Dépôt de marque : vers une plus grande exigence des juridictions

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Dépôt de marque : vers une plus grande exigence des juridictions

L’Essentiel : La décision du directeur de l’INPI de rejeter la demande d’enregistrement de la marque « Mon Grec à la Française » illustre une évolution vers une plus grande exigence en matière de distinctivité des marques. Ce signe a été jugé dépourvu de caractère distinctif, car il se limite à décrire des produits laitiers inspirés de recettes grecques, sans identifier l’entreprise. L’ajout de « A la française » ne fait qu’indiquer une adaptation culinaire, sans apporter d’élément distinctif. Ainsi, la marque ne remplit pas sa fonction d’identification, privant les tiers de l’utilisation d’un terme nécessaire à leur activité.

De l’aveu même des juridictions, l’appréciation du degré de distinctivité des marques a évolué en droit positif dans le sens d’une plus grande exigence afin d’éviter de priver des tiers de l’utilisation d’un terme nécessaire à leur activité. 

Marque laitière Mon Grec à la Française

A titre d’exemple, la décision du directeur de l’INPI de rejeter la demande d’enregistrement de la marque laitière Mon Grec à la Française a été confirmée : ce signe est dépourvu de caractère distinctif et accessoirement de nature à tromper le public sur l’origine des produits.

Le mot grec associé à ces produits et préparations sert à désigner des produits de type yaourt ou sauces connues du public comme étant des recettes grecques, ou des produits destinés à des recettes grecques.

L’ajout « A la française » tend à préciser que ces recettes soit ont été adaptées pour correspondre à la tradition culinaire française ou au goût du consommateur français, soit que la fabrication ou les ingrédients utilisés sont français. Il ne s’agit que d’une description des produits et de leur préparation, pour indiquer au consommateur que ces produits sont de style grec, sans élément distinctif permettant d’identifier l’entreprise.

L’ajout du terme « Mon » à cet ensemble ne permet pas non plus de remplir la fonction d’identification de l’entreprise mettant sur le marché ces produits.

Même le produit Oeuf indiqué comme étant grec à la française n’aurait pas de caractère d’identification de l’entreprise. Le consommateur ne pourrait que penser qu’il s’agit de la description d’un oeuf de type grec, par exemple par ce que les poules dont il est issu sont de race typique de la Grèce, mais étant à la française en ce que les poules en question sont élevées en France.

Même prise dans son ensemble, la marque revendiquée est dépourvue de caractère distinctif pour les produits concernés.

Caractère descriptif d’un signe

Aux termes de l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version issue de la loi n°92-597 du 3 juillet 1992, applicable au présent litige, une marque descriptive ne peut faire l’objet d’un enregistrement :

‘Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service […]’.

La prohibition des marques descriptives

La prohibition des marques descriptives a pour finalité d’éviter que soient enregistrés des signes qui, en raison de leur identité avec des modalités habituelles de désignation des produits et des services concernés ou de leurs caractéristiques, privent des tiers de l’utilisation d’un terme nécessaire à leur activité et, de fait, ne remplissent pas la fonction d’identification de l’entreprise qui les met sur le marché ou qui en propose les services, les privant ainsi de tout caractère distinctif.

Descriptivité d’une marque

Le signe, pour être descriptif, doit présenter avec les produits et services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou l’une de ses caractéristiques.

Le caractère descriptif du signe s’apprécie, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits et services concernés.


3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°591

N° RG 21/07319 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SHMG

S.A. COMPAGNIE LAITIERE EUROPEENNE

C/

M. LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me BOURGES

Copie conforme délivrée

le :

à :

La compagnie laitière européenne

INPI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

DEMANDEUR AU RECOURS :

S.A. COMPAGNIE LAITIERE EUROPEENNE, immatriculée au RCS de COUTANCE sous le N° 780 876 421 prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège

[Localité 2]

représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, postulant, avocat au barreau de RENNES, et Me Damien REGNIER, plaidant, avocat au barreau de PARIS

PARTIE JOINTE :

Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE,

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Mme [Z] [K] en vertu d’un pouvoir général

FAITS ET PROCEDURE :

La société Compagnie Laitière européenne (la société CLE) a déposé une demande d’enregistrement n°164280670 auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (L’INPI) de la marque verbale française MON GREC A LA FRANCAISE. Cette demande a été faite pour la classe n° 29 :

Oeufs, lait et produits laitiers, notamment crème, sous toutes ses formes ; huiles et graisses comestibles ; graisses alimentaires ; beurre ; fromages ; boissons lactées où le lait prédomine ; préparations culinaires à base de petit-lait (produit laitier) et d’extraits végétaux ; mélanges crémeux (produits laitiers et extraits végétaux ) prêts à l’emploi pour la cuisine ; laits végétaux à boire ou à cuisiner ; préparations culinaires crémeuses à base d’extraits végétaux ; mélanges d’extraits de lait et/ou d’extraits végétaux pour la cuisine (aides culinaires), préparations pour sauces à base de fromage ou de crème ou d’extraits végétaux ou d’un mélange de ceux-ci.

A la suite d’échanges avec l’INPI, la société CLE a renoncé à désigner les préparations pour sauces à base de fromage ou de crème ou d’extraits végétaux ou d’un mélange de ceux-ci.

Par décision du 20 octobre 2021, le directeur de l’INPI a rejeté la demande d’enregistrement en faisant valoir que le signe était dépourvu de caractère distinctif et était de nature à tromper le public sur l’origine des produits.

La société CLE a formé un recours contre cette décision. Elle a déposé ses dernières conclusions le 3 février 2022. Le directeur général de l’Inpi a communiqué ses dernières observations le 11 mars 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

La société CLE demande à la cour de:

— Annuler la décision de Monsieur le directeur général de l’INPI en date du 20 octobre 2021, qui a rejeté la demande d’enregistrement n° 16/4280670.

Le directeur général de l’Inpi demande à la cour de :

— Rejeter le recours.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières écritures visées supra.

DISCUSSION :

Sur le caractère descriptif du signe :

Aux termes de l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version issue de la loi n°92-597 du 3 juillet 1992, applicable au présent litige, une marque descriptive ne peut faire l’objet d’un enregistrement :

‘Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service […]’.

La prohibition des marques descriptives a pour finalité d’éviter que soient enregistrés des signes qui, en raison de leur identité avec des modalités habituelles de désignation des produits et des services concernés ou de leurs caractéristiques, privent des tiers de l’utilisation d’un terme nécessaire à leur activité et, de fait, ne remplissent pas la fonction d’identification de l’entreprise qui les met sur le marché ou qui en propose les services, les privant ainsi de tout caractère distinctif.

Le signe, pour être descriptif, doit présenter avec les produits et services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou l’une de ses caractéristiques.

Le caractère descriptif du signe s’apprécie, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits et services concernés.

En l’espèce, la marque revendiquée MON GREC A LA FRANCAISE vise des produits laitiers et préparations et mélanges avec ces produits, tels que détaillés dans la demande d’enregistrement.

Le mot grec associé à ces produits et préparations sert à désigner des produits de type yaourt ou sauces connues du public comme étant des recettes grecques, ou des produits destinés à des recettes grecques. L’ajout « A la française » tend à préciser que ces recettes soit ont été adaptées pour correspondre à la tradition culinaire française ou au goût du consommateur français, soit que la fabrication ou les ingrédients utilisés sont français. Il ne s’agit que d’une description des produits et de leur préparation, pour indiquer au consommateur que ces produits sont de style grec, sans élément distinctif permettant d’identifier l’entreprise. L’ajout du terme « Mon » à cet ensemble ne permet pas non plus de remplir la fonction d’identification de l’entreprise mettant sur le marché ces produits.

Même le produit Oeuf indiqué comme étant grec à la française n’aurait pas de caractère d’identification de l’entreprise. Le consommateur ne pourrait que penser qu’il s’agit de la description d’un oeuf de type grec, par exemple par ce que les poules dont il est issu sont de race typique de la Grèce, mais étant à la française en ce que les poules en question sont élevées en France.

Même prise dans son ensemble, la marque revendiquée est dépourvue de caractère distinctif pour les produits concernés.

L’image du yaourt commercialisé depuis 2017 par la société LCE est sans incidence sur cette appréciation s’agissant d’une marque uniquement verbale.

La société LCE produit des exemples de marques dont l’enregistrement a été accepté alors qu’elles peuvent paraître avoir un caractère distinctif réduit. L’appréciation du degré de distinctivité des marques a évolué en droit positif dans le sens d’une plus grande exigence afin d’éviter de priver des tiers de l’utilisation d’un terme nécessaire à leur activité. Les exemples dont fait état la société LCE ne sont donc plus d’actualité.

Il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de la décision du directeur de l’INPI.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner la société CLE aux dépens engagés devant la cour d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

— Rejette la demande de la société Compagnie Laitière européenne d’annulation de la décision du 20 octobre 2021 du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle ayant rejeté la demande d’enregistrement n°16/4280670,

— Rejette les autres demandes des parties,

— Condamne la société Compagnie Laitière européenne aux dépens engagés devant la cour d’appel,

— Dit que la présente décision sera notifiée par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception aux parties ainsi qu’à l’Institut National de la Propriété Industrielle.

Le greffier Le président

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’évolution de l’appréciation du degré de distinctivité des marques ?

L’appréciation du degré de distinctivité des marques a connu une évolution significative en droit positif. Les juridictions ont adopté une approche plus exigeante pour éviter de priver des tiers de l’utilisation de termes nécessaires à leur activité.

Cette évolution vise à garantir que les marques ne soient pas simplement descriptives ou génériques, ce qui pourrait nuire à la concurrence. En effet, un terme trop commun ou descriptif ne peut pas remplir la fonction d’identification d’une entreprise, ce qui est essentiel pour le bon fonctionnement du marché.

Pourquoi la marque « Mon Grec à la Française » a-t-elle été rejetée ?

La décision de rejeter la marque « Mon Grec à la Française » repose sur deux principaux arguments. D’une part, le signe a été jugé dépourvu de caractère distinctif, ce qui signifie qu’il ne permet pas d’identifier spécifiquement l’entreprise qui commercialise les produits.

D’autre part, la marque est considérée comme trompeuse pour le public concernant l’origine des produits. Le terme « grec » est utilisé pour désigner des produits laitiers comme des yaourts, qui sont perçus comme des recettes grecques, tandis que l’ajout « à la française » ne fait qu’indiquer une adaptation à la tradition culinaire française sans apporter d’élément distinctif.

Quelles sont les implications de la prohibition des marques descriptives ?

La prohibition des marques descriptives a pour but d’éviter que des signes qui sont identiques à des modalités habituelles de désignation des produits soient enregistrés. Cela permet de préserver l’accès des tiers à des termes nécessaires à leur activité.

En effet, si une marque descriptive était enregistrée, cela pourrait empêcher d’autres entreprises d’utiliser des termes courants pour décrire leurs produits, ce qui nuirait à la concurrence. Cette prohibition garantit également que les marques remplissent leur fonction d’identification, essentielle pour le bon fonctionnement du marché.

Comment le caractère descriptif d’un signe est-il évalué ?

Le caractère descriptif d’un signe est évalué en fonction de deux critères principaux. Premièrement, il est examiné par rapport à la compréhension que le public concerné a de ce signe. Cela implique de déterminer si le public perçoit immédiatement le signe comme une description des produits ou services concernés.

Deuxièmement, l’évaluation se fait également en fonction des produits et services en question. Un signe est considéré comme descriptif s’il établit un rapport direct et concret avec les caractéristiques des produits ou services, permettant ainsi au public de comprendre sans réflexion supplémentaire ce que le signe désigne.

Quels sont les éléments qui rendent une marque dépourvue de caractère distinctif ?

Selon l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, plusieurs éléments peuvent rendre une marque dépourvue de caractère distinctif. Parmi ceux-ci, on trouve les signes qui sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou service.

De plus, les signes qui désignent une caractéristique du produit, comme son espèce, sa qualité, sa quantité, sa destination, ou sa provenance géographique, sont également considérés comme dépourvus de caractère distinctif. Ces éléments sont essentiels pour garantir que les marques ne soient pas simplement des descriptions, mais qu’elles puissent identifier une entreprise spécifique sur le marché.


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