Dénigrement ou concurrence déloyale ?

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Dénigrement ou concurrence déloyale ?

La société Bapdis qui exerce son activité sous l’enseigne Leclerc a fait paraître à plusieurs reprises consécutives, dans un quotidien, un texte comprenant en particulier les termes ‘Carrefour Pub Magouille’.  La publication en cause a été jugée constitutive de dénigrement.

Inapplicabilité des délits de presse

Tout en visant directement une personne morale, les allégations et propos contestés émanent d’une société concurrente de la même spécialité et exerçant dans le même secteur d’activité que l’entreprise visée. Ils mettent en cause des pratiques commerciales mises en oeuvre par celle-ci. En insistant, dans les publications concernées, sur le fait que pour sa part « Leclerc reste le moins cher», la société Bapdis a ainsi marqué sa volonté de se placer, par ses propos, sur le terrain de la concurrence. Les faits reprochés ont pour finalité de jeter le discrédit sur elle en la dénigrant, afin d’en détourner les clients. Ces éléments font ressortir que la demande porte non pas sur des faits de diffamation mais sur des actes de concurrence déloyale, ils n’entrent donc pas dans les prévisions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 mais de celles qui concernent les actes de concurrence déloyale et en particulier le dénigrement.

Dénigrement applicable

L’emploi de l’expression ‘Pub Magouille’, suggère au lecteur que la société Carrefour utilise des moyens malhonnêtes pour induire en erreur le consommateur sur la réalité des prix qu’elle pratique. Les propos ainsi utilisés sont donc de nature à jeter le discrédit sur la société Carrefour expressément visée dans le texte des publications. L’emploi des termes ‘Carrefour Pub Magouille’ présente en lui-même un caractère malveillant, il s’agit là de propos outranciers qui dépassent manifestement les limites de ce qu’il est permis en matière d’appréciation sur les pratiques commerciales d’un concurrent.

En raison du caractère outrancier des termes ‘ Pub Magouille’ ni la forme humoristique alléguée, ni la circonstance que la publication des mêmes propos plusieurs années auparavant n’ait pas suscité de réaction de la part de la société Carrefour, ni le contexte national ou local invoqué, relatif notamment aux litiges portant sur des relevés de prix, ni encore le fait que la société Bapdis considére que l’enseigne ‘ Carrefour’ pratique des prix plus élevés que la sienne, n’excusent l’emploi de ces propos dénigrants.

Ces propos excessifs, de nature à jeter le discrédit sur la société Carrefour, portent atteinte à l’image commerciale de la société Carrefour auprès du consommateur et constituent bien un dénigrement, peu important qu’ils soient ou non exacts (Cour de cass. 24 septembre 2013).

Questions / Réponses juridiques

Quelles sont les allégations portées par la société Bapdis contre Carrefour ?

La société Bapdis, opérant sous l’enseigne Leclerc, a publié à plusieurs reprises des allégations dans un quotidien, notamment en utilisant l’expression ‘Carrefour Pub Magouille’.

Ces propos insinuent que Carrefour utilise des pratiques commerciales malhonnêtes pour tromper les consommateurs sur ses prix.

L’objectif de ces publications semble être de discréditer Carrefour afin de détourner les clients vers Leclerc, ce qui constitue un acte de dénigrement.

Pourquoi les propos de Bapdis ont-ils été jugés dénigrants ?

Les termes ‘Carrefour Pub Magouille’ sont considérés comme malveillants et outranciers, dépassant les limites de ce qui est acceptable dans le cadre de la concurrence.

Ces propos suggèrent que Carrefour induit les consommateurs en erreur, ce qui nuit à son image commerciale.

La Cour a souligné que même si ces allégations ne sont pas nécessairement exactes, elles portent atteinte à la réputation de Carrefour, ce qui constitue un dénigrement.

Quels éléments ont été pris en compte pour juger de la nature dénigrante des propos ?

Plusieurs éléments ont été pris en compte, notamment le caractère outrancier des termes utilisés, qui ne peuvent être justifiés par un contexte humoristique ou par l’absence de réaction antérieure de Carrefour.

De plus, le fait que Bapdis considère que Carrefour pratique des prix plus élevés n’excuse pas l’utilisation de propos dénigrants.

La finalité de ces publications, qui est de jeter le discrédit sur Carrefour, a également été un facteur déterminant dans le jugement.

Comment la loi encadre-t-elle les actes de dénigrement ?

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne couvre pas les actes de dénigrement entre concurrents, qui relèvent plutôt des règles sur la concurrence déloyale.

Les actes de dénigrement sont définis comme des propos ou allégations qui portent atteinte à l’image d’une entreprise, sans nécessairement être fondés sur des faits vérifiables.

Dans ce cas, les propos de Bapdis ont été jugés comme des actes de concurrence déloyale, ce qui a permis d’appliquer des sanctions appropriées.

Quelle est la portée de la décision de la Cour de cassation du 24 septembre 2013 ?

La décision de la Cour de cassation du 24 septembre 2013 a établi un précédent important en matière de dénigrement.

Elle a affirmé que des propos excessifs, même s’ils ne sont pas véridiques, peuvent constituer un dénigrement si leur effet est de nuire à l’image d’une entreprise.

Cette décision souligne l’importance de la protection de la réputation commerciale des entreprises dans le cadre de la concurrence.


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