L’Essentiel : La demande de placement sous scellés des produits de contrefaçon a été rejetée par le tribunal, considérant qu’aucun texte général n’impose cette mesure. Le placement sous scellés, dont l’effet est similaire à celui d’un séquestre, n’est pas justifié dans ce cas. La société Philips France Commercial, qui contestait la saisie, a soutenu que le régime des scellés était plus protecteur de ses intérêts, notamment en ce qui concerne le secret professionnel. Cependant, le juge a estimé que la demande n’était ni fondée en droit ni opportune en fait, et a ordonné une expertise pour trier les documents saisis.
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Une demande de placement des produits de la contrefaçon saisis sous scellés n’est pas fondée en droit puisqu’au aucun texte général (hormis des dispositions spécifiques : successions, droit pénal, code de la route etc) n’impose le placement sous « scellés », dont l’effet, par suite de l’assignation délivrée dans le mois de la mesure, est le même que celui d’un séquestre. Cette demande qui n’est pas opportune en fait, a été rejetée. TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 22/00651 – No Portalis 352J-W-B7G-CV53X No MINUTE : Assignation du : 14 Janvier 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION rendue le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. PHILIPS FRANCE COMMERCIAL [Adresse 2] [Localité 3] représentée par Maîtres Sabine AGE et Amandine METIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512, DÉFENDERESSE S.A. THALES [Adresse 6] [Localité 4] représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX assisté de Maître Abdelaziz KHATAB de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 COMPOSITION Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l’audience du 25 mai 2022, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 13 Septembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ____________________________ EXPOSÉ DU LITIGE 1. Le groupe français de taille mondiale Thales se présente comme actif dans de très nombreux secteurs et en particulier, depuis son entrée au capital de la société Gemalto Bv, mère du groupe éponyme, en 2019, celui de la communication « machine to machine » (M2M), dit aussi « internet of things » (IoT), les technologies développées dans ce cadre permettant aux objets d’échanger entre eux sans fil ni intervention humaine, de tels objets étant utiles à des industries et services aussi divers que l’automobile, la logistique ou encore la médecine. La société Thales Sa est la mère du groupe et les sociétés Thales Dis (Digital Identity and Security) Deustchland GmbH, Thales Dis Ais (Analytics and Iot Solutions) Deustchland GmbH, Thales Usa Inc. et Thales Dis Ais USA Llc, ses filles en charge de l’activité « M2M/IoT ». 2. La société de droit néerlandais Koninklijke Philips Nv est une entreprise technologique à la tête d’un groupe de taille mondiale lui aussi actif dans de nombreux domaines. En particulier, le groupe est à l’origine d’innovations dans le domaine des normes de télécommunication mobile « Global System for Mobile communication » (Gsm ou 2G), « Universal Mobile Telecommunications System » (Umts ou 3G), et « Long Term Evolution » (Lte ou 4G). La société Koninklijke Philips Nv est ainsi titulaire d’un portefeuille de brevets essentiels aux normes Gsm, Umts et Lte, déclarés comme tels auprès de l’institut de normalisation (ici l’Etsi ou European Telecommunication Standards Institute). La société Philips International Bv est la filiale de la précédente ayant pour objet d’assister les sociétés du groupe notamment en matière juridique. La société de droit français Philips France Commercial est une autre filiale chargée, elle, de la commercialisation en France des produits du groupe. Elle emploie notamment Mme [S] [J] en qualité de « principal intellectual property & licencing counsel ». 3. Les produits développés par le groupe Thales (anciennement Gemalto) mettant en oeuvre les normes Gsm, Umts et Lte, la société Koninklijke Philips Nv a, par une lettre du 11 décembre 2015, notifié à la société Gemalto Nv l’existence de son programme de licence pour son portefeuille mondial de brevets essentiels, avec en annexe une liste des brevets concernés, ainsi qu’une liste des produits Gemalto les mettant selon elle en oeuvre. Les parties se sont rencontrées et ont échangé offres et contre-offres, considérées par l’une comme par l’autre totalement inacceptables. C’est dans ce contexte que, le 17 décembre 2020, au terme de cinq années de négociations infructueuses, et considérant que ces sociétés se livraient à un « hold out », la société Koninklijke Philips Nv a engagé contre les sociétés Thales (venant aux droits des sociétés Gemalto) deux actions en contrefaçon de brevets devant la District Court for the District of Delaware, ainsi qu’une action devant la United States International Trade Commission (Usitc), aux fins d’obtenir l’interdiction d’accès au marché américain des produits selon elle contrefaisants des sociétés Thales Dis Ais Deustchland GmbH, ThalesUsa Inc. et Thales Dis Ais USA Llc. 4. Estimant abusif le comportement des sociétés du groupe Philips, en particulier de la société Philips France Commercial, employeur de Mme [J], dans la conduite des négociations en vue de parvenir à la conclusion d’un accord de licence « Frand » (« Fair, Reasonnable and Non Discriminatory ») portant sur ses brevets essentiels, la société Thales Sa a, aux fins d’apporter la preuve de cet abus, sollicité et obtenu, du délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, par une ordonnance du 15 novembre 2021, l’autorisation de faire procéder à la recherche et la saisie des documents et courriels en lien avec les procédures initiées aux Etats-Unis depuis la France par Mme [J]. 5. La mesure autorisée a été exécutée le 14 décembre 2021 au siège de la société Philips France Commercial, et, par acte d’huissier du 14 janvier 2022, cette société a fait assigner en référé la société Thales afin d’obtenir la rétractation et subsidiairement la modification de l’ordonnance du 15 novembre 2021. 6. L’affaire a été plaidée à l’audience du 25 mai 2022, lors de laquelle la société Philips France Commercial a soutenu oralement ses conclusions écrites par lesquelles elle demande, à titre principal, la rétractation totale de l’ordonnance du 15 novembre 2021, subsidiairement, sa modification consistant à ordonner le placement sous scellés de l’ensemble des pièces saisies (au lieu du séquestre provisoire accepté par l’huissier conformément au droit commun), et, à titre très subsidiaire, sa modification consistant, soit à désigner deux constatants en la personne de Mme [P] [Z], et M. [K] [R], chargés d’extraire des pièces saisies celles couvertes par le secret des correspondances avocat – client selon le droit américain, soit à faire exécuter cette mission par un juge américain dans le cadre d’une commission rogatoire internationnale. La société Philips France Commercial sollicite enfin la condamnation de la société Thales à lui payer la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. 7. La société Thales conclut quant à elle au rejet de toutes les demandes de la société Philips France Commercial et sollicite l’organisation, à ses propres frais, d’une expertise de tri. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la rétractation L’absence de motivation de la dérogation au principe du contradictoire Moyens des parties 8. La société Philips France Commercial fait en premier lieu valoir que la dérogation au principe de la contradiction était en l’occurrence fondée sur un risque totalement artificiel de dépérissement des preuves. Elle expose en effet que la requérante a, comme elle, une parfaite connaissance des procédures américaines et, au cas particulier, qu’elle savait parfaitement que Mme [J], qui est juridiquement salariée de la société Philips France Commercial, mais en réalité rattachée à une autre entité du groupe, était soumise à un « litigation hold » à la suite de la procédure de « discovery » engagée devant l’Us Itc, de sorte que Mme [J], ainsi que celle-ci en témoigne dans le cadre de la présente procédure, se trouvait soumise à une stricte obligation de conservation des preuves pourtant recherchées au terme de l’ordonnance rendue sur requête. La société Philips France Commercial en déduit qu’il n’existait ici aucun risque sérieux de dépérissement des preuves et que la société Thales ne pouvait l’ignorer. 9. La société Thales conclut au rejet de ce moyen. Elle constate, en substance, que le devoir de conservation (« due to preserve ») ne concerne que la société Philips RS North America ainsi d’ailleurs qu’il résulte de l’attestation de Mme [J] versée aux débats. Elle en déduit que la motivation de sa requête s’agissant de la nécessité de déroger au principe de la contradiction était non seulement conforme aux principes posés les textes et la jurisprudence, mais encore qu’elle n’avait ici rien d’artificiel contrairement à ce que soutient la société Philips France Commercial. Appréciation du juge des référés 10. Selon l’article 145 du code de procédure civile, « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » En outre, aux termes de l’article 493 du même code, « L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. » 11. Il se déduit de ces dispositions que le requérant qui choisit de solliciter par requête des mesures d’instruction doit préciser les circonstances justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire. Ces circonstances doivent être caractérisées dans l’ordonnance ou la requête (Cass. Civ. 2ème, 1er mars 2018, pourvois no17-10.107, et no17-10.368 ; Cass. Civ. 2ème, 4 mars 2021, pourvoi no19-25.092 ) et la Cour de cassation exerce un contrôle lourd sur la caractérisation de ces circonstances. Elle contrôle en particulier la correcte mise en balance du principe de la contradiction et du droit à la preuve, récemment consacré par la Haute juridiction . Elle veille dans ce cadre à ce que le formalisme de motivation nécessaire ne rende pas, de fait, l’accés aux preuves impossible (Voir par exemple : Cass. Civ. 2ème, 25 mars 2021, pourvoi no 19-23.448, qui censure l’arrêt qui avait infirmé la décision qui avait refusé de rétracter l’ordonnance sur requête rendue, alors même que cet arrêt constatait que le saisi avait eu la possibilité de détruire les preuves en considération notamment de la nature informatique des données recherchées : « Vu l’article 493 du code de procédure civile ; Aux termes de ce texte, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. Pour rétracter l’ordonnance sur requête, annuler les actes d’instruction subséquents, ordonner la restitution à la société Forseti des pièces séquestrées et condamner les sociétés éditrices à lui payer une certaine somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt retient qu’il s’infère des circonstances de l’espèce que, depuis le mois de juin 2018, la société Forseti était informée des griefs dont elle était l’objet, qui auraient pu la conduire à prendre toute mesure pour organiser le dépérissement des preuves, de sorte qu’au jour du dépôt de la requête quatre mois plus tard, le 2 octobre 2018, l’effet de surprise recherché ou le risque de dépérissement des preuves n’étaient pas pertinents pour justifier la dérogation au principe du contradictoire. En statuant ainsi, alors que la circonstance que des éléments de preuve aient pu être supprimés par la société Forseti avant le dépôt de la requête caractérisait, peu important l’absence d’un éventuel effet de surprise, un risque de dépérissement des preuves justifiant qu’il soit dérogé au principe de la contradiction en considération de la nature des faits de parasitisme et de concurrence déloyale et de la nature même des données informatiques recherchées, la cour d’appel a violé le texte susvisé. ») 12. Au cas particulier, la requête était ainsi motivée sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction : « 7.2 LE RISQUE DE DEPERISSEMENT 146. Les preuves nécessaires à la démonstration de la faute du groupe Philips se trouvent exclusivement entre ses mains et sous son contrôle. 147. Il s’agit essentiellement des communications internes au groupe caractérisant l’utilisation des actions engagées contre le groupe Thales par rapport à la conduite des négociations de la licence FRAND. Il est fort probable que ces communications prennent la forme de fichiers électroniques (courriels, présentations, mémoires etc.) ou de documents papiers.Ces éléments sont par nature volatiles et aisément destructibles. 148. Il est évident que, dès lors que le groupe Philips sera informé qu’un procès en responsabilité lui est intenté, il mettra tout en oeuvre pour limiter les communications en ce qui concerne la stratégie judiciaire mise en place. Il pourra en outre détruire ou dissimuler les preuves dont le groupe Thales peut avoir besoin.Une telle destruction ou dissimulation serait aisée, dès lors qu’il serait conscient de la nécessité de la preuve pour le groupe Thales pour démonter la faute qu’il allègue. 149. Il existe donc un motif légitime de conserver ou d’établir avant le procès envisagé par le groupe Thales la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige comme l’exige l’article 145 du code de procédure civile. » 13. Il résulte de cette motivation extraite de la requête de la société Thales que l’essentiel des documents recherchés consistait en des échanges de courriels et que ces derniers peuvent être aisément détruits. Le caractère aisément destructible de ce type de pièces est au demeurant confirmé par la société Philips France Commercial qui invoque ici le développement en droit nord américain, depuis une vingtaine d’années, de l’obligation de « litigation hold » ou « legal hold » (littéralement conservation pour litige) depuis les décisions Zubulake v Ubs Warbug Llc, et la doctrine du « due to preserve » issue de ces décisions. Pourtant, il doit être observé ici qu’aucun élément ne démontre que la société Thales n’aurait pu ignorer que la société Philips France Commercial était soumise à un tel « litigation hold » en raison de la procédure de « discovery » ordonnée aux Etats Unis dans le cadre de l’action devant l’Us Itc. En effet, la société Philips France Commercial n’est pas partie à cette procédure de « discovery », tandis que, ainsi que le relève à juste titre la société Thales, l’attestation de Mme [J] démontre que c’est la société Philips RS North America qui était soumise au devoir de conservation des pièces électroniques. 14. Il ne peut donc être considéré ici que la requête était fondée sur un motif artificiel de risque de dépérissement des preuves en raison de l’obligation de conservation des pièces électroniques qui frappait Mme [J] et dont la société Thales aurait eu nécessairement connaissance. Le fait que Mme [J] soit salariée de la société Philips France Commercial pouvait même amener la requérante à penser qu’il existait un risque que cette dernière n’y soit pas soumise, et partant, un risque réel de dépérissement des preuves. 15. Aussi, le moyen de rétractation tiré de l’insuffisance de motivation de la nécessité de déroger au principe du contradictoire doit être écarté. La déloyauté de la société Thales Moyens des parties 16. La société Philips France Commercial reproche ici à la société Thales d’avoir omis de révéler au juge des requêtes l’existence de la procédure de « discovery » initiée devant l’Us Itc et les dispositions de l’article 28 § 1782 Usc qui lui permettaient d’obtenir, en vue de l’instance envisagée ici en France, les éléments de preuve qu’elle a finalement été autorisée à rechercher de manière non contradictoire. Elle rappelle à cet égard que le groupe Philips a été contraint de produire à l’attention de l’Us Itc et des conseils américains du groupe Thales, l’ensemble des documents se rapportant à sa politique et sa stratégie en matière de licences « Frand » concernant ses brevets essentiels. Elle ajoute que les dispositions de l’Us Code invoquées ci-dessus permettent précisément à toute partie participant à une procédure de « discovery » de demander aux juridictions nord américaines devant laquelle elle se déroule d’être autorisées à produire lesdites pièces devant une juridiction étrangère. La société Philips France Commercial ajoute que la société Thales s’est encore révélée déloyale en ne révélant pas au juge des requêtes sa plainte à la Commission Européenne concernant l’attitude du groupe Philips en matière de négociation de licences « Frand ». La société demanderesse fait en définitive valoir que la société Thales a présenté sa demande en s’abstenant de révéler au juge des requêtes les éléments qui auraient amené ce magistrat à considérer que la requête consacrait un véritable détournement de procédure et, plus spécialement, de la confidentialité attachée aux pièces qu’elle recherche et qui lui interdise d’y avoir directement accès. 17. La société Thales fait quant à elle valoir qu’il ne peut lui être reproché aucune déloyauté du chef de l’absence de révélation de la procédure américaine de « discovery ». Elle rappelle à cet égard que les conditions d’application de l’article 28 § 1782 Usc ne lui auraient permis d’avoir accès qu’aux éléments détenus par la société Philips RS North America (et non la société Philips France Commercial), dont elle rappelle que Mme [J] n’est pas salariée. Elle ajoute que la plainte devant la Commission euroépenne ne lui permettra pas d’obtenir l’indemnisation de son préjudice et que les dispositions légales françaises permettent la protection des secrets d’affaire du groupe Philips. Elle rappelle d’ailleurs que c’est le juge des requêtes qui, en imposant une recherche par mots-clefs a supprimé les scellés qu’elle-même proposait, leur substituant le régime de droit commun du séquestre provisoire, dont elle souligne au demeurant qu’il a permis de protéger tout à la fois les secrets d’affaire du groupe Philips de même que le secret professionnel de ses conseils. La société Thales en déduit qu’elle a été totalement loyale vis à vis du juge des requêtes et qu’aucun des éléments invoqués par la société Philips France Commercial, et qui ne sont pas mentionnés dans la requête, aurait modifié l’appréciation de ce magistrat. Appréciation du juge des référés 18. A la différence des dispositions relatives à la saisie-contrefaçon, celles issues du droit commun, appliqué ici, sont constamment interprétées en ce sens qu’il ne peut, alors qu’il est justifié des raisons fondant l’absence de contradictoire, être imposé de rechercher si le requérant a bien présenté tous les faits même ceux dont le saisi conteste la teneur même : « Tenu d’apprécier les mérites d’une requête au regard des seules conditions de l’article 145 du code de procédure civile, le juge qui, pour rétracter l’ordonnance sur requête, retient que le requérant a manqué à un devoir de loyauté dans l’exposé des faits ajoute une condition à la loi. Sa décision doit être censurée. » (Cass. Civ. 2ème , 20 mars 2014, pourvoi no 12-29.568, Bull. 2014, II, no 77 et pourvoi no 13-11.135, Bull. 2014, II, no 76) 19. Ce moyen développé par la société Philips France Commercial est dès lors inopérant en l’état de la recherche précédemment effectuée relativement à la nécessité de procéder non contradictoirement. 20. A titre surabondant, il y a lieu néanmoins de relever que selon le « United States Code » pris en son article (a) du Titre 28 « Judiciary And Judicial Procedure » (magistrats et procédure judiciaire), paragraphe 1782 « Assistance to foreign and international tribunals and to litigants before such tribunals » (assistance aux tribunaux étrangers et internationaux et aux parties devant ces tribunaux), « (a) The district court of the district in which a person resides or is found may order him to give his testimony or statement or to produce a document or other thing for use in a proceeding in a foreign or international tribunal, including criminal investigations conducted before formal accusation. The order may be made pursuant to a letter rogatory issued, or request made, by a foreign or international tribunal or upon the application of any interested person and may direct that the testimony or statement be given, or the document or other thing be produced, before a person appointed by the court. By virtue of his appointment, the person appointed has power to administer any necessary oath and take the testimony or statement. The order may prescribe the practice and procedure, which may be in whole or part the practice and procedure of the foreign country or the international tribunal, for taking the testimony or statement or producing the document or other thing. To the extent that the order does not prescribe otherwise, the testimony or statement shall be taken, and the document or other thing produced, in accordance with the Federal Rules of Civil Procedure. A person may not be compelled to give his testimony or statement or to produce a document or other thing in violation of any legally applicable privilege. » (Soit en langue française : « Le tribunal de district du district dans lequel une personne réside ou se trouve peut lui ordonner de faire son témoignage ou sa déclaration ou de produire un document ou autre chose en vue d’être utilisé dans une procédure devant un tribunal étranger ou international, y compris les enquêtes pénales menées avant l’accusation formelle. . L’ordonnance peut être rendue en vertu d’une commission rogatoire délivrée ou d’une demande faite par un tribunal étranger ou international ou à la demande de toute personne intéressée et peut ordonner que le témoignage ou la déclaration soit donné, ou que le document ou autre chose soit produit, devant une personne désignée par le tribunal. En vertu de sa nomination, la personne désignée a le pouvoir de faire prêter le serment nécessaire et de recueillir le témoignage ou la déclaration. L’ordonnance peut prescrire la pratique et la procédure, qui peuvent être en tout ou en partie la pratique et la procédure du pays étranger ou du tribunal international, pour recueillir le témoignage ou la déclaration ou produire le document ou autre chose. Dans la mesure où l’ordonnance n’en dispose pas autrement, le témoignage ou la déclaration doit être recueilli et le document ou autre chose produit, conformément aux règles fédérales de procédure civile. Nul ne peut être contraint de donner son témoignage ou sa déclaration ou de produire un document ou autre chose en violation d’un privilège légalement applicable. ») 21. Comme le relève la société Thales, le fait que Mme [J] et son employeur la société Philips France Commercial « résident ou se trouvent » en France (et non aux Etats Unis où s’applique cette procédure) rend périlleuse, voire impossible, l’application de l’article (a) 28 § 1782 de l’Us Code. Il en résulte que la révélation de cette procédure n’aurait nullement été de nature à modifier l’appréciation du juge des requêtes. 22. Quant à l’argument suivant lequel la société Thales aurait sciemment tu au juge des requêtes les éléments qui l’auraient amené à considérer que la demande n’avait d’autre but que de contourner la confidentialité qui s’attache, dans toutes les autres procédures cachées, aux éléments dont elle a sollicité et obtenu la saisie, il n’apparaît pas davantage opérant dès lors, précisémment, que, par sa requête, la société Thales sollicitait le placement sous scellés (et non sous un « simple » séquestre provisoire) de l’ensemble des pièces aux fins de protection des droits du groupe Philips, tandis que le séquestre provisoire a permis ici le même niveau de protection des intérêts du groupe Philips. 23. Le moyen de rétractation tiré du défaut de loyauté de la société Thales ne peut donc qu’être écarté. L’absence de motif légitime Moyens des parties 24. La société Philips France Commercial soutient que la société Thales pouvait par le biais des procédures évoquées ci-dessus (article 28 § 1782 et devant la Commission européenne) obtenir les éléments obtenus par l’ordonnance du 14 novembre 2021 de sorte que la requête se trouvait dépourvue de motif légitime. Elle ajoute que la société Thales n’a d’ailleurs pas attendu la libération des pièces saisies pour l’assigner au fond et que cette société produit déjà de nombreuses pièces. 25. La société Thales soutient que sa requête était fondée sur un motif légitime et qu’il ne peut lui être reproché, eu égard au haut degré d’exigence probatoire en matière de preuve de pratiques anti concurrentielles, d’avoir cherché à améliorer sa situation. Appréciation du juge des référés 26. Conformément aux dispositions précitées de l’article 145 du code de procédure civile, la demande présentée au visa de ce texte ne peut être accueillie que si le demandeur justifie d’un motif légitime, lequel s’entend d’un possible litige à venir entre les parties, qui ne serait pas manifestement voué à l’échec (pour des exemples voir : Cass. Civ. 2ème, 29 septembre 2011, pourvoi no 10-24.684, en raison de l’évidente prescription de l’action ; Cass. Civ. 3ème, 7 février 2001, pourvoi no99-17.535, Bull. 2001, III, no14 ; Cass. Civ. 1ère, 29 avril 1985, pourvoi no84-10.401, Bull. 1985, I, no131, en raison de l’autorité absolue de la chose jugée au pénal). L’éventuel procès au fond doit simplement être « plausible », ou encore « crédible », la mesure pouvantêtre obtenue simplement « pour apprécier les chances de succès d’une éventuelle demande » (Cass. Civ. 2ème, 18 février 2016, pourvoi no 15-10.875). 27. Force est en l’occurrence de constater que l’assignation délivrée par la société Thales par actes du 23 décembre 2021 démontre l’existence d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile tel qu’interprété par la Cour de cassation, tandis que l’utilité de la mesure a déjà été retenue ci-dessus. 28. Le moyen de rétractation tiré de l’absence de motif légitime doit donc être éctarté. Les mesures ordonnées ne sont pas légalement admissibles, ni proportionnées Moyens des parties 29. La société Philips France Commercial soutient que l’ordonnance rendue à la requête de la société Thales a prévu des mots-clefs génériques qui auraient nécessairement dus être utilisés en combinaison avec les noms propres visés. Une telle recherche a conduit ici à l’octroi d’une mesure disproportionnée, qui s’est révélée d’autant plus préjudiciable au groupe Philips et à ses partenaires, que l’ordonnance n’avait prévu aucun mode de protection des données couvertes par le secret des affaires (qui protège incontestablement selon elle les licences comparables), ni même par le secret professionnel des avocats, alors que ce qui est critiqué ici est la stratégie procédurale du groupe Philips. Elle soutient sur ce dernier point que ce sont les règles fédérales américaines sur l’ « attorney-client privilege » et la doctrine du « work product » qui doivent s’appliquer ici. La société Philips France Commercial soutient enfin que la limite temporelle du 11 décembre 2015 est bien antérieure à la date de prescription de l’action de la société Thales (17 décembre 2020), de sorte que l’ordonnance doit de ce chef également être regardée comme non circonscrite dans le temps et ayant prévu une mesure non légalement admissible. 30. La société Thales fait valoir que les mesures ordonnées ici étaient légalement admissibles dès lors qu’elles étaient encadrées dans le temps et dans leur objet, les mots-clefs étant selon cette société justifiés par l’objectif poursuivi. Elle ajoute que l’analyse faite par la société Philips sur la prescription de son action est erronée. Appréciation du juge des référés 31. La notion de « mesures légalement admissibles » visée par l’article 145 du code de procédure civile a été précisée par la jurisprudence, tout à la fois de manière négative, en prohibant les mesures d’investigation générale (Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 1999, pourvoi no97-10.831, Bull. 1999, II, no 3 ; Cass. Civ. 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no 15-27.526), et, de manière positive, en énonçant que, seules constituent des mesures légalement admissibles les mesures circonscrites dans le temps et dans leur objet (Cass. Civ. 2ème, 6 janvier 2011, pourvoi no09-72.841 ; Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 2016, pourvoi no14-25.781 ; Cass. Civ 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no15-27.526 ; Cass. Civ. 2ème, 21 mars 2019, pourvoi no18-14.705), c’est à dire pour la recherche d’éléments strictement en rapport avec l’action envisagée. Une décision récente rappelle d’ailleurs ces principes: « Vu l’article 145 du code de procédure civile : 10. Selon ce texte, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé. 11. Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. (…) 14. Il ajoute, enfin, que l’ordonnance présidentielle du 20 septembre 2019 cible de façon précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, tous en rapport avec les faits litigieux et que ladite ordonnance ne se rapporte qu’à des mots-clés précisément énumérés et en rapport avec l’activité de concurrence déloyale dénoncée. 15. L’arrêt en déduit que les mesures ordonnées dans l’ordonnance du 28 septembre 2018 sont circonscrites dans leur objet et donclégalement admissibles. 16. En se déterminant ainsi, sans faire ressortir précisément, comme elle y était invitée, que les mots-clefs visant exclusivement des termes génériques (Google, accord, entente, salarié, avis, Linkedin) et les prénoms, noms et appellations des personnes contre lesquelles les mesures d’instruction avaient été sollicitées, étaient suffisamment circonscrits dans le temps et dans leur objet et que l’atteinte portée au secret des affaires était limitée aux nécessités de la recherche des preuves en lien avec le litige et n’était pas disproportionnée au regard du but poursuivi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. » (Cass. Civ. 2ème, 10 juin 2021, pourvoi no 20-11.987, publié) 32. En l’occurrence, l’ordonnance n’a autorisé que des recherches circonscrites dans le temps (entre le 11 décembre 2015 et la date d’exécution de la mesure), et dans leur objet, au moyen de mots-clefs, non pas constitués de termes génériques (comme auraient pu l’être par exemple les mots-clefs tribunaux ou procédure), mais de termes spécifiques, et d’identités d’individus précis, tous en strict lien avec les faits dénoncés par la requérante. 33. Le moyen tiré du caractère non légalement admissible et disproportionné de la mesure sera donc lui aussi écarté. Sur la modification de la mesure Le placement sous scellés en raison des doutes sérieux sur la légalité des opérations de saisie Moyens des parties 34. La société Philips France Commercial soutient que le régime des scellés est plus protecteur de ses intérêts que celui du séquestre provisoire qui résulte de l’application du droit commun en ce qu’il ne permet pas la protection du secret professionnel des avocats. Ont ainsi été selon elle saisis 2250 courriels adessés ou provenant de son conseil américain, le cabinet Foley, et 300 autres adressés ou provenant d’autres conseils européens. Elle précise que ce placement sous scellés s’impose d’autant plus qu’elle se réserve le droit de contester la validité de la procédure de saisie, affectée selon elle de diverses irrégularités. Elle relève ainsi que l’huissier a commis de nombreux dépassements de sa mission et ne lui a pas immédiatement remis le procès-verbal de ses opérations. 35. La société Thales conclut au rejet de cette demande selon elle injustifiée et dilatoire. Elle rappelle que la décision sur la validité de la mesure, ainsi d’ailleurs que l’admet la société Philips France Commercial relève de la compétence du tribunal statuant au fond, et qu’il serait contraire à son droit à la preuve de différer les opérations de tri qu’elle-même sollicite et qui permettront tout à la fois de protéger les documents personnels de Mme [J], et le secret professionnel des avocats envisagé conformément aux dispositions de la loi française du 31 décembre 1971. Elle rappelle en outre que le délai de remise du procès-verbal n’est encadré dans aucun délai et qu’il a en tout état de cause été remis dès le mois de décembre 2021 à la société Philips France Commercial. Appréciation du juge des référés 36. La demande de placement des éléments saisis sous scellés n’est ni fondée en droit, aucun texte n’imposant le placement sous « scellés », dont l’effet, par suite de l’assignation délivrée dans le mois de la mesure, est le même que celui d’un séquestre, ni opportune en fait, et ne peut donc qu’être rejetée. L’exclusion des éléments couverts par le secret professionnel Moyens des parties 37. La société Philips France Commercial sollicite une expertise de tri aux fns d’extraire des pièces saisies les documents couverts par le secret professionnel des avocats. Elle sollicite que cette expertise soit confiée à Mme [Z], d’une part en raison de ses fonctions passées de batonnière du Barreau de Paris et de présidente du Conseil national des Barreaux, et à M. [R], d’autre part, avocat au barreau de New-York, pour sa connaissance du « attorney-client privilege » et, surtout, de la doctrine du « work product », dont elle affirme qu’elle s’applique ici. Elle sollicite encore que cette expertise soit réalisée en la seule présence des conseils de la société Philips France Commercial. 38. La société Thales sollicite de la même manière une expertise de tri aux fins de préserver les intérêts légitimes de la société Philips France Commercial sans qu’il y ait lieu selon elle d’appliquer le droit nord américain ici, en particulier la doctrine du « work product ». Elle s’oppose également à ce que les opérations d’expertise ait lieu hors la présence de ses avocats, soumis selon elle à des règles déontologiques qui protègent les intérêts du groupe Philips. Appréciation du juge des référés 39. Il résulte de l’article 66-5 de la Loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par la Loi no2011-331 du 28 mars 2011 qu’ « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention » officielle « , les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. » 40. Il appartient au juge chargé de contrôler les opérations de saisie de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l’inventaire, la régularité des opérations et d’ordonner, le cas échéant, la restitution des documents qu’il estime appréhendés en violation des droits de la défense. La cour de cassation n’exerce pas de contrôle sur cette vérification concrète qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Crim., 8 novembre 2017, pourvoi no 16-84.528 ; Cass. Com., 7 juillet 2015, pourvoi no 14-15.965), sous réserve que le juge soit « saisi d’allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu’ils relevaient de la confidentialité qui s’attache à la relation entre un avocat et son client » (CEDH, 2 avril 2015, Vinci Construction et a. c/ France, no 6369/10, § 79). 41. Le principe de la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client a pour but de préserver les droits de la défense et son périmètre doit se déterminer en fonction de cet objectif : la personne qui subit une saisie doit pouvoir compter sur le fait que ne pourront être saisis les documents qui s’inscrivent dans le cadre de sa relation avec son avocat en vue de sa défense à la procédure. Il convient donc de faire primer le contenu du document et le lien indissociable qu’il créé avec l’exercice des droits de la défense, sur le fait qu’un document émane directement de l’avocat ou lui est adressé. Dans une grande entreprise comme la demanderesse à la rétractation, la stratégie de défense a en outre vocation à être discutée par les cadres de la direction et ceux du service juridique, de sorte que sauf à priver de tout effet utile la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, celle-ci doit s’étendre, dans la limite de ce qui est nécessaire à l’exercice effectif des droits de la défense, à la discussion de la stratégie de défense, en aval de la correspondance échangée. Les documents internes à l’entreprise qui, à la suite d’un entretien ou d’une correspondance avec l’avocat, en reprennent les termes ne sauraient donc faire l’objet d’une saisie. 42. Cette conception est très proche de celle de « l’attorney-client privilege » tel que décrit par la juge [F] dans sa déclaration du 6 mai 2022 (pièce Philips 5.3, point 17 : « Un autre point important concernant l’attorney-client privilege est qu’il protège souvent les communications même lorsqu’elles ne sont pas adressées à un avocat ou émanant de lui, par exemple lorsque des informations provenant d’une communication privilégiée antérieure sont relayées à un autre représentant d’un client. »). 43. En l’occurrence, la mesure a amené la saisie d’un nombre très élevé de documents dont il n’est pas contesté que, parmi eux figurent des courriels destinés à ses avocats, français ou étrangers, ou émanant d’eux, ou encore, éventuellement, relatant une telle correspondance d’avocat. Ces pièces doivent être exclues des documents saisis et restituées à la société Philips France Commercial. 44. La doctrine du « work product », qui, telle qu’elle est décrite par la juge [F], est une règle de procédure civile propre aux juridictions américaines, est en revanche sans application ici (voir sur ce point : Cass. Civ. 1ère, 3 novembre 2016, pourvoi no 15-20.495, Bull. 2016, I, no 203 qui exclut l’application de cette doctrine et l’extension du privilège avocat-client aux juristes d’entreprises qui ne sont pas avocats), Mme [J] étant la salariée française, d’une entreprise ayant son siège en France, et l’action au fond, dirigée contre des entreprises européennes, étant fondée sur le droit de l’Union. 45. En définitive, il apparaît justifié de faire droit à la demande et de désigner un expert aux fins d’extraire des documents saisis ceux portant atteinte au secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes internes qui divulgueraient le contenu d’une telle correspondance, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, qui apparaissent ménager les intérêts contradictoires des parties. 46. Il n’apparaît pas inéquitable enfin de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, REJETTE les demandes de la société Philips France Commercial aux fins de rétractation et de modification de l’ordonnance rendue le 15 novembre 2021 ; ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder : Madame le Bâtonnier [Z], [Adresse 1] [Courriel 5] Avec pour mission de : — se faire remettre par Me [G], huissier de Justice, une copie de l’ordonnance sur requête du 15 novembre 2021 et du procès-verbal de ses opérations du 14 décembre 2021, ainsi que l’ensemble des éléments saisis au siège de la société Philips France Commercial et placés sous séquestre provisoire, — réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties, qui signeront un accord de confidentialité concernant les opérations menées lors de l’expertise, — recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s’avérerait nécessaire à l’exécution de sa mission, — ouvrir le séquestre provisoire, procéder à son examen en présence des conseils des parties, et identifier : *de première part, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat (français ou étranger) et client, étendu aux courriels de juristes internes du groupe Philips qui relateraient le contenu d’une telle correspondance, tous éléments dont les avocats de la société Thales ne pourront prendre connaissance, *de deuxième part, pour les écarter également, les documents identifiés comme personnels par Mme [J], — dresser la liste des deux catégories de documents, en mentionnant les observations éventuelles des parties, annexer les documents contenant des informations utiles à son rapport, et non couverts par le secret professionnel, et faire ensuite retour des documents originaux à l’huissier, lequel en sera constitué séquestre jusqu’à ce qu’il soit à nouveau et définitivement statué (en particulier sur la protection des données couvertes par le secret des affaires du groupe Philips) ; DIT qu’il nous sera référé de toute difficulté de nature en particulier à compromettre le démarrage, l’avancement ou l’achèvement des opérations, DIT que l’expert sera saisi et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile, DIT que conformément aux dispositions de l’article 269 du code de procédure civile, la provision à valoir sur la rémunération de l’expert sera fixée ultérieurement après que l’expert aura pris connaissance des éléments à analyser et évalué le coût de son intervention ; DIT que l’expert devra rendre son rapport au greffe de la 3ème chambre civile 1ère section du tribunal de grande instance de Paris avant le 31 janvier 2023, RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit ; LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles. Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022. La Greffière La Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la demande de placement des produits de la contrefaçon saisis ?La demande de placement des produits de la contrefaçon saisis sous scellés a été jugée non fondée en droit. En effet, aucun texte général n’impose ce placement sous scellés, à l’exception de certaines dispositions spécifiques, telles que celles relatives aux successions, au droit pénal ou au code de la route. Le placement sous scellés a un effet similaire à celui d’un séquestre, et l’assignation délivrée dans le mois suivant la mesure permet de garantir la protection des preuves. Par conséquent, la demande a été considérée comme inopportune et a été rejetée par le tribunal. Qui sont les parties impliquées dans cette affaire ?Les parties impliquées dans cette affaire sont la société demanderesse, S.A.S. Philips France Commercial, et la société défenderesse, S.A. Thales. Philips France Commercial est représentée par Maîtres Sabine AGE et Amandine METIER, avocats au barreau de Paris. D’autre part, la société Thales est représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX, assisté de Maître Abdelaziz KHATAB de la SCP AUGUST & DEBOUZY. Cette composition d’avocats souligne l’importance et la complexité de l’affaire, qui implique des enjeux juridiques significatifs. Quel est le contexte de la dispute entre Philips et Thales ?Le contexte de la dispute entre Philips et Thales est centré sur des questions de propriété intellectuelle, notamment des brevets essentiels aux normes de télécommunication mobile. Philips a engagé des actions en contrefaçon contre Thales, qui est issue de la société Gemalto, en raison de l’utilisation de ses brevets sans licence appropriée. Les négociations entre les deux parties ont échoué, ce qui a conduit Philips à agir en justice pour obtenir l’interdiction d’accès au marché américain pour les produits qu’elle considère comme contrefaisants. Cette situation a engendré des tensions et des accusations d’abus dans la conduite des négociations, ce qui a motivé la demande de saisie de documents par Thales. Quelles étaient les demandes de Philips France Commercial lors de l’audience ?Lors de l’audience, Philips France Commercial a formulé plusieurs demandes. À titre principal, elle a demandé la rétractation totale de l’ordonnance du 15 novembre 2021, qui autorisait la saisie de documents. Subsidiairement, elle a demandé la modification de cette ordonnance pour ordonner le placement sous scellés de l’ensemble des pièces saisies, au lieu du séquestre provisoire. En outre, elle a demandé la désignation de deux constatants pour extraire les pièces couvertes par le secret des correspondances avocat-client, ou de faire exécuter cette mission par un juge américain. Enfin, elle a sollicité une indemnisation de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Quelles ont été les conclusions du tribunal concernant la demande de rétractation ?Le tribunal a rejeté la demande de rétractation de Philips France Commercial. Il a constaté que la requête de Thales était fondée sur un motif légitime, justifiant la nécessité de déroger au principe du contradictoire en raison d’un risque de dépérissement des preuves. Le tribunal a également noté que la motivation de la requête était conforme aux exigences légales et que les mesures ordonnées étaient légalement admissibles. En conséquence, le tribunal a estimé que la demande de Philips n’était pas fondée en droit et a maintenu l’ordonnance initiale. Comment le tribunal a-t-il abordé la question du secret professionnel ?Le tribunal a pris en compte la question du secret professionnel en précisant que les documents couverts par ce secret devaient être exclus des éléments saisis. Il a rappelé que les communications entre un avocat et son client sont protégées par le secret professionnel, et que cette protection doit s’étendre à toute correspondance pertinente. Le tribunal a également souligné que la vérification de la régularité des opérations de saisie relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond. Il a donc ordonné une expertise pour extraire les documents protégés, tout en veillant à ce que les intérêts des deux parties soient respectés. |
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