L’Essentiel : Un avocat parisien est en litige avec la SPRE, contestant son droit à percevoir la rémunération équitable. Il a créé un site et des groupes sur les réseaux sociaux pour inciter à ne plus payer la SPRE, qualifiant la réglementation de « inexistante ». La SPRE a poursuivi l’avocat pour dénigrement, arguant que ses propos, jugés trompeurs, dépassent la critique légitime. Le juge a constaté que l’utilisation du logo et du nom de la SPRE sur le site de l’avocat portait atteinte à ses droits, confirmant ainsi le caractère dénigrant des déclarations publiques de l’avocat.
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Missions de la SPRELa société civile pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE) est une société civile de gestion collective constituée en application des articles L.214-5 et L.321-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, chargée de percevoir, sous le contrôle du Ministère de la Culture, la rémunération due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes au titre de l’article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle. La SPRE utilise comme nom commercial, le signe « SPRE », le logo associé à son sigle ainsi que la marque française verbale « SPRE ». Litige avec un avocatUn avocat au barreau de Paris est en contentieux avec la SPRE depuis plusieurs années, en sa qualité d’avocat et pour le compte de ses clients, il a introduit plusieurs instances dans le but de faire établir que la SPRE n’a aucun droit à percevoir et répartir la rémunération équitable et que l’ensemble de la réglementation sur laquelle elle se fonde est « susceptible d’être qualifiée d’inexistante et en conséquence inopposable aux usagers ». L’avocat consacre ainsi sur son site internet, un onglet intitulé « redevance SPRE », une page Facebook et un groupe intitulé « ne payez plus la SPRE ». Poursuivi par la SPRE, l’avocat a été condamné sur plusieurs fondements. L’atteinte vraisemblable aux marques de la SPREIl n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’apprécier le bien-fondé des conditions du dépôt des marques SPRE, au-delà de l’évidence lui permettant d’apprécier les circonstances de l’espèce qui lui est soumise. Le juge a retenu que l’usage du signe semi-figuratif de la SPRE allait au-delà d’une simple désignation nécessaire de celle-ci pour désigner des services identiques à ceux protégés. Cette utilisation de marque associée à des propos négatifs sur la mission conduite par la SPRE, porte atteinte aux droits de celle-ci. Par ailleurs, il était aussi établi l’utilisation fautive de la marque SPRE dans la balise « titre » de la page d’accueil du site de l’avocat, qui a pour conséquence d’associer le terme ‘SPRE’ au nom du cabinet d’avocats au point de le faire apparaître en premier lors d’une recherche. Pour rappel, l’article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable En outre, l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement. Défaut d’originalité du logo de la SPRELa SPRE a entendu voir reconnaître la protection de son logo au titre du droit d’auteur en soulignant son originalité tirée de sa forme et des couleurs utilisées. Le juge a considéré que le logo de la SPRE, constitué du terme verbal SPRE suivi de demi-cercles concentriques, censés évoquer des ondes, ne pouvait révéler l’empreinte de la personnalité de son auteur, et en tout cas un effort créatif suffisant pour être accessible à la protection du droit d’auteur. Le symbole utilisé, sous la forme d’une onde, ne présente pas, avec l’évidence requise en référé, la distinctivité qui permet de l’associer à la personnalité de la SPRE. Les articles L.111-1 et L.111-3 du code de la propriété intellectuelle disposent que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ; ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée. L’article L.122-4 du même code dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. Dénigrement et liberté d’expressionIl est acquis que la liberté d’expression est un principe fondamental qui peut être limitée en cas de dénigrement. La juridiction a considéré que les propos argués de dénigrement par la SPRE, tenus publiquement sans mesure donnent des informations fausses et trompeuses et sont constitutifs de dénigrement à l’encontre de la SPRE. Les propos du site de l’avocat et de la page Facebook « Ne payez plus la SPRE » relèvent manifestement du dénigrement en ce qu’ils excèdent la libre critique, objective et prudente de la part d’une personne se situant dans le même cercle d’intervention que la SPRE puisqu’ayant fait du combat de l’action de celle-ci la spécialité de son activité d’avocat. |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que la SPRE et quelles sont ses missions ?La Société Civile pour la Perception de la Rémunération Équitable (SPRE) est une entité de gestion collective, créée conformément aux articles L.214-5 et L.321-1 du code de la propriété intellectuelle. Elle a pour mission principale de percevoir la rémunération due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes pour la communication au public de leurs œuvres. Cette rémunération est stipulée dans l’article L.214-1 du même code. La SPRE agit sous le contrôle du Ministère de la Culture, garantissant ainsi une régulation adéquate de ses activités. Elle utilise le nom commercial « SPRE » ainsi que son logo associé pour représenter ses intérêts et ses missions. Quel est le litige entre la SPRE et l’avocat au barreau de Paris ?Un avocat basé à Paris est en conflit avec la SPRE depuis plusieurs années. Il agit pour le compte de ses clients et a introduit plusieurs actions en justice pour contester les droits de la SPRE à percevoir et répartir la rémunération équitable. L’avocat soutient que la réglementation sur laquelle la SPRE se fonde est « susceptible d’être qualifiée d’inexistante et inopposable aux usagers ». Pour promouvoir sa position, il a créé un onglet sur son site internet, une page Facebook, et un groupe intitulé « ne payez plus la SPRE ». En réponse, la SPRE a poursuivi l’avocat, qui a été condamné sur plusieurs bases juridiques. Quelles sont les atteintes aux marques de la SPRE ?Le juge des référés a déterminé qu’il n’était pas de son ressort d’évaluer la légitimité des marques de la SPRE, mais il a constaté que l’utilisation du signe semi-figuratif de la SPRE dépassait une simple désignation. Cette utilisation, associée à des commentaires négatifs sur la mission de la SPRE, constitue une atteinte à ses droits. De plus, l’avocat a utilisé la marque SPRE dans la balise « titre » de son site, ce qui a eu pour effet de l’associer à son cabinet, le faisant apparaître en premier lors des recherches. L’article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle permet à toute personne ayant qualité d’agir en contrefaçon de saisir la juridiction civile pour prévenir une atteinte imminente à ses droits. Pourquoi le logo de la SPRE n’est-il pas protégé par le droit d’auteur ?La SPRE a tenté de faire reconnaître son logo comme une œuvre protégée par le droit d’auteur, en mettant en avant son originalité. Cependant, le juge a estimé que le logo, qui se compose du terme « SPRE » et de demi-cercles évoquant des ondes, ne reflétait pas l’empreinte de la personnalité de son auteur. Il a conclu qu’il n’y avait pas d’effort créatif suffisant pour justifier une protection par le droit d’auteur. Les articles L.111-1 et L.111-3 du code de la propriété intellectuelle stipulent que l’auteur d’une œuvre jouit d’un droit de propriété exclusif, mais ce droit nécessite une originalité qui n’a pas été démontrée dans ce cas. Comment la liberté d’expression est-elle affectée par le dénigrement ?La liberté d’expression est un principe fondamental, mais elle peut être limitée en cas de dénigrement. La juridiction a jugé que les propos tenus par l’avocat sur son site et sa page Facebook constituaient un dénigrement à l’encontre de la SPRE. Ces propos, jugés faux et trompeurs, dépassent la critique objective et prudente, surtout venant d’un avocat qui a fait de la contestation de la SPRE son domaine d’expertise. Ainsi, bien que la liberté d’expression soit protégée, elle ne doit pas être utilisée pour porter atteinte à la réputation d’autrui de manière injustifiée. |
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