Délai de relogement : évaluation des circonstances personnelles et obligations locatives.

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Délai de relogement : évaluation des circonstances personnelles et obligations locatives.

L’Essentiel : Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal de proximité de Saint Denis a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail entre une locataire et la société CDC Habitat Social, concernant un logement à [Localité 4]. La locataire a été condamnée à verser 3436,20 euros pour arriéré locatif, avec des délais de paiement accordés, et une éventuelle expulsion en cas de non-respect de ces délais. Un commandement de quitter les lieux a été délivré le 7 mars 2023. Le 12 juillet 2024, la locataire a saisi le juge de l’exécution pour obtenir un délai de 6 mois pour libérer les lieux.

Contexte du litige

Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal de proximité de Saint Denis a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail entre Madame [T] [B] et la société CDC Habitat Social, concernant un logement à [Localité 4]. Madame [T] [B] a été condamnée à verser 3436,20 euros pour arriéré locatif, avec des délais de paiement accordés, et une éventuelle expulsion en cas de non-respect de ces délais. Un commandement de quitter les lieux a été délivré le 7 mars 2023.

Demande de délai de relogement

Le 12 juillet 2024, Madame [T] [B] a saisi le juge de l’exécution pour obtenir un délai de 6 mois pour libérer les lieux, en se basant sur les articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution. L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises et a été finalement appelée le 23 janvier 2025, où elle a demandé un délai de 12 mois, évoquant des violences conjugales et des problèmes de santé.

Arguments des parties

Madame [T] [B] a expliqué sa situation familiale et a mentionné que sa sœur avait réglé 8000 euros pour commencer à apurer sa dette. En revanche, la société CDC Habitat Social a demandé le rejet de la demande de délai, soulignant que la dette avait considérablement augmenté en raison de paiements insuffisants et que Madame [T] [B] n’avait pas entrepris de démarches pour son relogement.

Décision du juge

Le juge a examiné la demande de délai en tenant compte des articles L412-3 et L412-4, qui stipulent que des délais peuvent être accordés si le relogement ne peut se faire dans des conditions normales. Cependant, Madame [T] [B] n’a pas fourni d’éléments sur ses revenus ni justifié de démarches pour son relogement, ce qui a conduit à la conclusion qu’elle ne prouvait pas que son relogement était impossible dans des conditions normales.

Conclusion du jugement

Le jugement du 6 février 2025 a débouté Madame [T] [B] de sa demande de délai avant expulsion, l’a condamnée aux dépens, et a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement a également été transmis au Préfet pour le relogement de Madame [T] [B] et de tout occupant.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour accorder un délai de paiement aux occupants d’un logement en cas d’expulsion ?

Selon l’article L. 412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Il est donc essentiel que l’occupant démontre que son relogement ne peut pas se faire dans des conditions normales pour bénéficier d’un tel délai.

En l’espèce, la demanderesse n’a pas réussi à prouver que son relogement était impossible dans des conditions normales, ce qui a conduit à un rejet de sa demande.

Comment le juge évalue-t-il la bonne ou mauvaise volonté de l’occupant dans l’exécution de ses obligations ?

L’article L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution précise que pour la fixation des délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, ainsi que des situations respectives du propriétaire et de l’occupant.

Cela inclut des éléments tels que l’âge, l’état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun, ainsi que les diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

Dans le cas présent, bien que la demanderesse ait évoqué des problèmes de santé et une situation familiale difficile, elle n’a pas fourni d’éléments concrets concernant ses revenus ou ses démarches de relogement, ce qui a été pris en compte par le juge.

Quelles sont les conséquences d’un rejet de la demande de délai avant expulsion ?

En application de l’article 696 du code de procédure civile, lorsque la demande d’un occupant est rejetée, celui-ci supporte la charge des éventuels dépens.

Dans cette affaire, la demanderesse a été déboutée de sa demande de délai avant expulsion, ce qui signifie qu’elle devra également assumer les frais de justice liés à cette procédure.

De plus, le jugement a également rejeté la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce qui signifie qu’aucune indemnité ne sera accordée à la société de gestion locative pour les frais engagés dans cette affaire.

Ainsi, le rejet de la demande a des implications financières directes pour l’occupante.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
06 Février 2025

MINUTE : 25/125

RG : N° 24/07681 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZV45
Chambre 8/Section 3

Rendu par Madame COSNARD Julie, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame HALIFA Zaia, Greffière,

DEMANDEUR

Madame [T] [H] [E] [B]
[Adresse 2]
[Localité 4]

assistée par Me Jean-marc DJOSSOU, avocat au barreau de PARIS – A971

ET

DEFENDEUR

CDC HABITAT SOCIAL
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Gaëlle LE DEUN, avocat au barreau de VAL D’OISE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS

Madame COSNARD, juge de l’exécution,
Assistée de Madame HALIFA, Greffière.

L’affaire a été plaidée le 23 Janvier 2025, et mise en délibéré au 06 Février 2025.

JUGEMENT

Prononcé le 06 Février 2025 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 14 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Denis a notamment :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre Madame [T] [B] et la société CDC Habitat Social et portant sur le logement sis [Adresse 2] à [Localité 4],
– l’a condamnée à payer à la société CDC Habitat Social la somme de 3436,20 euros au titre de l’arriéré locatif, outre une indemnité d’occupation mensuelle,
– lui a octroyé des délais de paiement suspendant l’acquisition de la clause résolutoire,
– en cas de non-respect de ces délais, autorisé son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef,

Un commandement de quitter les lieux a été délivré à Madame [T] [B] le 7 mars 2023.

C’est dans ce contexte que, par requête du 12 juillet 2024, Madame [T] [B] a saisi le juge de l’exécution du tribunal de céans afin que lui soit accordé, sur le fondement des articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution, un délai de 6 mois pour libérer les lieux.

L’affaire a été appelée à l’audience du 10 octobre 2024 et a fait l’objet de plusieurs renvois. Elle a été retenue à l’audience du 23 janvier 2025.

À cette audience, Madame [T] [B], assistée par son conseil, sollicite l’octroi d’un délai de 12 mois pour quitter les lieux.

Elle fait part de sa situation familiale ainsi que de son état de santé. Elle indique avoir quitté le logement en raison de violences conjugales et avoir découvert la dette locative à son retour dans les lieux, en mars 2022. Elle indique que sa sœur vient de régler la somme de 8000 euros afin de commencer à apurer sa dette.

En défense, la société CDC Habitat Social, représentée par son conseil, reprend oralement ses conclusions visées le jour-même par le greffe et demande au juge de l’exécution de :
– à titre principal, débouter Madame [T] [B] de ses demandes,
– à titre subsidiaire, assortir les délais accordés d’une clause de déchéance du terme en cas de non-paiement des échéances courantes,
– en tout état de cause, condamner Madame [T] [B] à lui payer la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle indique que la dette a explosé compte tenu des paiements insuffisants de l’indemnité d’occupation. Elle souligne que la demanderesse, qui a déjà bénéficié de deux ans de délai de fait, n’a effectué aucune démarche en vue de son relogement.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 6 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article L412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

L’article L412-4 de ce même code précise que pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement ; est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Ce même article dispose que la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

En l’espèce, Madame [T] [B] déclare occuper le logement avec ses quatre enfants âgés de 18, 17, 11 et 10 ans. Par jugement du 18 mars 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny le 18 mars 2022 lui a attribué la jouissance de ce logement dans un contexte de violences conjugales.

La demanderesse justifie par ailleurs de problèmes de santé, versant aux débats de très nombreux arrêt de travail.

En revanche, elle ne produit aucun élément relatif à ses revenus, de sorte qu’il est impossible d’apprécier ses possibilités de relogement. Elle ne justifie d’ailleurs d’aucune démarche en ce sens.

Dans ces conditions, Madame [T] [B] ne démontre pas que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Il convient donc de rejeter la demande de délai avant expulsion.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Madame [T] [B], qui succombe, supportera la charge des éventuels dépens.

Il est en revanche équitable de rejeter la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :

DÉBOUTE Madame [T] [B] de sa demande de délai avant expulsion,

CONDAMNE Madame [T] [B] aux dépens,

REJETTE la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT que le présent jugement sera transmis, par les soins du greffe, au Préfet en vue du relogement de Madame [T] [B] ainsi que de tout occupant de son chef.

Fait à Bobigny le 6 février 2025.

LA GREFFIÈRE LA JUGE DE L’EXÉCUTION


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