Deliveroo and Co : les conditions du CDI

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Deliveroo and Co : les conditions du CDI

L’Essentiel : Les sociétés de livraison, comme Deliveroo, risquent la requalification des contrats d’indépendants en CDI si elles exercent un contrôle sur leurs livreurs. La mise en place de sanctions et la géolocalisation des livreurs sont des indicateurs de lien de subordination. Dans l’affaire Take Eat Easy, un livreur a réussi à prouver ce lien, malgré son statut d’auto-entrepreneur. Bien qu’il ait pu choisir ses horaires, la géolocalisation et le système de « malus » instauré par la société ont révélé un pouvoir disciplinaire, justifiant ainsi la requalification de son contrat en CDI.

Les sociétés de livraison à vélo ou autres qui travaillent avec des indépendants (autoentrepreneurs) s’exposent à une requalification de leurs contrats de prestation de services en CDI si elles ont i) mis en place un système de sanctions ou assimilé et ii) géolocalisent leurs livreurs. En effet, le pouvoir de contrôle et de sanction sont les critères clefs du lien de subordination et donc de l’existence d’un contrat de travail.  En l’occurrence, la société avait non seulement mis en place des moyens de contrôle lui permettant de vérifier le nombre de kilomètres parcourus par chacun des livreurs mais elle avait aussi, en instituant un système des « strikes », manifesté la volonté d’exercer à l’égard de ceux-ci un pouvoir disciplinaire.  

Affaire Take Eat Easy

Un livreur à vélo de la société Take Eat Easy qui utilisait
une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des
restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le
truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous
un statut d’indépendant, a obtenu la requalification de son contrat de
prestation de services en CDI.

Requalification en CDI

Aux termes de l’article L. 1411-1 du code du travail, le
conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui
peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux
dispositions de ce même code entre les employeurs ou leurs représentants et les
salariés qu’ils emploient.

Selon l’article L. 8221-6 du code du travail, dans sa
version applicable au litige, sont présumés ne pas être liés avec le donneur
d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à
immatriculation ou inscription, notamment les personnes physiques immatriculées
au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre
des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de
sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des
cotisations d’allocations familiales.

L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être
établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne
interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les
placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

La relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée
par les parties , ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention
mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des
travailleurs; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un
travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et
des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de
son subordonné

Le fait que le travail soit effectué au sein d’un service
organisé peut constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination
lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

Renversement de la présomption de non salariat

En l’occurrence, il était établi que le livreur à vélo a été
immatriculé en qualité d’auto-entrepreneur. Il lui appartenait donc de
renverser la présomption de non-salariat du Code du travail. L’auto-facturation
telle que prévue par les parties et autorisée par la loi ne peut à elle seule
constituer l’indice d’une relation salariale. Les parties s’opposaient essentiellement
sur l’existence ou non d’un lien de subordination.

Si le livreur pouvait librement choisir ses plages
d’activités i) l’application mobile de la société était dotée d’un système de
géolocalisation qui n’avait pour finalité que de suivre en temps réel l’activité
du livreur; ii) le système de «malus» mis en place par la
société en fonction de différents critères (temps d’attente au restaurant, insultes,
dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers, désinscription tardive
d’un « shift » …) a été requalifié en pouvoir de sanction.

Il en résulte que la société avait non seulement mis en place des moyens de contrôle lui permettant de vérifier le nombre de kilomètres parcourus par chacun des livreurs mais elle avait aussi, en instituant le système des « strikes », manifesté la volonté d’exercer à l’égard de ceux-ci un pouvoir disciplinaire.  Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions qui peuvent mener à la requalification d’un contrat de prestation de services en CDI ?

La requalification d’un contrat de prestation de services en contrat à durée indéterminée (CDI) peut survenir lorsque deux conditions sont réunies.

Premièrement, il doit exister un système de sanctions ou un mécanisme similaire mis en place par la société. Cela signifie que l’entreprise a le pouvoir d’imposer des pénalités ou des restrictions à ses travailleurs indépendants, ce qui indique un lien de subordination.

Deuxièmement, la géolocalisation des livreurs est un critère déterminant. Si une société utilise des outils de géolocalisation pour surveiller l’activité de ses livreurs, cela renforce l’idée qu’elle exerce un contrôle sur leur travail, ce qui est un autre indicateur de subordination.

Ces éléments sont cruciaux pour établir l’existence d’un contrat de travail, car ils montrent que le travailleur n’agit pas de manière totalement autonome.

Quel est le rôle du conseil de prud’hommes dans la requalification des contrats de travail ?

Le conseil de prud’hommes joue un rôle essentiel dans la résolution des différends liés aux contrats de travail. Selon l’article L. 1411-1 du code du travail, il est chargé de régler par voie de conciliation les conflits qui peuvent surgir entre employeurs et salariés.

Cela inclut les cas où un travailleur indépendant conteste son statut et demande la requalification de son contrat en CDI. Le conseil de prud’hommes examine les circonstances de la relation de travail, notamment les éléments de subordination, pour déterminer si un contrat de travail existe réellement.

Il est important de noter que la décision du conseil de prud’hommes peut avoir des implications significatives pour les droits des travailleurs, notamment en matière de protection sociale et de droits liés à l’emploi.

Comment se manifeste le lien de subordination dans une relation de travail ?

Le lien de subordination est caractérisé par plusieurs éléments clés. Tout d’abord, il implique que le travailleur exécute son travail sous l’autorité d’un employeur. Cela signifie que l’employeur a le pouvoir de donner des ordres et des directives concernant la manière dont le travail doit être effectué.

De plus, l’employeur a également le droit de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements. Cela peut inclure des mesures disciplinaires, des pénalités ou d’autres formes de contrôle.

La relation de travail ne dépend pas seulement de la volonté des parties ou de la dénomination donnée au contrat, mais des conditions réelles dans lesquelles le travail est effectué. Si ces conditions montrent un contrôle significatif de l’employeur, cela peut indiquer un lien de subordination.

Quelles sont les implications de l’auto-entrepreneuriat dans le cadre de la requalification des contrats ?

L’auto-entrepreneuriat présente des particularités qui peuvent compliquer la requalification d’un contrat de prestation de services en CDI. Selon l’article L. 8221-6 du code du travail, les auto-entrepreneurs sont présumés ne pas être liés par un contrat de travail avec le donneur d’ordre.

Cependant, cette présomption peut être renversée si l’auto-entrepreneur peut prouver l’existence d’un lien de subordination. Cela signifie qu’il doit démontrer que, malgré son statut d’indépendant, il travaille dans des conditions qui le placent sous l’autorité d’un employeur.

L’auto-facturation, bien que légale, ne suffit pas à elle seule à établir une relation salariale. Les éléments de contrôle, de sanction et de géolocalisation sont cruciaux pour établir ce lien de subordination.

Quels éléments ont conduit à la requalification du contrat du livreur de Take Eat Easy ?

Dans le cas du livreur de Take Eat Easy, plusieurs éléments ont conduit à la requalification de son contrat en CDI. Bien qu’il ait été immatriculé en tant qu’auto-entrepreneur, il a pu démontrer l’existence d’un lien de subordination.

D’une part, il avait la liberté de choisir ses horaires, mais d’autre part, la société utilisait un système de géolocalisation pour suivre son activité en temps réel. Cela a été interprété comme un moyen de contrôle sur son travail.

De plus, le système de « malus » mis en place par la société, qui sanctionnait les livreurs en fonction de divers critères, a été considéré comme un pouvoir disciplinaire. Ces éléments ont été déterminants pour établir que le livreur n’agissait pas de manière totalement autonome, justifiant ainsi la requalification de son contrat.


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