Délai accordé pour quitter un logement en raison de circonstances familiales et financières.

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Délai accordé pour quitter un logement en raison de circonstances familiales et financières.

L’Essentiel : Le 3 juin 2016, Monsieur et Madame [Z] ont loué un logement à Monsieur et Madame [R]. Le 28 juin 2023, un commandement de payer a été délivré aux locataires. Le 19 janvier 2024, le juge des référés a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, suspendant ses effets. Cependant, le 7 août 2024, un commandement de quitter les lieux a été émis. Les époux [R] ont demandé un délai supplémentaire, invoquant des difficultés financières et des retards de paiement dus à une erreur de gestion. Le juge a finalement accordé un délai de 6 mois pour quitter le logement, tout en déboutant leur demande d’annulation.

Contexte du litige

Par acte en date du 3 juin 2016, Monsieur [N] [Z] et Madame [W] [S] épouse [Z] ont donné à bail un logement à Monsieur [V] [R] et à Madame [D] [R] situé à [Localité 4] (33). Le 28 juin 2023, les époux [Z] ont délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire aux époux [R].

Décisions judiciaires antérieures

Le 19 janvier 2024, le juge des référés a constaté l’acquisition de la clause résolutoire tout en suspendant ses effets, accordant des délais de paiement aux locataires. Cependant, le 7 août 2024, les époux [Z] ont délivré un commandement de quitter les lieux. Les époux [R] ont alors saisi le juge de l’exécution le 30 septembre 2024 pour obtenir un délai supplémentaire pour quitter le logement.

Arguments des époux [R]

Lors de l’audience du 3 décembre 2024, les époux [R] ont demandé l’inapplication du commandement de quitter les lieux et, à titre subsidiaire, un délai de 12 mois pour se reloger. Ils ont soutenu avoir respecté l’échéancier de paiement fixé par le juge, imputant le retard d’encaissement d’un chèque à une erreur du gestionnaire. Ils ont également évoqué leur situation familiale et financière, justifiant leur besoin de temps supplémentaire pour trouver un nouveau logement.

Réponse des époux [Z]

Les époux [Z] ont contesté la demande des époux [R], affirmant que le commandement de quitter les lieux avait été valablement délivré. Ils ont souligné que les paiements des loyers avaient été effectués après la date d’échéance, en violation de l’ordonnance du 19 janvier 2024. Ils ont proposé un délai de 6 mois pour quitter les lieux, à condition que les paiements soient effectués à temps.

Analyse du juge

Le juge a examiné les manquements des époux [R] aux obligations de paiement et a constaté que la clause de déchéance du terme avait été correctement appliquée par les époux [Z]. Concernant la demande de délais pour quitter les lieux, le juge a pris en compte les revenus des époux [R] et leur situation familiale, tout en respectant le droit de propriété des bailleurs.

Décision finale

Le juge a débouté les époux [R] de leur demande d’annulation du commandement de quitter les lieux, tout en leur accordant un délai de 6 mois pour quitter le logement. Les époux [R] ont été condamnés aux dépens, et la décision a été déclarée exécutoire de plein droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre légal concernant le commandement de quitter les lieux ?

Le cadre légal relatif au commandement de quitter les lieux est principalement régi par l’article L412-1 du Code des procédures civiles d’exécution. Cet article stipule :

« Si l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7.

Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai. »

Dans le cas présent, les époux [Z] ont délivré un commandement de quitter les lieux en raison de manquements répétés aux obligations de paiement des époux [R].

Il est important de noter que l’ordonnance de référé du 19 janvier 2024 a établi des délais de paiement spécifiques, stipulant que l’absence de paiement à l’échéance rendait le solde dû exigible et redonnait à la clause de résiliation de plein droit son effet.

Ainsi, les époux [Z] ont agi conformément à la loi en délivrant le commandement de quitter les lieux, justifié par les manquements des locataires.

Quelles sont les conditions pour obtenir un délai pour quitter les lieux ?

Les conditions pour obtenir un délai pour quitter les lieux sont définies par l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, qui dispose :

« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…) ».

De plus, l’article L. 412-4 précise que :

« La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. »

Dans cette affaire, les époux [R] ont justifié de leurs revenus et de leur situation familiale, ce qui a permis au juge d’accorder un délai de 6 mois pour quitter les lieux, en tenant compte de l’accord des bailleurs et de la tension du marché locatif.

Quelles sont les conséquences de l’absence de paiement des loyers ?

Les conséquences de l’absence de paiement des loyers sont clairement établies dans l’ordonnance de référé du 19 janvier 2024. Cette ordonnance stipule que :

« L’absence de paiement à l’échéance rend le solde dû exigible et redonne à la clause de résiliation de plein droit son effet. »

Cela signifie que si les locataires ne respectent pas les délais de paiement convenus, le propriétaire peut se prévaloir de la clause résolutoire et procéder à l’expulsion.

Dans le cas des époux [R], il a été constaté que les paiements des loyers n’ont pas été effectués dans les délais prévus, ce qui a conduit les époux [Z] à délivrer un commandement de quitter les lieux.

Les manquements répétés aux obligations de paiement ont donc eu pour conséquence directe la validité du commandement de quitter les lieux, conformément aux dispositions légales en vigueur.

Comment le juge évalue-t-il la demande de délais pour quitter les lieux ?

Le juge évalue la demande de délais pour quitter les lieux en tenant compte de plusieurs critères, comme le stipule l’article L. 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution.

Il doit considérer :

– La bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations.
– Les situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, et la situation de famille ou de fortune.
– Les diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
– Le droit à un logement décent et indépendant.

Dans cette affaire, les époux [R] ont présenté des éléments justifiant leur situation financière et familiale, ce qui a permis au juge de conclure à la nécessité d’accorder un délai de 6 mois pour quitter le logement.

Le juge a ainsi établi un équilibre entre les droits du propriétaire et les besoins des locataires, conformément aux principes de dignité humaine et d’accès à un logement décent.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 14 Janvier 2025

DOSSIER N° RG 24/08403 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZUP2
Minute n° 25/ 14

DEMANDEURS

Monsieur [V] [R]
né le 18 Août 1966 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]

Madame [D] [R]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]

représentés par Maître David BENSAHKOUN, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

Monsieur [N] [Z]
né le 21 Octobre 1942 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 6] [Localité 4]

Madame [W] [S] épouse [Z]
née le 19 Avril 1942 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 6] [Localité 4]

représentés par Maître Fabien DUCOS-ADER de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 03 Décembre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 14 Janvier 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 14 janvier 2025
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 3 juin 2016, Monsieur [N] [Z] et Madame [W] [S] épouse [Z] ont donné à bail à Monsieur [V] [R] et à Madame [D] [R] un logement sis au [Localité 4] (33).

Par acte de commissaire de justice du 28 juin 2023, les époux [Z] ont fait délivrer aux époux [R] un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Par ordonnance de référé en date du 19 janvier 2024, le juge des référés a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et suspendu ses effets en accordant des délais de paiement aux locataires. Par acte du 7 août 2024, les époux [Z] ont fait délivrer un commandement de quitter les lieux.

Par requête reçue le 30 septembre 2024, les époux [R] ont saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin d’obtenir un délai pour quitter les lieux.

A l’audience du 3 décembre 2024, ils sollicitent l’inapplication du commandement de quitter les lieux du 7 août 2024 et à titre subsidiaire un délai de 12 mois pour quitter les lieux. Ils demandent également que chacune des parties conserve la charge de ses dépens.

Au soutien de leur demande principale, ils font valoir qu’ils ont honoré l’échéancier fixé par le juge des contentieux de la protection, le retard d’encaissement du chèque de mois de mai 2024 étant imputable à une erreur du gestionnaire et non de leur fait. A titre subsidiaire, ils fondent leur demande de délais pour quitter les lieux sur le fait qu’ils sont tous les deux employés à la CPAM et disposent de revenus réguliers mais hébergent encore l’un de leurs enfants majeurs et paient les frais nécessaires aux études de leurs deux enfants. Ils soutiennent avoir besoin de davantage de temps pour se reloger.

A l’audience du 3 décembre 2024, les époux [Z] concluent au rejet de la demande principale. Ils indiquent ne pas s’opposer à ce qu’un délai de 6 mois soit accordé aux locataires pour quitter les lieux soit jusqu’au 7 avril 2025. Enfin, ils sollicitent la condamnation des demandeurs aux dépens.

Les époux [Z] soutiennent que le commandement de quitter les lieux a été valablement délivré, les paiements des diverses échéances sont très régulièrement intervenus bien après le 5 du mois en cours en infraction avec les dispositions de l’ordonnance du 19 janvier 2024. Ils contestent toute erreur du gestionnaire concernant l’encaissement du loyer de mai 2024 retardé en raison d’un défaut de provision. Ils s’accordent pour que des délais pour quitter les lieux soient alloués moyennant le paiement de chaque échéance au 5 de chaque mois.

Le délibéré a été fixé au 14 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le commandement de quitter les lieux

L’article L412-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Si l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai. »

L’ordonnance de référé du 19 janvier 2024 prévoit notamment en son dispositif des délais de paiement à raison de 35 versements mensuels de 200 euros en sus des loyers courants, cette échéance devant être payée le 5ème jour de chaque mois. Il est également prévu que l’absence de paiement à l’échéance rend le solde dû exigible et redonne à la clause de résiliation de plein droit son effet.
Cette décision a été signifiée par acte de commissaire de justice du 27 février 2024.

Le relevé de compte locataire fourni par les défendeurs arrêté au 7 octobre 2024 mentionne les dates de paiement suivantes au titre des loyers et arriérés :
– 9 janvier 2024
– 21 février 2024
– 6 mars 2024
– 8 avril 2024
– 6 mai 2024
– 5 juin 2024, revenu impayé et régularisé par virement du 27 juin 2024
– 9 juillet 2024
– 28 août 2024
– 26 septembre 2024

Si les demandeurs versent aux débats un mail adressé au mandataire des bailleurs faisant état d’un encaissement avec retard du chèque de loyer du mois de mai, force est de constater que la date d’échéance du 5 n’a quasiment jamais été respectée par les époux [R] au cours des délais qui leur ont été alloués.

Compte tenu de ces manquements répétés aux dispositions de l’ordonnance du 19 janvier 2024, les époux [Z] se sont prévalus à bon droit de la clause de déchéance du terme prévue par cette décision et étaient fondés à délivrer le commandement de quitter les lieux qui doit donc trouver application.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Au visa de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, « Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…) ».

L’article L. 412-4 du même code précise que : « La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés ».

Il résulte de la combinaison de ces textes qu’il appartient au juge, en considération de ces dispositions, d’octroyer ou non des délais dans le respect du droit de propriété dont le caractère est absolu et du principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine, de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accès à un logement décent, du droit à la vie privée et familiale, au domicile, dans le cadre d’un nécessaire contrôle de proportionnalité, ayant pour finalité d’établir un juste équilibre entre deux revendications contraires, celle du propriétaire et celle de l’occupant sans droit ni titre.

En l’espèce, les époux [R] justifient de leurs revenus à raison d’environ 1800 euros mensuels pour Madame et Monsieur environ 2500 euros. Ils produisent leur avis d’impôt 2024 mentionnant un revenu global de 64 038 euros. Ils justifient enfin du fait que leurs deux enfants majeurs font des études supérieures, pour l’un à [Localité 3] en étant logé chez eux et pour l’autre à [Localité 5].

Compte tenu de l’accord des bailleurs et de la tension du marché locatif bordelais, il y a lieu d’allouer aux demandeurs un délai de 6 mois à compter de la présente décision pour quitter le logement, à charge pour eux d’acquitter le loyer et les arriérés avant le 5 de chaque mois.

Sur les demandes annexes

Les demandeurs, partie perdante, conserveront la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’Exécution, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,

DEBOUTE Monsieur [V] [R] et Madame [D] [R] de leur demande tendant à voir annulé le commandement de quitter les lieux délivré par acte du 7 août 2024,

ALLOUE à Monsieur [V] [R] et à Madame [D] [R] un délai de 6 mois à compter de la présente décision pour quitter les lieux loués sis [Adresse 1] [Localité 4],

CONDAMNE Monsieur [V] [R] et Madame [D] [R] aux dépens,

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel lui-même n’ayant pas d’effet suspensif par application des dispositions de l’article R. 121- 21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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