Délit de presse : à nouveau lien hypertexte, nouvelle prescription

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Délit de presse : à nouveau lien hypertexte, nouvelle prescription

Relayer un lien hypertexte vers un contenu diffamatoire expose l’internaute à une condamnation pour diffamation. Pour déclarer coupable, une personne relayant un lien vers un contenu diffamatoire, les juges d’appel ne peuvent toutefois se contenter de retenir que l’insertion d’un tel lien constitue ipso facto un nouvel acte de publication. Les juges doivent examiner les éléments extrinsèques au contenu incriminé que constituent les modalités et le contexte dans lesquels ont été insérés le lien hypertexte y renvoyant, et spécialement le sens de l’autre texte auquel renvoyait le lien.  

Calculer le délai de prescription de l’action

Pour rappel, lorsque des poursuites pour diffamation et injures publiques sont engagées à raison de la diffusion d’un message sur le réseau internet, le point de départ du délai de prescription de l’action publique prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse doit être fixé à la date du premier acte de publication. Cette date est celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau (Crim., 16 octobre 2001, pourvoi n° 00-85.728, Bull. crim. 2001, n° 210, rejet).

À l’égard de publications réalisées sur papier, le fait de publication étant l’élément par lequel les infractions sont consommées, toute reproduction dans un écrit rendu public d’un texte déjà publié est elle-même constitutive d’infraction, le point de départ de la prescription, lorsqu’il s’agit d’une publication nouvelle, est fixé au jour de cette publication (Crim., 8 janvier 1991, pourvoi n° 90-80.593, Bull. crim. 1991, n° 13, cassation ; Crim., 2 octobre 2012, pourvoi n° 12-80.419, Bull. crim. 2012, n° 204, rejet). Elle juge de même pour les rediffusions à la radio ou à la télévision (Crim., 8 juin 1999, pourvoi n° 98-84.175, Bull. crim. 1999, n° 128, rejet).

Spécificités des délits de presse en ligne

Sur le réseau internet, le point de délai de calcul du délai de prescription est relancé en cas de nouvelle mise à disposition du public d’un contenu litigieux précédemment mis en ligne sur un site internet dont le titulaire a volontairement réactivé ledit site sur le réseau internet, après l’avoir désactivé. Il s’agit là d’une reproduction faisant courir un nouveau délai de prescription (Crim., 7 février 2017, pourvoi n° 15-83.439, Bull. crim. 2017, n° 38, cassation).

La simple adjonction d’une seconde adresse pour accéder à un site existant ne saurait toutefois caractériser un nouvel acte de publication de textes figurant déjà à l’identique sur ce site (Crim., 6 janvier 2009, pourvoi n° 05-83.491, Bull. crim. 2009, n° 4, rejet), étant observé qu’une telle adjonction avait été le fait de l’éditeur du site.

Statut des liens hypertextes

S’agissant spécifiquement du recours à un lien hypertexte, l’insertion, sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un tel lien renvoyant directement audit écrit, précédemment publié, caractérise une telle reproduction (Crim., 2 novembre 2016, pourvoi n° 15-87.163, Bull. crim. 2016, n° 283, cassation). Il en résulte qu’un lien hypertexte qui, comme au cas présent, renvoie directement à un écrit qui a été mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription, de sorte que l’action publique n’était pas prescrite.

Vu les articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale :

En application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH, arrêt du 4 décembre 2018, Magyar Jeti Zrt c. Hongrie, n° 11257/16), que les liens hypertextes contribuent au bon fonctionnement du réseau internet, en rendant les très nombreuses informations qu’il contient aisément accessibles, de sorte que, pour apprécier si l’auteur d’un tel lien, qui renvoie à un contenu susceptible d’être diffamatoire, peut voir sa responsabilité pénale engagée en raison de la nouvelle publication de ce contenu à laquelle il procède, les juges doivent examiner en particulier si l’auteur du lien a approuvé le contenu litigieux, l’a seulement repris ou s’est contenté de créer un lien, sans reprendre ni approuver ledit contenu, s’il savait ou était raisonnablement censé savoir que le contenu litigieux était diffamatoire et s’il a agi de bonne foi.

Un tel examen concerne des éléments extrinsèques au contenu incriminé, de la nature de ceux dont la Cour de cassation juge qu’il appartient aux juges de les prendre en compte pour apprécier le sens et la portée des propos poursuivis comme diffamatoires, au sens du deuxième de ces textes (Crim., 27 juillet 1982, pourvoi n° 81-90.901, Bull. crim. 1982, n° 199, rejet ; Crim., 11 décembre 2018, pourvoi n° 17-84.899, Bull. crim. 2018, n° 214, cassation).

Si la Cour de cassation juge également que l’appréciation des juges sur ces éléments extrinsèques est souveraine (Crim., 8 octobre 1991, pourvoi n° 90-83.336, Bull. crim. 1991, n° 334, rejet), il lui incombe cependant de s’assurer qu’un tel examen a été effectué dans le respect des exigences résultant de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme telles qu’interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme. Télécharger la décision

Questions / Réponses juridiques

Quelles sont les conséquences de relayer un lien hypertexte vers un contenu diffamatoire ?

Relayer un lien hypertexte vers un contenu diffamatoire peut exposer l’internaute à une condamnation pour diffamation. Cependant, pour qu’une personne soit déclarée coupable, les juges d’appel ne peuvent pas simplement considérer que l’insertion d’un lien constitue automatiquement un nouvel acte de publication.

Ils doivent examiner les éléments extrinsèques au contenu incriminé, notamment les modalités et le contexte dans lesquels le lien hypertexte a été inséré. Cela inclut une analyse du sens de l’autre texte auquel le lien renvoie.

Cette approche vise à garantir que la responsabilité pénale de l’internaute soit évaluée de manière juste et proportionnée, en tenant compte de l’intention et du contexte de la publication.

Comment se calcule le délai de prescription pour les actions en diffamation sur Internet ?

Le délai de prescription pour les actions en diffamation et injures publiques sur Internet commence à la date du premier acte de publication. Selon l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, cette date correspond à celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs.

Pour les publications sur papier, toute reproduction d’un texte déjà publié constitue une nouvelle infraction, et le point de départ de la prescription est fixé au jour de cette nouvelle publication. Cela s’applique également aux rediffusions à la radio ou à la télévision.

Ainsi, le cadre légal est clair : le moment où le contenu est accessible au public est crucial pour déterminer le début du délai de prescription.

Quelles sont les spécificités des délits de presse en ligne ?

Sur Internet, le délai de prescription peut être relancé si un contenu litigieux est de nouveau mis à disposition du public, notamment si le titulaire d’un site réactive un site précédemment désactivé. Cela constitue une nouvelle publication, entraînant un nouveau délai de prescription.

Cependant, il est important de noter que l’ajout d’une seconde adresse pour accéder à un site existant ne constitue pas un nouvel acte de publication si le contenu reste identique. Cette distinction est essentielle pour éviter des abus dans l’application de la loi.

Les juges doivent donc évaluer chaque situation au cas par cas pour déterminer si un nouvel acte de publication a eu lieu.

Quel est le statut des liens hypertextes en matière de diffamation ?

L’insertion d’un lien hypertexte renvoyant à un écrit précédemment publié est considérée comme une reproduction de ce texte. Cela signifie qu’un lien hypertexte qui renvoie à un contenu potentiellement diffamatoire peut faire courir un nouveau délai de prescription.

En vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, les juges doivent examiner si l’auteur du lien a approuvé le contenu, s’il l’a simplement repris ou s’il a créé un lien sans approbation.

Cette évaluation inclut des éléments extrinsèques au contenu incriminé, ce qui permet de déterminer la responsabilité de l’auteur du lien en fonction de son intention et de sa connaissance du caractère diffamatoire du contenu.

Comment les juges évaluent-ils la responsabilité pénale des auteurs de liens hypertextes ?

Les juges doivent prendre en compte plusieurs éléments pour évaluer la responsabilité pénale des auteurs de liens hypertextes. Ils doivent déterminer si l’auteur du lien a approuvé le contenu litigieux, s’il l’a seulement repris ou s’il a agi de bonne foi en créant un lien.

L’évaluation de ces éléments extrinsèques est essentielle pour apprécier le sens et la portée des propos jugés diffamatoires. La Cour de cassation a souligné que cette appréciation est souveraine, mais elle doit respecter les exigences de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ainsi, les juges doivent s’assurer que leur examen des circonstances entourant la publication du lien a été effectué de manière rigoureuse et conforme aux normes juridiques établies.


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