L’Essentiel : Dans l’affaire opposant le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA) à Chevrolet France, la justice a reconnu la liberté d’expression syndicale. Le CNPA, après la résiliation des contrats de distributeur par Chevrolet, a dénoncé des indemnisations jugées insuffisantes, tout en critiquant la société dans une campagne médiatique. Les propos tenus, bien que virulents, visaient l’attitude de Chevrolet plutôt que ses produits, ce qui ne constitue pas un dénigrement. La cour a estimé que ces critiques relevaient d’une polémique légitime, permettant au CNPA de défendre les intérêts de la profession sans excéder les limites de la critique admissible.
|
Action en dénigrement contre ChevroletLes syndicats disposent incontestablement d’une liberté d’expression plus étendue. Dans cette affaire, le dénigrement par le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA), contre la société Chevrolet France (General Motors Korea) n’a pas été retenu. Recevabilité de l’action syndicaleSuite à son départ du marché européen, la société Chevrolet France a notifié à chacun de ses concessionnaires la résiliation de ses contrats de distributeur, en respectant un préavis contractuel de 24 mois. Le CNPA avait saisi la justice tout en dénonçant le caractère insuffisant des indemnisations proposées aux concessionnaires. L’action du CNPA était fondée sur l’article L.2132-3 du code du travail qui dispose : « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». Cette action judiciaire a été accompagnée d’une campagne de presse du CNPA critiquant vivement la société Chevrolet France. Conditions du dénigrementLa loyauté des affaires doit être conciliée avec le principe constitutionnel de la liberté d’expression et seuls les abus de ce droit peuvent être sanctionnés. Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique admissible dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier. Les propos tenus par le CNPA imputaient à la société Chevrolet France les qualificatifs de « Manque de respect », « pas sincère », « mépris », « manque de loyauté », « dissimulation ». La CNPA avait également déclaré par son porte-parole « Je veux bien le rêve américain sur des voitures qui sont d’anciennes Daewoo fabriquées en Corée, on peut prendre les clients pour des gogos ». Ces propos, tenus sur des sites spécialisés et destinés aux professionnels, émanaient d’un syndicat, dont la liberté d’expression ne peut être indûment limitée et qui n’est pas un acteur économique en situation de concurrence avec la société Chevrolet. Ils ne portaient pas sur les véhicules et services Chevrolet, mais sur l’attitude de la société Chevrolet France personnellement attaquée. Ces propos pouvaient porter atteinte à l’honneur et à la probité de cette société, mais non à la qualité de ses produits. Dans l’ensemble, les termes employés n’étaient pas dénigrants à l’égard des produits ou services Chevrolet, mais avaient pour objet de faire passer la société Chevrolet France pour une société déloyale. Or, l’imputation de pratiques contraires à la loi et à la morale ne relève pas du dénigrement, mais de la diffamation. Polémique légitimeEn conclusion, le CNPA s’est livré à des critiques virulentes à l’encontre de la société Chevrolet France mail il ne s’agissait pas d’une campagne de dénigrement de la marque et des produits Chevrolet. Les propos ou écrits émis par le CNPA, légitime à défendre les intérêts de la profession, n’excédaient pas ceux qu’autorise une légitime polémique. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel était le motif de l’action en dénigrement contre Chevrolet ?L’action en dénigrement contre Chevrolet a été initiée par le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA) suite à la résiliation des contrats de distributeur par Chevrolet France, après son départ du marché européen. Le CNPA a dénoncé le caractère insuffisant des indemnisations proposées aux concessionnaires, arguant que ces décisions portaient préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. Cette action s’est fondée sur l’article L.2132-3 du code du travail, qui permet aux syndicats d’agir en justice pour défendre les intérêts de leurs membres. Quelles étaient les critiques formulées par le CNPA à l’encontre de Chevrolet ?Le CNPA a formulé des critiques virulentes à l’encontre de Chevrolet France, en utilisant des termes tels que « manque de respect », « pas sincère », « mépris », « manque de loyauté » et « dissimulation ». Ces critiques visaient principalement l’attitude de la société et non la qualité de ses produits. Le porte-parole du CNPA a même déclaré que les voitures de Chevrolet étaient « d’anciennes Daewoo fabriquées en Corée », insinuant que la société prenait les clients pour des « gogos ». Ces propos ont été diffusés sur des sites spécialisés, ce qui a soulevé des questions sur la légitimité de ces critiques dans le cadre d’une polémique professionnelle. Comment la justice a-t-elle interprété les propos du CNPA ?La justice a considéré que les propos tenus par le CNPA ne constituaient pas un dénigrement des produits ou services de Chevrolet, mais plutôt une critique de la société elle-même. Les termes employés n’étaient pas jugés dénigrants au sens strict, car ils ne portaient pas atteinte à la qualité des produits, mais visaient à dénoncer des pratiques jugées déloyales. La distinction entre dénigrement et critique légitime est essentielle, car le dénigrement implique un objectif de discrédit, tandis que la critique peut être considérée comme une défense des intérêts professionnels. Quelles sont les implications de cette affaire pour la liberté d’expression des syndicats ?Cette affaire souligne l’importance de la liberté d’expression des syndicats dans le cadre de la défense des intérêts de leurs membres. La justice a reconnu que les syndicats disposent d’une plus grande liberté d’expression, tant que leurs propos ne relèvent pas d’abus. Les critiques formulées par le CNPA ont été jugées comme faisant partie d’une polémique légitime, permettant ainsi aux syndicats de s’exprimer sans craindre des sanctions pour dénigrement, tant que cela reste dans le cadre de la défense de leurs intérêts. Quelle est la distinction entre dénigrement et diffamation dans ce contexte ?Dans ce contexte, la distinction entre dénigrement et diffamation est cruciale. Le dénigrement implique de jeter publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise dans le but d’obtenir un avantage concurrentiel. En revanche, la diffamation concerne des accusations qui portent atteinte à l’honneur ou à la probité d’une personne, en imputant des pratiques contraires à la loi ou à la morale. Dans le cas du CNPA, les critiques étaient orientées vers l’attitude de Chevrolet France, et non vers la qualité de ses produits, ce qui a conduit à la conclusion que les propos ne relevaient pas du dénigrement, mais plutôt d’une critique légitime. |
Laisser un commentaire