Délai accordé pour quitter le logement en raison de circonstances personnelles et financières.

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Délai accordé pour quitter le logement en raison de circonstances personnelles et financières.

L’Essentiel : Cette affaire concerne un litige entre un occupant et un bailleur. Le 7 juin 2023, un juge des contentieux de la protection a ordonné l’expulsion de l’occupant, tout en suspendant les effets de la clause résolutoire, permettant à l’occupant de régler sa dette locative de 4 000 euros en 35 mensualités de 110 euros. Le 20 août 2024, le bailleur a signifié l’ordre d’expulsion. En réponse, l’occupant a saisi le juge de l’exécution, demandant un délai supplémentaire. Lors de l’audience du 7 janvier 2025, le juge a accordé à l’occupant un délai jusqu’au 30 juin 2025 pour quitter le logement.

Contexte de l’affaire

Cette affaire concerne un litige entre un locataire, désigné ici comme un occupant, et une société de gestion immobilière, désignée comme le bailleur. Le 7 juin 2023, un juge des contentieux de la protection a ordonné l’expulsion de l’occupant du logement qu’il loue, tout en suspendant les effets de la clause résolutoire, permettant à l’occupant de régler sa dette locative de 4 000 euros en 35 mensualités de 110 euros.

Signification de l’expulsion

Le 20 août 2024, la société de gestion immobilière a signifié à l’occupant l’ordre d’expulsion. Par la suite, un commandement de quitter les lieux a été délivré à l’occupant le 18 novembre 2024. En réponse, l’occupant a saisi le juge de l’exécution le 22 novembre 2024, demandant un délai supplémentaire pour quitter le logement.

Demande de délai par l’occupant

Lors de l’audience du 7 janvier 2025, l’occupant a sollicité un délai de 12 mois pour quitter les lieux, justifiant sa demande par sa situation personnelle, notamment son emploi à mi-temps et ses difficultés financières. Il a également mentionné avoir entrepris des démarches pour débloquer son épargne salariale afin de régler sa dette locative.

Réponse du bailleur

En défense, la société de gestion immobilière a demandé le rejet des demandes de l’occupant, arguant qu’il avait déjà bénéficié d’un effacement de dettes en 2020 et qu’il n’avait pas respecté l’échéancier de paiement convenu. Elle a également demandé que tout délai accordé soit conditionné au paiement de l’indemnité d’occupation.

Décision du juge

Le juge a examiné la situation de l’occupant et a constaté qu’il avait partiellement réglé son indemnité d’occupation, entraînant une aggravation de sa dette. Cependant, il a également noté que l’occupant avait pris des mesures pour solder sa dette. En conséquence, le juge a accordé à l’occupant un délai jusqu’au 30 juin 2025 pour quitter le logement.

Conclusion et dépens

Le juge a rejeté la demande du bailleur de conditionner le délai accordé au paiement de l’indemnité d’occupation, soulignant que cela n’était pas prévu par la loi. Enfin, il a condamné l’occupant aux dépens de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour accorder des délais avant expulsion selon l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution stipule que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement,

chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. De plus, il est précisé que ces occupants ne doivent pas être entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Ainsi, le juge doit évaluer la situation de l’occupant, notamment en tenant compte de sa bonne ou mauvaise volonté dans l’exécution de ses obligations,

de sa situation personnelle, de son état de santé, de sa situation familiale ou financière, ainsi que des diligences qu’il a justifiées pour son relogement.

Quelle est la durée maximale des délais accordés selon l’article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution précise que la durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de plusieurs facteurs, notamment la bonne ou mauvaise volonté de l’occupant,

les situations respectives du propriétaire et de l’occupant, ainsi que des circonstances particulières telles que l’âge, l’état de santé, et les diligences effectuées par l’occupant pour son relogement.

Quelles sont les implications de l’article L.412-6 concernant le sursis à l’expulsion ?

L’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose que, malgré toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et l’expiration des délais accordés,

il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée entre le 1er novembre et le 31 mars de chaque année, sauf si le relogement des intéressés est assuré dans des conditions suffisantes.

Le juge peut toutefois supprimer ou réduire ce sursis si les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par des moyens illégaux.

Cela souligne l’importance de la protection des occupants pendant les périodes hivernales, tout en permettant au juge d’agir en cas de comportements inappropriés.

Comment le juge évalue-t-il la situation de l’occupant pour accorder des délais ?

Le juge doit rechercher un juste équilibre entre les droits du propriétaire et ceux de l’occupant.

Il doit examiner la situation de l’occupant, notamment ses efforts pour régler sa dette locative, sa situation financière, et les démarches entreprises pour son relogement.

Dans le cas présent, bien que l’occupant n’ait pas respecté l’échéancier de paiement, il a justifié avoir pris des mesures pour solder sa dette, ce qui a été pris en compte par le juge.

Quelles sont les conséquences de la demande de la société Seqens concernant le paiement de l’indemnité d’occupation ?

La société Seqens a demandé que l’octroi de délais soit conditionné au paiement de l’indemnité d’occupation.

Cependant, le juge a rejeté cette demande, en précisant qu’aucun texte ne permet de subordonner le bénéfice d’un délai avant expulsion à l’accomplissement de certains actes par l’occupant.

Cela signifie que le juge a reconnu le droit de l’occupant à obtenir des délais sans conditions supplémentaires, renforçant ainsi la protection des locataires en difficulté.

DOSSIER N° : N° RG 24/09712 – N° Portalis DB3R-W-B7I-2AJU
AFFAIRE : [C] [M] [L] / La Société SEQUENS

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 04 FEVRIER 2025

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Cécile CROCHET

GREFFIER : Marie-Christine YATIM

DEMANDEUR

Monsieur [C] [M] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 2]

comparant

DEFENDERESSE

La Société SEQUENS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Me Fabienne BALADINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0744

Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 07 Janvier 2025 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 04 Février 2025, par mise à disposition au Greffe.

EXPOSE DU LITIGE

Par procès-verbal de constat d’accord entre les parties à l’audience du 7 juin 2023 revêtu de la formule exécutoire le 26 juillet 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Antony a ordonné l’expulsion de M. [L] du logement loué situé [Adresse 1] à [Localité 2] et suspendu les effets de la clause résolutoire au regard des délais de paiements octroyés l’autorisant à acquitter sa dette locative fixée à 4 000 euros terme de mai 2023 inclus en 35 mensualités de 110 euros.

Le 20 août 2024, la société Seqens l’a signifié à M. [L].

Par acte d’huissier du 18 novembre 2024, la société Seqens a fait délivrer à M. [L] un commandement de quitter les lieux.

Par requête reçue au greffe le 22 novembre 2024, M. [L] a saisi le juge de l’exécution.

L’affaire a été retenue à l’audience du 7 janvier 2025.

M. [L], sollicitant le bénéfice de sa requête, demande un délai de 12 mois pour quitter les lieux. A l’appui de sa demande, M. [L] fait valoir qu’il occupe seul le logement ; qu’il exerce la profession de réceptionniste à mi-temps thérapeutique à la suite de deux interventions chirurgicales et perçoit à ce titre 967 euros par mois. Il expose avoir eu des difficultés financières au regard des honoraires d’avocat exposés du fait de sa déchéance de nationalité pour n’avoir pas déclaré l’existence de son épouse dont il est désormais divorcé. Il indique néanmoins avoir effectué des diligences afin de débloquer son épargne salariale afin d’apurer sa dette locative. Il précise que le déblocage des fonds a été validé par la commission de la Banque de France et demeurer dans l’attente de sa notification. Il ajoute enfin régler l’indemnité d’occupation et avoir déposé un dossier DALO en novembre 2024.

En défense, la société Seqens conclut au rejet intégral des demandes de M. [L] et demande subsidiairement de conditionner l’octroi de délais au paiement de l’indemnité d’occupation courante. Elle fait valoir que M. [L] a déjà bénéficié d’un effacement total de ses dettes aux termes de mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers des Hauts de Seine en 2020 et qu’en dépit de l’échéancier convenu à l’audience du 7 juin 2023, aucun paiement afin d’apurer la dette locative n’a été effectué, l’indemnité d’occupation étant au surplus irrégulièrement réglée de sorte que la dette locative a augmenté. Subsidiairement, dans l’hypothèse d’octroi de délais, la société Seqens sollicite qu’ils soient conditionnés au paiement de l’indemnité d’occupation.

L’affaire a été mise en délibéré au 4 février 2025.

En délibéré, M. [L], autorisé à cette fin, a communiqué les justificatifs du déblocage de son épargne salariale et a produit un relevé de compte locatif en date du 24 janvier 2025.

Sur ce, la société Seqens n’a formulé aucune observation complémentaire.

MOTIFS

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

En application de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 applicable en l’espèce, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales et à condition que lesdits occupants ne soient pas entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Aux termes de l’article L.412-4 du même code, dans la même version que précédemment, applicable depuis le 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

L’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose que nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L.412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Toutefois, le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Il convient de rechercher si la situation de M. [L] lui permet de bénéficier de délais avant l’expulsion qui doit être entreprise et dont le principe n’est pas contesté.

Il ressort des éléments versés aux débats et notamment du décompte locatif du 9 décembre 2024 que M. [L] n’a procédé au règlement de l’indemnité d’occupation courante chaque mois que partiellement de sorte que sa dette locative, fixée par procès-verbal de constat d’accord entre les parties à l’audience du 7 juin 2023 revêtu de la formule exécutoire le 26 juillet 2024 à 4 000 euros terme de mai 2023 inclus s’est aggravée pour atteindre la somme de 5 681,45 euros arrêtée au 9 décembre 2024.

Si M. [L] n’a pas respecté l’échéancier de 35 mensualités de 110 euros qui lui a été octroyé, il justifie néanmoins avoir effectué toutes les diligences en vue de solder sa dette en sollicitant l’autorisation de la Banque de France afin de débloquer son épargne salariale si bien qu’il a soldé l’intégralité de sa dette le 21 janvier 2025 ainsi que cela résulte du relevé de compte locatif du 24 janvier 2025.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, un délai jusqu’au 30 juin 2025 inclus pour quitter le logement sera accordé à M. [L].

Aucun texte ne permettant au juge de l’exécution, dont les pouvoirs sont limités par les articles 510 du code de procédure civile, R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution et L.412-3 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, de subordonner le bénéfice d’un délai avant expulsion à l’accomplissement de certains actes par l’occupant des lieux, la demande de la société Seqens formée à ce titre sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La nature de la demande impose de laisser les dépens à la charge de M. [L].

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Accorde à M. [L] un délai pour quitter le logement qu’il occupe au [Adresse 1] à [Localité 2], jusqu’au 30 juin 2025 inclus ;

Rejette la demande de Seqens tendant à dire que les délais qui pourront être octroyés à M. [L] seront subordonnés au paiement régulier de l’indemnité d’occupation et qu’à défaut de règlement d’une seule échéance, la procédure d’expulsion pourra être reprise ;

Condamne M. [L] aux dépens.

Le Greffier Le Juge de l’Exécution


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