Délimitation de propriétés et prescription acquisitive : enjeux de bonne foi et de juste titre

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Délimitation de propriétés et prescription acquisitive : enjeux de bonne foi et de juste titre

L’Essentiel : Dans cette affaire, un couple de propriétaires de parcelles cadastrées a assigné un autre couple de propriétaires d’une parcelle voisine en bornage. Les propriétaires de la parcelle voisine ont revendiqué la propriété d’une bande de terrain contiguë, se basant sur la prescription acquisitive abrégée. Ils ont contesté la décision de la cour d’appel qui a établi la limite séparative selon le cadastre, arguant que l’acte de vente de décembre 2011 devait être considéré comme un juste titre. La cour d’appel a conclu que l’acte ne mentionnait pas la bande de terrain revendiquée, justifiant ainsi sa décision et confirmant la délimitation des propriétés.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, un couple de propriétaires de parcelles cadastrées a assigné un autre couple de propriétaires d’une parcelle voisine en bornage. Les propriétaires de la parcelle voisine avaient acquis leur bien en décembre 2011.

Revendication de propriété

Les propriétaires de la parcelle voisine ont également revendiqué la propriété d’une bande de terrain contiguë à leur propriété, en se basant sur la prescription acquisitive abrégée. Cette bande de terrain était séparée de la parcelle des demandeurs par un mur d’enceinte.

Arguments des propriétaires de la parcelle voisine

Les propriétaires de la parcelle voisine ont contesté la décision de la cour d’appel qui a établi la limite séparative des parcelles selon le cadastre. Ils ont soutenu que l’acte de vente de décembre 2011 devait être considéré comme un juste titre, même si la surface litigieuse n’était pas explicitement mentionnée, et ont critiqué la cour pour avoir jugé qu’ils étaient de mauvaise foi.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a constaté que l’acte de vente ne mentionnait pas la bande de terrain revendiquée et ne permettait pas d’identifier une annexion de celle-ci. Elle a conclu que l’acte ne satisfaisait pas aux exigences d’un juste titre, justifiant ainsi sa décision sans avoir à examiner la question d’une éventuelle annexion antérieure à la vente.

Conclusion

En se fondant sur ces éléments, la cour d’appel a légalement justifié sa décision, rejetant les demandes des propriétaires de la parcelle voisine et confirmant la délimitation des propriétés selon le cadastre.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du juste titre en matière de prescription acquisitive ?

Le juste titre est défini par l’article 2272 du Code civil, qui stipule que « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans ».

Cet article précise que le juste titre est celui qui, considéré en soi, serait de nature à transférer la propriété à la partie qui l’invoque.

Il est important de noter que la mention explicite de la surface en cause dans l’acte n’est pas nécessaire, tant que celle-ci a été matériellement intégrée à la parcelle vendue.

Dans cette affaire, la cour d’appel a jugé que l’acte de vente du 16 décembre 2011 ne constituait pas un juste titre, car il ne mentionnait pas la bande de terrain litigieuse.

Ainsi, la cour a conclu que l’acte ne permettait pas d’identifier une annexion de la bande de terrain, ce qui a conduit à la décision de ne pas reconnaître la prescription acquisitive.

Quelles sont les conditions de la bonne foi en matière de prescription acquisitive ?

L’article 2274 du Code civil stipule que « la bonne foi est présumée ». Cela signifie que celui qui acquiert un bien immobilier est présumé agir de bonne foi, sauf preuve du contraire.

Dans le cas présent, la cour d’appel a retenu que les propriétaires de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 1] étaient de mauvaise foi en raison de l’absence de vérification du caractère régulier de la construction incluse dans la vente.

Cependant, cette absence de vérification ne prouve pas nécessairement qu’ils connaissaient un défaut de droit de l’aliénateur.

La cour d’appel aurait donc dû examiner si les conditions de bonne foi et de juste titre étaient respectées, sans se limiter à l’absence de vérification.

En ne tenant pas compte de cette présomption de bonne foi, la cour a potentiellement violé les articles 2272 et 2274 du Code civil.

Comment la cour d’appel a-t-elle justifié sa décision concernant l’annexion de la bande de terrain ?

La cour d’appel a constaté que l’acte de vente du 16 décembre 2011 ne portait que sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 1] et ne mentionnait pas le garage construit partiellement sur la bande de terrain revendiqué.

Elle a donc retenu que cet acte ne désignait pas l’exacte limite des propriétés et ne permettait pas d’identifier une annexion de la bande de terrain litigieuse.

Cette constatation a conduit la cour à conclure que l’acte ne satisfaisait pas à l’exigence d’un juste titre, rendant inopérante toute recherche relative à une annexion antérieure à la vente.

Ainsi, la cour d’appel a légalement justifié sa décision en se basant sur les éléments factuels de l’acte de vente et les dispositions des articles 2272 et 2274 du Code civil.

CIV. 3

FC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 février 2025

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 74 F-D

Pourvoi n° Y 23-23.205

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025

1°/ M. [K] [Y],

2°/ Mme [W] [E], épouse [Y],

tous deux domiciliés [Adresse 4], [Localité 6],

ont formé le pourvoi n° Y 23-23.205 contre l’arrêt rendu le 25 août 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [Z] [B],

2°/ à Mme [V] [B],

tous deux domiciliés [Adresse 5], [Localité 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pic, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. et Mme [Y], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [B], après débats en l’audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Pic, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 25 août 2023), M. et Mme [B], propriétaires de parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3], ont assigné en bornage M. et Mme [Y], propriétaires de la parcelle voisine, cadastrée section B n° [Cadastre 1], acquise le 16 décembre 2011.

2. M. et Mme [Y] ont reconventionnellement revendiqué la propriété, par l’effet de la prescription acquisitive abrégée, d’une bande de terrain contiguë à leur propriété et séparée du fonds voisin par un mur d’enceinte.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [Y] font grief à l’arrêt de dire que la limite séparative de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 2] et de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 1] devait être établie telle qu’indiquée au cadastre et conformément au plan de proposition de délimitation figurant à l’expertise judiciaire déposée le 3 novembre 2020, en page 134 du rapport, et ce, suivant les points A, B, C, D et E dudit croquis et de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que constitue un juste titre celui qui, considéré en soi, serait de nature à transférer la propriété à la partie qui invoque la prescription acquisitive ; qu’il importe peu à cet égard que le titre en cause mentionne expressément la surface en cause, dès lors que celle-ci a été matériellement intégrée à la parcelle vendue ; qu’en retenant que l’acte du 16 décembre 2011 n’était pas un juste titre, au motif que la surface litigieuse n’était pas comprise dans l’acte, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la surface litigieuse avait été incluse, avant la vente, dans la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 1] par l’édification d’un mur ceinturant l’ensemble de la parcelle, y compris la surface litigeuse (la portion délimitée en jaune sur le plan de l’expert, p. 134), si bien qu’elle était comprise matériellement dans cette vente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2272 du code civil ;

2°/ que celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans ; la bonne foi est présumée ; qu’en retenant que les exposants étaient de mauvaise foi, du fait de l’absence de vérification du caractère régulier de la construction incluse dans la vente, quand les conditions de bonne foi et de juste titre sont distinctes, la cour d’appel a violé les articles 2272 et 2274 du code civil ;

3°/ que la bonne foi est présumée ; qu’en retenant que les exposants étaient de mauvaise foi, du fait de l’absence de vérification du caractère régulier de la construction incluse dans la vente, quand cette absence de vérification ne démontrait pas qu’ils connaissaient le défaut de droit de l’aliénateur, la cour d’appel a violé l’article 2274 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d’appel, après avoir relevé que l’acte de vente du 16 décembre 2011 ne portait que sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 1] et ne mentionnait pas le garage construit partiellement sur la bande de terrain revendiqué, a retenu que cet acte ne désignait pas l’exacte limite des propriétés et ne permettait pas d’identifier une annexion de la bande de terrain litigieuse.

5. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche relative à une annexion de cette bande de terrain antérieure à la vente consentie à M. et Mme [Y], que ses constatations rendaient inopérante, que cet acte ne satisfaisait pas à l’exigence d’un juste titre.

6. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.


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