L’Essentiel : Le 18 mai 2013, M. [Y] a signé un bail pour un logement appartenant à M. et Mme [D]. Résilié le 4 janvier 2016, le bail a conduit M. et Mme [Y] à demander la restitution de leur dépôt de garantie, majoré de 10 %. Le tribunal a condamné les bailleurs à verser 6 350 euros, incluant le dépôt et la majoration. En appel, les bailleurs ont contesté le jugement, mais la cour a déclaré leur appel irrecevable, considérant que la majoration était accessoire. La cassation a également annulé l’irrecevabilité de l’appel incident de M. et Mme [Y].
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Contexte de l’affaireLe 18 mai 2013, M. [Y] a signé un bail pour un immeuble à usage d’habitation appartenant à M. et Mme [D]. Ce bail a été résilié le 4 janvier 2016, et les clés ont été remises le 4 avril 2016. Demande de restitutionSuite à la résiliation, M. et Mme [Y] ont assigné les bailleurs en justice pour obtenir la restitution de leur dépôt de garantie, majoré de 10 % à partir du 4 juin 2016. Jugement du tribunalLe 15 septembre 2020, le tribunal a condamné les bailleurs à verser à M. et Mme [Y] un montant total de 6 350 euros, comprenant 1 486 euros pour le dépôt de garantie et 4 864 euros pour la majoration légale. Appel des bailleursLes bailleurs ont fait appel de ce jugement, contestation qui a conduit à une analyse des règles de compétence et de procédure applicables. Analyse juridiqueL’arrêt a examiné la compétence du tribunal d’instance, qui statue en dernier ressort pour les demandes inférieures ou égales à 4 000 euros. Il a également été précisé que les demandes connexes doivent être considérées ensemble pour déterminer la compétence. Décision sur l’appelLa cour a déclaré l’appel des bailleurs irrecevable, considérant que la majoration légale était accessoire à la restitution du dépôt de garantie et ne devait pas être prise en compte pour le montant total. Conséquences de la cassationLa cassation de l’arrêt a entraîné également l’annulation de l’irrecevabilité de l’appel incident de M. et Mme [Y], en raison du lien de dépendance entre les deux demandes. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article R. 221-4 du code de l’organisation judiciaire dans le cadre de la compétence des tribunaux d’instance ?L’article R. 221-4 du code de l’organisation judiciaire précise que le tribunal d’instance statue en dernier ressort lorsqu’il est appelé à connaître d’une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à 4 000 euros. Ce texte établit donc un seuil de compétence pour le tribunal d’instance, limitant son intervention à des litiges de faible montant. Il est important de noter que cette disposition s’applique également aux demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant est inférieur ou égal à cette somme. Ainsi, si le montant total des demandes dépasse ce seuil, la compétence du tribunal d’instance ne s’applique plus, et l’appel devient possible. Comment l’article 35 du code de procédure civile influence-t-il la détermination de la compétence en cas de demandes connexes ?L’article 35, dernier alinéa, du code de procédure civile stipule que lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions. Cela signifie que, dans le cas où plusieurs demandes sont liées, il convient de les additionner pour évaluer si le montant total dépasse le seuil de compétence du tribunal d’instance. Cette disposition vise à éviter que des parties ne fractionnent leurs demandes pour rester sous le seuil de compétence, ce qui pourrait nuire à l’équité du procès. Ainsi, dans le cas présent, la majoration légale demandée par M. et Mme [Y] doit être prise en compte pour déterminer si le montant total des demandes excède le seuil de 4 000 euros. Quelles sont les conséquences de la non-restitution du dépôt de garantie selon l’article 22 de la loi n° 89-462 ?L’article 22, alinéa 7, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, prévoit qu’à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette disposition vise à protéger les locataires en leur garantissant une indemnisation en cas de retard dans la restitution de leur dépôt de garantie. La majoration est donc automatique et s’applique pour chaque mois de retard, ce qui peut rapidement augmenter le montant dû par le bailleur. Dans le cadre de l’affaire, cette majoration a été considérée comme accessoire à la demande principale de restitution du dépôt de garantie, ce qui a des implications sur la compétence du tribunal. Comment la cour d’appel a-t-elle violé les textes en déclarant l’appel des bailleurs irrecevable ?La cour d’appel a déclaré l’appel des bailleurs irrecevable en considérant que la majoration légale ne devait pas être prise en compte pour déterminer le taux de dernier ressort. Cependant, cette interprétation est erronée car, selon la jurisprudence, la demande relative à la majoration légale constitue une demande accessoire à la demande principale de restitution du dépôt de garantie. En effet, la nature indemnitaire de la demande de majoration concourt avec celle de la restitution pour déterminer le montant total des prétentions. Ainsi, en ne tenant pas compte de cette majoration dans le calcul du montant total, la cour d’appel a violé les articles R. 221-4 du code de l’organisation judiciaire et 35 du code de procédure civile, entraînant une erreur sur la compétence et la possibilité d’appel. Quelles sont les implications de l’article 624 du code de procédure civile dans le cadre de la cassation ?L’article 624 du code de procédure civile stipule que la cassation d’un chef de dispositif entraîne la cassation des chefs de dispositif qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. Dans le cas présent, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt qui a déclaré irrecevable l’appel interjeté par les bailleurs entraîne également la cassation de l’appel incident de M. et Mme [Y]. Cela signifie que si la décision de la cour d’appel est annulée concernant l’irrecevabilité de l’appel des bailleurs, cela affecte également la position de M. et Mme [Y] qui avaient interjeté un appel incident. Cette disposition vise à garantir la cohérence des décisions judiciaires et à éviter des situations où des parties seraient traitées différemment en raison d’une erreur de droit dans le jugement initial. |
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 57 F-B
Pourvoi n° F 22-21.138
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
1°/ M. [Z] [D],
2°/ Mme [H] [F], épouse [D],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° F 22-21.138 contre l’arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d’appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [E] [Y],
2°/ à Mme [X] [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Duhamel, avocat de M. et Mme [D], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme [Y], et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 7 juillet 2022), le 18 mai 2013, M. [Y] a pris à bail un immeuble à usage d’habitation appartenant à M. et Mme [D] (les bailleurs).
2. Après résiliation du bail le 4 janvier 2016 et remise des clés le 4 avril 2016, M. et Mme [Y] ont assigné les bailleurs devant un tribunal d’instance en restitution du dépôt de garantie majoré de 10 % à compter du 4 juin 2016.
3. Par jugement du 15 septembre 2020, le juge des contentieux de la protection d’un tribunal judiciaire a condamné les bailleurs à payer à M. et Mme [Y] les sommes de 1 486 euros en restitution du dépôt de garantie et de 4 864 euros au titre de la majoration légale.
4. Les bailleurs ont interjeté appel de ce jugement.
5. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l’article R. 221-4 du code de l’organisation judiciaire dans sa rédaction issue du décret n° 2008-522 du 2 juin 2008, l’article 35, dernier alinéa, du code de procédure civile et l’article 22, alinéa 7, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 :
6. En vertu du premier de ces textes, le tribunal d’instance statue en dernier ressort lorsqu’ il est appelé à connaître d’une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 4 000 euros ou sur une demande indéterminée qui a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant est inférieur ou égal à cette somme.
7. Aux termes du deuxième, lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions.
8. Selon le troisième, à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard.
9. Pour déclarer irrecevable l’appel des bailleurs, l’arrêt retient que la majoration légale précitée constitue l’accessoire de la restitution du dépôt de garantie et n’a pas à être prise en compte dans la détermination du taux de dernier ressort.
10. En statuant ainsi, alors que la demande relative à la majoration légale constitue une demande accessoire à la demande principale, qui, par sa nature indemnitaire, concourt avec celle-ci à déterminer le taux du ressort, ce dont il se déduisait que le total des demandes excédant le taux de dernier ressort, la voie de l’appel était ouverte, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
11. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt qui a déclaré irrecevable l’appel interjeté par les bailleurs entraîne la cassation du chef de dispositif déclarant irrecevable l’appel incident de M. et Mme [Y] qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
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