Demande de brevet : l’action en contrefaçon impossible

·

·

Demande de brevet : l’action en contrefaçon impossible

Le dépôt d’une demande de brevet ne confère aucun droit. Seule la publication définitive du brevet ouvre la faculté au titulaire dudit brevet, le droit d’agir en contrefaçon.

La demande de brevet

Si la loi française octroie au titulaire d’une demande de brevet un certain nombre de droits parmi lesquels celui d’agir au fond en contrefaçon (L.615-4 du CPI), mais avec l’obligation pour le tribunal de surseoir à statuer jusqu’à la délivrance du brevet, elle ne prévoit nullement expressément la possibilité d’agir en référé sur le fondement d’une simple demande de brevet en application de l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle.

L’existence du titre

En outre, l’article L.615-3 relatif aux instances en référé qui autorise effectivement l’introduction d’une telle demande à toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon conditionne, cependant, l’exercice de cette action à l’existence d’un titre, celle-ci étant spécifiquement destinée à «prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre».

Or, «les titres de propriété industrielle protégeant les inventions» sont énumérés à l’article L.611-2 du code de la propriété intellectuelle, qui vise en 1°, «les brevets d’invention délivrés pour une durée de vingt ans à compter du jour de la demande», sans mentionner la simple demande de brevet.

Action irrecevable

En conséquence, à défaut de justifier d’une atteinte à un titre au sens des articles L. 615-3 et L. 611-2 du code de la propriété intellectuelle, soit un brevet délivré, au jour où le juge des référé a statué, les sociétés Shark et Elwedys n’étaient pas recevables et fondées à présenter une telle demande.

Et il ne peut être reproché à la société Angatec (défendeur) de se contredire au détriment des sociétés appelantes en soulevant, en cause d’appel, l’irrecevabilité des demandes fondées sur une demande de brevet, alors que les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause selon l’article 123 du code de procédure civile et que le litige peut évoluer entre la décision rendue et l’instance d’appel, outre qu’en première instance, elle soulevait déjà une fin de non-recevoir et ne concluait, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, que subsidiairement au sursis à statuer dans l’attente de la délivrance du brevet.

L’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle

Pour rappel, l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.

La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. (….)»

Par ailleurs, selon l’article L.613-1 du code de la propriété intellectuelle, «le droit exclusif d’exploitation mentionné à l’article L.611-1 prend effet à compter du dépôt de la demande».

Mais, l’article L.615-4 du même code précise que « Par exception aux dispositions de l’article L. 613-1, les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique en vertu de l’article L. 612-21 ou à celle de la notification à tout tiers d’une copie certifiée de cette demande ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet. (‘) Le tribunal saisi d’une action en contrefaçon sur le fondement d’une demande de brevet sursoit à statuer jusqu’à la délivrance du brevet.»


Chat Icon