L’Essentiel : La responsabilité contractuelle du prestataire informatique s’évalue au cas par cas. Par exemple, un client ne peut résilier son contrat d’hébergement de données en raison d’une insatisfaction liée à une prestation de migration, sans justifier de faute. Les contrats d’hébergement et de connexion sont indépendants. Ainsi, même si des manquements sont avérés, l’inexécution des obligations d’hébergement ne peut justifier la résiliation de la prestation de connexion. La société Cash World a reconnu cette indépendance dans sa correspondance, affirmant que les contrats pouvaient exister séparément, ce qui a conduit la Cour d’appel à juger la résiliation fautive. |
La responsabilité contractuelle du prestataire informatique s’apprécie contrat par contrat. Un client est en faute si, mécontent de la prestation de migration de ses données, résilie également son contrat d’hébergement de données sans justifier de faute à l’égard de cette dernière prestation. Exception d’inexécutionLa gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale, à charge pour celle-ci d’en supporter les risques et périls pour le cas où la faute imputée à la partie prétendument défaillante ne serait pas confirmée, voire pour le cas où elle ne serait pas jugée suffisamment grave pour justifier une résiliation unilatérale du contrat. Contrats indépendantsOr et ainsi que le tribunal l’a justement relevé, les manquements reprochés par la société Cash World à la société Network Consulting sont sans rapport avec l’installation et le fonctionnement des liens SDSL, puisque concernant exclusivement les opérations de migration des données des serveurs de la société Cash World au data center mis à la disposition de la société Network Consulting. Dès lors, même à la supposer avérée, l’inexécution des obligations incombant à la société Network Consulting en rapport avec la prestation d’hébergement ne pouvait pas justifier la résiliation de la prestation de connexion, ces deux prestations étant indépendantes l’une de l’autre. La société Cash World l’a elle-même reconnu dans un courrier qu’elle a adressé à la société Network Consulting pour lui signifier son intention de mettre un terme à la prestation d’hébergement’: «’Le contrat de mise à disposition des liens et le contrat d’hébergement regroupés dans l’accord-cadre sont indépendants, distincts et ont une finalité différente. Ils peuvent exister l’un sans l’autre’». Il en résulte que la société Cash World n’était pas fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution pour refuser de faire installer par la société Network Cashworld les seize liens SDSL manquants prévus au contrat. Contexte de l’affaireLa société Cash World, franchiseur, est à la tête d’un réseau de magasins franchisés qui commercialisent des produits cosmétiques sous l’enseigne «’Saga’». Jusqu’en 2011, le réseau informatique du groupe était organisé depuis les serveurs de la société Cash World alors installés à Geneston (44), l’ensemble des magasins étant reliés à ces serveurs via l’opérateur Orange. Début 2011, la société Cash World décidait de mettre en place un réseau privé virtuel délocalisé en data center, ayant confié la réalisation de ce projet à la société Network Consulting. Ainsi et aux termes d’un «’contrat cadre technique et commercial’» (CCTC) signé le 21 juillet 2011, la société Cash World passait commande auprès de la société Network Consulting d’un réseau censé se structurer comme suit ‘: – création par la société Network Consulting de liens SDSL (Symmetric Digital Subscriber Line) entre l’ensemble des magasins Saga et le siège de la société Cash World, permettant par là même l’inter-connexion des points de vente et du franchiseur’ ; – mise à disposition du coeur de réseau de la société Network Consulting et infogérance de l’ensemble du système informatique par la société Network Consulting’ ; – hébergement des serveurs de la société Cash World dans le data center de la société Network Consulting, laquelle devait mettre à la disposition de sa cliente une baie informatique située dans la région nantaise, le déménagement des serveurs devait être réalisé par un prestataire informatique extérieur, la société Advanti, elle-même mandatée à cet effet par la société Cash World. Ce contrat entre la société Cash World et la société Network Consulting était conclu pour une durée de 36 mois, devant donner lieu à une facturation directe des magasins franchisés pour la mise en place des liens SDSL et à une facturation trimestrielle de la société Cash World pour la mise à disposition du coeur de réseau, l’infogérance et la location de la baie informatique, la société Cash World demeurant néanmoins personnellement tenue du règlement des factures incombant aux magasins en cas de défaillance de ceux-ci. Au cours des mois suivants, la société Network Consulting allait procéder à l’installation des liens SDSL pour quatorze magasins du groupe Saga. Par ailleurs et au cours de l’été 2012, la société Adventi procédait au déménagement physique des serveurs de la société Cash World jusqu’au data center de la société Network Consulting’; cependant et par deux fois, elle devait échouer dans les opérations de migration des données, la société Adventi s’étant en effet heurtée au barrage d’un routeur «’Astaro’» empêchant la complète transmission des informations vers le data center. Manque de collaboration aux opérations de migrationA l’issue d’une réunion, la société Network Consulting proposait à la société Cash World son assistance pour achever le raccordement des serveurs au data center, ce, moyennant une facturation complémentaire, proposition que cette dernière allait rejeter, la société Cash World reprochant en effet à la société Network Consulting son manque de collaboration aux opérations de migration engagées par la société Adventi alors par ailleurs qu’elle lui reprochait également de lui facturer la location d’une baie informatique inutilisable, la société Cash World ayant finalement annoncé à la société Network Consulting qu’elle cesserait de régler ces facturations tant que la migration ne serait pas effective, envisageant même la résiliation de la prestation d’hébergement. De son côté, la société Network Consulting récusait toute responsabilité dans l’échec des opérations de migration et, par ailleurs, réclamait la mise en place de l’ensemble des liens SDSL prévus au contrat, soit trente au minimum et non seulement quatorze, menaçant finalement la société Cash World d’interrompre l’ensemble de ses services si celle-ci persistait à ne pas faire installer les seize liens manquants, a fortiori si elle cessait de régler ses factures. Saisie du litige, la Cour d’appel a considéré que la résiliation de l’ensemble des services par le client a été jugée fautive. |
Q/R juridiques soulevées : Quelle est la nature de la responsabilité contractuelle du prestataire informatique ?La responsabilité contractuelle du prestataire informatique est évaluée de manière spécifique à chaque contrat. Cela signifie que les obligations et les manquements doivent être analysés dans le cadre de l’accord particulier en question. Dans le cas présenté, un client ne peut pas résilier un contrat d’hébergement de données simplement parce qu’il est mécontent de la prestation de migration de ses données, à moins qu’il ne puisse justifier une faute de la part du prestataire concernant cette prestation. Il est donc essentiel de distinguer les différentes prestations fournies et de ne pas les confondre, car chaque contrat a ses propres termes et conditions.Qu’est-ce que l’exception d’inexécution ?L’exception d’inexécution est un principe juridique qui permet à une partie à un contrat de suspendre ou de mettre fin à ses obligations si l’autre partie ne respecte pas ses engagements. Cependant, la gravité du manquement doit être suffisamment importante pour justifier une telle action. Si la faute n’est pas confirmée ou si elle n’est pas jugée suffisamment grave, la partie qui a mis fin au contrat peut en subir les conséquences. Cela implique que la résiliation unilatérale d’un contrat doit être soigneusement évaluée pour éviter des répercussions juridiques.Comment les contrats sont-ils considérés dans cette affaire ?Dans cette affaire, les contrats entre la société Cash World et la société Network Consulting sont considérés comme indépendants. Le tribunal a noté que les manquements reprochés par Cash World à Network Consulting étaient liés uniquement à la migration des données, sans rapport avec l’installation et le fonctionnement des liens SDSL. Ainsi, même si des manquements étaient avérés concernant l’hébergement, cela ne justifiait pas la résiliation du contrat de connexion, car les deux prestations étaient distinctes et pouvaient exister indépendamment l’une de l’autre.Quel est le contexte de l’affaire entre Cash World et Network Consulting ?La société Cash World, qui gère un réseau de magasins franchisés sous l’enseigne « Saga », a décidé de délocaliser son réseau informatique vers un data center en 2011. Pour ce faire, elle a signé un contrat avec la société Network Consulting, qui devait créer des liens SDSL, fournir un cœur de réseau et héberger les serveurs de Cash World. Le contrat, d’une durée de 36 mois, stipulait que Cash World serait responsable des paiements, même en cas de défaillance des magasins franchisés. Des complications sont survenues lors de la migration des données, entraînant des tensions entre les deux sociétés.Quels problèmes ont été rencontrés lors de la migration des données ?La société Adventi, chargée de la migration des serveurs de Cash World vers le data center de Network Consulting, a rencontré des difficultés techniques. Elle a échoué à deux reprises dans ses tentatives de migration en raison d’un routeur « Astaro » qui bloquait la transmission des données. Face à ces échecs, Cash World a reproché à Network Consulting un manque de collaboration et a décidé de ne plus régler les factures tant que la migration ne serait pas achevée. Network Consulting, de son côté, a nié toute responsabilité dans ces échecs et a exigé la mise en place des liens SDSL prévus au contrat.Quelle a été la décision de la Cour d’appel concernant la résiliation des services ?La Cour d’appel a jugé que la résiliation des services par Cash World était fautive. Cette décision souligne l’importance de respecter les obligations contractuelles et de ne pas résilier un contrat sans justification valable. La cour a pris en compte le fait que les prestations étaient indépendantes et que les manquements dans une prestation ne pouvaient pas justifier la résiliation d’une autre. Ainsi, Cash World n’était pas fondée à invoquer l’exception d’inexécution pour refuser l’installation des liens SDSL manquants. |
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