Délégation de signature et maintien des soins psychiatriques : enjeux de consentement et de procédure.

·

·

Délégation de signature et maintien des soins psychiatriques : enjeux de consentement et de procédure.

L’Essentiel : Madame [S] [P], hospitalisée depuis le 11 décembre 2024, a vu sa demande d’appel concernant son maintien en soins psychiatriques examinée le 31 décembre 2024. Bien qu’elle ait exprimé son acceptation de l’hospitalisation, elle a questionné l’absence d’une option d’hospitalisation libre. Son état mental, attesté par des certificats médicaux, a été jugé incompatible avec un consentement éclairé aux soins. Le tribunal a confirmé la décision de maintien en hospitalisation complète, rejetant les arguments de défense relatifs à une irrégularité de procédure. L’appel a été déclaré recevable, mais sans fondement pour annuler la mesure de soins.

Contexte de l’hospitalisation

Madame [S] [P], née le 5 janvier 1989, a été placée sous soins psychiatriques en hospitalisation complète au centre hospitalier [5] à [Localité 4] depuis le 11 décembre 2024. Cette décision a été prise en urgence à la demande de sa tante, Madame [T] [K], conformément à l’article L.3212-3 du code de la santé publique.

Procédure judiciaire

Le 12 décembre 2024, le directeur du centre hospitalier a saisi le tribunal judiciaire pour statuer sur la mesure de soins. Le 17 décembre 2024, le magistrat a autorisé le maintien de l’hospitalisation. Madame [S] [P] a interjeté appel le 23 décembre 2024, et une audience a eu lieu le 31 décembre 2024, où ni sa tante ni le centre hospitalier n’étaient présents.

Déclarations de Madame [S] [P]

Lors de l’audience, Madame [S] [P] a exprimé son acceptation de l’hospitalisation, tout en se demandant pourquoi une hospitalisation libre n’avait pas été envisagée. Elle a mentionné une blessure à la main causée par une autre patiente et a affirmé qu’elle pourrait recevoir des soins à domicile. Elle a également reconnu le décès de sa mère, survenu le 3 décembre 2024, et a indiqué sa volonté de suivre un programme de soins au CMP.

Arguments de la défense

Le conseil de Madame [S] [P] a soulevé une irrégularité concernant l’absence de délégation de signature pour la décision de maintien en hospitalisation. Malgré cela, il a été confirmé que Madame [S] [P] était consciente de son état et d’accord pour se rendre au CMP, tout en affirmant que son compagnon pouvait gérer son retour.

Analyse de la décision

L’appel a été jugé recevable. Concernant la délégation de signature, il a été établi que Monsieur [M] [D] avait bien reçu l’autorisation de signer des décisions urgentes relatives aux patients, y compris celles concernant les soins psychiatriques. Le moyen d’irrégularité a donc été rejeté.

Évaluation médicale

Les certificats médicaux ont souligné les troubles mentaux de Madame [S] [P], indiquant qu’elle ne pouvait pas consentir aux soins en raison de son état. Malgré une légère amélioration, son état nécessitait une hospitalisation complète pour assurer une surveillance constante et un traitement approprié.

Conclusion de la décision

L’ordonnance initiale a été confirmée, autorisant le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète. L’appel de Madame [S] [P] a été déclaré recevable, mais le moyen d’irrégularité a été rejeté, laissant les dépens à la charge du Trésor public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’appel interjeté par Madame [S] [P] ?

L’appel interjeté par Madame [S] [P] a été déclaré recevable car il a été effectué dans les délais légaux.

Selon l’article 543 du Code de procédure civile, « l’appel est formé dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision ».

Dans cette affaire, l’appel a été interjeté le 23 décembre 2024, ce qui respecte le délai imparti.

Ainsi, la cour a confirmé la recevabilité de l’appel, permettant à Madame [S] [P] de contester la décision de maintien de son hospitalisation.

Quelles sont les implications de l’irrégularité relative à la délégation de signature ?

L’article L.212-1 du Code des relations entre le public et l’administration stipule que « toute décision prise par une administration doit comporter la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».

Dans le cas présent, la décision de maintien en hospitalisation a été signée par Monsieur [M] [D], agissant par délégation du directeur de l’établissement.

La délégation de signature doit être prévue par un texte et être spécifique quant au champ d’attribution délégué.

Il a été établi que la délégation n°38-2024 permettait à Monsieur [M] [D] de prendre des décisions urgentes concernant le séjour des patients, y compris celles relatives aux soins sans consentement.

Ainsi, bien que le moyen d’irrégularité ait été soulevé, la cour a rejeté ce moyen, considérant que la délégation était conforme aux exigences légales.

Quelles sont les conditions pour le maintien des soins psychiatriques sans consentement ?

L’article L.3212-1 du Code de la santé publique précise que « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière ».

Dans le cas de Madame [S] [P], les certificats médicaux ont attesté de son état de vulnérabilité et de l’impossibilité de son consentement en raison de ses troubles mentaux.

Le médecin a également souligné la nécessité d’une surveillance constante pour assurer la mise en œuvre du traitement requis.

Ainsi, les conditions légales pour le maintien des soins psychiatriques sans consentement étaient réunies, justifiant la décision de la cour de confirmer l’ordonnance autorisant cette mesure.

Comment la cour a-t-elle évalué la nécessité de l’hospitalisation complète ?

La cour a examiné les certificats médicaux fournis, notamment celui du docteur [F] [X], qui a noté une amélioration légère mais une persistance des troubles.

L’article L.3212-1 du Code de la santé publique exige que l’état mental du patient impose des soins immédiats, ce qui a été confirmé par les médecins.

Le docteur [X] a conclu que la forme actuelle de la prise en charge était adaptée et que les soins psychiatriques devaient être maintenus à temps complet.

La cour a donc jugé que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles de Madame [S] [P] étaient nécessaires et proportionnées à son état mental, justifiant ainsi le maintien de l’hospitalisation complète.

En conséquence, l’ordonnance a été confirmée, validant la décision de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète.

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14C

N° RG 24/07820 – N° Portalis DBV3-V-B7I-W5RM

(Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)

Copies délivrées le : 31/12/2024

à :

Mme [P]

Me BOURREE

Etablissement Public [5]

Mme [K]

Min. Public

ORDONNANCE

Le 31 Décembre 2024

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère, à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d’hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assistée de Madame [E] [U], Greffière stagiaire en préaffectation, avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

Madame [S] [P]

Actuellement hospitalisée

A l’ E.P.S [5] D'[Localité 4]

Comparante, assistée de Me Delphine BOURREE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 582, commis d’office

APPELANTE

ET :

M. LE DIRECTEUR DE L’ETABLISSEMENT PUBLIC [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non représenté

Madame [T] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparante, non représentée

INTIMEES

ET COMME PARTIE JOINTE :

M. LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D’APPEL DE VERSAILLES

Non représenté à l’audience, ayant rendu un avis écrit

A l’audience publique du 31 Décembre 2024 où nous étions Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère, assistée de Madame [E] [U], Greffière stagiaire en préaffectation, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour;

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [S] [P], née le 5 janvier 1989 à [Localité 6] fait l’objet depuis le 11 décembre 2024 d’une mesure de soins psychiatriques, sous la forme d’une hospitalisation complète, au centre hospitalier [5] à [Localité 4], sur décision du directeur d’établissement, en application des dispositions de l’article L.3212-3 du code de la santé publique, en urgence et à la demande d’un tiers, en la personne de Madame [T] [K], sa tante.

Le 12 décembre 2024, Monsieur le directeur du centre hospitalier [5] a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire afin qu’il soit statué conformément aux dispositions des articles L.3212-1 à L.3212-12 et L.3211-12-1 et suivants du code de la santé publique.

Par ordonnance du 17 décembre 2024, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nanterre a autorisé le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète.

Appel a été interjeté le 23 décembre 2024 par Madame [S] [P].

Madame [S] [P], l’établissement [5] et Madame [T] [K] ont été convoqués en vue de l’audience.

Le procureur général représenté par Michel SAVINAS, avocat général, a visé cette procédure par écrit le 27 décembre 2024, avis versé aux débats.

L’audience s’est tenue le 31 décembre 2024 en audience publique.

A l’audience, bien que régulièrement convoqués, Madame [T] [K] et le centre hospitalier [5] n’ont pas comparu.

Madame [S] [P] déclare qu’elle accepte son hospitalisation et ne comprend pas pourquoi il ne lui a pas été proposé une hospitalisation libre, avec laquelle elle était d’accord. S’agissant de sa blessure à la main, elle précise qu’elle s’est fait mal à cause d’une patiente qui lui a fait peur. Elle sait que sa main n’est pas guérie mais estime qu’elle pourrait faire l’objet de soins à domicile. Elle est consciente du décès de sa Maman, survenu le 3 décembre 2024 à la suite d’une insuffisance respiratoire, et dit qu’il faut l’accepter. Elle indique avoir suivi, antérieurement à ce décès, un traitement à la suite d’un burn-out dans le cadre professionnel et se dit prête à aller au CMP, tout en admettant « c’est le médecin qui décide ».

Le conseil de Madame [S] [P] a soulevé un moyen d’irrégularité tenant à l’absence de délégation de signature à Monsieur [M] [D] pour signer, en lieu et place du directeur de l’établissement, la décision de maintien en hospitalisation sans consentement. Sur le fond, le conseil de Madame [S] [P] a confirmé qu’elle avait conscience du décès de sa mère et qu’elle était d’accord pour se rendre au CMP et suivre un programme de soins, qu’en outre son compagnon était en mesure de gérer son retour.

Madame [S] [P] a été entendue en dernier lieu et a déclaré que si son maintien à l’hôpital devait être décidé, elle l’accepterait.

L’affaire a été mise en délibéré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel a été interjeté dans les délais légaux. Il doit être déclaré recevable.

Sur le moyen d’irrégularité relatif à la délégation de signature

L’article L.212-1 du code des relations entre le public et l’administration exige que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et la qualité de celui-ci.

La délégation doit être prévue par un texte ainsi qu’être spécifique et précise quant au champ d’attribution délégué.

En l’espèce, la décision de maintien en hospitalisation complète de Madame [S] [P] a été prise le 14 décembre 2024 par Monsieur [M] [D], technicien supérieur hospitalier, agissant par délégation du directeur de l’établissement.

Il ressort de la délégation de signature n°38-2024 du 25 octobre 2024 produite par le conseil de Madame [S] [P] que Monsieur [J] [I], directeur par intérim de l’établissement public de santé [5], délègue sa signature à Monsieur [M] [D], technicien supérieur hospitalier ‘ responsable travaux aux seules fins de prendre toutes les dispositions réglementaires et individuelles nécessaires à l’exercice des compétences liées à la garde de direction (article 3).

L’article 5 de cette délégation dispose :

« Pendant les périodes de garde administrative, fixées par le tableau de gardes administratives, Monsieur [M] [D] est autorisé à prendre toutes les décisions et mesures urgentes s’agissant notamment :

(‘)

– de l’admission des patients,

– du séjour des patients,

– de l’information ou la saisine le cas échéant du magistrat du siège du tribunal judiciaire dans le cadre des dispositions relatives aux soins sans consentement (article L.3222-5-1 du code de la santé publique),

(‘) »

Si, contrairement à la délégation de signature n°39-2024 du 25 octobre 2024 concernant Madame [B] [C], également versée aux débats par le conseil de Madame [S] [P], il n’est pas spécifiquement indiqué dans la délégation n°38-2024 susmentionnée qu’il est donné à Monsieur [M] [D] délégation de signature à l’effet de signer en lieu et place du directeur de l’établissement « les décisions de maintien ou de modifications des soins psychiatriques sous forme d’une hospitalisation complète ou sous une autre forme qu’une hospitalisation complète dans le cadre d’un programme de soins », les termes de l’article 5 rappelés supra permettent de retenir que Monsieur [M] [D] a reçu délégation pour signer toute décision et mesure urgente concernant le séjour des patients, qu’ils fassent l’objet de soins psychiatriques libres ou de soins psychiatriques sans consentement, étant observé que ledit article 5 mentionne par ailleurs que Monsieur [M] [D] a délégation de signature pour informer ou saisir le magistrat du siège du tribunal judiciaire dans le cadre des dispositions relatives aux soins sans consentement.

Le moyen sera rejeté.

Sur le fond

Aux termes du I de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L.3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L.3211-2-1 ».

Le certificat médical initial du 11 décembre 2024 et les certificats suivants des 12, 14 et 16 décembre 2024 détaillent avec précision les troubles dont souffre Madame [S] [P], en soulignant son état de vulnérabilité et le fait qu’elle n’a repris son traitement habituel qu’avec la mesure d’hospitalisation complète. Le certificat du 30 décembre 2024 du docteur [F] [X] rappelle que Madame [S] [P] a été hospitalisée pour troubles du comportement à la suite du décès de sa mère. Si le docteur [X] constate une amélioration légère et partielle, il note cependant la persistance d’une désorganisation importante et d’un vécu persécutif centré sur des membres de sa famille.

Après avoir fait état d’une conscience des troubles encore insuffisante et d’une adhésion aux soins très fluctuante, le docteur [X] conclut que la forme actuelle de la prise en charge demeure adaptée et que les soins psychiatriques doivent être maintenus à temps complet.

Cet avis médical est suffisamment précis pour justifier les restrictions à l’exercice des libertés individuelles de Madame [S] [P], qui demeurent adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en ‘uvre du traitement requis, l’intéressé se trouvant dans l’impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles décrits, son état nécessitant des soins assortis d’une surveillance constante.

L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a autorisé le maintien de la mesure de soins psychiatriques de Madame [S] [P] sous la forme d’une hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance réputée contradictoire,

Déclarons l’appel de Madame [S] [P] recevable,

Rejetons le moyen d’irrégularité soulevé,

Confirmons l’ordonnance entreprise,

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon