déclaré nul pour fraude, selon l’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle. Cet article stipule que si un enregistrement de marque est demandé en fraude des droits d’un tiers, la personne lésée peut revendiquer sa propriété en justice. Ainsi, le salarié non seulement compromet sa position au sein de l’entreprise, mais il peut également faire face à des poursuites judiciaires pour avoir agi de manière frauduleuse.

Qu’est-ce que la prescription de l’action en revendication de marque ?

La prescription de l’action en revendication de marque est un mécanisme juridique qui limite le temps durant lequel une personne peut revendiquer ses droits sur une marque. Selon le texte, cette action se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement, sauf si le déposant est de mauvaise foi. Seul un déposant de bonne foi peut se prévaloir de cette prescription. Cela signifie que si un tiers estime que ses droits ont été violés par le dépôt d’une marque, il peut agir en justice dans ce délai de trois ans. En revanche, si le déposant a agi de mauvaise foi, il ne pourra pas bénéficier de cette protection, ce qui ouvre la voie à des actions en justice pour revendiquer la propriété de la marque.

Quelles preuves sont nécessaires pour établir l’accord tacite lors du dépôt d’une marque ?

Pour établir un accord tacite lors du dépôt d’une marque, il est essentiel de fournir des preuves concrètes et formelles. Dans le cas de M. [I] [X], bien qu’il ait affirmé avoir obtenu l’accord unanime des membres de sa famille, il n’a pas pu démontrer que cet accord avait été donné par la société, ni par l’associé unique, ni par les actionnaires, ni par le PDG. Les statuts de la société prévoient des règles spécifiques concernant la répartition des compétences, et il est crucial que ces règles soient respectées. De plus, il n’a pas été prouvé que le dépôt de la marque ait été discuté lors d’une assemblée générale ou que la société ait été officiellement informée de cette démarche. L’absence de documentation formelle ou de communication claire sur le sujet peut compromettre la validité de l’accord tacite.

Quels sont les éléments qui montrent la mauvaise foi de M. [I] [X] ?

La mauvaise foi de M. [I] [X] est établie par plusieurs éléments. Tout d’abord, il a déposé une marque qui porte atteinte aux droits antérieurs de la société [X], ce qui indique une intention de nuire à ses intérêts. De plus, le fait qu’il n’ait pas respecté les procédures légales ou conventionnelles pour obtenir l’accord de la société renforce l’idée qu’il agissait de manière délibérée. Les dissensions existantes entre M. [I] et d’autres membres de la société, notamment concernant des projets de vente, montrent également qu’il était conscient des tensions et des conflits d’intérêts au sein de la société. Enfin, le jugement a confirmé que M. [I] [X] ne pouvait pas se prévaloir de la prescription en raison de sa mauvaise foi, ce qui souligne la gravité de ses actions.

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